Préparation évangélique

LIVRE V

CHAPITRE I
NOUVELLE PREUVE DE L’ACTION DES MAUVAIS DÉMONS DANS LES DIVINATIONS ET LES ORACLES PAÏENS : LEUR IMPUISSANCE ET LEUR CHUTE DEPUIS LA PRÉDICATION DE L’ÉVANGILE DE NOTRE SAUVEUR

Nous avons déjà prouvé surabondamment qu’ils n’étaient rien moins que des dieux ou même de bons démons, tous ces êtres auxquels la superstition païenne offrait un encens idolâtre, dans les villes et les campagnes. Cependant il nous est impossible de ne pas ajouter encore à celles que nous avons déjà données, des preuves plus nombreuses et plus puissantes, qui mettront dans tout son jour le bienfait de la doctrine évangélique de notre Sauveur, en montrant que c’est elle que les hommes sont redevables de leur délivrance de ces antiques erreurs. Nous avons d’abord pour nous le témoignage des Grecs eux-mêmes, qui avouent que leurs oracles n’ont cessé de parler qu’à l’époque de la prédication de l’Évangile du salut, alors que ces divins enseignements, comme un flambeau lumineux, apprirent aux hommes la connaissance d’un seul Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ. En effet, c’est à cette époque, comme nous le ferons voir, que l’histoire commence à faire mention de la chute des démons ; dès lors, plus de ces merveilles des anciens oracles qui avaient fait tant de bruit autrefois. Nous avons déjà eu occasion de démontrer que ce n’était qu’à la même époque de la prédication évangélique qu’avait cessé la coutume barbare des sacrifices humains, en usage auparavant chez tous les peuples. Maintenant nous croyons devoir ajouter ici que ce ne sont pas seulement les superstitions païennes qui ont disparu alors, mais que de cette époque date également la décadence de tous ces mille gouvernements qui existaient dans chaque ville et presque dans chaque village. C’étaient partout des rois, des tyrans, des préfets, des princes : funeste polyarchie des nations, d’où il résultait que les peuples se consumaient dans des guerres mutuelles, dévastaient les provinces, ruinaient les villes, réduisaient en esclavage ou emmenaient en captivité les peuples voisins, sous l’impulsion de leurs démons qui allumaient toutes ces guerres. Dans un tel état de choses, je vous laisse à penser qu’elle devait être la vie des hommes ainsi ballottée de malheurs en malheurs, et soumise à tous les genres de fléaux. Maintenant donc que nous avons vu toutes ces suites funestes des erreurs du polythéisme, qui pesaient sur l’humanité, disparaître à l’avènement de notre Sauveur sur la terre, qui n’admirerait le grand mystère qui nous a été révélé par la prédication de la doctrine vraiment salutaire de l’Évangile ? Car c’est par elle que se sont élevés par toute la terre, dans les villes et les campagnes, au milieu des déserts des nations barbares, ces temples et ces autels en l’honneur du monarque universel, du Dieu unique et créateur de toutes choses : c’est à elle que les hommes, les femmes, les enfants doivent ces livres, ces leçons, ces préceptes, dont les enseignements forment l’âme aux plus sublimes vertus et à la véritable piété. Elle a tué tous ces oracles, toutes ces prophéties des démons. Depuis que le flambeau divin de la doctrine de notre Sauveur a brillé sur tout l’univers, montrez-nous encore de ces hommes qui n’épargnaient pas le sang humain, celui même de leurs proches et de leurs plus tendres amis, pour se rendre favorables des démons, ennemis de l’humanité, altérés de sang et de carnage. Et cependant, ces excès n’étaient pas seulement autrefois ceux de la multitude grossière et ignorante, on les voyait chez les rois, chez les philosophes qui s’étaient voués au culte des démons. Que la puissance et l’action des démons ait été anéantie du moment que notre Sauveur a paru parmi les hommes, c’est un fait que ne saurait s’empêcher de reconnaître le défenseur des démons, dans le traité qu’il a fait contre nous.

« On s’étonne, dit-il, que la ville soit depuis tant d’années en proie à ce fléau, et qu’on n’éprouve plus l’assistance d’Esculape ni des autres dieux. Depuis que Jésus a commencé à compter des sectateurs, personne n’a plus éprouvé les heureux effets de l’intervention des dieux. »

Telles sont les propres paroles de Porphyre. Si donc, de son propre aveu, du jour où Jésus-Christ a commencé à avoir des adorateurs, la protection publique des dieux a cessé de se faire sentir, Esculape et les autres dieux ont refusé aux hommes leur assistance, sur quoi pouvait être fondée la doctrine qui en faisait des dieux et des héros ? Esculape et les autres dieux ne devaient-ils pas alors prévaloir contre ce Jésus, s’il est vrai qu’il ne soit, comme on se plaît à le dire, qu’un homme mortel ou plutôt un imposteur, tandis que les autres sont les véritables dieux, les vrais sauveurs ? Pourquoi Esculape a-t-il pris la fuite avec le reste des dieux, pourquoi se sont-ils retirés devant un homme mortel, pourquoi ont-ils laissé, pour ainsi dire, l’humanité tout entière au pouvoir d’un homme qui n’est plus ? Mais non, le culte de cet homme s’affermit de jour en jour parmi les nations, et il suffit d’ouvrir les yeux à la lumière pour apercevoir là une preuve évidente et vraiment divine de son existence après sa mort ; car lui seul, par le seul effet de sa puissance, comme il est facile de le voir, a chassé de l’univers cette multitude de dieux : il les a dépossédés de leurs honneurs, les a condamnés à ne plus être des dieux, à perdre toute leur puissance, à ne plus paraître nulle part, à ne plus rendre, comme autrefois, leur présence sensible au milieu des villes, parce qu’ils n’étaient que de mauvais démons et non des dieux. Il a vu au contraire son culte et celui du Dieu qui l’a envoyé, prendre tous les jours de nouveaux accroissements et s’emparer du genre humain tout entier. Les dieux des nations, s’il y en avait eu dont la Providence se fût étendue sur les choses de la terre, ne devaient-ils pas extirper la prétendue erreur, et environner tous les hommes de leur protection la plus généreuse et la plus puissante, pour les défendre contre la séduction ? Et certes, ils ont en effet tenté plus d’une fois, lorsqu’à diverses époques ils ont armé le bras des empereurs de tous les moyens de destruction contre la religion de notre Sauveur. Mais toujours leurs efforts ont été impuissants, toujours la puissance divine de notre Sauveur a triomphé de toutes leurs attaques, toujours sa doctrine céleste a réduit au néant toutes leurs manœuvres, et elle a fini par les chasser eux-mêmes, eux, dis-je, les mauvais démons, décorés faussement du titre de dieux ou de bons démons.

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