Préparation évangélique

LIVRE VII

CHAPITRE XI
SENTIMENT DES HÉBREUX AU SUJET DE DIEU, PREMIÈRE CAUSE DE TOUTES CHOSES

La théologie hébraïque pose comme premier principe une puissance créatrice de tous les êtres ; elle appuie ses dogmes et sa morale, non sur de longs raisonnements, de simples conjectures, mais sur l’inspiration du Saint-Esprit. Ecoutez le début de Moïse, ce sublime interprète du Ciel :

« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gen., I, 1).

Il poursuit ainsi :

« Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. »

Et encore :

« Que le firmament soit, et il fut. »

« Dieu dit : Que la terre produise une herbe verdoyante qui porte une semence de son espèce et qui lui ressemble, et un bois fécond portant du fruit dont la semence soit en lui, selon son genre, sur la terre, et cela fut fait. »

« Dieu dit encore : Qu’il se fasse des luminaires dans le firmament du ciel, de manière qu’ils luisent sur la terre et servent à marquer les signes, les jours et les années, et cela fut fait. »

« Dieu ajouta : Que les eaux produisent des reptiles doués d’âmes vivantes, et tous les volatiles du ciel, selon leur genre, et cela fut fait (Gen., I, 24 et suiv.). »

Dans tous ces récits, l’Ecriture, par cette formule,

« Dieu dit, »

fait entendre que tout a été fait par l’unique assentiment de la volonté de Dieu, et qu’il n’est pas nécessaire que nous supposions qu’il ait fait usage de paroles et de syllabes. Moïse, en récapitulant tous les points de son récit, ajoute :

« Ce livre est celui de la génération du ciel et de la terre, au jour où Dieu fit le ciel et la terre, et tout ce qu’ils contiennent » (Gen., II, 4).

Mais si les Hébreux nous enseignent que Dieu a créé le monde par la puissance de sa parole, ils nous enseignent aussi qu’il ne l’abandonne point comme un orphelin est abandonné par son père : il le gouverne par sa Providence éternelle ; il en est non seulement l’auteur, le créateur, mais encore le sauveur, le modérateur, le roi suprême ; il préside au soleil, à la lune, aux étoiles, à tous les corps répandus dans l’espace ; d’un regard perçant, immense, il embrasse tout au ciel et en la terre, il entretient l’ordre et l’harmonie dans tout l’univers. C’est pour cela sans doute que les prophètes postérieurs à Moïse, remplis des mêmes inspirations, s’écrient en faisant parler Dieu lui-même :

« Je suis un Dieu qui s’approche, dit le Seigneur, et non pas un Dieu qui vient de loin : si un homme fait quelque chose dans les ténèbres, ne le saurai-je point ? Ne remplis-je donc pas le ciel et la terre ? dit le Seigneur » (Jer., XXIII, 24).

« Quel est celui, continuent-ils, qui a mesuré l’eau avec la main, le ciel avec l’espace qui est entre le pouce et le petit doigt, et la terre avec la paume de la main ? » (Jer., XL, 22).

« Quel est celui qui a pesé les montagnes avec un poids, et les collines avec une balance ? Quel est celui qui a connu l’esprit du Seigneur et qui a été son conseiller » (Is, XL, 26) ?

Et encore :

« Quel est celui qui a établi le ciel comme une chambre voûtée, et qui l’a étendu comme une tente pour l’habiter » (Ibid., XLII, 5) ?

Ensuite :

« Levez vos yeux en haut, et voyez quel est celui qui a démontré toutes les choses. »

Un peu plus loin :

« Le Seigneur Dieu qui a fait le ciel et l’a consolidé, qui a affermi la terre et tout eu qu’elle contient, qui a donné la respiration aux peuples qui l’habitent, et le souffle à ceux qui foulent son sol : c’est moi qui suis le Seigneur » (Ibid., XLIV, 24).

Et ailleurs :

« Je suis le Seigneur Dieu ; il n’y en a pas d’autre que moi. »

Et encore :

« Vous leur parlerez ainsi : Que ces dieux qui n’ont fait ni le ciel ni la terre soient anéantis de la face du ciel et de dessous le ciel. C’est le Seigneur qui a créé la terre dans sa force, et qui a rectifié le globe dans sa sagesse, et qui, dans sa prudence, a étendu le ciel et a élevé les nuages des extrémités de la terre, qui a converti les foudres en pluie, et a tiré les vents de ses trésors. Tout homme est devenu fou à force de connaissances » (Jér., X, 11).

Enfin :

« Où irai-je pour m’éloigner de ton esprit, et où me mettrai-je à couvert de ta face ? Si je monte au ciel, tu y es ; si je descends aux enfers, tu y es encore ; si j’étends mes ailes au point du jour et que je m’élance jusqu’aux extrémités de l’univers, c’est ta main qui m’y conduira. »

Quoi de plus sublime que ces expressions et autres semblables des théologiens qui vécurent après Moïse, véritables Hébreux dont les hymnes sur la Divinité rappellent les hymnes des âges les plus reculés ; car ceux qui avaient vécu avant Moïse n’avaient exprimé des sentiments ni moins tendres ni moins consolants. Ecoutez-les, ces premiers Hébreux, et surtout Abraham, leur chef, célèbre par le titre de père de la nation juive.

« Abraham dit au roi de Sodome : J’étendrai ma main vers le Dieu suprême qui a fait le ciel et la terre. »

Déjà Melchisédec, prêtre du Très-Haut, l’avait béni lui-même en ces termes :

« Béni sois-tu, Abraham, par le Très-Haut, qui a réduit tes ennemis sous ta puissance ; et béni soit le Dieu qui a créé le ciel et la terre ! »

Les Ecritures nous montrent encore le même Abraham parlant ainsi à son serviteur :

« Mets ta main sous ma cuisse, et je te ferai prêter serment par le Seigneur, Dieu du ciel et de la terre. »

Et un peu plus bas :

« Le Seigneur Dieu du ciel et de la terre, qui m’a tiré de la maison de mon père et du pays où je suis né. »

On peut ajouter la réponse que fit l’oracle à Moïse qui, lorsque Dieu lui apparut, demanda quelle idée on devait avoir de lui :

« Je suis celui qui est ; tu tiendras ce langage aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous. »

Les passages de ce genre sont innombrables dans la théologie hébraïque ; je me borne à ce petit nombre. Qui oserait mettre en parallèle la théologie des savants de la Grèce ? Les uns rejettent toute divinité ; les autres regardent comme dieux les astres, qu’ils supposent aussi des globes incandescents attachés au ciel comme des clous et des lances ; d’autres soutiennent que la Divinité est un feu artificiel qui se meut régulièrement ; ceux-ci veulent que le monde ne soit pas gouverné par la Providence divine, mais par une certaine nature aveugle ; ceux-là veulent que cette Providence se borne au soin des choses célestes, sans s’occuper de la terre ; quelques-uns croient que le monde est incréé, qu’il ne vient nullement de Dieu, et que c’est par un pur effet du hasard qu’il se trouve composé comme il est : quelques autres croient qu’il est le résultat d’atomes et de corps subtils dépourvus de vie et de raison. Nous ne nous étendrons pas davantage sur le sentiment des Hébreux relativement au Dieu de l’univers. Ce que nous avons naturellement à examiner, maintenant que ce Dieu nous est connu, c’est leur opinion sur le principe des choses créées.

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