Préparation évangélique

LIVRE VII

CHAPITRE XV
DE LA FORMATION DES CRÉATURES RAISONNABLES

Il y a donc, d’après les Hébreux, outre l’essence incréée et sans commencement du Tout-Puissant, un principe sortant du sein du Père seul, son premier né, le coopérateur de ses desseins, sa ressemblance parfaite : principe infiniment supérieur à tous les êtres qui le suivent dans la hiérarchie céleste, et que pour cette raison on appelle ordinairement l’image de Dieu, la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, le Verbe de Dieu, le chef suprême des armées de Dieu, l’ange du grand conseil. Quelles sont les puissances intelligentes et spirituelles qui le suivent, c’est ce qu’il est impossible à l’homme d’expliquer, tant leur nombre est grand, tant leurs qualités sont différentes ? On ne peut en donner une idée que par analogie, par la comparaison des objets visibles, le soleil, Ia lune, les astres et le ciel lui-même, qui enveloppe tout de son vaste circuit.

« Autre est la clarté du soleil, autre la clarté de la lune, autre la clarté des étoiles, » dit le divin apôtre ; « un astre diffère en gloire d’un autre astre. »

De même représentez-vous divers degrés dans ces esprits inconnus. En premier lieu est la vertu incompréhensible de Dieu le Père qui, comme le ciel, renferme tout dans son immensité ; en second lieu la vertu de Dieu le Père qui, comme le soleil, féconde et éclaire, et que l’on nomme à ce double titre, lumière véritable, soleil de justice ; en troisième lieu la vertu du Saint-Esprit qui, comme la lune dans le monde, entre en partage de la première et royale dignité de principe de l’univers, puisqu’il a été établi par le créateur, principe des choses qui viennent après lui, qui sont au-dessous de lui, et ont besoin de son assistance. Sa fonction est donc de communiquer aux êtres inférieurs les vertus supérieures dont il abonde et qu’il reçoit à son tour d’un autre, du Verbe divin plus élevé et plus puissant que lui, mais qui de son côté a au-dessus de lui, comme nous l’avons remarqué, l’essence suprême et incréée du Père tout-puissant. Car c’est du Père que le Fils tire toute sa force, c’est dans le Père qu’il puise sa Divinité comme d’une source intarissable, pour répandre pleinement et sans réserve les rayons de sa propre lumière sur tout ce qui l’environne, d’abord sur l’Esprit saint qui lui est uni par les liens les plus étroits, ensuite sur les autres puissances intelligentes et divines. Ainsi le principe incréé de tout, la source de tout bien, l’auteur de toute divinité, de toute vie, de toute lumière, de toute vertu, le premier principe des premiers principes eux-mêmes, ou plutôt, le principe supérieur à tout principe, principe inénarrable, incompréhensible, a communiqué tout ce que renferment ses ineffables attributs à son premier né, comme étant seul capable de recevoir, de porter l’abondance des biens paternels qui excédaient les forces et la capacité de tous les autres êtres. Quant à ceux-ci, ces biens leur sont distribués séparément, selon le mérite et la portée de chacun, par le ministère du second principe qui réserve cependant les plus parfaits et les plus purs pour le troisième principe, prince et chef des intelligences inférieures, qui s’enrichit des dons du Père par le Fils. Les théologiens hébreux sont unanimes sur cette distinction d’un Dieu suprême, d’une sagesse première née de son sein, et d’une troisième puissance royalement divine qu’ils appellent le Saint-Esprit, par lequel les prophètes ont été inspirés.

Après le ciel, le soleil, la lune, les Hébreux reconnaissent des astres qui diffèrent entre eux. Aucun mortel ne pourrait les compter ; mais le Dieu puissant sait le nombre et le nom de toutes les étoiles qui composent la milice céleste :

« Celui qui compte la multitude des étoiles, disent les Écritures, et les appelle toutes par leur nom ».

Ainsi, après les trois premières vertus, sont des vertus incorporelles que nous pouvons nous figurer comme des étoiles qui brillent de la force, de l’essence de la lumière de l’intelligence. Entre elles existent de grandes différences que nous ne saisissons pas ; leurs familles, leurs espèces sont innombrables, mais rien n’est caché au Créateur de l’univers. Aussi un prophète, pour célébrer cette science qui n’appartient qu’à lui seul, s’écrie-t-il ;

« Des myriades de myriades le servaient, des mille et mille se tenaient en sa présence », montrant par ce nombre déterminé que Dieu connaît le nombre exact des astres, et par l’immensité du même nombre, que l’homme ne peut les supputer ; car ce qui est très nombreux, infini, nous avons coutume, pour en faire sentir la grandeur, de l’appeler myriade. Un autre prophète parlant de la nature, interpelle l’Auteur de l’univers d’une manière digne de lui :

« Seigneur mon Dieu, que vous avez porté haut votre gloire ! Vous avez revêtu une admirable magnificence en vous environnant de la lumière comme d’un vêtement. Vos anges, vous les rendrez rapides comme les vents, et vos ministres actifs comme la flamme ».

Ne croyez pas cependant que ces esprits participent en rien de notre feu mortel et terrestre, ni qu’ils soient formés, comme les vents, d’une substance aérienne dépourvue de raison. De même que Dieu, quoique incorporel, dégagé de toute matière, entièrement esprit, ou plutôt au-dessus de tout esprit et de toute expression, est appelé par métaphore, souffle, feu, lumière, et de plusieurs autres noms appropriés à nos oreilles, de même les saints livres appellent anges, archanges, esprits, vertus divines, armées célestes, principautés, puissances, trônes, dominations, tous ces êtres spirituels et raisonnables qui forment comme une longue suite d’étoiles et de flambeaux, les représentent comme guides et commandés par le soleil de justice, de concert avec le Saint-Esprit, et les invitent tous à s’unir au Fils et à l’Esprit, à tous les animaux doués d’intelligence et de raison, à tous les objets qui existent sous le ciel, au ciel lui-même et à tout ce qu’il renferme pour chanter un hymne solennel, digne de sa majesté, en l’honneur du seul Dieu tout puissant, roi, monarque, principe suprême, comme au créateur, à l’architecte, au modérateur, au sauveur de l’univers :

« Louez le Seigneur du haut des cieux ; louez-le dans les lieux les plus élevés. Louez-le, vous qui êtes ses anges, louez-le, vous qui êtes ses puissances ; louez-le, soleil et lune, louez-le, étoiles et lumière, louez-le toutes ensemble. Louez-le, cieux des cieux ; que toutes les eaux qui sont sous les cieux louent le nom du Seigneur. Parce qu’il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé. Il a établi le monde pour subsister éternellement ; il a donné ses ordres, et ils ne seront point violés ».

Qui ne trouvera avec nous que ces dogmes des Hébreux sont mille fois préférables au polythéisme des Grecs et à leurs fables diaboliques ? Car, quoique nous reconnaissions des puissances divines destinées à servir le Tout-Puissant et à exécuter ses ordres, et que nous leur rendions de justes honneurs, nous ne reconnaissons et n’adorons qu’un seul Dieu, celui-là que les créatures qui sont dans le ciel, sous le ciel et au-dessus du ciel ont appris à adorer, à chanter, à proclamer, d’autant plus que le Fils unique de Dieu lui-même, le premier né, le principe de tout ce qui existe, nous ordonne de ne reconnaître que son Père pour Dieu véritable, et de n’adorer que lui.

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