Préparation évangélique

LIVRE VII

CHAPITRE XVI
DES PUISSANCES CONTRAIRES

Examinons ce que disent les Hébreux des puissances contraires. D’un côté, ils enseignent que les puissances divines que le Père a préposées au gouvernement du monde, que « les esprits qu’il envoie pour exercer un ministère de salut en faveur de ceux qui doivent avoir un royaume en héritage » (Hébr. I, 14),

que les saints anges et archanges, que tous les êtres immatériels, brillants d’innocence et de gloire, qui sont les dispensateurs de ses dons envers les hommes, forment la cour de ce grand roi, satellites, à la manière des astres, du soleil de justice et de son second, le Saint-Esprit, de l’abondance desquelles ils tirent leur propre lumière, ce qui fait qu’on les compare avec raison aux flambeaux célestes. D’un autre côté, ils enseignent qu’il y a de ces puissances qui sont tombées, qui, par leur faute, se sont séparées des puissances fidèles, qui ont échangé contre les ténèbres la lumière dont elles étaient d’abord revêtues ; et ils leur donnent des noms convenables à la perversité de leur conduite. Le premier coupable, celui qui, non content d’avoir quitté le sentier du bien, le fit encore quitter aux autres, vu qu’il s’est précipité du sein de la perfection dans le sein de vices grossiers, qu’il s’est comme incorporé le venin de la corruption et de l’impiété, qu’il s’est retiré de lui-même du séjour de la lumière pour habiter le séjour de la confusion et des ténèbres, est ordinairement appelé dragon, serpent noir et rampant, auteur d’un poison mortel, bête féroce, lion avide du sang des hommes, roi des reptiles. Et quelle a été la cause de cette chute fatale ? l’orgueil de l’esprit, l’égarement de l’intelligence ! Je laisse les livres saints peindre la profondeur de cette chute insensée :

« Comment es-tu tombé du ciel. Lucifer, toi qui paraissais si brillant au point du jour ? Comment as-tu été renversé sur la terre, toi qui dictais des ordres aux nations ? Tu as dit dans ton cœur : Je monterai au ciel, j’établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu, je serai semblable au Très-Haut » (Is., XIV, 12-13).

Et encore :

« Voici ce que dit le Seigneur : Parce que ton cœur s’est exalté et que tu as dit : Je suis un Dieu, j’ai habité dans le séjour de Dieu. »

Et plus loin :

« Toi, le sceau de la ressemblance et la couronne de la beauté, tu naquis dans les délices du paradis de Dieu, tu t’es couvert des pierreries les plus précieuses. »

Le prophète termine ainsi :

« Tu es né sur la sainte montagne de Dieu, tu es né au milieu des pierres enflammées, tu étais irréprochable dans tes jours, depuis celui où tu fus créé, jusqu’à celui où les iniquités furent trouvées en toi, ton cœur s’est exalté à cause de ta beauté, elle t’a corrompu, cette beauté, avec ta science vaine, et, à raison de la multitude de tes crimes, je t’ai précipité sur la terre. »

De ces passages il résulte évidemment que cet ange criminel habitait auparavant au milieu des amis de Dieu, et qu’il n’a été chassé de leur société que pour son arrogance et sa rébellion. Sous lui existent des légions innombrables d’êtres coupables des mêmes crimes, qui ont été privés par leur impiété de l’héritage des bons et qui, au lieu de cet éclat, de ces ornements primitifs, de ces honneurs des royales demeures, de ce doux commerce avec les bienheureux et les anges, habitent, par l’effet d’une juste condamnation et de la sentence irrévocable de Dieu, un séjour convenable à des scélérats, le Tartare, que les Écritures appellent abîme ténébreux, non dans le sens que nous donnons à ces expressions, mais dans le sens particulier qu’elles déterminent. Une faible portion de ces esprits déchus, pour exercer la vertu des pieux athlètes laissés autour de la terre, dans la région des airs inférieure à la lune, a introduit parmi les hommes le polythéisme, erreur qui ne diffère pas de l’athéisme. Les livres sacrés leur donnent aussi des noms caractéristiques, tantôt en termes propres, comme quand elle les appelle mauvais esprits, démons, principautés, puissances, dominateurs du monde, génies corrupteurs ; tantôt en termes allégoriques, comme quand elle dit, pour montrer aux gens vertueux qu’ils n’ont point à craindre leurs attaques :

« Vous marcherez sur l’aspic et sur le basilic, tous foulerez aux pieds le lion et le dragon ».

Ce qui prouve à quel point ils détestent la Divinité, c’est qu’ils veulent qu’on les appelle eux-mêmes dieux, et qu’ils tâchent d’approprier clandestinement les honneurs qui n’appartiennent qu’au vrai Dieu, se servant des oracles et de leurs réponses pour attirer dans leurs pièges séducteurs les hommes faibles, les arracher à la pensée du Très-Haut et les précipiter dans le mortel abîme d’une impie superstition qui conduit à l’athéisme. Les Hébreux sont le seul peuple connu qui se soit éloigné avec horreur de ce culte infernal et ait enseigné ouvertement que les dieux des nations n’étaient autres que des démons. Maintenant, grâce à Dieu et à la doctrine évangélique de notre Sauveur, tous les peuples répandus sur la surface du globe, délivrés des liens des esprits méchants, célèbrent par des hymnes le Dieu que nous savons parfaitement être l’unique Sauveur, Roi et Dieu de l’univers.

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