Préparation évangélique

LIVRE VIII

CHAPITRE I
EXORDE DE LA RÉPUBLIQUE THÉOCRATIQUE DE MOÏSE

Après avoir décrit dans le livre précédent la vie des anciens Hébreux qui justifiaient le surnom de théophiles (hommes aimés de Dieu) qui leur a été donné, et qui, avant que Moïse parût, avaient mérité la couronne de toutes les vertus ; après avoir exposé leurs dogmes et leurs enseignements pieux auxquels nous avons déclaré que nous adhérions par l’affection et par le désir, je passe maintenant, en suivant l’ordre méthodique que je me suis tracé, à l’examen de la république fondée par Moïse, pour le seul peuple des Juifs, qui est le second degré pour nous élever progressivement à la perfection de la piété. Je dis au seul peuple des Juifs, parce qu’en effet les institutions de Moïse n’avaient rien qui convînt aux autres nations du globe, situées loin de la Judée, soit les Grecs, soit les Barbares, qui ne pouvaient, comme nous le prouverons à sa place, en observer les rites. Et, pour parler de la manière de vivre suivant Moïse, je ne me servirai pas de mes propres paroles, et je ne citerai que les auteurs qui se sont rendus célèbres par la connaissance approfondie des lois de leur pays. J’ai cru, en effet, devoir persévérer dans la marche que j’ai suivie jusqu’alors, en prenant les preuves de mes expositions dans les auteurs indigènes. De même que je n’ai invoqué pour les Phéniciens, les Égyptiens et les Grecs, que les témoignages des hommes versés parmi eux dans la connaissance de tout ce qui intéressait leur patrie ; ainsi dans la circonstance présente, je crois devoir mettre en scène les auteurs de la Judée, et ne pas introduire des assertions d’origine étrangère.

Cependant, avant d’aborder la question, je crois de première nécessité, de faire connaître aux lecteurs la manière dont les oracles saints des Juifs sont parvenue à la connaissance des Grecs ; comment s’est faite la traduction de ces livres réputés saints, par ceux qui ont cette foi par combien et par quelle espèce d’hommes elle a été faite ; par le zèle de quel roi la version grecque de ces livres a été complétée : cette exposition n’étant pas sans utilité pour le plan de la Préparation évangélique.

Puisque la prédication salutaire de l’Évangile de notre Seigneur était sur le point de se répandre dans l’empire romain, pour briller aux yeux de tous les hommes ; comme déjà un bruit qui avait de l’importance, mentionnait les prophéties qui le concernent, rappelait le genre dévie des anciens Hébreux et les enseignements de leur doctrine religieuse ; comme tout cela restait caché depuis des temps infinis dans l’idiome national des Juifs, il était temps que leurs livres fussent ouverts à toutes les nations qui étaient conviées, sans réserve, à connaître et à servir Dieu.

Ce fut Dieu en effet, auteur de tout bien, qui, préludant par la prescience divine de ce qui devait arriver un jour, disposa tout pour que les prédictions, concernant le Sauveur qui devait bientôt apparaître et qui devait enseigner la véritable religion à tous les peuples qui sont sous le soleil, fussent révélées à tous les hommes, qu’elles fussent soigneusement translatées et déposées dans les bibliothèques publiques. Il inspira donc au roi Ptolémée l’idée de cette entreprise, dans la vue, à ce qu’il paraît, de préparer à l’avance la communication qui devait bientôt en être faite à toutes les nations. Sans le secours de cette traduction providentiellement suggérée par Dieu, et habilement exécutée par des hommes distingués par le jugement et l’instruction dans tout ce qui regardait leurs lois et leurs usages, nous eussions été constamment privés de ces oracles que les Juifs, par l’envie qu’ils nous portent, s’efforçaient de tenir cachés. Voici ce qu’Aristée, homme non seulement savant à d’autres égards, mais qui avait pris part à cet événement, -qui s’est passé sous le second Ptolémée, surnommé Philadelphe, en rapporte. Ce monarque, voulant placer les écrits des Juifs dans la bibliothèque d’Alexandrie, mit beaucoup de zèle à en faire faire la traduction. Il est à propos d’entendre les paroles de l’historien, sur la manière dont cela eut lieu.

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