Préparation évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE XXVII
D’ARTAPAN SUR LE MÊME

« Artapan dit, dans son livre sur les Juifs, que la mort ayant frappé Abraham et son fils Mempsasthenoth, aussi bien que le roi des Égyptiens, le sceptre passa au fils de celui-ci, nommé Palmanoth, qui traita les Juifs avec indignité : D’abord il leur fit bâtir la ville de Céssan et élever le temple que cette ville renferme ; ensuite ils construisirent le temple qui est dans Héliopolis. Ce prince donna le jour à une fille nommée Merris, qu’il fiança à un certain Chenephré, qui régnait dans les lieux, au-dessus de Memphis ; car alors, l’Égypte était soumise à beaucoup de rois. Cette Merris étant stérile, elle adopta un enfant nommé Moyson ; les Grecs l’ont appelé Musée, qui devint maître d’Orphée : étant donc parvenu à la virilité, Moyson transmit aux hommes beaucoup d’inventions utiles, telles que les vaisseaux, les grues destinées à soulever et à placer des pierres, les armes dont les Égyptiens l’ont usage, les instruments d’hydraulique, les machines de guerre et la philosophie. Il divisa l’État en trente-six nomes, et ordonna à chacun de ces Nomes, d’adorer un dieu différent, enseigna aux prêtres les lettres sacrées qui sont : les chats, les chiens, les Ibis : il attribua aux prêtres une portion du territoire qui leur fut consacré. Il fit toutes ces choses dans la vue de conserver à Chenephré une monarchie à l’abri des révolutions. Avant ce temps, la populace était indisciplinée, tantôt elle détrônait les rois, puis, les remettait sur le trône ; souvent les mêmes, que quelquefois il remplaçait par des étrangers. Ces institutions firent chérir Moyson par la multitude, et les prêtres lui ayant attribué des honneurs pareils à ceux qu’on décerne à la divinité, le nommèrent Hermès, à cause de Ἑρρηνία (l’interprétation des lettres sacrées). Chenephré voyant tout le mérite de Moyson, conçut de l’envie contre lui, et chercha à le faire périr sous un prétexte spécieux. Les Éthiopiens étaient alors entrés en campagne contre l’Égypte, Chenephré croyant avoir trouvé une circonstance favorable, envoya Moyson avec une armée sous ses ordres pour les combattre. Il rassembla ceux de la même race que lui, supposant qu’en raison de leur faiblesse, ils seraient facilement vaincus par les ennemis, et Moyson étant venu dans le Nome, dit Hermopolite, avec environ 100,000 de ses compatriotes, y établit son camp.

Il envoya en avant de lui, dans la contrée, ceux des chefs de division qu’il connaissait comme devant se signaler dans les combats. Artapan dit que les Héliopolites assurent que cette guerre avait duré dix ans. Moyson, à cause de la force de l’armée qu’il avait sous ses ordres, construisit une ville dans ce lieu et y consacra le culte de l’ibis, parce que cet oiseau fait périr les animaux nuisibles à la race humaine. On nomma cette ville Hermopolis. les Éthiopiens, encore qu’ils fussent ses ennemis, portèrent une si grande affection à Moyson qu’il apprirent de lui la Circoncision. Cependant, tous les prêtres et Chenephré avec eux, lorsque la guerre fut terminée, l’accueillirent bien extérieurement ; mais, dans le fait, lui tendirent des embûches. Ayant modifié son armée, le roi en envoya une partie sur les frontières de l’Éthiopie, comme pour les couvrir ; il ordonna aux autres de démolir le temple construit en briques cuites qui était à Diospolis, et d’en élever un nouveau en pierres, en tirant eux-mêmes les pierres d’une montagne voisine ; il confia la surveillance de cette construction à Nacherot. Celui-ci étant venu à Memphis avec Moyson, questionna ce dernier pour savoir s’il connaissait encore quelque invention utile aux hommes. Moyson répondit que la race des bœufs pouvait servir à labourer la terre. Alors Chenéphré ayant donné au taureau le nom d’Apis, il ordonna que cette multitude lui élevât un temple, et fit transporter dans ce lieu tous les animaux consacrés par Moyson pour les y enterrer, voulant ainsi obscurcir les découvertes de Movson. Ayant, par ce moyen, cherché à aliéner l’attachement des Égyptiens pour Moyson, ils firent prêter serment à tous leurs amis, afin qu’ils ne révélassent pas à Moyson le complot formé contre lui, et demandèrent quels seraient ceux qui voudraient se charger de le tuer. Personne ne se présentant, Chenéphré injuria Chanethoth auquel il adressa surtout la parole ; celui-ci ayant été insulté, promit de se charger de l’exécution, en prenant son temps. Sur ces entrefaites, Merris étant morte, Chenéphré promit à Moyson et à Chanethoth de leur remettre son corps, afin que, le transportant dans les régions au-dessus de l’Égypte, ils lui rendissent les devoirs de la sépulture, en supposant que Moyson serait tué par Chanethoth. Lorsqu’ils cheminaient, un des complices découvrit à Moyson la trame ourdie contre lui ; ce dernier se tenant sur ses gardes, ensevelit Merris et donna son nom au fleuve et à la ville qu’il bâtit sur ses vives : les habitants, en effet, honorent Merris presqu’à l’égal d’Isis. Aaron, frère de Moyson, ayant connu le piège tendu à son frère, lui conseilla de fuir en Arabie, ce qu’il fit, d’après son avis. En traversant le fleuve auprès de Memphis, Chanethoth ayant eu avis de la fuite de Moyson, fit des dispositions pour qu’il pérît dans une embûche elle voyant venir à lui, il tira son glaive contre lui ; mais Moyson le prévenant saisit sa main, et tirant lui-même son épée, tua Chanetholh. Il se réfugia en Arabie et y vécut auprès de Raguel qui régnait dans ce pays : ce prince voulut faire la guerre aux Égyptiens dans l’intention de ramener Moyson et pour assurer un royaume à sa fille et à son gendre ; mais Moyson l’en empêcha, dans la prévoyance des dangers auxquels il exposerait ses compatriotes ; cependant tout en défendant à Raguel de faire ouvertement la guerre, il fui conseilla d’ordonner aux Arabes de faire des incursions en Égypte. Vers le même temps Chenephré mourut, atteint le premier de tous les hommes de l’éiéphantiasis : il fut frappé de cette maladie pour avoir prescrit aux Juifs de ne se vêtir que d’étoffes de lin, leur interdisant les vêtements de laine, afin qu’étant plus en évidence, il pût se livrer contre eux à des actes d’injuste violence. Mais Moyson adressa des prières à Dieu pour qu’il mît un terme aux tribulations de ces peuples. Dieu ayant été touché de ses prières, fit sortir des feux souterrains qui brûlaient, quoique le bois et toutes les matières combustibles manquassent dans ces lieux. Moyson effrayé de ce qui venait d’arriver, prit la fuite ; mais une voix divine lui ayant dit de faire la guerre en Égypte, de sauver les Juifs et de les ramener dans leur ancienne patrie, il reprit courage et se décida à conduire une forte armée contre les Égyptiens. D’abord il vint trouver son frère Aaron. Le roi des Égyptiens ayant eu avis de la présence de Moyson, l’appela près de lui et lui demanda dans quelle intention il était venu ; celui-ci lui ayant répondu que le maître de l’univers lui avait ordonné d’affranchir les Juifs, à cette réponse, le roi le fit enfermer dans une prison ; mais la nuit suivante, toutes les portes de la prison s’étant ouvertes d’elles-mêmes, une partie des gardiens périt, les autres furent ensevelis dans le sommeil, et leurs armes furent brisées. Moyson étant sorti de prison, vint au palais et y entra, en ayant trouvé les portes ouvertes et les gardes endormis, il éveilla le Roi. Celui-ci, frappé de cet événement, ordonna à Moyson de lui nommer le Dieu qui l’avait envoyé, dans l’intention de s’en moquer ; mais Moyson s’étant incliné vers lui pour le lui dire dans l’oreille, le Roi, dès qu’il l’eut entendu, tomba sans voix et sans mouvement et fut rappelé à la vie par Moyson. Ayant, eu conséquence, écrit ce nom sur des tablettes, il les scella ; et l’un des prêtres qui parla avec mépris du nom inscrit sur les tablettes, fut saisi d’un spasme qui lui ôta la vie. Le roi dit alors à Moyson de faire en sa faveur un prodige, il jeta aussitôt sa verge qui devint un serpent. Les assistants s’en étant effrayés, il saisit ce serpent par la queue, l’éleva de terre, et il redevint une verge. Puis, après quelque temps, il frappa le Nil de cette verge, et le fleuve étant devenu gonflé par les eaux, submergea toute l’Égypte. (C’est de là que datent son augmentation et sa réduction périodiques). L’eau, en se séchant, s’empoisonna par la mort des poissons, et les hommes moururent de soif. Le roi, témoin de ces prodiges, dit qu’après le mois révolu, il délivrerait les peuples, si le fleuve rentrait dans son lit. Alors Moyson frappa l’eau avec sa verge, et le courant se resserra. Quand cela eut eu lieu, le roi convoqua les prêtres de Memphis et leur dit qu’il allait les faire tous périr et qu’il ferait démolir les temples, s’ils ne faisaient pas aussi des prodiges ; ceux-ci alors, par certains moyens magiques et par des enchantements, firent un serpent et changèrent la couleur du fleuve,

« Le roi sentant son audace renaître par ce qui venait d’avoir lieu, exerça envers les Juifs toute sorte de sévices et de châtiments. Moyson voyant cela, fit de nouveaux signes ; il frappa la terre de sa verge, il en sortit un animal ailé qui affligea tous les Égyptiens, en couvrant leurs corps d’ulcères, et comme les médecins ne pouvaient guérir ceux qui en étaient atteints, les Juifs obtinrent un relâchement dans la persécution à laquelle ils étaient en lutte. Ensuite Moyson fit survenir des grenouilles, après celles-là des sauterelles et des moucherons. C’est le motif pour lequel les Égyptiens ont consacré une verge dans tous leurs temples, comme une offrande à Isis, parce qu’Isis représente la terre, laquelle étant frappée de la verge donna naissance à tous ces prodiges. Le roi persévérant dans sa démence, Moyson fit se succéder des grêles et des tremblements de terre nocturnes, de sorte que les hommes en fuyant les commotions du sol étaient écrasés par les grêlons, et que ceux au contraire qui voulaient se soustraire à la chute de la grêle, périssaient par les commotions : toutes les maisons et la plupart des temples tombèrent alors ; enfin le roi, harcelé par toutes ces calamités, laissa les Juifs se retirer. Ceux-ci ayant emprunté aux Égyptiens beaucoup de coupes, des vêtements nombreux, et des richesses d’autre nature en grande quantité, ayant traversé les fleuves qui sont vers l’Arabie, et mis entre eux et les Égyptiens un vaste espace, arrivèrent le troisième jour à la mer Rouge. Les habitants de Memphis disent que Moyson ayant acquis la connaissance du flux et reflux de la mer Érythrée, mit à profit le moment où la mer se retiré pour faire passer cette multitude. Les habitants d’Héliopolis disent que le roi se mit à leur poursuite avec une nombreuse armée, et s’étant fait accompagner des animaux sacrés, parce que les Juifs ayant emprunté aux Égyptiens leurs richesses, les emportaient dans leur fuite. Cependant Moyson ayant entendu une voix divine, toucha l’eau avec sa verge, et aussitôt la fluidité de l’eau s’arrêta, et l’armée marcha sur le terrain solide. Les Égyptiens suivant la même route en les poursuivant, il dit que le feu brilla devant eux, et que la mer inonda leur voûte. Tous les Égyptiens périrent par le feu et le débordement. Les Juifs fuyant le danger, passèrent trente ans dans le désert, Dieu, faisant pleuvoir sur eux un gruau semblable à du millet, et dont la couleur se rapprochait de celle de la neige. Quant à Moyson, le même auteur dit qu’il était grand, roux, ayant la télé couverte d’une épaisse chevelure blanche, et que son aspect était vénérable. Il fit tous ces prodiges étant âgé d’environ 89 ans. »

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