Préparation évangélique

LIVRE X

CHAPITRE X
TIRÉ DU TROISIÈME LIVRE DES CHRONOGRAPHIES D’AFRICANUS

« Jusqu’aux Olympiades, on ne trouve rien de bien certain dans l’histoire grecque ; tous les faits y sont confondus, et le désaccord le plus complet règne dans tout ce qui les a précédées. Les Olympiades, au contraire, ont été traitées avec exactitude par beaucoup d’historiens, parce que le court intervalle qui les divise, n’étant que de quatre années, a permis aux Grecs de rédiger des annales. Je ne veux donc, parcelle raison, faire autre chose que parcourir rapidement, et cueillir parmi les fables et les merveilles qui remplissent l’histoire des temps anciens, qui descendent jusqu’à la première Olympiade ; quant aux faits advenus depuis, je veux enchaîner, chacun dans sa période, les récits Grecs et ceux des Hébreux, autant qu’ils seront dignes de mémoire, cherchant à expliquer les uns par les autres. Voici de quelle manière je compte m’y prendre : Ayant mis la main sur un fait historique des Hébreux, contemporain d’un récit bien reconnu des Grecs, m’en emparant, retranchant, ajoutant, faisant connaître que tel Grec, tel Persan, ou tel homme célèbre quelconque, était contemporain de cet événement des Hébreux, peut-être atteindrai-je le but que je me propose.

« Rien n’est plus avéré que la translation des Hébreux hors de leur patrie, lorsqu’ils furent conduits à Babylone, en captivité, par le roi Nabuchodonosor ; elle dura 70 ans, suivant la prophétie de Jérémie (Bérose, le Babylonien, parle de Nabuchodonosor). Après les 70 ans de la captivité, Cyrus devint roi de Perse, dans l’année où commença la 55e Olympiade, comme on peut le trouver relaté dans la bibliothèque de Diodore, dans les histoires de Thallus et de Castor, aussi dans celles de Polybe, de Phlégon, et de tous ceux qui ont rédigé leur histoire d’après les Olympiades : tous sont unanimes sur cette époque. Cyrus, dans la première année de son règne, qui était aussi la première de la 55e Olympiade, renvoya la première portion du peuple Juif en Judée, sous la conduite de Zorobabel, lorsque Jésus, fils de Josédec, était grand-prêtre. Alors fut accompli le terme de 70 ans, comme cela est rapporté dans le livre d’Esdras, chez les Hébreux. Voici donc des faits coïncidents : le règne de Cyrus et la fin de la captivité ; et nous trouverons le même synchronisme dans les Olympiades. Partant de ce point, nous nous proposons de traiter de la même manière les autres histoires, en les adaptant entre elles. Quant à celles qui ont précède cette période, si nous devons nous en rapporter aux calculs tels quels, de la chronographie attique, en réunissant toutes les années écoulées depuis Ogygès, qui passe chez les Athéniens pour Autochthon, sous lequel arriva le premier grand cataclysme, dans l’Attique, Phoronée étant alors roi d’Argos, à ce que dit Acusilas : nous trouvons jusqu’à la première Olympiade, sous laquelle les temps furent plus rigoureusement comptés, une période de 1,020 années ; ce qui est en harmonie avec ce que nous venons de dire, comme nous en donnerons la preuve dans ce qui suivra. Hellanicus, en effet, et Philochore qui ont composé des histoires de l’Attique, Castor et Thallus qui ont écrit celle de Syrie, Diodore qui a embrassé l’histoire universelle dans sa bibliothèque, Alexandre Polyhistor et quelques-uns des nôtres, qui ont apporté un soin curieux à notre histoire, aussi bien que tous les Athéniens, ont dit la même chose. Si donc, dans cette période de 1,020 années, il s’est passé quelque fait d’histoire éclatant, nous le recueillerons suivant le besoin. »

Après un court intervalle, il ajoute :

« Nous disons à l’égard de cette première partie, qu’Ogygès, qui a donné son nom au premier déluge, ayant été sauvé parmi un grand nombre de victimes, vécut à l’époque où le peuple Hébreu conduit par Moïse faisait sa sortie de l’Égypte, et je le constate ainsi. Je montrerai que 1020 ans se sont écoulés depuis Ogygès jusqu’à la première Olympiade ; or, depuis la première Olympiade jusqu’à la première année de la 55e, c’est-à-dire sous le roi Cyrus, qui est aussi la fin de la captivité, nous comptons 217 ans ; donc, depuis Ogygès, nous trouvons 1237 ans. Si, par le comput, on remontait de la fin de la captivité à un nombre d’années égal de 1237 ans, on trouverait pour résultat une durée de temps jusqu’à la première année de la sortie d’Egypte du peuple d’Israël sous la conduite de Moïse, égale à celle qui s’est écoulée en remontant de la 55e Olympiade à Ogygès, qui fonda, Éleusis. Ce qu’il y a donc de plus rationnel est d’admettre la chronographie athénienne. »

Puis, après autres choses :

« Voici les événements qui ont précédé Ogygès. C’est vers ce temps que Moïse sortit de l’Égypte ; et voici de quelle manière nous démontrons que cette opinion n’est pas déraisonnable. Depuis la sortie de Moïse jusqu’à Cyrus, qui régnait à la fin de la captivité, il a dû s’écouler 1237 ans ; Moïse vécut encore 40 ans ; Jésus, qui gouverna après lui, le fit pendant 25 ans ; les vieillards ou juges, qui succédèrent à Jésus, gouvernèrent pendant 30 ans ; les années réunies de tous les juges qui suivirent et sont compris dans la Bible, donnent un total de 490 ans. Les grands-prêtres Heli et Samuel, 90 ans. Toutes les années réunies des rois de Judas donnent 490 ans (à quoi ajoutons 70 ans de la captivité, dont le dernier correspond au premier du règne de Cyrus, comme nous l’avons dit en commençant ; en descendant de Moïse à la première Olympiade, nous trouvons 1020 ans, puisque la première de la 55e nous donne 1237, et notre temps concourt avec celui des calculs grecs. Après Ogygès, le pays qui compose maintenant l’Attique demeura sans roi, à cause de la destruction produite par le déluge, jusqu’à Cécrops, pendant 189 ans ; car Philochore nie qu’il ait existe un Actœus après Ogygès, non plus qu’aucun des noms de rois forgés qu’on lui donne pour successeurs. »

Puis, de nouveau :

« Depuis Ogygès donc jusqu’à Cyrus, nous trouvons le même nombre de 1237, comme depuis Moïse. Il est même des écrivains Grecs qui déclarent que Moïse vécut vers cette époque. Polémon, dans la première partie de ses histoires grecques, dit que sous Apis, fils de Phoronée, une partie de l’armée des Égyptiens sortit de l’Égypte, et se retira dans la Syrie, appelée Palestine, pour se fixer non loin de l’Arabie ; il est évident que ce sont les compagnons de Moïse. Apion, fils de Plistonicès, le plus minutieux des grammairiens, dans son livre contre les Juifs et dans la quatrième partie de ses histoires, dit : que lorsque Inachos était roi d’Argos et qu’Amosis régnait sur les Égyptiens, les Juifs désertèrent sous la conduite de Moïse. Hérodote rappelle cette défection et nomme Amosis dans son second livre ; et en quelque sorte il parle des Juifs eux-mêmes, lorsqu’il les compte au nombre de ceux qui employaient la circoncision, on les nommant Assyriens de la Palestine, peut-être à cause d’Abraham. Ptolémée de Mendès, remontant aux premiers temps de l’histoire des Égyptiens, est d’accord avec tous ceux-ci ; en sorte qu’il est impossible qu’une différence un peu sensible dans les temps, ait lieu entre eux. On doit remarquer que tout ce que les fables de la Grèce nous citent comme antiquité, ne prend place dans l’ordre des temps qu’après Moïse ; savoir : les déluges elles embrasements, Prométhée, Io, Europe, les Spartes de Cadmus, (hommes nés des dents du serpent) l’enlèvement de Coré (Proserpine) les mystères, les législations, les guerres de Bacchus, Persée, les travaux d’Hercule, les Argonautes, les Centaures, le Minotaure, la guerre d’Ilion, le retour des Héraclides, l’émigration des Ioniens, les Olympiades. Il m’a donc paru convenable d’adopter la chronologie ci-dessus relatée du royaume d’Athènes, dans mon dessein de comparer l’histoire de la Grèce à celle des Hébreux. Il sera facile à quiconque voudra prendre le même point de départ, de faire les mêmes calculs que moi : ainsi, des 1020 années écoulées depuis Moïse et Ogygès jusqu’à la première Olympiade, dans la première, se trouve placée, la Pâque et la sortie des Hébreux d’Égypte ; dans l’Attique, le déluge sous Ogygès. Et cela est fondé en raison ; car les Égyptiens ayant reçu en châtiment, de la colère de Dieu, les grêles et les orages, il était naturel que certaines portions de terre fussent atteintes de celle calamité, et que les Athéniens y participassent plus que d’autres, étant supposés descendre de ces mêmes Égyptiens, comme l’enseignent d’autres historiens, et entre autres, Théopompe dans le Tricarenus.

« Le temps qui suit immédiatement est passé sous silence, comme ne contenant aucun fait important en Grèce. Vient ensuite, après 94 ans, Prométhée, que quelques mythologues ont donné pour avoir façonné les hommes, parce que, à l’aide de sa sagesse, il les avait fait passer d’une excessive brutalité à l’instruction et à la civilisation. »

Voici ce que dit Africanus. Passons à un autre.

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