Préparation évangélique

LIVRE X

CHAPITRE XIV
QUE LE TEMPS DES PHILOSOPHES DE LA GRÈCE EST INFINIMENT POSTÉRIEUR À L’HISTOIRE DES HÉBREUX

Qu’est-il besoin cependant d’accumuler une multitude de citations, à l’appui d’un fait qui repose sur une base si solide, sur des preuves si variées de sa réalité, aux yeux de quiconque aime la vérité et se rend sans passion à son évidence ? Qu’il nous suffise donc de faire voir que Moïse elles prophètes ont précédé les temps de la civilisation grecque. Et puisqu’il est démontré que Moïse a beaucoup d’antériorité sur la guerre de Troie, passons en revue les prophètes venus après lui. L’histoire, dont Moïse est auteur, montre clairement, que dans l’ordre consécutif des temps, il est venu bien après les véritables Hébreux, Héber, qui leur a donné le nom qu’ils portent, Abraham, et les autres patriarches aimés de Dieu. Après Moïse, le premier chef de la nation-juive fut Jésus ou Josué, qui la gouverna pendant 30 ans, à ce que disent quelques auteurs. Après lui, l’Écriture reconnaît que les Juifs furent soumis aux étrangers pendant 8 ans. Gothoniel leur succéda, et gouverna pendant 60 ans. Il eut pour successeur, Eglom, roi de Moab pendant 13 ans ; puis Aod pendant 80 ans. Les étrangers revinrent après lui pendant 20 ans. A ceux-ci, succédèrent Debora et Barac ; la durée de leur gouvernement fut de 40 ans. Les Madianites paraissent à leur suite, pendant 7 ans, puis, Gédéon pendant 40 ; Abimélech, 3 ans ; Thola, 23 ans ; Jaeir, 22 ; les Ammonites, 18 ans ; Jephté, 6 ans ; Esbon, 7 ; Aelom, 10 ; Abdon, 8 ; les étrangers, 40 ; Samson, 20 ans ; après quoi, le grand-prêtre Héli qui, d’après le calcul hébreu, retint la puissance pendant 40 ans ; l’époque de sa vie concourt avec la prise d’Ilion. A la suite d’Héli, le grand-prêtre Samuel devint le chef du peuple, qui eut pour premier roi, Saül, ce qui donne pour les deux un total de 40 ans ; après celui-ci, David régna également 40 ans : Salomon, 40 ans. Ce fut ce prince qui construisit le premier temple dans Jérusalem. Après Salomon, Roboam régna pendant 17 ans ; Abias, 3 ans : Asa, 41 ans ; Josaphat, 25 ; Joram, 8 ans ; Ochosias, 1 an ; Gotholia, 7 ans ; Joas, 10 ans ; Amasias, 49 ans ; Azarias, 52 ans ; sous son règne, Osée, Amos, Isaïe et Jonas prophétisèrent. Après Azarias, Joathan monta sur le trône et régna 16 ans. Après lui, vint Achaz pendant 16 ans. C’est sous son règne que fut célébrée la première Olympiade, de laquelle Corœbus d’Élide sortit vainqueur. Ezéchias succéda à Achaz et régna 29 ans. Ce fut de son temps, que Romulus fonda Rome et y régna. Après Ezéchias, Manassé monta sur le trône, qu’il occupa pendant. 55 ans. Ensuite Amon, pendant 2 ans ; Josias, pendant 31 ans. C’est pendant son règne que parurent les prophètes Jérémie, Baruch, Olda et les autres. Son successeur Joachas ne régna que 3 mois : et Joachim qui vint après lui, eut un règne de 11 ans. Le dernier de tous ces rois fut Sédécias, qui régna 12 ans. Jérusalem fut prise d’assaut, sous lui, par les Assyriens, et le temple ayant été réduit en cendres, toute la population juive fut transportée dans la Babylonie. C’est dans cette contrée que Daniel et Ézéchiel prophétisèrent. Après une révolution de 70 années, Cyrus, roi des Perses, délivra les Juifs de la servitude, ayant accordé à ceux qui le voulaient, la faculté de retourner dans leur pays, et de relever leur temple. Ce fut alors que Jésus, fils de Josédec, et Zorobabel, fils de Salathiel, jetèrent les fondements du nouveau temple : les derniers prophètes, Aggée, Zacharie et Malachie, fleurirent vers cette époque : depuis lors, il n’y eut plus de prophètes parmi les Juifs. C’est pendant la vie de Cyrus, que se rendirent célèbres, l’Athénien Solon, et les sept hommes décorés du nom de sages parmi les Grecs, qui ont précédé tous ceux qui postérieurement furent nommés philosophes. Ces sept sages sont, Thalès de Milet, qui le premier, chez les Grecs, étudia la nature, enseigna la marche du soleil entre les tropiques, la cause des éclipses de la lune, de ses phases lumineuses et des équinoxes : Ce fut l’homme le plus illustre entre les Grecs. Thalès eut pour disciple, Anaximandre, fils de Praxiadès, qui était également de Milet. Ce fut le premier constructeur de gnomons, qui servent à connaître les conversions du soleil, les saisons, les heures et les équinoxes. Celui-ci eut pour disciple, Anaximène, fils d’Eurystrate, également de Milet, lequel fut le maître d’Anaxagore, fils d’Hégésiboule de Clazomène. Ce fut le premier philosophe qui réforma la notion des principes ; car non seulement, il raisonna sur la substance en général, comme l’avaient fait ceux qui l’avaient devancé, mais sur la nature du mouvement.

« Dans le principe, dit-il, toutes les choses étaient confuses ; l’esprit les ayant pénétrées, il introduisit l’ordre dans le chaos »

Anaxagore a eu trois disciples, qui furent, Périclès, Archélaüs, et Euripide. Périclès était le premier citoyen d’Athènes, l’emportant sur tous ses concitoyens en richesse et en naissance. Euripide s’étant depuis adonné à la poésie, était appelé le philosophe dramatique. Quant à Archélaûs, il dirigea à Lampsaque, après Auaxagore, l’école que celui-ci y avait ouverte. Étant revenu à Athènes, il y tint école, et attira auprès de lui de nombreux auditeurs, entre lesquels figurait Socrate. Concurremment au temps où parut Anaxagore, on vit fleurir comme philosophes naturalistes, Xénophane et Pythagore, auquel succéda son épouse Théano, ainsi que ses enfants, Télaugués et Mnésarque. Empédocle prit des leçons de Télauguès ; Héraclite, le ténébreux, se fit aussi connaître dans le même temps. On dit que Parménide succéda à Xénophane, Mélissus à Parménide, Zénon d’Elée à Mélissus. C’est de ce Zénon qu’on rapporte, qu’ayant été arrêté comme complice d’une conspiration tramée contre un tyran de cette époque, il fut mis à la torture par ce tyran, pour décliner les noms de ceux qui avaient conspiré avec lui ; Zénon, sans se mettre en peine des menaces du tyran, mordit sa langue et la lui cracha, puis il mourut en montrant le plus grand courage, au milieu des tourments qu’on lui fit endurer. Leucippe avait été son disciple, il fut le maître de Démocrite et de Protagore, qui fleurirent à la même époque que Socrate. On pourrait encore nommer d’autres philosophes naturalistes disséminés, et ne faisant point école, avant la naissance de Socrate ; tous néanmoins ont Thalès pour chef, et n’ont paru que depuis la fondation de la monarchie des Perses par Cyrus, lequel n’a évidemment brillé dans le monde, que lorsque déjà la plus grande portion des années de la captivité des Juifs, en Babylonie, s’était écoulée ; lorsque les prophéties avaient cessé parmi les Hébreux : lorsque leur sainte métropole avait été prise et saccagée ; de manière qu’on est contraint d’avouer que tous les organes de la philosophie sont bien plus récents que Moïse, que les prophètes venus après lui, surtout ceux qui ont adopté la philosophie de Platon, lequel ayant d’abord suivi les leçons de Socrate, puis s’étant mis en rapport avec les Pythagoriciens, a surpassé tous les autres philosophes, en éloquence, en profondeur de pensée et par la sublimité de ses dogmes. Or, Platon vint au jour pendant les dernières années de la monarchie Persane, peu de temps avant Alexandre de Macédoine, et 400 ans passés avant l’empire d’Auguste. Si conséquemment on peut vous montrer que Platon et les philosophes qui l’ont suivi ont professé une philosophie en harmonie avec celle des Hébreux, le seul soin à prendre, se borne à rechercher l’époque à laquelle il a vécu, et à opposer l’ancienneté des théologiens et des prophètes parmi les Hébreux, à l’âge des philosophes de la Grèce.

Toutefois, ces démonstrations ayant atteint un développement suffisant, le moment est venu de retourner à l’examen des sages qui ont été reconnus comme tels parmi les Grecs, et de faire voir qu’ils se sont montrés zélés imitateurs des dogmes Hébreux ; de sorte qu’on ne puisse pas nous faire, avec quelque fondement, le reproche d’être des calomniateurs on des Sycopnantes, si nous déclarons que nous vénérons les oracles des Hébreux, tout en rendant hommage aux doctrines semblables, qui ont été proclamées par les philosophes.

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