Préparation évangélique

LIVRE XI

CHAPITRE XIV
DE LA CAUSE SECONDE, SUIVANT LES HÉBREUX ET PLATON

Quant à la première cause de toutes choses, ce que nous avons dit et la manière dont nous l’avons dit, doit suffire pour faire connaître notre doctrine. Examinons maintenant ce qui a rapport à la seconde cause, que les oracles des Hébreux nous enseignent comme étant le Verbe de Dieu et Dieu issu de Dieu, et que nous sommes nous-mêmes instruits à nommer ainsi. Moïse, en effet, admet ouvertement deux Seigneurs dans sa théologie, lorsqu’il dit : « Le Seigneur fit pleuvoir de la part du Seigneur, le feu et le soufre (Gen., XIX, 24) sur la ville des impies. » Dans ce texte, Moïse, suivant son usage, s’est servi du même emploi de caractères hébraïques, pour les désigner l’on et l’autre, savoir : du mot Tétragramme, que leur religion défend qu’on prononce.

David, un autre de leurs prophètes, qui était en même temps un de leurs rois, a dit d’accord avec Moïse (Ps., CX, 1) : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite : » exprimant le Dieu suprême par le nom du premier Seigneur, et le second par l’emploi de la seconde dénomination. Or, à quel autre est-il permis de supposer que la divinité du Dieu ingénéré, cède sa droite, si ce n’est à celui qui est son Verbe, que le même prophète, dans un autre écrit, caractérise d’une manière plus manifeste, en le nommant le Verbe du Père, l’indiquant comme le Démiurge (créateur) annoncé par les prophètes, de l’ensemble des choses : « Par le Verbe du Seigneur, les cieux ont été solidement fondés (Ps., XXXIII, 6) ? » Il le présente encore comme le Sauveur de tous ceux qui avaient besoin d’être guéris par lui : « Il envoya son Verbe, et il les guérit (Ps., CVII, 20). » Puis Salomon, qui fut en même temps son fils et son successeur, sous une autre dénomination, nous représente la même idée : au lieu du Verbe, il l’appelle la Sagesse et le fait apparaître, disant ces paroles en son nom (Prov., VIII, 12) : « Je suis la Sagesse, j’habite dans le conseil, j’ai appelé près de moi la science et la réflexion. » Ensuite il ajoute : « Le Seigneur m’a créé pour être le commencement de ses voies, dans les œuvres (qu’il se propose) ; il m’a fondé avant l’éternité, dans l’origine : avant de faire la terre, avant d’asseoir les montagnes, il m’a engendré avant toutes les collines : lorsqu’il préparait le ciel, j’étais assis auprès de lui. » Ce qui va suivre, est encore de lui. « Le Seigneur a fondé la terre dans sa sagesse, il a préparé le ciel dans sa prudence. » Il dit encore de lui : (Sagesse, VII, 21-22) « J’ai connu tout ce qui est caché et tout ce qui est évident ; car la sagesse, qui est l’artisan de toutes choses, a été mon docteur. » Puis il demande : « Qu’est-ce que la sagesse, et comment est-elle advenue ? je vais vous l’annoncer, je vous révélerai des mystères, et je vous mettrai sur leur trace, depuis l’origine de la création. » Ensuite il l’explique de cette manière : « Cette sagesse est un esprit intelligent, saint, seul engendré, nombreux en parties, léger, facile à émouvoir, transparent, incorruptible, tout-puissant, considérant toutes choses, passant à travers tous les esprits intelligents, purs, et les plus légers : La sagesse est plus mobile que toute espèce de mouvement : elle chemine et traverse toute chose, par sa pureté. C’est la vapeur de la puissance divine, c’est une émanation pure de la gloire du Tout-Puissant ; c’est pourquoi rien d’impur ne peut se rencontrer en elle. C’est un rayon de la lumière éternelle, c’est le miroir sans tache de l’énergie divine, c’est l’image de sa bonté ; elle s’étend avec force d’une extrémité à l’autre extrémité, elle gouverne tout avec douceur. » C’est l’Ecriture qui parle ainsi. Mais Philon l’Hébreu, en interprétant avec plus de clarté l’idée de dogme, le rend de la manière suivante.

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