Préparation évangélique

LIVRE XI

CHAPITRE XXIII
DES IDÉES D’APRÈS PLATON

« L’univers ayant été procréé ainsi, il n’a pu être façonné qu’à l’instar de quelque chose que l’on peut embrasser par la pensée et la réflexion, et doué d’immuabilité. Si les choses sont ainsi, il devient de toute nécessité que l’univers soit la représentation de quelque chose. Ce quelque chose contient donc en lui-même tous les animaux doués d’intelligence, comme l’univers nous contient. »

Voilà ce qu’a dit Platon dans le Timée. Quant au sens de ces paroles, je vais le faire connaître d’après Didyme, dans l’ouvrage des doctrines coordonnées de Platon. Voici ses propres expressions :

« Platon, en nous disant que les idées des substances sensibles par nature sont dues à des paradigmes (modèles) déterminés suivant leurs espèces, nous en a tracé la science et les limites. Ainsi, en dehors de tous les hommes, nous devons concevoir l’homme modèle ; en dehors de tous les chevaux, le cheval par excellence, et ainsi de même pour tous les animaux, un animal inné et impérissable, de la manière dont on obtient plusieurs empreintes d’un seul cachet et de nombreuses images d’un même homme ; de même, d’une idée unique et spéciale des corps sensibles, on voit éclore des natures innombrables, de celle des hommes, tous les hommes. Le même raisonnement s’appliquant à toutes les autres substances, suivant leur nature, nous dirons que l’idée est la substance causale éternelle et le principe d’existence pour chaque chose qui la reproduit telle qu’est son principe. Or, comme les idées partielles, en qualité d’archétypes, précèdent l’existence des corps sensibles, de même, celle qui renferme en elle toutes les autres, étant la plus belle et la plus accomplie, est le paradigme de cet univers. C’est en le copiant sur ce modèle que Dieu, le démiurge, l’a construit, en vertu de sa prescience, au moyen de la réunion de toutes les substances. »

Ces paroles sont extraites de l’auteur que nous avons nommé. Mais Moïse a pris les devants en possédant toute la sagesse, lorsqu’avant la création du soleil visible, des astres et de tout l’ensemble du ciel, qu’il nomme firmament, avant la terre qu’il nomme l’Aride, avant le jour qui nous éclaire, avant la nuit, il nous parle d’une autre lumière que celle du soleil, d’un autre jour, d’une autre nuit, nous enseignant que toutes ces choses ont été faites par Dieu, comme cause première et efficiente de tout ce qui existe. Les enfants des Hébreux, sur les traces de Moïse, nous décrivent un soleil incorporel, inaccessible à tous les regards mortels, comme le prophète faisant parler Dieu dans une prosopopée : « Le soleil de justice se lèvera en faveur de ceux qui me craignent (Malachie, III, 20). » Cette justice n’est pas telle que celle des hommes. Un autre prophète des Hébreux nous en donne l’idée, lorsqu’il dit de Dieu : « Qui a éveillé la justice des rives orientales ? Il l’a appelée pour qu’elle parût en sa présence ; elle marchera comme devant la face des peuples (Is., XLI, 2). » Et le langage commun nous a déjà montré, d’après les écritures des Hébreux, le Verbe divin comme incorporel et en un rapport quelconque avec notre essence. Voici comme il s’exprime sur le sujet du verbe :

« Il est la sagesse qui nous a été engendrée de Dieu, la justice, la sainteté, la rédemption (Paul, I Cor., I, 30). »

Les livres des Hébreux nous font encore connaître toutes les substances qui existent par nature ou par création (puisque les apôtres et les disciples du Sauveur sont aussi des Hébreux), et en outre, toutes les autres puissances innombrables et incorporelles, placées bien au-dessus des cieux, au-delà de l’existence matérielle et périssable, dont les images sont retracées dans les êtres sensibles, qui par cette raison ont reçu le nom d’images. Ils disent hautement, en effet, que l’homme est l’image d’un paradigme intellectuel, et que toute la vie de l’homme se passe en image. Voici en quels termes Moïse le déclare : « Dieu fit l’homme et il le fit à l’image de Dieu (Gen., I, 27). » Un autre écrivain hébreu, versé dans la philosophie propre à sa nation, dit également que l’homme n’a qu’une existence en image. Entre les interprètes de la loi divine, entendez la manière, dont Philon développe et éclaircit la pensée contenue dans les expressions de Moïse.

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