Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE XV
COMMENT IL A FAIT MENTION DU DÉLUGE

Moïse, en jetant les bases d’une législation applicable aux hommes, a cru devoir y préluder par un récit de l’antiquité des Temps ; il y fait donc mention du déluge et de la vie des hommes après cette catastrophe ; ensuite, il rapporte quelle était la civilisation tant des anciens Hébreux chéris de Dieu, que des autres hommes qui furent châtiés peur leurs désordres ; pensant que cette relation historique serait tout à fait en harmonie avec ce qu’il se proposait d’instituer par ses lois. Platon de même passant à la rédaction des lois, imite la marche qui avait été suivie par Moïse. Dans le præmium de ses lois, il traite de l’antiquité, et mentionnant le déluge bien que la vie des hommes qui l’ont suivi, il commence le troisième livre du même traité, en s’expriment ainsi :

« Est-ce que ces anciens récits vous paraissent avoir quelque vérité ?

« Lesquels ?

« Ceux qui parlent de grandes destructions d’hommes par l’effet des déluges, des épidémies et par beaucoup d’autres causes ; en sorte que la race humaine se serait trouvée réduite à un petit nombre d’individus.

« Il n’y a rien que de probable, pour tous les esprits, dans ces récits.

« Soit donc ! Entre toutes ces causes de dépopulation, considérons celle qui a été amenée par le déluge.

« Quelle réflexion pouvons-nous faire à ce sujet ?

« Celle que ceux qui ont échappé à la mort ne pouvaient être que des pasteurs montagnards qui, sur les sommets de leurs montagnes, ont conservé de rares débris de la race humaine.

« Cela est évident.

« Nécessairement des hommes de cette classe étaient dans l’ignorance des arts pratiqués par les autres, tels que les ma chines dont les citoyens des mêmes villes se servent entre eux pour satisfaire le luxe ou l’ambition, ainsi que de tous les artifices coupables qu’ils mettent en œuvre les unes contre les autres.

« Cela est vraisemblable.

« Admettons donc que les villes situées dans les plaines et sur le bord de la mer furent renversées alors de fond en comble.

« Cela est admis.

« N’est-il pas vrai que tous les instruments périrent aussi, et que si des découvertes ingénieuses, soit dans les arts, soit dans la législation, soit dans toute autre science, avaient eu lieu, nous affirmerons qu’elles durent toutes et totalement disparaître.

« Nous en conviendrons pour cette époque. »

Après d’autres réflexions il poursuit :

« Ainsi donc, disons qu’il en fut ainsi quand cette destruction générale arriva pour ce qui concerne l’humanité. C’était partout la solitude sans bornes et effrayante, une terre féconde mais inhabitée. »

Après avoir ajouté d’autres détails semblables à ceux-ci, il parcourt les progrès de la civilisation des hommes après le déluge ; puis, de même que Moïse rattache la progression sociale des anciens Hébreux aimés de Dieu, au récit de ce qui a suivi le déluge ; ainsi Platon essaye de faire remonter les antiquités helléniques à la vie des hommes qui sont venus après le déluge : il passe en revue les événements de Troie, la première fondation de Lacédémone, l’établissement de l’empire des Perses, et examine, dans toutes ces époques, quels sont les hommes qui ont bien ou mal vécu. Après toute cette partie historique, il en vient à la rédaction des Lois en quoi il suit la même marche que Moïse.

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