Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE XVI
QUE LA VÉRITABLE INSTRUCTION COMMENCE PAR TRAITER LES CHOSES DIVINES, AFIN D’EN VENIR AUX CHOSES HUMAINES

Moïse ayant fait dépendre tout son corps de lois et la forme de gouvernement qui s’y rapporte, de la piété envers le Dieu de l’univers, a inauguré sa législation par les actes du Dieu créateur de toutes choses ; et puis nous apprenant que toutes les vertus humaines émanent des dons de Dieu, il a concentré tous les attributs de la divinité dans l’intelligence suprême, seul Dieu, créateur unique. Voyez maintenant comment le philosophe marchant sur ses traces, accuse les législateurs de Crète, de Lacédémone et propose un système législatif en harmonie avec celui de Moïse.

« Voulez-vous que je vous dise de quelle manière j’aurais voulu vous entendre procéder dans la division de cette question ?

« Oui assurément.

« Il eût donc fallu dire, ô Etranger : Les lois des Crétois ne se distinguent pas entre toutes celles des Grecs par des qualités supérieures, d’un médiocre intérêt ; elles ont pour objet de rendre, en définitive, heureux ceux qui savent bien en user, elles apportent en effet à leur suite tous les biens. Ces biens se partagent en deux classes : les uns sont humains, les autres sont divins, et les premiers relèvent des derniers. Si une cité reçoit les plus grands, elle acquerra en même temps les moindres, sinon elle sera privée de tous les deux. Voici quels sont les moindres : en première ligne vient la santé, en seconde la beauté, en troisième la force appliquée à la course et à tous les exercices du corps, en quatrième la richesse, non un Plutus aveugle, mais un Plutus clairvoyant, accompagné de la prudence, car la prudence précède tous les biens que nous tenons de la divinité ; après la prudence vient l’habitude de la continence de l’âme ; puis de ces qualités unies à la valeur, résulte la justice comme troisième bien, caria valeur seule n’est que le quatrième. Ces quatre derniers avantages sont placés par la nature dans un ordre supérieur aux précédents, et le législateur doit les classer ainsi. Après cela il doit avoir constamment ces vertus présentes à la pensée dans toutes les injonctions qu’il adresse aux citoyens : c’est-à-dire qu’il doit ne considérer les biens humains que dans leurs rapports avec les biens divins, et ces derniers que comme se référant à l’esprit dirigeant de l’univers ; il doit donc s’efforcer de les faire respecter, comme ils le méritent, dans l’union des deux sexes, par le mariage, dans la procréation et l’éducation des enfants, tant les garçons que les filles, nuis, dans toute la direction des citoyens depuis l’adolescence jusqu’à la vieillesse ; comme il doit flétrir par le déshonneur font ce qui, dans les unions diverses, peut y porter atteinte, comme les afflictions, les transports, les désirs, et en un mot tous le· mouvements immodérés que suggère l’amour, en condamnant justement par les lois, ce qui mente le blâme ; de même qu’elles décerneront des louanges aux actions estimables. »

Après quelques autres paroles il reprend :

« Le législateur prévoyant l’avenir de ses lois, doit leur créer des conservateurs, les uns procédant par la prudence, les autres cédant aux opinions fondées sur la vérité, de manière à montrer que le génie qui a présidé à leur ensemble a été mu par la tempérance et la justice, et nullement par les sentiments de cupidité ou d’ambition. C’est ainsi, ô étrangère, que j’aurais voulu et que je veux encore que vous fassiez ressortir comment dans les lois dites de Jupiter et dans celles d’Apollon Pythien que Minos et Lycurgue ont données, on retrouve toutes ces choses, et par quelle preuve elles peuvent être évidentes à quiconque doit à la théorie ou à la pratique, une connaissance approfondie des lois ; tandis que nous autres, nous ne les y découvrons en aucune façon. »

Parmi nous il est dit :

« Cherchez d’abord le règne de Dieu et la justice, puis toutes ces choses s’y ajouteront. » Cependant Moïse bien antérieurement ayant placé Dieu en tête de tout son enseignement, puis, ayant modelé sur lui la forme de son gouvernement, aussi bien que les règlements concernant les transactions de la vie civile, a imposé pour chefs et conservateurs de toutes choses, des hommes consacrés à Dieu, comme les oracles divins le prescrivent : hommes justes, ennemis de tout faste, ne procèdent que par la prudence ou l’acquiescement aux opinions reconnues justes et véritables.

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