Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE XXIV
QUE MÊME DANS LES FESTINS ON DOIT FAIRE UN CHOIX DES CHANTS À Y FAIRE ENTENDRE D’APRÈS CERTAINES LOIS SOMPTUAIRES

« La difficulté que nous nous sommes proposée dans le principe de cet entretien : savoir, comment nous pourrions apporter un secours efficace au chœur de Bacchus, nous l’avons abordée du mieux que nous avons pu. Voyons si nous avoue réussi. Une pareille réunion est nécessairement tumultueuse, puisque c’est en buvant de plus en plus qu’elle se prolonge ; ce que nous avons supposé, dans le principe, comme une nécessité de ces assemblées, doit se réaliser.

« Nécessairement.

« Chacun s’exalte en se croyant plus léger qu’il n’est réellement ; il se livre à la joie, il s’enflamme par la liberté de tout dire, sans jamais écouter ses voisins qui sont dans le même état que lui, et il a assez bonne opinion de soi pour croire qu’il peut commander à lui-même et aux autres.

« Comment n’en serait-il pas ainsi ?

« Nous disons donc que quand ces choses arriveront et que les âmes des convives seront devenues incandescentes comme le fer, elles deviendront aussi plus malléables et plus novices, en sorte que celui qui pourrait les mettre en mouvement, qui aurait la science de les élever et de les façonner, les trouverait plus dociles, ainsi qu’elles l’étaient dans la première jeunesse. Cet habile manipulateur doit être tel que, dans son temps, était le bon législateur dont les lois somptuaires donnent bon espoir et parfaite confiance à celui qui veut être retenu, tandis qu’elles rendront plus honteux même qu’il ne le doit ; celui qui veut troubler l’ordre, qui ne peut se résigner à parler ou à se taire, à boire et à chanter à son tour, qui veut, enfin, tout faire contrairement à ces mêmes lois. Elles acquièrent assez d’autorité pour imprimer avec justice une terreur salutaire au vice audacieux qui tenterait de se produire ; et cette terreur divine reçoit ainsi le nom de pudeur et de honte. En voilà assez sur ce sujet. »

Platon recommande de ne préposer à la garde de ces lois et à leur confection que des hommes sobres et amis de l’ordre. C’est donc tout à fait d’accord avec cette doctrine qu’il est d’usage traditionnel parmi nous de chanter des odes et des hymnes dans les repas en l’honneur de Dieu, sous la direction des ordonnateurs chargés de maintenir la police.

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