Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE XXVII
QU’IL EXISTE UNE LUTTE DE NOUS CONTRE NOUS-MÊMES ET CONTRE NOS PASSIONS

« Devons-nous nous considérer comme étant envers nous ainsi qu’un ennemi envers son ennemi, ou bien que devons-nous dire, « Etranger Minervien, (car je ne voudrais pas vous nommer Athénien, attendu que vous me semblez digne de porter le nom de la déesse ? Vous avez rendu la question plus claire, en la posant ainsi que vous l’avez fait dans le principe, de manière à découvrir plus sûrement ce que signifie l’assertion mise en avant par nous, que tous les hommes sont ennemis les uns des autres, dans l’association politique, et dans l’individualisme même, ils sont leurs propres ennemis.

« Comment avez-vous dit, ô homme prodigieux ?

« En conséquence, ô étranger, la première et la plus noble victoire est de se vaincre soi-même, de même que la défaite la plus honteuse, comme la plus funeste, est d’être vaincu par soi-même. Ce qui est en signe de la guerre qui existe au dedans de nous, contre nous. »

Après plusieurs autres choses, il ajoute : « Prenons donc pour exemple chacun ce que nous sommes.

« J’y consens.

« Possédant au dedans de soi deux conseillers opposés entre eux et également déraisonnables, nous les nommerons le plaisir et la peine.

« Soit.

« Nous leur attribuerons à chacun des opinions sur l’avenir qui seront décorées également du nom d’espérance. Cette espérance, placée devant la peine, aura le nom spécial de crainte ; l’autre qui précède son contraire, se nommera l’audace. Au-dessus de tout ceci, planera, comme meilleure ou pire qu’eux, la raison ; laquelle, lorsqu’elle est le dogme commun de la république, est appelée loi. »

Ensuite, il dit : « Nous savons que ces différents sentiments distribués en nous comme des nerfs ou des cordes, nous tiraillent en tous sens et contrairement les uns aux autres, vers des actions contraires ; ce qui établit la distinction du vice à la vertu. La raison dit que l’on ne doit céder qu’à un seul de ces entraînements, toujours le même, et ne jamais s’abandonner à d’autre, de manière à résister à l’entraînement des autres : telle est la chaîne d’or, la chaîne sacrée de la raison, loi commune de toute cité ; les autres chaînes sont de fer et blessantes, tandis que celle-ci, étant d’or, est douce à porter. Les autres prennent toutes les formes ; mais on doit toujours se rattacher à la plus belle qui est celle de la loi. Or, puisque ce conseil de la raison est beau, qu’il est doux et nullement violent, cette direction doit s’aider des serviteurs qui lui sont affidés, de manière à ce que, au dedans de nous, ce soit l’âge d’or qui l’emporte sur les autres âges. De cette manière, en réalisant les prodiges qu’on en rapporte, nous aurons donné la vie à la fable de la Vertu, et nous aurons, en quelque sorte, résolu le problème que vous vous formez dans l’esprit, de savoir comment on peut triompher de soi-même ou en être vaincu, et comment la durée d’existence d’un état ou d’un particulier tient à ce qu’ils ont adopté la véritable raison, en se portant vers ses entraînements ; et comment la république qui aura reçu la raison soit d’un Dieu quelconque, ou plus spécialement de celui qui a établi cet ordre de choses, sera dans une harmonie parfaite avec elle-même et avec les autres républiques ; et par ce moyen nous aurons mieux défini que par tout autre, ce qu’est le vice et ce qu’est la vertu. »

Chez nous la parole divine nous enseigne les mêmes choses, en disant : « Je me réjouis avec vous dans la loi de Dieu, suivant l’homme intérieur ; je vois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de mon esprit, » puis, « lorsqu’il est question du milieu entre les raisonnements qui s’accusent ou se défendent, » et tous les autres textes semblables à ceux-ci.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant