Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE LII
COMMENT IL DÉFINIT DIEU PAR LA PROVIDENCE QUI PRÉSIDE À L’UNIVERS. TIRÉ DU DIXIÈME DES LOIS

« Il faut venir au secours de celui qui croit qu’il y a des dieux, mais qui suppose que ces dieux n’apportent aucune attention aux affaires humaines. Disons-lui : mon excellent ami, du moment où vous reconnaissez qu’il y a des dieux, vous admettez une consanguinité peut-être divine, qui vous porte à vénérer, et à reconnaître leur divinité, liée d’origine avec vous. Les destinées des hommes méchants et injustes ne sont jamais heureuses, soit dans la vie privée, soit dans les magistratures, encore que le préjugé populaire vante leur félicité, sans mesure et sans goût ; encore que les muse· la chantent mal à propos et sur tous les tons, et que les orateurs la célèbrent. Tout cela tend à l’impiété.

« Il se peut qu’en voyant des hommes inhumains qui ont poussé leur carrière jusque dans un âge avancé, laissant après eux les enfants de leur· enfants en possession des plus grandes dignités de l’état, vous vous sentiez troublés, soit que vous ayez été témoin de leurs iniquités, ou que vous l’ayez ouï dire par d’autres, ou qu’ayant assisté à tant de leurs forfaits, si funestes à leurs concitoyens, vous les ayez vus, à l’aide de semblables manœuvres, s’élever des rangs les plus bas de la société à l’usurpation du pouvoir suprême et aux plus grands honneurs de la patrie. Alors, vous vous sentez disposé, en réfléchissant sur tous ces crimes, à accuser les dieux d’être les auteurs de pareils attentats, encore que, par l’alliance qui est entre eux et vous, vous eussiez voulu n’en rien faire ; poussé donc, d’une part, par l’entraînement de votre fausse manière de voir, de l’autre, retenu par la crainte d’insulter les dieux, vous en êtes venus à ce sentiment erroné, de croire qu’il y a, en effet, des dieux contempteurs des intérêts humains et n’en prenant aucun souci. Cependant, pour que cette doctrine fâcheuse ne dégénère pas chez vous en un sentiment complet d’impiété, et si nous pouvons conjurer et arrêter par la puissance de nos paroles les progrès de cette contagion, essayons, en rattachant les raisonnements qui vont suivre à ceux qui ont précédé, par lesquels nous avons combattu ceux qui font une profession ouverte d’athéisme, essayons, dis-je, d’en tirer parti pour la question qui nous occupe maintenant. Quant à vous, Clinias et Mégille, succédez-vous dans les réponses que vous ferez au nom de ce jeune homme, comme vous avez déjà finit précédemment. Si, dans la suite de l’entretien, il se présente quelque difficulté qui vous arrête, c’est moi qui, comme tout à l’heure, vous remplacerai et vous aiderai à traverser le fleuve.

« Vous parlez très bien. Faites donc comme vous le dites, et, de notre côté, nous accomplirons ; autant qu’il nous sera possible, ce que vous venez de nous prescrire.

« Il ne sera peut-être pas bien difficile de montrer à ce jeune homme que les dieux prennent soin des petites choses comme des grandes. Il a entendu, car il y assistait, les choses qui ont été dites tout à l’heure, savoir, que les dieux, étant bons, ils ont toutes les vertus, entre lesquelles se trouve le soin le plus minutieux de toutes les choses.

« En effet, il l’a entendu.

« Examinons donc ensemble quelle est cette vertu que nous avons reconnue dans les dieux, qui nous a forcés à déclarer qu’ils sont, bons ? N’avons-nous pas dit que la tempérance et l’intelligence étaient la marque de la vertu, et le contraire, celle du vice ?

« Nous l’avons dit.

« Quoi ! n’avons-nous pas dit que le courage était une preuve de vertu, la lâcheté un effet du vice ?

« Très certainement.

« D’un côté sont les actions honteuses ; de l’autre les belles actions.

« Nécessairement.

« Et si nous reconnaissons que celles qui sont basses peuvent nous appartenir, ne soutiendrons-nous pas qu’elles ne peuvent se rencontrer dans les dieux ni en grand ni en petit ?

« Tout le monde sera de cet avis.

« Mais quoi ! l’insouciance, la paresse, la mollesse, les considérerons-nous tomme des vertus de l’âme ? Qu’en dites-vous ?

« Comment, ce que j’en dis !

« Ne les classerons-nous pas parmi les contraires ?

« Oui.

« Et ce qui est à l’opposé de ces qualités sera inversement rangé.

« A l’opposé.

« Quoi, l’homme adonné à la mollesse, l’insouciant, le paresseux, que le poète a comparé à des frelons indolents, passera aux yeux de tous pour leur être justement comparé.

« Il a parlé avec une parfaite raison.

« On ne doit donc pas dire que Dieu ait les qualités qui lui sont en horreur, et si quelqu’un essayait de proférer de tels blasphèmes, on ne devrait pas le tolérer.

« Non, certes ; comment tolérer une telle chose ?

« Celui dont l’attribut par excellence est de faire et de surveiller, et qui est dans une telle disposition d’esprit, pourrait-il se livrer au soin des grandes choses en négligeant les petites ? Et si nous donnions des éloges à une semblable proposition, ne serions-nous pas dans une erreur complète ? Examinons. N’est-il pas vrai que tout agent, soit Dieu, soit homme, fait cette même chose suivant l’un de ces deux mobiles ?

« Lesquels, disons-nous ?

« Soit par l’opinion qu’il importe peu à l’ensemble qu’on s’occupe des détails, ou encore que cela importe, qu’il les néglige par lâcheté ou par amour du plaisir ? Ou bien connaisses-vous une autre cause de cette négligence ?

« Aucune.

« Car, quand il est impossible de soigner à la fois toutes les parties alors l’omission du soin des petites ou des grandes choses, dans celui qui les omet, ne peut être imputée à la négligence, puisque c’est par défaut de force, que cet agent, soit divin, soit vulgaire, a été mis dans l’impossibilité de se livrer à cette surveillance.

« Comment le lui reprocher ?

« Maintenant, puisque vous êtes deux, répondez à nous trois, ayant également reconnu les uns et les autres qu’il y a des dieux ; mais l’un soutenant qu’on peut les fléchir, l’autre qu’ils n’ont aucun soin des petites choses. Premièrement, vous dites également que les dieux connaissent, voient et entendent toutes choses ; que rien ne peut se soustraire à leur pensée, soit parmi les sensations, soit parmi les sciences. Sont-ce là les termes dans lesquels vous admettez l’existence des choses, ou bien est-ce dans d’autres termes ?

« C’est ainsi.

« Mais quoi ! peuvent-ils faire tout ce à quoi s’étend la puissance des mortels et des immortels ?

« Comment pourrait-on ne pas vous accorder toutes ces prémisses ?

« Cependant nous avons tous les cinq déclaré unanimement qu’ils sont bons et parfaits.

« Sans contredit.

« Comment donc ne serait-il pas impossible de prétendre qu’ils fissent quoique ce soit par lâcheté ou par mollesse, étant tels que nous les avons reconnus ? C’est la paresse qui, en nous, donne naissance à la crainte, et la lâcheté est issue de la paresse et de la mollesse,

« Ce que vous dites là est d’une grande vérité.

« Or, aucun des dieux ne peut être insouciant par paresse ou par lâcheté, car il est inaccessible à la crainte.

« C’est très juste.

« Il ne reste donc pas autre chose à dire, sinon que les dieux, supposé qu’ils négligent les choses petites comparativement à l’ensemble, ne pourraient le faire que parce qu’ils savent qu’on, ne doit pas du tout s’en occuper, ou bien… Mais quelle autre alternative reste-t-il, sinon de connaître le contraire ?

« Aucune.

« De quelle manière devrons-nous donc vous faire parler, ô mon excellent ami ? Sera-ce en disant que les dieux ignorent qu’on doive donner des soins à de telles choses, et par conséquent les négligent par ignorance ; ou qu’ils le font en sachant ce qu’on doit faire à cet égard ? De même que les plus méprisables des hommes qui, connaissant qu’ils feraient mieux de se conduire autrement qu’ils ne le font, néanmoins persévèrent dans leur mauvaise conduite, ainsi les dieux se laisseraient dominer par l’attrait du plaisir ou par la crainte de la souffrance.

« Comment sortir de ce dilemme ?

« Cependant nous avons reconnu que les choses humaines participent à la nature de l’âme, et que l’homme est le plus religieux de tous les animaux.

« Cela me semble évident.

« Nous avons dit que tous les animaux, mortels ou spirituels, entre lesquels nous compterons le ciel tout entier, étaient en la possession des dieux.

« Comment en serait-il autrement ?

« Eh bien, qu’on dise donc que ces choses sont grandes ou petites à l’égard des dieux, toujours il sera inconvenant pour les dieux, dont nous sommes la possession, de nous négliger, quelque peu que ce soit ; lorsqu’il est avéré que personne ne peut être plus susceptible de soins, ni meilleur qu’ils le sont. Examinons encore un autre point relativement aux dieux.

« Lequel ?

« Je veux parler de la sensation et de l’action. N’est-il pas vrai que ces deux facultés sont innées et placées contradictoirement entre elles sous le rapport de la facilité et de la difficulté ?

« Comment dites-vous cela ?

« Le voici : voir et écouter les petites choses est beaucoup plus difficile que voir et écouter les grandes ; tandis que porter, manier, soigner les petites en volume et en quantité, est infiniment plus facile que non pas leurs contraires.

« Beaucoup en effet.

« Un médecin à qui l’on aurait ordonné de soigner l’ensemble, ou ayant la volonté et le pouvoir réussira-t-il suivant les apparences en s’attachant à guérir les grandes et nobles parties et en négligeant les moindres ?

« Nullement.

« Également pour les pilotes, les généraux d’armée, les économistes certains politiques et autres du même genre ; rien ne prospérera pour chacun d’eux, s’ils occupent uniquement des grandes et importantes affaires, à l’exclusion des médiocres ; car les appareilleurs déclarent qu’on ne placerait pas bien les grandes pierres si l’on n’en intercalait de petites.

« Comment, en effet, cela se pourrait-il ?

« N’allons donc pas mettre Dieu au-dessous des ouvriers mortels, qui, plus ils excellent dans on art borné, plus ils apportent de soin à bien traiter leurs œuvres et à les rendre parfaites, autant dans les détails que dans l’ensemble. Et ne disons pas que Dieu, le plus habile artisan qui soit, ayant la volonté et le pouvoir de soigner ce qu’il entreprend (lors surtout que nous avons reconnu que les petites choses sont les plus faciles à bien faire) ; ainsi qu’un ouvrier lâche et peureux qui redoute la peine, ne s’en occupe nullement, pour vaquer exclusivement aux plus grandes.

« Gardons-nous, ô étranger, d’admettre une opinion pareille à l’égard des dieux, nous ne saurions concevoir en aucune sorte, une telle pensée, qui n’est ni pieuse ni vraie.

« Ne semble-t-il pas, que déjà depuis longtemps, j’ai amplement réfuté le contradicteur, qui se plaît à accuser les dieux d’insouciance ?

« Assurément.

« Quant à le forcer d’avouer lui-même par ses propres paroles qu’il a mollement soutenu cette doctrine, il faut pour cela recourir, à ce qu’il me semble, aux secrets de la magie et aux tables.

« Auxquelles ?

« Persuadons à ce jeune homme que tout a été ordonné par le surveillant du tout, pour la conservation et la perfection de cet ensemble, dont chaque partie, suivant son aptitude, souffre ou exécute ce qui lui est assigné· Il existe des chefs préposés à chacune de ses fractions, jusqu’à la plus petite mesure de souffrance ou d’action, qui achèvent le dernier terme de l’œuvre par la subdivision, et dans ce nombre, une seule fraction, la vôtre, ô malheureux, quelque infiniment petite qu’elle soit, n’en tend pas moins vers le but commun. Et n’apercevez-vous pas que c’est pour procurer une existence heureuse à la vie générale que tout engendrement particulier a lieu ; ce n’est pas à cause de vous qu’elle subsiste, mais vous subsistez à cause d’elle. Tout médecin, tout artisan expert dans son art, fait tout à cause du tout : dirigeant son intention vers ce qu’il y a de mieux pour la communauté de l’œuvre, il élabore la partie pour l’ensemble, et non l’ensemble pour la partie ; et tout votre mécontentement ne vient que de ce que vous ne concevez pas comment ce qu’il y a de mieux pour vous est d’être en même temps utile à l’existence universelle et à la vôtre, suivant le degré de puissance que vous exercez dans l’engendrement commun. Mais comme chaque âme enchaînée à un corps, tantôt à l’un, tantôt à l’autre, éprouve d’innombrables vicissitudes, tant de son fait que de celui des autres âmes., celui qui met en jeu les destinées, n’a rien de mieux à faire que de placer dans un meilleur lieu le meilleur caractère, dans un plus mauvais le plus mauvais, suivant ce qui est dû à chacun d’eux, de manière à ce qu’ils obtiennent le soit qu’ils ont mérité.

« Comment dites-vous cela ?

« Voici comme je pense qu’on peut rendre raison pourquoi Dieu n’éprouve que facilité dans la surveillance de toutes choses. Si l’on ne le figurait, ayant les regards toujours tendus sur cet ensemble, le transformant sans cesse, comme animant l’eau par l’action du feu, et sans faire plusieurs choses d’une seule, ou une seule de plusieurs, s’immisçant dans la 1re, la 2e et la 3e générations ; certes, les modifications de cet univers exigeraient des soins multipliés jusqu’à l’infini. Mais voici ce qu’a d’admirable la facilité avec laquelle il surveille le monde entier.

« Comment voulez-vous dire ?

« Dès que le roi (Βασιλεὺς) eut reconnu que toutes les actions émanaient de l’âme et renfermaient, entre elles, une grande vertu et une grande corruption, et qu’encore que l’âme et le corps ne fussent pas éternels, comme les Dieux reconnus par les lois, cependant, ils étaient indestructibles ; (il n’y aurait, en effet, nulle génération d’animaux, si l’un de ces deux principes venait à se détruire) ; il considère comme bien de l’âme tout ce qui était de nature à l’augmenter et à la faire prospérer toujours ; et comme mal, ce qui pouvait lui nuire. Dieu donc, ayant reconnu ces choses, il chercha un moyen par lequel, chacune des parties restant ce qu’elle était, il assurerait, avec la plus grande facilité et le plus grand avantage possible, le triomphe de la vertu et la défaite du vice. A cet effet, il a mis tout en œuvre pour que certaines qualités ; se perpétuant et se maintenant dans la position et les lieux qui leur conviennent, concourussent au succès commun ; tandis qu’il a abandonné, aux volontés de chacun de nous, les causes de l’engendrement des qualités de détails. Tels sont les désirs que nous formons : telle est la tournure différente de nos âmes : tels, ou peu s’en faut, sommes-nous tous tant que nous sommes, en général.

« Cela est assez vraisemblable.

« En conséquence, tous les corps qui possèdent une âme, ayant en eux leur cause de changement, sont soumis à la condition de changer ; et dans les changements où ils sont entraînés, subissent, l’ordre et la loi de la destinée. Cependant, moins ils changent de caractère, moins ils varient de position sur le sol où ils reposent. S’ils se livrent à des changements nombreux et à des injustices criantes, ils s’enfoncent dans les profondeurs de la terre, qu’on nomme enfers, ou Hadès, ou enfin de tous les noms qui s’y rapportent ; ils sont la proie à de violentes terreurs, à des rêves effrayants pendant leur vie, et lorsque les liens de l’âme et du corps sont prêts à se dissoudre. Plus une âme grandit, soit en vice, soit en vertu, par l’effet de sa volonté, par l’aide des sociétés qu’elle fréquente, si c’est en vertu qu’elle excelle, mêlant la vertu divine à la sienne, elle s’élève d’une manière surnaturelle, et déserte le lieu tout saint qu’elle habitait pour se réfugier dans un autre lieu meilleur. Si elle se dirige en sens contraire, c’est vers les régions opposées qu’elle transporte son existence. Telle est la justice des Dieux, maîtres de l’Olympe ? ô enfant, et vous jeune homme, qui pensez que les Dieux ne prennent aucun soin de nous. C’est qu’en devenant plus méchants vous vous acheminerez vers des âmes encore pi os méchantes ; au lieu qu’étant devenu meilleurs, vous vous avanceriez vers des âmes encore meilleures, pour qu’en vivant ou en mourant, de quelque manière que ce soit, vous éprouvassiez de vos semblables, et leur fissiez éprouver, tout ce qu’il convient qu’opèrent ou souffrent réciproquement des âmes semblables. Ni vous, ni nul être, quelque infortuné qu’il soit, ne pourra se vanter de triompher de la justice des Dieux. Ceux-ci l’ont fondée tellement au-dessus de toutes les justices, qu’on doit la craindre par-dessus toutes choses ; car jamais elle ne vous perdra de vue. Quelque petit que vous soyez, vous vous plongerez, en vain, dans les abîmes de la terre pour vous y soustraire ; à quelque élévation dans le ciel que vous puissiez atteindre par votre vol, vous ne lui échapperez pas : vous payerez toujours la peine attachée à votre conduite, soit que vous restiez ici, soit que vous pénétriez dans l’Hadès, soit qu’enfin, vous vous transportiez dans un lieu plus sauvage encore. Le même raisonnement trouve son application à l’égard de ceux dont, en voyant l’élévation, d’obscurs qu’ils étaient, malgré les crimes et les actions honteuses dont ils se sont souillés, vous vous persuadez qu’ils ont passé de l’infortune au bonheur. C’est dans leurs actes que vous avez cru apercevoir, comme dans un miroir, que tous les Dieux ne prennent aucun soin des destinées humaines ; parce que vous n’avez pas vu leur fin et vous ne comprenez pas en quoi une pareille existence peut contribuer au bien de l’ensemble. O vous, le plus généreux des hommes, comment ne sentez-vous pas qu’il vous importe de connaître ces vérités ? Quiconque les ignore ne peut se faire une idée juste, ni acquérir une notion vraie, sur ce qui fait le bonheur ou le malheur dans les destinées de cette vie. Si Clinias ici présent, et tout votre sénat parviennent à vous persuader qu’en parlant des Dieux, ainsi que vous le faites, vous ne savez ce que vous dites, c’est que Dieu serait venu puissamment à votre aide. S’il vous faut encore d’autres preuves, écoutez de quelle manière, pour peu que vous ayez de jugement, nous répondons à votre troisième objection. »

L’esprit de ces textes, sinon les paroles, se retrouve indiqué précédemment dans les oracles des Hébreux, de la manière la plus concise, pour renfermer toute la profondeur de la pensée, dans le moins de mots possibles. Ainsi : « Quelque petit que vous soyez, vous vous plongerez en vain dans les abîmes de la terre ; à quelque élévation, dans le ciel, que vous puissiez atteindre par votre vol, » est parfaitement semblable à ce qui a été dit par David : « Où irai-je, en m’éloignant de votre esprit ? ou fuirai-je pour me soustraire à votre aspect ? si je m’élève dans le ciel, vous y êtes ; si je descends dans les enfers, vous y paraissez. Si je me revêtis d’ailes et que j’aille habiter aux extrêmes limites de la mer, c’est votre main qui m’y conduira »

Cet autre passage : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’œuvre de ses mains. »

Ensuite Isaïe : « Dirigez vos yeux en haut, et voyez qui vous a montré toutes ces choses. »

Puis encore : « De la grandeur et de la beauté des créatures, on juge par analogie le créateur. »

Ajoutons encore : « Les choses invisibles de Dieu, depuis la création de l’univers, se découvrent par la pensée, dans les œuvres qu’il a faites : savoir, sa puissance infinie et sa divinité. »

Enfin : « Mon zèle contre les méchants s’est enflammé, en voyant la paix des pécheurs. »

Ne semble-t-il pas que Platon ait paraphrasé cette parole en disant : « Le même raisonnement trouve son application à l’égard de ceux dont, en voyant l’élévation, d’obscurs qu’ils étaient auparavant, malgré les crimes et les actions honteuses dont ils se sont souillés, vous tous persuadez qu’ils ont passé de l’infortuné au bonheur. »

Il en est de même de toutes les autres pensées, exprimées en termes semblables dans les livres des Hébreux, dont vous trouverez l’interprétation développée dans Platon : ils l’ont précédée de beaucoup. Si vous vouliez vous livrer à une recherche minutieuse de cette vérité, vous la trouveriez confirmée dans tous les écrits de ce peuple ; car je ne borne pas leurs discours aux seuls oracles de Moïse : j’y réunis tout ce qui a été dit par des hommes chéris de Dieu, venus après lui, soit prophètes, soit apôtres de notre Sauveur, dont la conformité des dogmes, avec les siens, leur donne droit à une égale dénomination.

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