Préparation évangélique

LIVRE XIII

CHAPITRE XII
COMMENT AVANT NOUS ARISTOBULE LE PÉRIPATÉTICIEN A SIGNALÉ LES EMPRUNTS FAITS PAR LES GRECS À LA PHILOSOPHIE DES HÉBREUX. TIRÉ DE L’OUVRAGE D’ARISTOBOLE, DÉDIÉ AU ROI PTOLÉMÉE

« Quant à Platon, il a évidemment suivi les livres de notre loi, car on voit qu’il a étudié chacune des choses qui y sont contenues. Ces livres furent traduits avant que Démétrius de Phalère en prît le soin, avant même le règne d’Alexandre et la domination des Perses, tant pour ce qui a rapport à la sortie d’Egypte, des Hébreux nos concitoyens, à la manifestation des prodiges opérés devant tout ce peuple, à l’occupation par lui du territoire de la Palestine, que pour l’exposition entière de notre loi : d’où l’on voit clairement que le philosophe que je viens de nommer a pris beaucoup de choses de notre loi. C’était d’ailleurs un homme d’une vaste érudition, aussi bien que Pythagore qui a également transporté et fondu dans le corps dogmatique de sa philosophie beaucoup d’emprunts qu’il nous a faits. Quant à la version entière de tous les livres qui composent notre loi, elle a été due à un de vos ancêtres surnommé Philadelphe, qui mettait la plus noble ambition à l’accomplissement de ce travail, qui fut amené à son terme par les soins de Démétrius de Phalère. »

Puis, après avoir interposé d’autres phrases, il ajoute :

« Nous devons recevoir la parole divine non comme un discours proféré (par des hommes), mais comme si les choses s’opéraient devant nous. C’est pourquoi Moise, dans le livre de la loi, nous retraçant l’engendrement entier de l’univers, ne dit que les paroles de Dieu. Continuellement, en effet, et à chaque création, il répète : « Dieu dit, et la chose fut. » Il me paraît donc évident que Pythagore, Socrate et Platon, qui ont porté un regard investigateur sur toutes ces choses, lorsqu’ils disent qu’ils ont entendu la voix de Dieu, n’ont fait que marcher sur ses traces, en contemplant l’ordre de l’univers, créé par Dieu d’une manière si admirable et conservé par lui indéfiniment. Orphée, dans ses poèmes, et notamment dans celui qui porte le titre d’ἱερὸς λόγος (discours sacré), déclare que toutes les choses, après avoir été créées par Dieu, sont gouvernées par sa puissance, attendu qu’il est au-dessus de tout. Voici de quelle manière il s’exprime :

« Je vais élever la voix pour ceux qui ont le droit de m’entendre : Fermez les portes profanes en fuyant devant les lois des hommes justes, la loi ayant été donnée par Dieu même pour conduire tous les humains. Pour vous, ô Musée, fils de la lune qui répand la lumière, écoutez-moi : je vous dirai la vérité. Evitez que les opinions que vous aviez conçues auparavant dans votre sein ne vous privent d’une félicité durable. En portant vos regards sur la parole divine, contemplez-la longtemps, en dirigeant vers cet objet toute la substance intelligente de votre âme : entrez donc dans cette bonne voie et considérez le fabricateur de l’univers, seul immortel. Une ancienne tradition nous le fait connaître, il est un, ne tenant son essence que de lui-même, tandis que tout le reste en dépend. C’est lui qui circule dans tous les êtres : il n’est personne dont les yeux charnels puissent le coirtempler : il n’est vu que par l’intelligence. Auteur de tous les biens accordés aux mortels, il ne produit aucun des maux qui affligent notre espèce : le bienfait et la haine sont ses serviteurs, aussi bien que la guerre, la peste et les douleurs cuisantes, car il n’est point d’autre Dieu que lui. Vous ne sauriez bien voir tout ce que renferme cet univers, si auparavant vous ne voyez son action sur la terre. O mon fils, je vous le montrerai lorsque j’aurai découvert la trace et reconnu la main puissante du Dieu fort. Ce n’est pas lui que je vois, un nuage l’environne et le cache à met regards ; il n’y a que les dix tablettes qui le montrent aux hommes. Non, il n’est aucun mortel qui ait vu ce souverain des hommes à la voix articulée, si ce n’est cet unique descendant d’une ancienne tribu de la Chaldée, qui était versé dans la science de la marche désastres et du mouvement circulaire qui s’accomplit autour de la terre, toujours égal dans sa rotation autour de son axe. Il modère la course des vents dans le vague de l’air, sur la plaine mobile des ondes : il fait brillera nos yeux l’éclair éblouissant du feu né de sa puissance. Quant à lui, il demeure immobile au plus haut des deux, assis sur un trône d’or ; la terre reste immobile sous ses pieds ; sa droite s’étend jusqu’aux bornes de l’océan ; la base des montagnes est ébranlée profondément lorsqu’il s’irrite ; rien ne peut résister à sa force invincible : de la région la plus sublime des cieux, il accomplit toutes choses sur la terre, ayant en lui le commencement, le milieu et la fin. Nous tenons ces révélations des anciens ; l’enfant des eaux, Moïse, les a consignées dans la loi écrite sur les deux tables, après avoir reçu de Dieu cette inspiration. Il n’est pas permis de parler d’une autre manière ; je tremble de tous mes membres et dans mon esprit : car il règne d’en haut sur tout l’univers, et y maintient l’ordre. O mon fils, approche-toi de lui par la pensée, et contenant ta langue dans un respectueux silence, conserve dans ton sein cette voix divine.

Aratus parle de même sur le même sujet :

« Offrons les prémices de nos chants à Jupiter, dont nous ne pouvons jamais taire la divinité, mortels que nous sommes. Tout est plein de Dieu : les chemins que nous parcourons, les places que nous fréquentons, la mer ainsi que les ports ; partout nous tirons profit de Dieu, car nous sommes sa race. Celui-ci, plein de douceur pour les hommes, leur montre ce qui leur est profitable : il éveille les peuples pour les porter au travail, excitant en eux le sentiment du besoin : il leur enseigne quand la glèbe est mûre pour être brisée sous les efforts des bœufs ou des hoyaux, quand les saisons sont favorables pour enterrer les plantes et pour semer les graines. »

« Le poète me semble avoir clairement montré que la puissance de Dieu est répandue dans tous les êtres, et nous l’avons surtout inculqué comme cela devait être, en retranchant de ces vers, les noms Δία et Ζῆνα (Jupiter), parce que le sens qui s’y rattache est justement renvoyé à Dieu. Nous avons donc rapporté ces citations, comme ne s’éloignant pas sensiblement des démonstrations que nous nous sommes proposé de faire. Il est avoué, en effet, par tous les philosophes, qu’on doit se former des opinions saintes de Dieu. C’est ce que notre philosophie recommande surtout ; et notre système de législation est entièrement conçu pour nous faire pratiquer la piété, la justice, la tempérance et les autres vertus dignes de ce nom. »

Plus bas, le même auteur dit encore :

« Conformément à ce qui vient d’être dit, Dieu après avoir créé le monde, nous donna le septième jour pour notre repos, sachant à combien de maux notre vie, à tous, est exposée. Ce septième jour pourrait être naturellement considéré comme le premier engendrement de la lumière dans lequel l’ensemble des créatures a pu être observé. On pourrait l’entendre métaphoriquement de la sagesse ; attendu que toute lumière procède d’elle. Quelques philosophes de notre secte (les Péripatéticiens) ont dit que la sagesse tenait la place d’un flambeau, qu’en la suivant assidûment, nous passerions, notre vie toute entière sans aucun trouble. Cependant, un de nos ancêtres, Salomon, a dit d’une manière encore plus explicite et plus noble, qu’elle existait avant le ciel et avant la terre : ce qui est tout-à-fait en harmonie avec ce que nous venons de dire. Quant à ce qu’on voit énoncé dans le même livre des Lois, que Dieu se reposa dans ce jour, ou ne doit pas l’entendre, comme quelques-uns se le sont figuré, en supposant que Dieu soit resté inerte ; mais dans le sens que Dieu a terminé l’ordre de tout ce qu’il avait créé, pour durer ainsi pendant tout le temps. Le même marque que c’est pendant six jours que Dieu fit le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, afin de nous montrer les temps, et de nous classer l’ordre dans lequel les choses doivent se succéder : après les avoir ainsi classées, il les conserve dans cet ordre sans y apporter d’altération. Il nous a désigné ce jour comme sacré, étant le signe de la septième faculté qu’il a placée en nous : celle du logos, par lequel nous acquérons la science des choses humaines et divines. Le monde entier est contenu dans les hebdomade (divisions septénaires), tant pour la génération des animaux que pour la reproduction des plantes ; ce qui fait que ce jour a reçu le nom de Sabbat, qui se traduit par repos. Homère et Hésiode en font foi, ayant emprunté à nos livres l’opinion que ce jour est saint. Voici ce qu’en dit Hésiode : « Πρῶτον ἕνη τερτράς τε καὶ ἑβδόμη ἱερὸν ἦμαρ.

« D’abord le dernier de la lune, puis le quatrième, enfin le septième, jour sacré (Hérodote, œuvres et Jours, v. 770). »

Puis : « Au septième jour, nous vîmes reparaître la brillante lumière du soleil. »

Homère dit aussi : « Le septième jour revint, jour auguste et saint. »

Puis encore :

« C’était le septième jour auquel toutes choses furent consommées. »

Enfin : « Le septième jour parut, et nous quittâmes les rivages de l’Achéron. ».

« Ce dernier vers signifie, qu’en s’éloignant de l’oubli et de la perversité de l’âme, dans le véritable ἕβδομος λόγος, on abandonne les choses que nous venons de dire et qu’on acquiert la science de la vérité, comme nous l’avons déjà exposé. »

Linus dit aussi :

« A la septième aurore, toutes choses avaient été accomplies. »

Puis ensuite :

« Le septième jour est dans les jours propices, c’est au septième jour qu’est la naissance : le septième est dans les premiers, et le septième marque la fin. »

Enfin : « Tout dans le ciel étoile est renfermé dans le nombre sept : les planètes errantes dans leurs orbites, et la révolution des ans. »

Toutes ces citations sont tirées d’Arîstobule, semblables à ce que Clément a dit sur la même matière : vous allez en juger par ce qui suit.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant