Préparation évangélique

LIVRE XIV

CHAPITRE II
DU DISSENTIMENT ET DE LA LUTTE QUI EXISTE ENTRE LES DIFFÉRENTES SECTES DE PHILOSOPHES

Je crois devoir inaugurer ce livre, en remontant à la première origine de la philosophie chez les Grecs, pour faire juger quels ont été les philosophes qui, antérieurement à la naissance de Platon, ont été désignés sous le nom de physiciens, et les chefs d’écoles qui se sont illustrés parmi eux. Je passerai ensuite à la série des Platoniciens, en donnant les noms et en signalant les qualités qui distinguent les successeurs de ce philosophe, aussi bien que leurs disputes intestines. Je ferai ressortir les différences d’opinions des différentes sectes, et les oppositions pour lesquelles, luttant, en véritables et généreux athlètes, ils entreront en scène aux yeux des spectateurs, s’escrimant de leur mieux, Nous montrerons d’abord comment Platon a tourné en ridicule ceux qui l’ont précédé ; puis, comment les autres philosophes se sont moqués des adhérents de Platon et de ses successeurs ; comment les disciples de Platon ont combattu les habiles inventions du génie fertile d’Aristote ; comment ceux qui exaltent Aristote et le Lycée ont démontré le néant des doctrines de leurs adversaires. Vous verrez les subtilités des Stoïciens qui, malgré leurs minutieuses exactitudes, ont été tournées en dérision par d’autres philosophes ; en un mot, vous assisterez à une mêlée de tons contre tous, soutenant noblement contre leurs voisins le combat et la lutte, se provoquant du poing et de la langue, ou plutôt de l’encre et de la plume à une guerre en règle, où des deux côtés, avec les armes offensives et défensives de la parole, ils s’attaquent et se défendent successivement. Le stade offrira aussi dans ce combat gymnique les adversaires de toute vérité, qui ont pris les armes contre tous les philosophes dogmatiques sans exception : je veux parler de Pyrrhon et de ses sectateurs, qui soutiennent que les hommes n’ont aucune conception certaine ; ceux qui, avec Aristippe, ne reconnaissent de compréhensions réelles que celles de la douleur ; Métrodore et Protagoras, qui prétendent qu’on ne doit ajouter foi qu’aux seules sensations corporelles ; enfin, les partisans de Xénophane et de Parménide qui, dans les rangs contraires, détruisent toute réalité des sensations. Nous n’oublierons pas non plus les champions de la volupté : (parmi eux, excelle Épicure), que nous enregistrerons après ceux que nous venons de nommer. Pour combattre ces philosophes, nous n’emploierons pas d’autres armes que celles qu’ils nous fournissent eux-mêmes. Je mettrai en évidence les divergences de doctrine, et les efforts de zèle inutile que nous présentent tous ceux des philosophes qui sont connus sous la dénomination de physiciens, non par un sentiment d’aversion pour les Grecs, ni pour cette science en gênerai, bien s’en faut : mais par le désir d’écarter le reproche qu’on pourrait nous faire, de n’avoir embrassé les doctrines hébraïques, qu’en ignorant complètement en quoi consistait la sagesse des Grecs.

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