Préparation évangélique

LIVRE XIV

CHAPITRE XVIII
CONTRE LES SCEPTIQUES SUIVANT PYRRHON, OU CEUX QU’ON NOMME ÉPHECTIQUES, C’EST-À-DIRE REFUSANT LEUR ASSENTIMENT, PARCE QU’ILS SOUTIENNENT QUE RIEN N’EST COMPRÉHENSIBLE. TIRÉ DU MÊME

« Il est nécessaire avant tout de pénétrer dans la connaissance de ce qui est eu nous ; car, si nous n’avons reçu de la nature aucune faculté pour connaître, il n’est plus nécessaire de rechercher quelque autre chose que ce soit. Il y a eu même jadis certains philosophes qui ont proféré cet axiome auquel Aristote a répondu ; mais Pyrrhon de l’Élide, plus qu’aucun autre, s’est signalé par la profession de celle doctrine, quoiqu’il n’ait laissé après lui aucun écrit.

« Son disciple, Timon, dit que celui qui veut être heureux doit diriger ses regards vers trois points : d’abord, ce que sont les choses ; secondement, de quelle manière nous devons nous gouverner à leur égard ; enfin, quelle sera l’issue d’une pareille conduite. En procédant ainsi, disait-il, les choses lui semblaient également indifférentes, inconsistantes, impossibles à classer ; en conséquence, il ne saurait y avoir ni vérité ni erreur dans nos sensations non plus que dans nos opinions. On ne doit donc point leur accorder la moindre confiance, et nous devons être sans opinion, sans penchant pour l’une préférablement à l’autre et inébranlables, en disant de chaque chose, qu’il n’est pas plus vrai qu’elle soit, qu’il n’est vrai qu’elle n’est pas ; puisqu’être ou n’être pas, n’ont pas plus d’existence l’un que l’autre. Dans cette disposition d’esprit il ne reste donc plus, dit Timon, que l’ἀφασία, la réticence ; l’ἀταραξία, la quiétude, et suivant Aenésidémus l’ἡδονή, la volupté.

« Voici en résumé ce qu’ils disent. Examinons jusqu’à quel point cela est bien dit. Dès lors qu’ils disent que toutes choses sont également indifférentes, et que par ce motif ils nous exhortent à n’y donner aucune attention, à n’en concevoir aucune opinion, ne serait-on pas fondé à leur adresser cette question ? N’est-il pas vrai que ceux qui croient qu’il existe des différences entre les choses, ou sont complètement dans l’erreur, ou n’y sont pas ? Or, s’ils sont dans l’erreur, il est certain que leur supposition est fausse ; il est donc nécessaire pour ces philosophes de déclarer qu’il est des hommes qui ont de fausses opinions des choses, tandis que ce seraient eux, sceptiques, qui diraient la vérité ; par conséquent, il existe une vérité et une erreur. Que si nous, peuple, nous ne péchons pas, en croyant que les choses sont différentes entre elles, quelle est la manie qui les porte à venir nous régenter ; car, évidemment, le tort est du côté de ceux qui excluent toute différence dans les choses ? Et si nous leur accordions que l’indifférence la plus entière règne entre toutes les choses, il s’en suivrait donc qu’ils ne différeraient en rien de la niasse du peuple. En quoi consisterait, dansée cas, leur sagesse ? Pourquoi Timon injurie-t-il tous les philosophes, ne connaissant que le seul Pyrrhon qui soit digne de ses louanges ? Allons plus loin : si toutes les choses sont indifférentes, et que par ce motif nous ne devions en avoir aucune opinion, mais cela même ne nous présente-t-il pas une différence : de différer ou de ne pas différer, d’opiner ou d’être sans opinion ?

« Pourquoi une telle chose existe-t-elle plutôt que de ne pas exister ? ou, pour parler comme Timon, pourquoi oui et pourquoi non ? Pourquoi ce pourquoi ; puisqu’on ne doit rien chercher à connaître ? En sorte que nous leur dirons de cesser de nous tourmenter ; car il y a dans leur conduite de la folie, et ils s’éloignent tout à fait de leur but. D’une part, ils nous défendent de nourrir quelque opinion que ce soit ; et de l’autre, ils veulent nous inculquer la leur, disant qu’on ne doit rien affirmer de quoi que ce soit, en affirmant eux-mêmes. Ils établissent comme axiome qu’on ne doit accorder d’adhésion à aucune personne, et ils nous commandent de leur donner notre confiance : ils disent qu’ils ne savent rien, et ils réfutent tous les autres, comme en sachant plus qu’eux. Il est indispensable pour des philosophes qui disent que tout est incertain, de prendre un de ces deux partis : ou se taire ou affirmer en parlant. S’ils optent pour le silence, il est certain qu’on n’a rien à leur répondre ; mais s’ils viennent à produire une assertion quelconque, forcément ou ils diront qu’une telle chose existe ou ils le nieront ; de même que, dans le cas actuel, ils disent que tout est inconnu et qu’il n’y a qu’opinion chez tous les hommes ; eh bien, cela même leur est inconnu. Quiconque profère un axiôme, ou veut prouver une chose, comme dans ce cas, est dans la possibilité de faire comprendre ce qu’il dit, ou bien cette possibilité lui est refusée. Mais s’il ne prouve rien, la dispute cesse tout-à-coup. S’il veut donner des preuves, ou ces preuves seront indéterminées ou elles seront déterminées ; si elles sont indéterminées, il n’y a rien à discuter, car ce qui est indéterminé est par là même inconnu. Que si ces démonstrations sont déterminées, ou au moins l’une d’elles ; ce ne peut être qu’à l’aide de définitions et de jugements ; comment donc alors tout serait-il inconnu de manière à ce qu’on ne puisse juger ? S’il affirme que ces choses sont et ne sont pas, la première conséquence sera que la vérité et l’erreur ne seront qu’une même chose ; la seconde, qu’il dira et qu’il se contredira ; qu’en faisant un raisonnement, il le renversera ; qu’en avouant qu’il ment, il prétendra qu’on doit le croire.

« Il est curieux de rechercher par quelles études ils sont parvenus à apprendre et à soutenir que tout est incertain. Il a fallu que, précédemment à cette découverte, ils eussent la connaissance de ce qui est certain : ce n’est qu’en vertu de cette science qu’ils auraient la possibilité de dire que les choses ne sont pas telles. Il faut qu’ils aient connu l’affirmation précédemment à la négation ; car s’ils ne connaissaient pas ce qui est certain, ils n’auraient aucune idée de ce qui est incertain. Lorsque Aenesidemus, dans son hypotypose, nous développe les neuf modes suivant lesquels il essaye de nous prouver que toutes les choses sont incertaines, dirons-nous qu’il les connaisse ou qu’il les ignore ? il convient que les animaux sont différents entre eux ; à quoi nous ajoutons qu’il en est de même des villes, des genres de vie, des coutumes et des lois. Il dit que nos sens sont faibles, que beaucoup de causes extérieures viennent en pervertir les relations, telles que les distances, les grandeurs et les mouvements ; que nous ne sommes plus les mêmes, vieux, que nous étions jeunes ; éveillés, que nous sommes endormis ; en santé, que nous sommes en maladie : qu’aucune de nos perceptions n’est simple et sans mélange, attendu qu’il y a mélange partout, et que tout ce qu’on dit n’est dit que relativement et confusément. A ces objections et à d’autres pareilles dont il fait un grand étalage, je n’opposerai qu’une question : était-il bien sûr de ce qu’il disait, en énonçant que les choses sont d’une telle manière, on l’ignorait-il ? s’il l’ignorait, comment veut-il que nous le croyions ? s’il le connaissait ; n’est-ce pas le comble de la stupidité de venir nous démontrer comme incertaines, toutes les choses qu’il prétend bien connaître ? Cependant, lorsque les sceptiques font de semblables distinctions, que font-ils autre chose qu’une argumentation inductive, nous montrant ce que sont individuellement chacune des choses, d’après ce qu’elles nous apparaissent. C’est justement ce qui est, et ce qu’on est convenu dénommer, preuve. S’ils lui donnent leur assentiment, il est clair qu’ils ont une opinion ; s’ils ne croient pas eux-mêmes ce qu’ils disent, ils n’ont aucun droit à réclamer notre suffrage.

« Dans son Python, Timon fait un long récit de la manière dont il fit la rencontre de Pyrrhon, lorsqu’il allait au temple d’Apollon Pythien, étant vers le temple d’Amphiaraüs, et des conversations qu’ils eurent ensemble. Eh bien, ne serait-il pas très naturel, que quelqu’un s’approchant de lui, lorsqu’il écrivait ces choses, lui eût dit : O malheureux, tu t’épuises en efforts superflus pour écrire des choses que tu n’es pas certain d’avoir dites. Comment, en effet, est-il plus vrai que tu aies eu cet entretien avec Pyrrhon, que tu ne l’aies pas eu ? Et cet admirable Pyrrhon lui-même, savait-il ce qu’il allait voir au temple pythien, ou s’il ne s’était pas fourvoyé comme font les gens en démence ? Lorsqu’il commença à déclamer contre l’ignorance des hommes, pouvons-nous affirmer qu’il disait la vérité ou non ? Est-il sûr que Timon fut frappé de sa manière de parler, au point de se rendre à ses raisonnements, au lieu de les repousser ? S’il n’avait pas cédé à sa conviction, comment de danseur de théâtre serait-il devenu philosophe et admirateur de Pyrrhon pendant tout le reste de son existence ? S’il a consenti à admettre comme vérités, ce qu’il lui entendait dire, n’est-il pas déraisonnable, ayant pris le rôle de philosophe, de vouloir nous empêcher d’en faire autant ? ou tout simplement n’a-t-on pas lieu d’être surpris du motif qui a pu dicter les Silles de Timon, les mauvais rudiments d’Aenesidemus et toute cette multitude d’écrits sur le même sujet, pleins d’injures contre l’espèce humaine ? S’ils ont cru travailler à nous rendre meilleurs en écrivant ces livres, et que par celle cause ils doivent réfuter tous les autres (philosophes), pour que nous cessions de nous repaître de chimères ; c’est qu’apparemment ils veulent que nous connaissions la vérité, et que nous supposions que les choses sont réellement telles que le veut Pyrrhon ; de manière que si nous étions persuadés par eux, nous deviendrions meilleurs, de plus mauvais que nous étions ; nous jugerions mieux ce qui peut nous être plus utile, et nous admettrions comme devant être crus de préférence, ceux qui parleraient le mieux. Eh bien, s’il en est ainsi, comment peut-on dire que toutes les choses sont indifférentes (indiscernables) ? comment pourrions-nous ne donner d’assentiment à rien, et n’avoir aucune opinion ? Si leurs discours ne sont d’aucune utilité, pourquoi nous tourmentent-ils, et pourquoi Timon vient-il nous dire : « qu’aucun homme ne pourrait entrer en lutte avec Pyrrhon ? » Je ne vois pas pourquoi j’admirerais Pyrrhon plus que Corœbus, plus que Mélitidès qui paraissent l’emporter en extravagance sur tous les autres hommes. Il est encore bon de réfléchir sur ceci. Qui pourra être bon citoyen, bon juge, bon conseiller, bon ami, ou pour le dire en un mot, un bon homme, en étant tel qu’ils le veulent ? A quel excès ne se livrera pas celui qui est persuadé qu’il n’y a, dans la réalité, rien qui soit mal, ni honteux, rien de juste, ni d’injuste ? On ne dira pas, en effet, que c’est parce qu’ils craignent les lois, les juges, et les châtiments. Comment cela se pourrait-il, étant impassibles, insouciants, comme ils le prétendent ? Voici qui le prouve, ce sont ces vers de Timon, concernant Pyrrhon :

« Tel que je l’ai vu, sans faste ; mais ne fléchissant point la tête sous les préjugés qui dominent tous les hommes, tant ceux qu’on enveloppe de mystère, que ceux qu’on dit tout haut, qui pèsent çà et là sur les populations frivoles, leur imposant des passions effrénées, des opinions sans preuves, des législations sans plan. »

« Lorsqu’ils proclament ce sophisme, que l’on doit vivre en se conformant à la nature et aux usages établis ; mais qu’on ne doit acquiescer à quoi que ce soit, ne se montrent-ils pas tout à fait absurdes ? Car si l’on ne devait acquiescer à rien, au moins devrait-on le faire à cette règle de conduite qu’ils nous tracent, et admettre qu’il en doit être ainsi. Cependant pourquoi devons-nous suivre la marche de la nature et des usages plutôt que de ne pas le faire, sans rien savoir, sans avoir moyen d’en juger ? Mais voici encore une autre règle qu’ils nous prescrivent qui est de la dernière stupidité, quand ils nous disent que, de même que les remèdes purgatifs s’évacuent avec les humeurs peccantes, qu’ils entraînent ; de même l’argumentation par laquelle nous prouvons que tout est incertain, s’élimine, en éliminant tout le reste. Mais si leur manière de raisonner se réfute elle-même, il n’y a que des fous qui peuvent s’en servir. Ce qu’ils auraient de mieux à faire, serait donc de se tenir en repos et de ne pas desserrer les lèvres ; car il n’y a aucune similitude entre le remède purgatif et leur raisonnement. Ce remède se sécrète pour ne pas rester dans les corps ; au lieu que ce raisonnement doit demeurer dans les âmes, étant toujours le même et toujours digne d’être cru ; puisque c’est lui seul qui nous préserve d’acquiescer à aucune proposition. Quant à l’impuissance où sont les hommes d’être sans opinion quelconque, en voici la démonstration : il est impossible à l’homme qui a éprouvé une sensation de ne pas sentir ; or, sentir c’est connaître quelque chose, il croit donc à la sensation : tout le monde en conviendra. Veut-il examiner un objet avec plus d’attention, il se frotte les yeux, se rapproche, contracte sa pupille. Nous savons encore quand nous sommes dans la joie ou dans la peine. Il est impossible d’ignorer qu’on se brûle ou qu’on se coupe. Que dirons-nous des souvenirs et des réminiscences ? ne résultent-t-ils pas de nos conceptions ? Je passe aux idées communes, qu’une telle chose est un homme ; aux sciences et aux arts, qu’en dira-t-on ? Certes aucune de ces choses n’aurait de réalité, si nous ne devions pas à la nature de concevoir. Je laisse bien d’autres objections de côté ; mais je soutiens qu’il est nécessaire en tout et par tout d’avoir une opinion, soit que nous donnions foi à ce qu’enseignent ces philosophes, soit que nous leur déniions toute croyance. Il est donc manifeste qu’on ne saurait être philosophe, en voulant l’être de cette sorte ; c’est être à la fois en opposition à la nature et aux loi, comme nous allons le faire voir. Si en effet les choses étaient telles qu’ils les dépeignent, que nous resterait-il à faire, sinon de vivre au hasard et sans plan de conduite, comme si nous étions plongés dans le sommeil ? Les législateurs, les généraux d’armée, les instituteurs de la jeunesse perdraient leur temps. Quant à moi, je déclare que tous les autres hommes me semblent vivre d’une manière conforme à la nature, et ceux-là seuls, qui professent de semblables extravagances, me semblent pleins d’illusions, ou plutôt atteints d’une démence de la plus fâcheuse espèce. J’en vais donner un échantillon qui se fera surtout comprendre. Antigone de Caryste, qui vécut vers la même époque que Pyrrhon, ayant composé une biographie de ces philosophes, dit que Pyrrhon étant poursuivi par un chien, se réfugia sur un arbre, et qu’étant tourné en ridicule par ceux qui se trouvaient là, il leur répondit qu’il était difficile de dépouiller l’homme. Sa sœur Philiste devant faire un sacrifice, un de ses amis avait promis de fournir la victime et ne tint pas sa parole. Pyrrhon ayant dû l’acheter, il se mit en colère : cet ami lui observant qu’il ne se comportait pas d’une manière conforme à ses discours et à l’impassibilité qu’il préconisait, Pyrrhon répondit que ce n’était pas au sujet d’une femme qu’on devait en faire l’application. Cet ami aurait pu lui répliquer avec raison que cela ne pouvait s’appliquer ni à une femme, ni à un chien, ni à quoi que ce soit.

« Pour que vous puissiez tirer parti de mon travail, il est bon que vous connaissiez quels furent ses imitateurs, et quels sont les modèles que ce même Pyrrhon s’était proposé d’imiter. D’abord Pyrrhon fut disciple d’un certain Anaxarque, qui avait commencé par être peintre, et comme il ne réussissait pas dans cet art, il se mit à parcourir les écrits de Démocrite qui lui tombèrent sous la main : il n’inventa, ni n’écrivit rien de bon, il parla mal de tout, des Dieux et des hommes ; puis ensuite, s’étant entouré de suffisance, il a pris le surnom d’ἄτυρος (sans faste). Il n’a rien transmis à la postérité par écrit. Pyrrhon eut pour disciple Timon, le Phliasien, qui lui-même, dans le commencement, avait dansé sur le théâtre, dans des chœurs ; ensuite, ayant fait la rencontre de Pyrrhon, il composa des tragédies (64) de mauvais style, des bouffonneries où il injurie tout ce qui a jamais existé de philosophes. C’est lui qui est auteur des Silles, où il dit :

« Misérables humains, rebut de la nature,

« Qui n’avez de souci que pour votre pâture,

« Quels bavardages vains troublent votre repos,

« Et consument vos jours en querelles de mots ? »

Puis :

« Les hommes ne sont que des outres remplies du vent de l’opinion »

Comme personne ne se souciait d’eux, pas plus que s’ils n’eussent jamais existé, il y a à peine deux jours qu’il se trouva à Alexandrie, un certain Aenésidémus qui essaya de ressusciter cette jonglerie. Voilà, en résumé, les hommes qui passent pour les plus valeureux champions des sectateurs de cette confrérie. Soit qu’on la nomme secte ou simplement un jargon ; sous quelque nom qu’on la désigne, il est bien sûr que nul homme, doué d’un jugement sain, ne saurait en penser avantageusement. Quant à moi, je déclare que je ne décorerai jamais du nom de philosophie, une argutie qui n’a d’autre but que de battre en ruines les fondements de toute philosophie. »

Telles sont les expressions dont se sert Aristoclès envers ceux qui se donnent pour les disciples de Pyrrhon. On peut leur associer la réfutation que fait le même écrivain, de ceux qui, sur les traces d’Aristippe de Cyrène, n’admettent pas d’autres conceptions que celles de la douleur et de la volupté. Aristippe avait été un familier de Socrate. Il fonda la secte, dite Cyrénaïque, de laquelle Épicure a tiré les éléments de la fin qu’il nous propose. Aristippe était un homme efféminé et adonné au plaisir ; mais jamais il ne professa, en public, que la volupté était son but, seulement il disait que l’essence du bonheur reposait dans les voluptés ; et comme il parlait sans cesse de la volupté, il laissa soupçonner à ses auditeurs qu’il leur proposait, comme but, le soin de vivre dans les délices. Il eut pour disciples Synallus et sa fille Arêté, qui, ayant eu un fils, le nomma Aristippe. Celui-ci prit le surnorn de Métrodidaclos (instruit par sa mère), des leçons de philosophie qu’il en avait reçues. Ce fut lui qui précisa le but de vivre dans les délices, y plaçant la volupté qui résulte du mouvement. Il y a, disait-il, trois catastases (situations) qui partagent notre constitution ; l’une, suivant laquelle nous ressentons de la douleur, semblable à la tempête qui agite la mer ; l’autre, d’après laquelle nous éprouvons de la volupté, ils la comparent à une légère agitation des flots ; car la volupté est une douce agitation, procurée par un vent favorable. La troisième est la catastase intermédiaire, d’où il ne résulte ni douleur, ni volupté : elle est pareille au calme. C’est ainsi qu’il soutenait cette thèse, que nous n’avons de sensations que par les impressions, soit pénibles, soit agréables. Voici comment Aristoclès le réfute.

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