Préparation évangélique

LIVRE XIV

CHAPITRE XXIV
RÉFUTATION PRISE DES EXEMPLES QUE FOURNIT LA SOCIÉTÉ DES HOMMES. TIRÉ DU MÊME

« Comment supporter d’entendre dire que les coïncidences dans les choses qui dénotent le plus de sagesse de la part du créateur, et par conséquent les créations les plus admirables, sont des effets du hasard ; tandis que chacune de ces œuvres, prise isolément, a paru belle à celui qui les a ordonnées, et qu’il est dit également de l’ensemble : Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites ; et il vit qu’elles étaient très belles ? Ces hommes ne peuvent-ils pas apprendre, d’après les exemples journaliers qu’ils ont sous les yeux, pour les plus petites choses, que rien de ce qui est utile, qu’aucun ouvrage tendant à une bonne fin, n’est amené à bien, sans préparation et fortuitement ; mais que son exécution exige une assiduité proportionnée à son importance. C’est lorsque cette œuvre s’oblitère avec le temps, de manière à perdre son usage, que devenue stérile, elle se décompose indéfiniment, qu’elle se dissipe au hasard ; parce qu’alors la sagesse qui l’avait élaborée de ses mains, et qui l’avait disposée dans un ordre convenable, a cessé de lui prodiguer les soins qui l’y maintenaient. Un vêtement ne saurait se produire en rassemblant la chaîne, en y adaptant la trame, de soi-même, sans le secours du tisserand. S’il vient à s’user, c’est alors que ses lambeaux se rompent et se dispersent. Une maison, une ville, ne sauraient se construire, en recevant les pierres mises en mouvement d’elles-mêmes et s’élançant à leur place ; mais le maçon, après les avoir appareillées, les pose comme elles doivent l’être. Cette maison vient-elle à être ébranlée ? chacune de ses pierres est jetée çà et là, sans ordre et comme elles peuvent. Dans la construction d’un navire, jamais la quille n’est venue se poser à la base, d’elle-même ; jamais le mât ne s’est dressé au milieu ; jamais aucune des pièces de charpente n’est arrivée spontanément, dans le bordage, au point qui lui était destiné. Parmi ce qu’on nomme les cent bois d’un char, aucun n’est venu, entre les autres, au joint qu’il trouvait vide ; mais le charron les a disposés un à un, pour la place qui leur était assignée. Le vaisseau fait-il naufrage, le char se brise-t-il dans la rapidité de sa course ; alors les bois d’assemblage sont, les uns emportés par les flots, les autres fracassés par la violence de la chute, désunis et dispersés ? Voilà sous quels images il conviendrait de leur montrer leurs atomes, soit restés immobiles et n’ayant point été mis en œuvre par l’artisan de l’univers, ou errants dans l’espace, sans cause et sans but. Qu’ils les voient donc, ces corps invisibles, qu’ils les conçoivent donc, ces corps inconcevables, non pas à la manière de celui qui confesse à Dieu, ce que Dieu même lui a révélé (mes yeux ont vu l’imperfection de vos œuvres) ; mais lorsqu’ils disent que les tissus les plus délicats sont produits par les atomes, et qu’ils ajoutent que ces mêmes atomes font tout cela d’eux-mêmes, sans discernement et sans sentiment ; qui peut supporter d’entendre dire que les atomes sont des fileurs : eux qui sont moins intelligents que l’araignée, qui, du moins, agit avec art, en faisant sa toile ?

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