Préparation évangélique

LIVRE XV

CHAPITRE XIII.
CONTRE LE MÊME QUI TOURNE EN RIDICULE LES IDÉES DE PLATON, QUE LES ANCIENS HÉBREUX N’ONT PAS IGNORÉES, COMME LEURS LIVRES EN FONT FOI. TIRÉ DU MÊME

« Le dogme capital et la sanction de toute la philosophie platonicienne est dans la distribution des choses intellectuelles qui a été vilipendée et bafouée par Aristote : lequel n’a ménagé aucune injure pour en décrier le principe. C’est qu’il ne pouvait pas concevoir que tout ce qui est grand, divin, hors des proportions ordinaires, a besoin pour être compris, d’une force d’âme qui s’en rapproche ; tandis que, mettant toute sa confiance dans sa perspicacité superficielle et rampante, qui pouvait bien fouiller dans les entrailles de la terre pour pénétrer la vérité qui y est déposée, elle était moins capable d’envisager en face l’éclat de la vérité par excellence. Se prenant pour mesure et pour critérium des supériorités placées au-dessus de lui, il a méconnu l’existence de certaines natures que Platon nous a révélées, et n’a pas craint de dire que ce qu’il y a de plus sublime dans les essences n’était que des jouets d’enfants et des frivolités : savoir le complément et le plus grand effort des conceptions de Platon qui embrassent la substance intellectuelle et éternelle des idées : c’est le dernier travail, c’est le plus grand combat proposé à l’âme. Celui qui atteint ce but et qui s’associe à cette science est entièrement heureux ; celui, au contraire, qui reste en arrière par l’impuissance de contempler cette lumière, est entièrement dépouillé de sa part de vraie félicité : telle est la raison pour laquelle Platon combat partout et sans cesse, pour nous faire comprendre la force de ces natures : il dit même qu’il est impossible de définir d’une manière satisfaisante la cause de quoi que ce soit, sans y faire entrer cette connaissance ; qu’on ne pénètre une vérité quelconque que par relation avec cette vérité primordiale ; et qu’on ne raisonnera justement, en quoi que ce soit, qu’en se pénétrant de son existence. Aussi tous ceux qui ont résolu de défendre et de consolider la philosophie de Platon ont placé dans cette question leur discussion la plus animée : ce qui était bien nécessaire ; car, à moins d’amener leurs adversaires à leur concéder ces natures primordiales et archiques par excellence, ils n’auraient rien fait pour le Platonisme. C’est la conception qui donne à cette philosophie la suprématie sur toutes les autres. Platon ayant compris Dieu comme le père, le créateur, le maître et régulateur de l’ensemble des choses, a reconnu, d’après ses œuvres, que cet artiste avait dû, avant tout, concevoir le plan de l’ouvrage qu’il se proposait de faire ; et qu’il ne s’est mis à le copier en réalité, que par une réflexion à posteriori. De la sorte, les idées en Dieu ont précédé les œuvres : ce sont les paradigmes incorporels et intellectuels qui demeurent toujours les mêmes et dans les mêmes conditions que lors de leur premier jet : elles sont causes premières des autres causes pour chacun des effets, qui sont tels que nous les voyons, d’après leur ressemblance avec elles. Platon s’étant convaincu que ces essences n’étaient pas facilement perceptibles ni même aisées à développer clairement par la parole, s’est mis à y réfléchir et à en parler autant qu’il lui était possible, et à prédisposer ceux qui devaient le suivre. Ayant donc élaboré cette étude, et ayant coordonné toute sa philosophie dans ce système, il a déclaré que la perception de ces vérités constituait toute la sagesse, et la science dont le but est de procurer aux hommes l’existence la plus fortunée. »

Voilà ce que dit Atticus. Il eût été facile de donner plus d’étendue à la citation que nous avons faite de l’ouvrage susnommé de cet écrivain ; mais nous contentant de ce que nous en avons extrait, nous allons passer à la secte des Stoïciens. Antisthène fut un des auditeurs de Socrate ; c’était un homme herculéen, disant que la fureur était préférable à la volupté ; aussi exhortait-il ses disciples à ne jamais faire le moindre effort vers cette dernière. Celui-ci eut pour disciple Diogène le Cynique qui, tout en se faisant gloire d’avoir les opinions les plus brutales, attira cependant un assez grand nombre d’adeptes à sa philosophie. Son successeur fut Cratès : de Cratès provint Zénon le Cittien, qui fut le premier fondateur de la secte stoïcienne ; à Zénon succéda Cléanthe, et à Cléanthe Chrysippe ; après celui-ci vint le second Zénon et ceux qui continuèrent cette école. On dit que ces philosophes s’occupaient exclusivement de mener une vie austère et de l’étude de la dialectique. Je vais faire connaître en quoi consistaient les principaux dogmes de leur philosophie.

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