Préparation évangélique

LIVRE XV

CHAPITRE XX
DES OPINIONS QUE LES STOÏCIENS SE SONT FORMÉES SUR L’ÂME

« Le germe, dit Zénon (celui que l’homme émet, composé d’air et d’humidité) contient une partie fractionnelle de l’âme, mélangée avec le germe des ancêtres, auquel s’est adjoint cette mixtion des parties de l’âme. Ayant, en effet, des proportions semblables à celles qui sont dans l’homme entier, le germe lancé dans la matrice y est accueilli par un autre souffle, portion de l’âme de la femme, et s’y étant combiné, il se développe par un mouvement latent et se vivifie par son action : recevant toujours un accroissement humide, il grandit de lui-même. »

Après quelques autres observations, il continue :

« Cléanthe, ayant mis en parallèle les doctrines de Zénon avec celles des autres philosophes physiciens, déclare que celui-ci donne l’âme pour une sensation et une exhalaison ; ce qu’avait déjà dit avant lui Héraclite. Dans l’intention de démontrer que les âmes sont des exhalaisons intellectuelles et constantes, il les a comparées à ce qui a lieu dans les fleuves, en ces termes :

Dans les mêmes fleuves, d’autres et d’autres eaux se pressent autour de ceux qui y descendent ; elles âmes sont des exhalaisons des substances humides ; en sorte que, comme Héraclite, il donne l’âme pour une exhalaison. Zénon dit que l’âme est susceptible de sensations ; et la raison qu’il en donne est que sa partie directrice peut recevoir l’empreinte des grandeurs d’après les êtres et choses présentes, et ce, à l’aide des organes des sens ; et qu’elle garde ces empreintes. C’est là une des propriétés de l’âme. »

Après d’autres remarques il continue :

« Ils disent qu’il y a une âme de l’ensemble des choses qu’on nomme Éther ; c’est l’air qui est répandu autour de la terre et de la mer, ainsi que les exhalaisons qui s’en élèvent : les autres âmes sont groupées autour de celle-là : savoir, celles qui sont disséminées chez les animaux, et toutes celles qui nagent dans l’atmosphère ; car les âmes des morts continuent d’exister. Quelques-uns soutiennent que l’âme de l’ensemble est éternelle, et que les autres, après la mort, viennent s’y mêler. Toute âme renferme en soi une partie directrice, qui est vie, sensation et désir. »

Après quelque peu de lignes il ajoute :

« Ils disent que l’âme a eu un commencement et doit avoir une fin d’existence, que néanmoins elle n’est pas anéantie par sa séparation du corps : elle subsiste encore quelque temps en elle-même : savoir, celle des hommes vertueux jusqu’à la dissolution générale de l’univers par le feu ; celle des hommes sans sagesse, pendant quelque temps limité. Voici comment ils veulent que les âmes subsistent ; c’est parce que le corps étant retiré, nous continuons d’exister comme âmes, en nous restreignant à la vie des âmes ; au lieu que pour les hommes sans sagesse et pour les animaux sans raison, les âmes périssent avec les corps. »

Tels sont les dogmes de la philosophie stoïcienne recueillis dans l’abrégé d’Arius Didyme. Il me suffira, pour faire connaître l’extravagance des doctrines de ces philosophes sur la nature de l’âme, de citer sommairement ce que Longin, qui a presque vécu de notre temps, leur a opposé en ces termes :

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