Oui, nous sommes protestants

Préface

Encore un livre sur le protestantisme ? Mieux que cela, un plaidoyer en faveur d'un protestantisme ouvert, divers, toujours en évolution ! Le grand mérite de son auteur est d'avoir évité la seule démarche historique ; on sait trop à quoi elle aboutit. N'est-il pas temps, devant les exigences de la sécularisation et le formidable défi qu'elle représente pour les chrétiens, de refermer la parenthèse ouverte par la Réforme protestante ? Le lecteur, s'il se laisse guider par Éric Denimal, évitera ce piège. Il sera séduit pas ces hommes et ces femmes qui témoignent de ce qu'est l'appartenance à « la famille » protestante.

Famille ! Oui, car c'en est une, par la marque indélébile qu'ont laissée les grands anciens – Luther, Calvin, Wesley – qui, chacun à leur manière, ont enfanté des hommes et des femmes de convictions, de responsabilité et d'engagement. Famille, toujours en voie de recomposition, dont on aimerait préciser les contours qui sans cesse nous échappent. Famille, dont notre pays donne une image bien singulière.

Tout d'abord, le caractère minoritaire du protestantisme français et les combats qu'il a menés pour que cette minorité soit reconnue – bien que le terme soit inadéquat en regard de la loi de 1905 qui ne « reconnaît » aucun culte – lui ont donné un notoriété qui dépasse de loin sa valeur numérique. On attend beaucoup de lui, de sa capacité à se mobiliser pour d'autres minorités, d'autres « sans voix », et reconnaissons qu'il s'y emploie assez bien. Que ce soit la C.I.M.A.D.E. et son engagement aux côtés des immigrés ; que ce soient les œuvres qui viennent en aide aux handicapés ; que ce soit l'Armée du salut ; que ce soient les prises de position de la Fédération protestante de France en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie, du Congo-Brazzaville... Ce protestantisme solidaire tient sa vitalité de son expérience de la minorité. Il sait et exprime que tout être humain bénéficie du regard favorable que Dieu porte sur lui.

Mais cette famille protestante française n'a pas pour autant renoncé à sa diversité. Celle-ci tient à son histoire, aux apports successifs des protestants luthérien, réformé, baptiste, évangélique, pentecôtiste... Elle aurait pu choisir de se fondre en un seul corps pour être plus forte, plus visible. Elle a préféré le débat interne – parfois la concurrence (avouons-le !) – par souci de la liberté individuelle et du témoignage personnel.

Minoritaire, divers à l'extrême, le protestantisme français a-t-il un avenir ?

Je viens d'esquisser une première réponse. Dans une société française en pleine recomposition, tentée par le communautarisme ou le chacun pour soi, la famille protestante peut offrir, me semble-t-il, un modèle d'unité dans la diversité. Il ne suffira pas qu'elle le proclame, mais qu'elle en vive. C'est l'un des enjeux des dialogues engagés entre les Églises de la Fédération protestante de France et les Églises adventistes, pentecôtiste (ou néo-pentecôtiste), qui envisagent d'y adhérer. Ouvrir de véritables débats les uns avec les autres, ne pas ignorer les tensions, exprimer accords et désaccords... Les enjeux sont clairs : refuser l'uniformité et pourtant, exprimer l'unité que donne l'écoute de ce que Dieu dit à son Église.

Il faudrait aussi que le protestantisme français n'échappe pas aux questions majeures qui me semblent se poser aujourd'hui à la société française. Les actes terroristes du 11 septembre 2001 les ont mis en pleine lumière. A l'hégémonie américaine, contestée parce qu'elle est centrée sur les seuls intérêts occidentaux, il faut répondre par la construction d'une Europe attentive à l'équité, à la justice, aux droits sociaux, aux dimensions spirituelles des êtres humains, à la solidarité avec les pays du Sud. Or, qu'il s'agisse de l'intégration européenne, des relations Nord-Sud, de l'inspiration à leur donner, nos Églises, portées par le message universel de l'Évangile, liées les unes aux autres par-delà les frontières, sensibles à la dignité de chaque être humain, ont une parole à faire entendre, et une responsabilité à exercer.

C'est face à de tels défis que les Églises du protestantisme français peuvent donner le meilleur d'elles-mêmes, en puisant dans leur expérience et en se laissant conduire par la Parole de Dieu.

Puisse la lecture de cet ouvrage encourager de nouveaux témoins.

Jean-Arnold de Clermont
Président de la Fédération protestante de France

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