Oui, nous sommes protestants

Deuxième partie
Le protestantisme aujourd'hui

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Les grandes Églises évangéliques

Qui sont les évangéliques ?

Depuis une trentaine d'années en France, une branche du protestantisme semble connaître un développement d'autant plus important et remarquable que ses autres branches sont en grave perte d'influence.

Cette « tribu » du protestantisme se réclame du vocable « évangélique ».

Pour mieux comprendre ce courant, voire cette spiritualité, nous avons demandé au pasteur Stéphane Lauzet, secrétaire général de l'Alliance évangélique française (A.E.F.), de nous présenter cette famille1.

1 L'essentiel de cet entretien a été publié dans l'hebdomadaire Le Christianisme aux XXIe siècle, le 31 mars 2001.

Les évangéliques sont-ils vraiment une nouvelle force du protestantisme avec laquelle il faudra compter ?

L'observateur attentif de la vie religieuse l'aura remarqué à coup sûr, les évangéliques sont de plus en plus nombreux. Les chiffres, dont il faut bien sûr se méfier, laissent à penser qu'ils sont près de 200 millions dans le monde et environ 350 000 en France. Longtemps marginalisés, ou cultivant volontairement une distance avec le monde luthéro-réformé, on constate depuis quelques années un changement d'attitude. On les appelle la troisième force du christianisme et Konrad Raiser, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, les range volontiers parmi les quatre groupes principaux qui composent le christianisme (Église orthodoxe, Église catholique romaine, Églises protestantes traditionnelles et les évangéliques). Le théologien allemand Wolfhart Pannenberg, n'hésite pas, quant à lui, à prédire que les évangéliques risquent d'être les seuls présents au XXIe siècle.

Paradoxalement, les évangéliques sont mal connus et souvent peu clairs avec leur propre histoire.

Reconnaissons-le certains d'entre eux n'ont eu que trop tendance à se croire de génération spontanée. Une expérience radicale, la nouveauté de leur foi, le changement intervenu dans leur vie, leur ont souvent donné à penser que personne, avant eux, n'étaient réellement chrétien.

Une marque d'orgueil plus que d'humilité évangélique !

En effet ! Et une des conséquences de cet état d'esprit, c'est sans doute l'éparpillement de la mouvance évangélique. Elle frappe l'observateur qui a bien du mal à comprendre comment un même principe – la fidélité à l'Écriture – peut engendrer un si grand nombre de particularismes.

Peut-on cependant avoir une photographie de ce qu'est cette « mouvance » évangélique en France aujourd'hui ? Il y a quelques semaines, l'hebdomadaire La Vie publiait l'information suivante : « Progression évangélique : La France compterait aujourd'hui 1768 églises évangéliques contre 769 il y a trente ans, d'après un recensement réalisé par un organisme protestant, l'Union des assemblées missionnaires2. »

2 La Vie, 17 mai 2001.

Cet hebdomadaire fait référence aux travaux de Daniel Lietchi, lequel précise aussi que ces 1768 églises s'éparpillent en plus de cinquante dénominations différentes et qu'environ 250 sont indépendantes. L'augmentation annuelle du nombre de ces églises est actuellement de 34 nouvelles implantations. A titre indicatif, les luthéro-réformés totalisent au mieux 1450 églises.

Depuis 1999, le nouveau président de la Fédération protestante de France a demandé que se mette en place, localement et partout en France, un dialogue sérieux, dans le but de rassembler toutes ces églises protestantes et évangéliques sous la houlette de sa Fédération, seule réelle institution reconnue comme interlocutrice de l'État. Vaste programme !

D'autant que près de 80% des Églises évangéliques ne sont pas membres de la Fédération protestante. Le jour où ces églises deviennent membres, c'est un basculement total des parités et un changement en profondeur du visage du protestantisme français.

Définir les évangéliques, dans leurs particularismes et dans leurs diversités, c'est comme essayer de manger de la soupe avec une fourchette ! Est-il possible au secrétaire général de l'A.E.F. de proposer toutefois une définition ?

Je vais emprunter ma réponse à Henry Mottu, professeur de théologique pratique à Genèce, qui dit bien que les évangéliques, dans le protestantisme contemporain, sont un courant ou une aile radicale. Pour lui, on ne peut plus opposer les Églises dites historiques à une multiplicité de dissidences, mais il faut parler de dialogue incontournable entre les Églises réelles, dont les racines remontent à la Réforme elle-même. C'est effectivement au XVIe siècle qu'on situe souvent les premiers mouvements nettement assimilables à l'identité évangélique. Les évangéliques se réfèrent souvent à Luther et à Calvin. L'influence de ce dernier est plus particulièrement déterminante dans notre pays. Il faut aussi évoquer les anabaptistes qui, à partir des mêmes principes de la Réforme (solus christus, sola gratia, sola fide, sola scriptura), développent une ecclésiologie de professants, fondée sur le baptême des adultes. Ils valorisent l'engagement personnel, c'est-à-dire la conversion, l'autorité de la Bible, supérieure à celle de l'institution, la relation fraternelle dans l'église locale et l'engagement dans la vie de la cité. Dans une formule assez précise, Henry Mottu signale que :

« la diversité de la Réforme a été marquée par le théocentrisme (centré sur Dieu) de Calvin, le christocentrisme (centré sur le Christ) de Luther, le pneumatocentrisme (centré sur le Saint-Esprit) des anabaptistes ; l'accent calviniste sur l'objectivité et l'orthodoxie de la doctrine, l'accent luthérien sur l'expérience de la grâce et la relation vécue avec le Christ, l'accent des anabaptistes sur la rupture entre l'Église et la société civile, sur une ecclésiologie conforme à celle de la société primitive ! »

Voilà d'où viennent les évangéliques que le puritanisme puis le piétisme et les mouvements de réveil ont contribué, au fil des siècles, à façonner.

Est-ce à dire que les évangéliques ont le sentiment d'être le « reste fidèle » selon une expression de l'Ancien Testament ? Les « purs » de l'Église ? Pensent-ils être les dignes et uniques héritiers du message de la Bible ?

C'est vrai que les évangéliques n'hésiteront pas à se décrire comme ceux qui restent fidèles à la Réforme, dans la mesure où celle-ci est fidèle à l'Église du Nouveau Testament. On entend bien, à ce moment-là, en arrière-plan, la critique vis-à-vis de ceux qui se revendiquent comme descendants, mais n'assument pas l'héritage. On comprend mieux, alors, le développement des évangéliques qui, au nom même de cette fidélité à ces principes, n'ont pas hésité à s'opposer à leur milieu ecclésiastique quand ils le percevaient déviant, et à prendre de la distance. Apparaît ici une des constantes de leur histoire : ils naissent dans l'opposition et dans la rupture, parce qu'ils veulent être fidèles à l'Écriture.

Se prennent-ils tous pour des petits Luther ou des petits Calvin ? Veulent-ils tous leur petite réforme ? C'est parfois au nom des principes que les personnalités cherchent à s'imposer, non ? On se demande alors s'ils désirent demeurer dans la famille protestante ! Vous parliez d'un fort pourcentage de ces églises existant hors de la Fédération protestante, et même de 250 églises se qualifiant d'indépendantes !

Les travaux consacrés à la question montrent de façon évidente la continuité qu'il y a entre la Réforme du XVIe siècle et le mouvement évangélique du XXIe siècle. Même si la réalité dérange, force est de constater que, dès le début, les germes sont là.

D'où vient donc cette difficulté d'accepter cette filiation, car telle est votre question !

On peut se risquer à plusieurs tentatives d'explication. La première concerne la modernité et la difficulté qu'elle a engendrée chez l'homme de se percevoir comme héritier. Parce qu'on ne naît pas chrétien mais qu'on le devient, certains évangéliques ne peuvent envisager qu'ils font partie d'une longue « nuée de témoins ». La seconde, à l'inverse, peut se décrire comme une confiscation de l'héritage. Ce n'est pas être polémique que d'évoquer la confusion courante entre protestant et réformé, alors qu'il faudrait parler de protestantisme réformé, l'une des composantes, mais non la seule, du protestantisme.

Ce qui est en cause ici, c'est la pluralité d'expressions du protestantisme. Elle recouvre une pluralité de théologies qui risquent, en certains points, d'être diamétralement opposées. Ainsi, être protestant peut renvoyer à des théologies diverses. C'est probablement là que les évangéliques auront le plus de difficultés, dans la mesure où, pour eux, la question de la vérité est déterminante. Ce qui les caractérise, c'est une unité fondamentale des convictions théologiques et spirituelles.

Les évangéliques sont donc une espèce particulière de protestants !

S'il est clair que certains protestants se déclarent évangéliques d'un point de vue théologique, il est tout aussi clair que d'autres ne peuvent souscrire en conscience aux positions orthodoxes. Ils n'en sont pas moins protestants, c'est-à-dire inscrits dans une lignée au sein de laquelle ils évoluent. Autrement dit, il ne faut pas se poser la question de savoir si les évangéliques sont des protestants, s'ils sont de la même nature théologique, mais plutôt s'interroger sur leur place dans l'histoire du protestantisme. Appartiennent-ils au même arbre généalogique ?

Les évangéliques ne peuvent être qu'en résonance avec le protestantisme, lui qui a su produire en son sein une si grande diversité. Cette résonance s'opère essentiellement au niveau de l'histoire et des principes de liberté. Dans certains cas, elle peut évoluer en communion dans la mesure où est reconnue chez l'autre une foi commune dans le même Seigneur. On le voit bien, la démarche est graduelle et nécessite du temps. Il faut bien le reconnaître, les évangéliques sont parfois mal à l'aise avec certaines évolutions du protestantisme. Sans doute convient-il de distinguer à ce moment-là Réforme et protestantisme.

Être évangélique n'est donc pas l'équivalent d'être protestant, même si les évangéliques se perçoivent de plus en plus comme des enfants de la Réforme. De la même façon, être protestant, ce n'est pas identique que d'être évangélique. Toute la difficulté réside dans le fait de ne pas confondre identité spirituelle et histoire commune. Les mots peuvent nous piéger, les bons sentiments aussi. Transposé sur un autre terrain, le fait d'être Français ne signifie pas forcément que je sois breton ou que je cautionne tel parti politique. J'appartiens à un peuple par notre histoire commune, mais j'ai la liberté, en son sein, d'avoir des options spécifiques. Le problème vient quand mes options personnelles sont tellement différentes de celles du groupe que je ne m'y sens plus à l'aise. Ce malaise sera d'autant plus réel que le groupe voudra m'imposer sa loi. Peut-il faire autrement que de tenter d'uniformiser la pensée ? La cohésion du groupe est à ce prix.

Quoi qu'il en soit, les évangéliques sont dans la droite ligne de la Réforme et appartiennent bien à la grande famille protestante. Dans la mesure où leur amour pour la vérité, leur désir de servir Dieu et le prochain, leur attachement à la foi transmise une fois pour toutes, et leur désir d'annoncer l'Évangile au plus grand nombre, sont bien des enracinements dans la Bible que professent les protestants.

Portrait des protestants évangéliques et de leurs croyances

Il est important de comprendre que, parallèlement à son expansion mondiale, le mouvement évangélique s'est également considérablement diversifié.

Il a été proposé plusieurs classifications des différents courants évangéliques. En avril 1996, l'éditeur du journal Church of England Newspaper a suggéré sur un ton humoristique qu'il existait 57 variétés d'évangéliques, par analogie avec les 57 produits Heinz que l'on trouve dans les épiceries. Plus sérieusement, en 1975, le professeur Peter Beyerhaus, de Tübingen, distinguait six groupements évangéliques différents :

  1. Les néo-évangéliques, qui prennent leurs distances avec la phobie scientifique et le conservatisme politique des fondamentalistes, et militent pour une collaboration la plus large possible.
  2. Les fondamentalistes stricts, intransigeants dans leur attitude séparatiste.
  3. Les évangéliques confessants, qui attachent une grande importance à la confession de foi et au rejet de l'erreur doctrinale contemporaine.
  4. Les pentecôtistes et les charismatiques.
  5. Les évangéliques radicaux, favorables à un engagement socio-politique, qui s'efforcent d'associer témoignage et action sociale.
  6. Les évangéliques œcuméniques, qui participent de façon critique au mouvement œcuménique.

Près de vingt ans plus tard, dans son livre Ecumenical Faith in Evangelical Perspective3, Gabriel Fackre a publié sa liste des six catégories d'évangéliques :

3 Eedermans, 1993.

  1. Les fondamentalistes (polémiques et séparatistes).
  2. Les anciens évangéliques (qui insistent sur la conversion personnelle et l'évangélisation de masse).
  3. Les néo-évangéliques (qui acceptent la responsabilité sociale et l'apologétique).
  4. Les évangéliques favorables à la justice et à la paix (des activistes socio-politiques).
  5. Les évangéliques charismatiques (qui insistent sur l'œuvre de l'Esprit dans la connaissance des langues, la guérison et la louange).
  6. Les évangéliques œcuméniques (soucieux d'unité et de coopération).

Divers classements et diverses listes montrent bien que, depuis plus de trente ans, les évangéliques sont devenus des groupes assez importants pour être analysés, mais assez difficiles à cerner. Dans chaque classification, aussi précise que possible, on note que les tendances se chevauchent et s'entrecroisent.

Les points communs

Il est vrai que l'on note à travers les siècles de l'histoire de l'Église une certaine continuité des croyances et des pratiques évangéliques ; mais qu'en est-il aujourd'hui ? Ces choses ne sont pas statiques, elles évoluent. Les défis ont changé, les réponses également. Néanmoins, la plupart des observateurs s'accordent à souligner l'existence d'un réel consensus.

L'évangélisme est :

Après avoir énoncé ces quatre constatations générales, il convient de formuler six articles de foi évangéliques. Les trois premiers sont essentiels, d'ordre doctrinal, les trois derniers sont des développements, des mises en action des premiers :

  1. La suprématie de l'Écriture sainte.
  2. La majesté de Jésus-Christ.
  3. La seigneurie du Saint-Esprit.
  4. La nécessité de la conversion.
  5. La priorité de l'évangélisation.
  6. L'importance de la communion fraternelle.

Fondamentalisme et évangélisme

A l'origine, le mot « fondamentalisme » était un synonyme acceptable d'« évangélisme ». Cependant, peu à peu, dans l'esprit des gens, le fondamentalisme fut associé à certaines attitudes extrêmes et extravagantes, si bien que dans les années 1950, des responsables chrétiens nord-américains créèrent le « néo-évangélisme » pour se démarquer du vieux fondamentalisme qu'ils avaient rejeté.

Cela n'empêche pas certains d'identifier l'évangélisme actuel au fondamentalisme d'autrefois. Pour eux, c'est comme si l'Église n'avait qu'une seule option : un libéralisme éclairé ou un fondamentalisme obscurantiste.

L'immense majorité des chrétiens évangéliques (du moins en Europe) rejette l'étiquette de « fondamentalites », car ils sont en désaccord sur de nombreux points importants.

Il est difficile d'en dresser la liste, parce que le fondamentalisme ne s'est jamais clairement positionné par rapport à l'évangélisme et n'a jamais publié une base doctrinale largement acceptée par ses adeptes.

Nous inspirant des travaux de John Stott, nous relevons ici quelques tendances qui différencient le fondamentalisme de l'évangélisme :

En ce qui concerne la pensée humaine, les fondamentalistes de l'ancienne école donnent l'impression de mépriser l'érudition et de se méfier des disciplines scientifiques ; certains tombent même dans l'anti-intellectualisme et l'obscurantisme. Les vrais évangéliques, eux, reconnaissent que toute vérité vient de Dieu, que notre intelligence est un don de Dieu, qu'elle est un élément vital de l'image de Dieu en nous, que le refus de réfléchir est une injure faite à Dieu et qu'au contraire, nous l'honorons chaque fois que, par l'étude de la science ou de l'Écriture, nous retrouvons les pensées de Dieu.

En ce qui concerne la nature de la Bible, les fondamentalistes sont présentés par les dictionnaires comme des gens qui croient que « chaque mot est littéralement vrai ». C'est certainement excessif mais il est indéniable que certains fondamentalistes se caractérisent par une littéralité extrême. Bien qu'ils croient que tout ce que la Bible affirme est vrai, les évangéliques ajoutent que certaines affirmations bibliques sont vraies symboliquement ou poétiquement (plutôt que littéralement) et doivent donc être interprétées.

En ce qui concerne l'inspiration biblique, les fondamentalistes ont tendance à la décrire comme un processus mécanique dans lequel les auteurs humains étaient passifs et ne jouaient aucun rôle actif. La conception fondamentaliste de la Bible, un livre dicté par Dieu, ressemble beaucoup à ce que les musulmans pensent du Coran, un livre dicté en langue arabe par Allah par l'intermédiaire de l'ange Gabriel, Mahomet étant chargé d'écrire les mots de la dictée. Le Coran est ainsi présenté comme la copie exacte d'un original céleste. Pour leur part, les évangéliques insistent sur la double paternité littéraire de l'Écriture. L'auteur divin a parlé à des auteurs humains qui étaient en pleine possession de leurs facultés.

En ce qui concerne l'interprétation biblique, les fondamentalistes semblent admettre qu'ils peuvent appliquer le texte sacré comme s'il avait été écrit avant tout pour eux. Ils ne tiennent pas compte du gouffre culturel qui sépare le monde de la Bible du monde contemporain. Les évangéliques, du moins en théorie, débattent de la transposition culturelle. Ils essaient ainsi d'identifier le message essentiel du texte, de le détacher ensuite de son contexte culturel puis de le « recontextualiser », c'est-à-dire de l'appliquer à notre situation présente.

En ce qui concerne le mouvement œcuménique, les fondamentalistes ne se contentent pas d'être suspicieux (ils ont d'amples raisons de l'être), mais ils le rejettent de façon globale et sans exception, avec véhémence. Mais de nombreux évangéliques, qui critiquent parfois à juste titre le Conseil œcuménique des Églises (C.O.E.), essaient cependant de faire la part des choses en approuvant un œcuménisme qui est bibliquement justifié et en revendiquant la liberté de rejeter ce qui ne l'est pas.

En ce qui concerne l'Église, les fondamentalistes ont eu tendance à élaborer une ecclésiologie séparatiste et à s'éloigner de toutes les Églises qui n'étaient pas d'accord avec eux sur tous les points de leur position doctrinale. Ils oublient donc que Luther et Calvin répugnaient à se séparer de l'Église romaine et qu'ils avaient rêvé de réformer le catholicisme. De leur côté, la plupart des évangéliques, tout en croyant à la nécessité de rechercher et de défendre la pureté doctrinale et éthique de l'Église, savent que la pureté absolue ne peut pas être atteinte dans ce monde. Il n'est pas facile de trouver le juste équilibre entre la discipline et la tolérance.

En ce qui concerne le monde, les fondamentalistes ont parfois été enclins à s'approprier ses valeurs et ses normes sans examen critique préalable et à d'autres moments, ils s'en sont éloignés par crainte d'être contaminés. Tous les évangéliques n'échappent certainement pas à l'accusation de mondanité. Cependant, du moins en théorie, ils s'efforcent de respecter le principe biblique de ne pas se conformer au monde, tout en étant désireux d'obéir à l'exhortation de Jésus d'être présents dans le monde comme sel et lumière.

En ce qui concerne l'espérance chrétienne, les fondamentalistes sont enclins à se montrer dogmatiques quant à l'avenir, même s'ils n'ont évidemment pas le monopole du dogmatisme, loin s'en faut ! Mais ils interprètent jusque dans le détail, et parfois dans le détail forcé, l'accomplissement des prophéties, divisent l'Histoire en dispensations rigides et épousent les conceptions d'un sionisme chrétien. Les évangéliques, de leur côté, tout en attendant ardemment le retour personnel, visible, glorieux et triomphal de Jésus-Christ, préfèrent ne pas se prononcer sur les détails qui divisent des chrétiens foncièrement bibliques.

Nous allons examiner maintenant plusieurs familles protestantes de la mouvance évangélique. Elles sont présentées ici selon l'ordre chronologique de l'histoire de l'Église protestante.

Anabaptistes, mennonites, amish, quakers

Les anabaptistes sont les premiers dissidents évangéliques du protestantisme historique. Le terme anabaptiste signifie « renaptiseur ».

De fait, deux proches de Zwingli, vers 1520, se séparèrent de lui parce qu'ils voulaient une réforme plus radicale et surtout une séparation nette de l'Église et de l'État. Conrad Grebel et Félix Manz souhaitaient aussi le baptême des croyants et non le baptême des enfants, incapables de mesurer l'engagement qu'il représente. En cela, ces dissidents sont les ancêtres de tous les protestants de tendance baptiste (le baptême des adultes s'y pratique souvent par immersion).

Les anabaptistes ont été largement persécutés par les catholiques et les protestants après des mesures répressives de la part de Zwingli lui-même. Grebel mourut en prison et Manz fut noyé dans le lac de Zurich. La première confession de foi des anabaptistes fut rédigée par Sattler.

Le mouvement anabaptiste se répandit rapidement. Son théologien et organisateur fut Menno Simon, né à la fin du XVe siècle aux Pays-Bas. C'est ainsi que les anabaptistes devinrent des mennonites. Comme Luther, Mennon Simon était prêtre. C'est en étudiant la Bible, la notion de baptême et de la présence réelle du Christ dans l'eucharistie qu'il devint, à sa façon, un réformateur.

Selon les pays où les anabaptistes virent le jour et les lieux où ils s'implantèrent, le mouvement connut des orientations et des prolongements différents.

Les descendants des anabaptistes sont dispersés aujourd'hui dans plusieurs grandes familles : les mennonites en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie. En France, les mennonites sont surtout implantés dans la région parisienne, où plusieurs œuvres sociales ont vu le jour sous leur impulsion, et dans l'Est, notamment dans le pays de Montbéliard. Ce sont souvent des exploitants agricoles très qualifiés. Aux États-Unis, les amish sont des anabaptistes qui ont fui les persécutions d'Europe et se sont installés dans ce pays au moment de la Conquête. Ils doivent leur nom à un mennonite d'origine suisse (Berne) du XVIIe siècle, Jacob Amman. Ce théologien a radicalisé la discipline ecclésiastique et les règles religieuses. Son mouvement est une branche très conservatrice du mennonisme (pas de service armé, refus de toute fonction publique, costume austère et maintien du dialecte bernois). Les amish refusent également le modernisme et ses inventions (électricité, voiture...) L'image souvent caricaturale que l'on fait des amish a à peine été corrigée par le film policier Witness réalisé en 1984.

Les mennonites et les amish sont des pacifistes convaincus, de même les quakers, eux aussi issus des anabaptistes.

De fait, les membres de la Société religieuse des amis, fondée par Georges Fox en 1652, ont volontiers accepté le sobriquet de « quarker » (trembleur). Ce sobriquet leur fut donné par leurs détracteurs qui les trouvaient trop agités par l'Esprit lors de leur culte. Ce mouvement, né dans le sillage de la Réforme, est proche du mouvement anabaptiste et mennonite. Les quakers mènent plus loin encore que les mennonites le principe du ministère laïque et, dès le XVIIe siècle, accordent des responsabilités religieuses aux femmes. Ce sont aussi les chantres de la tolérance, avec l'un de ses plus grands représentants, William Penn, lequel acheta à l'Angleterre un vaste territoire dans l'est des États-Unis. Là, il fonda une communauté importante de quakers sur cette terre nommée dès lors Pennsylvanie. Il ne donna pas seulement son nom à ce territoire, mais mit en place la fameuse Charte des privilèges et des libertés qui sera à l'honneur jusqu'à ce qu'elle soit remplacée, en 1776 et dans tout le pays, par la Déclaration d'indépendance qui s'en inspire fortement.

La figure paisible du quaker a été largement diffusée par une célèbre marque de céréales pour le petit déjeuner.

Il existe une petite communauté de quakers à Paris.

Les mennonites de France sont environ trois mille et se trouvent surtout dans le grand Est du pays. Ils sont regroupés depuis 1980, en une Association des Églises évangéliques mennonites de France dont le siège est à Colmar. Ils possèdent un mensuel de liaison : Christ seul.

La grande ouverture des mennonites fait qu'aujourd'hui leur identité spécifique est de moins en moins évidente.

Les Églises méthodistes

Le méthodisme est né d'un réveil au sein des églises anglicanes. Il est présent en France depuis le début du XIXe siècle.

Son émergence est particulièrement intéressante à observer. Comme il n'est pas possible d'analyser tous les mouvements qui ont abouti à des Églises protestantes de type évangélique, nous nous arrêterons sur celui-ci, emblématique de ce qui s'est également passé à la fin du XIXe siècle, par exemple, et qui est à l'origine de certaines Églises protestantes évangéliques comme les Églises baptistes, les Églises libres, les Assemblées de pentecôte.

Le pasteur Pierre Geiser, spécialiste du méthodisme en France, explique :

« L'histoire de l'Église met en évidence le fait que le christianisme peut connaître des temps de développement et d'épanouissement fantastiques, mais aussi des périodes de repli, de sommeil... »

Le réveil méthodiste, si on veut l'appeler ainsi, est l'histoire d'un mouvement de grâce qui est incontestablement l'œuvre du Saint-Esprit pour des milliers d'hommes et de femmes dont la vie a été transformée de manière éclatante.

Le méthodisme naît dans un contexte social et religieux très précis, dans l'Angleterre du début du XVIIIe siècle. C'est une période de grave relâchement moral et la société est en pleine crise. Sans doute avec quelques raisons, certains historiens et sociologues signalent que le mouvement méthodiste, né dans les années 1750 dans l'Angleterre anglicane, a évité à ce pays une révolution qui allait fracturer la France en 1789. Le formaliste de l'Église anglicane était devenu stérile et le clergé n'était pas un modèle de vertu.

Celui qui allait devenir le fondateur du mouvement méthodiste, John Wesley, est étudiant en théologie et sa piété personnelle fait l'objet de sarcasmes de la part de ses condisciples. Ce sont d'ailleurs ces étudiants qui forgent, par dérision, le terme « méthodiste » pour parler du courant que veut imposer John Wesley.

Il est issu d'une famille très stricte sur le plan religieux. Son père est pasteur. John est fortement influencé et longtemps soutenu par sa mère qui le considère de façon spéciale depuis qu'enfant, il a échappé de justesse à l'incendie (certainement criminel) du presbytère où vivait la famille.

Au cours de ses études, la foi de John Wesley connaît une crise sérieuse. Il doit l'abandonner pour découvrir la force et l'assurance du salut personnel. Il n'a pas totalement résolu ses doutes lorsqu'il devient diacre en 1725.

Avec des amis de même piété, il forme un groupe qui est taxé du sobriquet de holy group : le « groupe des saints ». Ses membres se tournent vers un rituel et une mystique peu conformes à l'esprit de l'Évangile. Manifestement, chacun est en pleine recherche. En 1735, John et son frère Charles décident de partir en mission en Georgie, nouvelle colonie britannique. La mission est un échec personnel pour Wesley qui rentre au pays deux ans plus tard. La seule chose positive de cette douloureuse expérience est la rencontre, en Amérique, d'autres missionnaires venus d'Allemagne, rattachés au mouvement morave. La foi et les exercices de foi de ces moraves vont fortement influencer Wesley toujours en quête de l'« étincelle ».

C'est en 1738 que l'événement décisif va se produire. En écoutant la lecture d'un texte de Martin Luther sur l'introduction à l'Épître aux Romains, il fait une réelle expérience spirituelle qu'il va appeler lui-même sa conversion, sa nouvelle naissance.

Dès lors, sa vie est celle d'un prédicateur inlassable, appelant à la conversion les foules et particulièrement les personnes des milieux les plus modestes, oubliés par la société et par l'Église anglicane. Il est intéressant de noter qu'un siècle plus tard, dans le même pays et dans les mêmes couches sociales, va se développer un autre mouvement protestant issu aussi d'un réveil religieux : l'Armée du Salut.

Pierre Geiser précise :

« L'extraordinaire nouveauté, c'est l'Évangile annoncé à ceux qui en ont vraiment besoin : les chômeurs, les alcooliques, la lie de la société... Exerçant la charité et se contentant d'un salaire extrêmement modeste, John Wesley met en place, à mesure que les besoins se font jour, des services répondant aux conditions des personnes : mouvement de tempérance, dispensaires médicaux, orphelinats et même organismes de prêts. »

Aux premières heures du mouvement, Wesley est persuadé que la prédication doit être réservée au clergé. Les auxiliaires ne sont autorisés qu'à lire des sermons rédigés par un pasteur. Lors de l'un de ses déplacements, il apprend que dans une chapelle de Londres, un laïc s'est mis à prêcher de sa propre autorité. Grâce à l'influence de sa mère qui lui recommande d'écouter le prédicateur avant de juger, il sut reconnaître l'œuvre de Dieu dans cette affaire. Dès lors, les prédicateurs laïques vont avoir un rôle très important dans le développement du mouvement méthodiste.

Pour Wesley, la conversion n'est pas un but à atteindre mais un commencement. Il disait : « Sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur. » La véritable sanctification est dans l'amour que Dieu met dans le cœur des croyants.

Il n'a nullement le désir de fonder une Église dissidente. Cependant, en 1784, il se décide, lors d'un nouveau voyage en Amérique, à fonder une Église épiscopale distincte de l'Église anglicane, mal perçue par les Américains, et ce pour des raisons plus politiques que religieuses. La même année, en Angleterre, Wesley donne une constitution légale à la conférence annuelle des sociétés méthodistes. Les bases du mouvement méthodiste étaient posées.

Les méthodistes (parfois appelés wesleyens) sont regroupés en France en trois organisations distinctes : les Églises méthodistes de France, l'Union de l'Église évangélique méthodiste, l'Église du Nazaréen.

Au début de son implantation en France, le mouvement méthodiste se développe au sein de l'Église réformée puis, en 1852, il devient autonome en se constituant en Église. Cette nouvelle Église rencontre un vif succès et elle crée, pour la catéchèse des enfants, la Société des écoles du dimanche. Cette société existe toujours, et publie du matériel catéchistique pour l'ensemble ou presque du protestantisme français. Cette société des écoles du dimanche est devenue, en 2000, la Société d'édition et de diffusion ; un nouveau nom mais un même sigle.

Jusqu'à la première guerre mondiale, le méthodisme en France est en expansion, puis va progressivement connaître un certain tassement.

En 1938, la plupart de ces églises méthodistes rejoint l'Église réformée de France. Seules six églises refusent cette fusion. Aujourd'hui, les églises méthodistes de France (E.M.F.) sont moins de dix pour environ quatre cent cinquante membres. L'E.M.F. possède un organe de liaison : L'évangéliste.

A ces églises méthodistes venues d'Angleterre en France, il faut ajouter une deuxième branche venue de Suisse et d'Allemagne qui exerce une influence surtout dans l'Est de la France depuis 1866. En 1968, ces églises de tendance méthodiste, et quelques églises évangéliques indépendantes d'Alsace fusionnent et forment l'Union de l'Église évangélique méthodiste dont le siège est à Strasbourg. Cette union (U.E.E.M.) compte environ mille six cents membres. Elle édite un journal : Le Messager chrétien.

Pour la petite histoire, dans l'entre-deux guerres, des immigrants allemands de la région d'Agen créent une église méthodiste pour pouvoir vivre un culte dans leur langue. Cette église méthodiste d'Agen fait partie de l'U.E.E.M.

A noter que depuis l'an 2000, les deux groupes dont nous venons de parler, c'est-à-dire les Églises méthodistes de France et l'Union de l'Église évangélique méthodiste, ont entamé des discussions pour ne former, bientôt, qu'une seule Église méthodiste.

Dans la région parisienne, il y a quelque cinq églises de tendance méthodiste qui s'identifient sous le nom d'Église du Nazaréen. Elles sont issues d'un travail de missionnaires méthodistes venus des États-Unis au début du XIXe siècle. Cette petite branche compte environ deux cents fidèles.

Les Églises baptistes

Chaque fois que dans une Église protestante, le formalisme, le légalisme, le libéralisme, voire le paganisme refont surface, il y a toujours des hommes et des femmes fidèles aux principes bibliques qui tentent de réformer les choses, de retrouver les sources et de réintroduire les vérités bibliques progressivement oubliées. C'est un aspect du protestantisme qui ne peut que provoquer des nouveaux départs, des recommencements et des dissidences.

C'est ainsi que naît le mouvement baptiste. Malgré son nom réducteur, il ne réintroduit pas seulement le baptême des croyants par immersion, mais il veut revenir sur les principes essentiels de l'Évangile, principes qui se dissolvaient au XVIIe siècle. La première église baptiste naît certainement aux États-Unis, vers 1639. C'est au début du XVIIIe siècle que la première église baptiste est créée dans le Nord de la France (1821). Des missionnaires baptistes américains sont venus là pour fonder ces églises. C'est dans le Nord, puis sur Paris, la région parisienne et Lyon qu'apparaissent les premières églises de ce type évangélique et confessant.

En 1849 est créée l'Association des baptistes français regroupant les églises de la région Nord. D'autres associations régionales se constituent également sur Paris et dans l'Est. On parle bientôt de l'Association franco-belge et de l'Association franco-suisse. La collaboration entre les deux associations se manifeste par la publication commune d'un journal : L'Écho de la vérité.

Après 1918 et les ravages de la guerre, les Américains recommandent aux deux associations de n'en former qu'une. Comme pour toute fusion, les avis divergent. La fusion a presque lieu, pourtant deux groupes demeurent : d'un côté la Fédération des églises évangéliques baptistes (F.E.E.B.), de l'autre l'Association évangélique des églises baptistes (A.E.E.B). On peut espérer que Dieu, au moins, reconnaîtra les siens, car pour le public la différence est minime, indéchiffrable.

La F.E.E.B. diffuse deux mensuels : Croire et Servir qui a changé totalement de forme et de contenu en janvier 2002 et propose un dialogue entre foi et culture, Bible et actualité ; et Construire ensemble, qui est davantage un organe de liaison entre les églises et leur fédération.

Les Assemblées de frères

Ce qui a été dit des débuts du méthodisme et du baptisme convient également ici. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, le christianisme des Églises établies est, en maints endroits, marqué par le rationalisme et l'indifférence. Des mouvements de réveil éclatent simultanément dans plusieurs régions d'Europe.

En 1817, à Genève, l'Écossais Robert Haldane rassemble dans un appartement quelques étudiants en théologie pour leur donner un enseignement spirituel dynamique. Parmi ces étudiants, Frédéric Monod qui allait avoir un rôle déterminant dans la création des Églises évangéliques libres de France, César Malan, bientôt auteur de nombreux cantiques, Louis Gaussen, futur grand théologien et Ami Bost, dont l'engagement social en France allait être remarquable.

Une petite assemblée « dissidente » naît ainsi, et se multiplie rapidement dans plusieurs cantons suisses. Vers 1825, un mouvement identique prend naissance en Irlande. Plusieurs protestants, déçus de leur Église et venant d'horizons différents, vont se retrouver pour lire et étudier la Bible. Cette première assemblée est rapidement enrichie par l'arrivée d'un homme déterminant pour le mouvement, J. N. Darby.

Très vite, des assemblées se forment en Angleterre et aux pays de Galles. Au début, les participants continuent à fréquenter leur église respective, mais la séparation devient inévitable. La plus importante assemblée constituée dans les années 1830 se trouve à Plymouth et l'on parle bientôt des « Frères de Plymouth ». Ensuite, le terme « frère » fut adopté pour parler des membres de ces assemblées. De cette époque, un autre grand nom surgit, c'est celui de Georges Muller qui est le fondateur des premiers orphelinats au monde.

La personnalité de Darby est forte et bientôt il impose ses propres conceptions sur un certain nombre de points. Une scission s'opère dès 1847. Beaucoup suivent les opinions de Darby et créent ainsi les assemblées darbystes. On appelle aussi ces disciples les « Frères étroits » à cause de leurs opinions très restrictives, leur séparatisme notoire et entretenu.

Les frères qui ne suivent pas cette dissidence dans la dissidence, deviennent les « Frères larges » et se constituent en assemblées de frères. Il y aurait actuellement dans le monde plus de deux millions de frères. Ils sont présents en France dès la fin du XIXe siècle. Il y a aujourd'hui environ cinquante assemblées dans la métropole et quelques-unes dans les départements d'outre-mer.

Chaque assemblée est autonome, constituée de membres professants. Des « anciens » exercent le ministère de l'autorité spirituelle, là où d'autres églises ont des pasteurs.

Si chaque église locale est responsable de son propre fonctionnement, elles sont aussi conscientes de faire partie d'un corps et d'une famille : les Communautés et assemblées évangéliques de France (C.A.E.F.).

Les assemblées darbystes diffusent largement leurs idées par le biais d'un calendrier éphéméride avec commentaires et conseils bibliques. Il est souvent proposé gratuitement par les membres de ces assemblées : La Bonne Semence est ainsi distribuée à quelque cinq cent mille exemplaires en français. Ce calendrier emblématique est disponible en seize langues pour une distribution totale de deux millions d'exemplaires.

De leur côté, les C.A.E.F. proposent un mensuel nommé Servir en L'attendant.

Les Églises adventistes

Le nom de cette Église vient du terme anglais advent qui signifie attente. C'est l'attente du retour de Jésus-Christ qui a suscité cette Église d'origine protestante, présente en France depuis 1876.

En fait, à la fin du XVIIIe siècle, un mouvement revivaliste prend de l'ampleur aux États-Unis. Des prédicateurs appellent les foules à se réformer, à revenir à Dieu. Ce réveil spirituel entraîne la création de nouvelles églises et de grandes sociétés missionnaires. Pour certains, c'est un signe qui doit certainement présager la fin des temps et le retour attendu du Christ.

Un pasteur, William Miller, bientôt soutenu par plusieurs dizaines de ses collègues baptistes et méthodistes, annonce que, selon lui, le Christ doit revenir sur terre en 1843 ou 1844. Cette prophétie allait s'avérer fausse et la déception énorme. Ceux qui ont suivi le prophète retournent, pour certains, dans leur église d'origine, d'autres se perdent en route mais plusieurs créent l'Église adventiste, installée dans l'attente du retour du Christ.

Cette Église compte aujourd'hui dans le monde environ douze millions de membres confessants. En France, ils sont quarante mille (dont une partie importante dans les D.O.M.-T.O.M.) répartis en métropole dans plus de cent dix églises.

Les adventistes sont donc des protestants confessant qui baptisent les adultes sur leur confession de foi. Ils pratiquent la Cène en la faisant parfois précéder du lavage des pieds, comme le fit Jésus lors de l'institution de la Pâque chrétienne.

Chez les adventistes, les Saintes Écritures sont la révélation infaillible de la volonté de Dieu, le fondement souverain de la foi. Parmi les dons spirituels, ils s'attachent à celui de la prophétie qu'ils reconnaissent avoir été particulièrement vif chez Ellen White, l'une des figures emblématique de l'Église adventiste. Ses écrits furent longtemps considérés comme directement inspirés de Dieu, donc ayant une réelle autorité. Aujourd'hui, cette pensée est plus discrète.

Chez les adventistes, on insiste sur le fait que le corps est le temple du Saint-Esprit, ce qui nécessite un soin particulier avec des prescriptions claires et nombreuses dans le domaine de l'hygiène de vie, physique et alimentaire. Végétariens, les adventistes sont aussi adeptes des médecines douces, de l'homéopathie à la phytothérapie. En cela, ils se différencient beaucoup d'autres protestants évangéliques qui discernent souvent, dans les médecines douces, une pointe d'occultisme.

Les adventistes se distinguent également par l'observance du sabbat. Comme les juifs, ils respectent le septième jour pour en faire celui du repos, donc le samedi et non le dimanche.

Les adventistes sont largement engagés, et depuis longtemps, dans l'humanitaire et le scolaire. Ils ont fondé de nombreux hôpitaux, des O.N.G. reconnues par l'O.N.U., et représentent la deuxième organisation mondiale de l'enseignement privé après les écoles catholiques. Respectueux des autres Églises, ils sont aussi très impliqués dans les organismes qui défendent la tolérance religieuse dans le monde.

Les Églises adventistes de France demandent leur adhésion à la Fédération protestante.

Les adventistes dirigent une maison d'édition : Vie et Santé, ainsi qu'un mensuel, Signes des temps.

Les Églises évangéliques libres

L'Union des églises évangéliques libres de France (U.E.E.L.F.) naît en 1859.

Cette constitution trouve son origine dans le Réveil qui, de 1820 à 1848, bouleverse les Églises protestantes, tant luthériennes que réformées, qui se déchirent en leur sein entre libéraux et orthodoxes (évangéliques). Parallèlement, des églises nouvelles et indépendantes apparaissent. Le Réveil soulève diverses questions, notamment celle touchant à la séparation de l'Église et de l'État (concordat). Cette pensée divise le protestantisme en profondeur.

Dans le bouillonnement général qui suit la révolution de 1848, une assemblée générale du protestantisme réformé se réunit pour proposer une modification du concordat. Les discussions préparatoires sont rendues caduques puisque le gouvernement du moment le reconduit. C'est finalement sur la nécessité d'une base doctrinale pour l'Église réformée que l'essentiel des débats va se porter. Le courant libéral ne souhaite aucune confession de foi tandis que le courant orthodoxe, ou évangélique, réclame une confession, notamment celle de La Rochelle. Mais en même temps, ce mouvement évangélique ne souhaite pas une scission de l'Église. Deux hommes vont pourtant provoquer cette déchirure : le pasteur Frédéric Monod4 et Agénor de Gasparin. L'assemblée générale de 1849 ne prenant pas de position sur ce sujet, ils décident de démissionner, entraînant à leur suite quelques communautés. Frédéric Monod ambitionne la constitution d'une Église réformée évangélique, mais l'enthousiasme manque.

4 La famille Monod est l'une des plus prestigieuse du protestantisme français. Elle a donné plusieurs générations de pasteurs, mais aussi des politiciens, des scientifiques, des philosophes.

Les réformés démissionnaires sont alors rejoints par des Églises indépendantes. C'est ainsi qu'une nouvelle réalité naît de la confluence de ces mouvements. L'Union des Églises évangéliques de France est mise en place lors d'un synode constitué en septembre 1849. Cette union ajoute l'adjectif « libre » à son titre en 1883, voulant signifier « libre vis-à-vis de l'État ». La séparation est entérinée bien avant la loi de 1905. On parle de ces évangéliques comme de « libristes ».

Cette union est toujours active aujourd'hui, même si elle demeure modeste. Elle annonce cinquante-cinq églises en France. Elle possède un organe de liaison mensuel : Pour la Vérité.

Les Églises réformées évangéliques indépendantes

Lorsqu'en 1848, les Églises évangéliques libres se forment, elles laissent les Églises réformées poursuivre leur chemin. Or, dans ces Églises réformées, le courant évangélique qui refusa initialement la séparation des « libristes », tente de ne pas se laisser submerger par le libéralisme qui gagne de plus en plus de terrain.

Les tensions qui ont entraîné Agénor de Gasparin et Frédéric Monod à quitter les Églises réformées sont à nouveau très vives en 1872. Cette année-là, le conflit théologique est à son comble chez les réformés. Certaines églises vont même jusqu'à abandonner le symbole des apôtres. Les protestants du courant évangélique, qui voulaient cependant garder la fibre réformée, souhaitent clarifier la situation sans pour autant rejoindre les dissidents évangéliques. En 1879 se tient à Paris le premier synode officieux de l'Église réformée évangélique.

Selon le professeur Émile Léonard, la séparation aurait dû se produire en 1848, sans attendre un quart de siècle supplémentaire.

Le mouvement est vaste puisque plus de quatre cents églises (et associations culturelles) deviennent des églises réformées évangéliques.

Dans les années 1930, le protestantisme tente de se réunifier. Un long processus est entamé pour aboutir, en 1938, à la formation d'une nouvelle Église réformée de France.

C'est alors que 16 églises évangéliques libres (sur 47), 7 églises méthodistes (sur 22), 372 églises réformées évangéliques (sur 425) s'unissent aux 180 associations cultuelles et églises réformées, pour fonder l'E.R.F.

L'un des historiens de cette période, le pasteur Maurice Longeiret, précise :

« Des Églises réformées de tendance évangélique tracent, depuis plus d'un siècle, un sillon particulier dans le champ du protestantisme français. Éléments constitutifs de la plus grande union d'Églises protestantes en 1872, elles se retrouvent isolées en 1938 après avoir refusé le pluralisme doctrinal inhérent à la constitution de la nouvelle Église réformée de France. Les Églises réformées évangéliques indépendantes (ce sera désormais leur appellation) continuèrent donc leur chemin entre la grande E.R.F. et les jeunes Églises de la mouvance évangélique. »

Un des responsables de cette union des Églises réformées évangéliques indépendantes, les pasteur Charles Nicolas, déclare aujourd'hui :

« Il faut surtout noter que les E.R.E.I. ne sont pas le résultat d'une séparation, mais plutôt le résultat d'un refus d'union jugée sans fondement suffisant ! »

En 2001, les E.R.E.I. sont composés de quarante-huit associations cultuelles, membres de la Fédération protestante de France. Divers courants traversent cette union et plusieurs questions se posent : se fondre dans l'Église réformée de France ? Se scinder en groupe de « confessants stricts » et d'évangéliques plus classiques ?

Le journal des E.R.E.I. s'est longtemps appelé Fondé sur le Roc. Il est devenu, dans les années 80 Nuance. Un indice !

Pentecôtisme, néo-pentecôtisme

L'origine du pentecôtisme en France, remonte aux années 1930. Le mouvement est venu des États-Unis mais semble avoir surgi en plusieurs endroits du monde quasi simultanément (Afrique du Sud, Amérique du Sud, Angleterre, Europe du Nord).

Ces églises s'inspirent fortement de la première pentecôte chrétienne relatée dans le Livres des Actes (Nouveau Testament). L'accent est mis sur la doctrine de la personne du Saint-Esprit. Les pentecôtistes croient que le Saint-Esprit dirige l'action d'évangélisation et d'affermissement de la connaissance de la Parole de Dieu. Il rétablit également un certain nombre de dons (charismes) pour son édification. Le baptême dans le Saint-Esprit est une expérience qui vient en plus de la nouvelle naissance (conversion). Il est un indice de spiritualité reconnue.

Les pentecôtistes sont particulièrement connus pour leurs insistance sur les dons spécifiques des temps apostoliques comme le don du parler en langues (glossolalie), le don d'interprétation de ces langues, le don de guérison. Mais ils revendiquent en fait chacun des neuf dons mentionnés dans une lettre de saint Paul :

« A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune. En effet, à l'un est donnée, par l'Esprit, une parole de sagesse, à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; à un autre, la foi, par le même Esprit ; à un autre, le don des guérisons ; à un autre, le don d'opérer des miracles ; à un autre, la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre, la diversité des langues ; à un autre, l'interprétation des langues. Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut. » (1 Corinthiens 12.7-11)

Les pentecôtistes sont souvent très zélés dans l'évangélisation et même le prosélytisme car non contents d'annoncer l'Évangile aux hommes, ils insistent sur une forme de piété très marquée, jusqu'à penser que les chrétiens non pentecôtistes n'ont, eux, pas trouvé l'essentiel.

Les cultes pentecôtistes sont souvent très rythmés et très expansifs. On y attache beaucoup d'importance au témoignage, notamment de conversion et de guérison. La place du pasteur est prépondérante. Il est une référence quasi aussi importante et incontournable que celle du prêtre dans l'Église catholique. L'église est organisée en association cultuelle dont le pasteur est le président de droit.

Le pentecôtisme est l'une des branches du protestantisme qui connaît la plus forte expansion dans le monde, notamment en Amérique latine.

En France, les principales églises de tendance pentecôtiste sont divisées en divers groupes nés de tensions internes, d'interprétations personnelles et séparatistes, et d'excommunications réciproques : les Assemblées de Dieu, les Églises de Pentecôte, les Églises apostoliques, l'Église du Réveil, l'Église de Dieu, les Églises du Plein Évangile, la Fédération évangélique missionnaire...

La Mission évangélique tzigane de France (M.E.T.F.) est une mission pentecôtiste différente des précédentes parce qu'elle est spécifique, pour ne pas dire ethnique. Elle annonce 70 000 membres baptisés, 114 lieux de culte animés par 51 pasteurs et 1200 prédicateurs. Cette mission est membre de la Fédération protestante depuis 1975. A noter qu'il existe, parallèlement, une mission tzigane catholique.

Les Assemblées de Dieu sont le mouvement pentecôtiste le plus important en France, avec environ 100 000 membres actifs (dont 30 000 dans les D.O.M.-T.O.M.).

Charismatisme

La date approximative de la naissance des églises charismatiques se situe à la fin des années 1970, début 1980.

De tendance pentecôtiste, ces églises ajoutent quelques points essentiels à leur doctrine et à leur fonctionnement : les relations fraternelles et une recherche d'unité (le charismatisme transcende les églises) ; la vie exemplaire du chrétien (appelé disciple) ; une plus grande diversité dans les charismes (dons) ; une plus grande ouverture aux nouvelles manifestations de l'esprit (exemple : la bénédiction de Toronto, dans les années 1995) ; la relation d'aide (guérison intérieure et délivrance) ; l'importance de l'évangélisation jusque dans les rues.

Le courant charismatique a connu plusieurs vagues mais aussi plusieurs origines. A l'époque du renouveau charismatique, il y a ceux qui ont quitté leur Église, catholique ou protestante, pour fonder des communautés (terme préféré à celui d'Églises) charismatiques. Puis, on trouve ceux qui ont quitté les églises traditionnellement pentecôtistes pour se retrouver plus à l'aise dans la mouvance charismatique. Autre effet : les déçus qui ont quitté les églises pentecôtistes pour créer des églises indépendantes.

Les communautés charismatiques ont été indépendantes pendant plusieurs années, mais ont aujourd'hui tendance à se fédérer.

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