Le manuel des chrétiens protestants - Émilien Frossard

VII – La morale chrétienne.

Je vous donnerai un nouveau cœur et un esprit nouveau. Ézéch., XXXVI, 26.

La morale ne précède pas la doctrine chrétienne : elle en est la conséquence et la confirmation. Lorsque le cœur est sous l’influence d’une forte conviction, il devient capable de grandes choses. « Faites l’arbre bon, disait le Sauveur, et le fruit sera bon. »

Dans le chapitre précédent, qui nous montre que dans l’œuvre de notre rédemption ou de notre salut tout est grâce de la part de Dieu, nous avons un témoignage éclatant de l’amour de Dieu envers nous. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que tous ceux qui croiront en lui ne périssent point mais qu’ils aient la vie éternelle (Jean, III, 16.). » « Nous aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier (1 Jean, IV, 19.). »

Le principe de la morale n’est donc pas l’intérêt ni la crainte, qui ne produisent rien de bon, mais c’est l’amour. Aussi le premier et le plus grand commandement, celui qui fait la base de tous les autres, est ainsi conçu : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée (Matth., XXII, 37.). Le second commandement, qui n’en est qu’une conséquence toute naturelle, est : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous nos devoirs trouvent leur principe dans ces deux commandements.

À l’école de l’Évangile, le fidèle apprend :

— à craindre Dieu ; car il est écrit : Dieu est miséricordieux, afin qu’il soit craint (Ps. CXXX, 4.) ;

— à se confier en lui, car il est écrit : Déchargez-vous sur lui de tout ce qui peut vous inquiéter, car lui-même prendra soin de vous (1 Pierre, V, 7.) ;

— à lui obéir, car il est écrit : Si vous m’aimez, gardez mes commandements (Jean, XIV, 15.) ;

— à respecter son nom, car il est écrit : Son nom est saint et terrible (Ps. CXI, 9.) ;

— à travailler à sa gloire, car il est écrit : Faites tout pour la gloire de Dieu (1 Cor., X, 31.) ;

— à l’adorer, car il est écrit : Servez l’Éternel avec allégresse, venez devant lui avec un chant de triomphe, car il est Dieu (Ps. C, 2, 3.) ;

— à le prier, car il est écrit : Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et on vous ouvrira (Matth., VII, 7.) ;

— à s’humilier profondément devant lui, car il est écrit : Quand vous aurez fait tout ce qui vous avait été commandé, dites encore : Nous sommes des serviteurs inutiles (Luc, XVII, 10.) ;

— à se soumettre en tout à la direction que Dieu imprime au monde et à dire comme David : Je me suis tu, ô Éternel ! Et je n’ai point ouvert la bouche, parce que c’est toi qui l’as fait (Ps. XXXIX, 9.) ;

— à se dévouer à son service en imitant Jésus-Christ, qui disait : Ma nourriture consiste à faire la volonté du Père qui m’a envoyé (Jean, IV, 34.).

Mais la loi nouvelle, qui est celle de l’amour et qui nous unit à Dieu par la reconnaissance et le dévouement, comprend aussi tous les hommes dans ses bienfaisants effets, et l’Évangile fait découler de ce principe une foule de devoirs que la charité rend faciles et que l’humilité orne d’une beauté céleste.

Les paroles suivantes de saint Paul devraient être imprimées en lettres d’or, ou plutôt gravées pour jamais dans nos cœurs :

« Quand je parlerais toutes les langues des hommes et même celles des anges, si je n’ai pas la charité, je suis comme l’airain qui résonne ou comme une cymbale retentissante.

Quand même j’aurais le don de prophétie, quand je connaîtrais tous les mystères et toutes sortes de sciences, et quand j’aurais assez de foi pour transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.

Quand même je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

La charité est patiente ; elle est douce ; la charité n’est point envieuse ; la charité n’est point insolente ; elle ne s’enfle point d’orgueil ; elle ne se conduit pas malhonnêtement ; elle ne cherche point son propre profit ; elle ne s’aigrit point ; elle ne soupçonne point le mal ; elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle endure tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne périt jamais ; maintenant trois choses demeurent : la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus excellente est la charité… Recherchez donc la charité (1 Cor., XIII.). »

Sous l’influence de ce principe, le chrétien fuit soigneusement l’injustice sous toutes les formes, même les plus insignifiantes ; il surveille toutes ses actions, de peur que sa probité ne reçoive la moindre atteinte ; il est généreux, expansif, bienveillant, dévoué ; il embrasse avec une sainte ardeur les grands intérêts de l’humanité ; il n’est point étranger au bien qui se fait dans le monde ; il y prend une part active selon la mesure de sa fortune, de son influence ou de ses talents ; et quand il n’a plus la pite de la veuve à donner pour les malheureux, il lui reste toujours des larmes de compassion et les prières d’un cœur sympathique.

Une foule de devoirs relatifs découlent de ces devoirs généraux.

Le chrétien est attaché à son pays, et il le sert fidèlement en faisant régner autour de lui le bon ordre et la paix.

Il se soumet aux puissances établies pour gouverner l’État, soigneux de rendre à César ce qui appartient à César, comme il veut rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu.

Dans la famille, il est fils respectueux, comme il est écrit : Honore ton père et ta mère (Exode, XX, 12.) ; il est époux fidèle, comme il est écrit : Le mari aime sa femme, comme Jésus-Christ a aimé l’Église (Ephés., V, 25.). Il est père prudent et affectueux, instruisant ses enfants dans la vérité, dans la piété et dans la droiture.

Dans la société, il est indulgent, sensible, diligent, honnête, tolérant, clément, conformant sa conduite, autant qu’il est possible à la nature humaine de le faire, à l’exemple et aux préceptes de Jésus-Christ.

En se repliant sur lui-même, le chrétien reconnaît enfin plusieurs devoirs qui concernent plus particulièrement l’état, les progrès, la paix de sa propre âme. À l’école de Jésus-Christ, il apprend à supporter les persécutions auxquelles il est exposé de la part des méchants, et les maux qui lui sont dispensés par la Providence, avec courage et résignation ; il vit dans le monde sans permettre que la folie ou l’iniquité du monde le détournent de sa céleste destinée ; mais se conformant aux règles de la sobriété, de la pureté, de la piété pratique, recherchant tout ce qui est véritable, tout ce qui est digne de respect, juste, saint, aimable et de bonne renommée (Philip., IV, 8.) ; offrant à Dieu son corps et son esprit en sacrifice vivant, libre et saint.

Au milieu de ces efforts incessants et de cette lutte souvent si douloureuse contre le mal, il ne présume pas de lui-même, comme s’il avait atteint au but : au contraire il cherche constamment en Dieu de nouveaux secours ; il recommence chaque jour le travail et la lutte, et, à l’imitation de saint Paul, il dit avec un mélange d’humilité et de courage : « Pour moi, je ne me persuade pas d’être parvenu à la perfection, mais voici ce que je fais : j’oublie les choses qui sont derrière moi, et, m’avançant vers celles qui sont devant moi, je cours vers le but, savoir, le prix de la céleste vocation que Dieu me propose en Jésus-Christ (Philip. III, 13, 14.). »

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