Le manuel des chrétiens protestants - Émilien Frossard

VIII – La vie à venir.

La mort ne sera plus ! Apoc., XXI, 4.

La vie présente est un premier état qui précède et prépare une vie nouvelle.

Les plus simples données d’une saine philosophie le faisaient pressentir ; le christianisme place ce grand fait en lumière et l’entoure d’une pleine confirmation. Pour le croyant, l’attente de la vie à venir acquiert une entière certitude ; il combat, il souffre, il agit en vue de cette glorieuse perspective. Il a pour garant de cette attente les promesses de Dieu et le témoignage que le ciel lui a donné dans la résurrection de Jésus-Christ.

Jésus-Christ s’est abaissé jusqu’à notre nature infirme, afin d’élever cette nature à la hauteur de sa gloire.

Vivant en lui, travaillant pour lui, souffrant et mourant avec lui, nous ressusciterons comme lui pour être à jamais glorifiés en lui et par lui.

La mort est un accident commun à tous, « au juste et à l’injuste, à celui qui sacrifie et à celui qui ne sacrifie pas. » Mais elle ne peut être envisagée par tous de la même manière.

Pour ceux qui vivent sans Dieu dans le monde, présumant orgueilleusement d’eux-mêmes, s’adonnant au péché, vivant selon la chair, plaçant leur affection dans les biens d’ici-bas, repoussant l’appel de Dieu et la voix de la conscience, la mort est le roi des épouvantements, l’avenir est une mer ténébreuse et sans rivages ; d’ordinaire ils ne savent où ils vont ; et lorsqu’ils pensent sérieusement, et avec quelque intelligence, de leur état moral et des droits de Dieu, l’horreur les prend ; ils imposent silence à la voix importune de la religion ; ils ne veulent pas mourir, parce que, dans le fond de leur cœur, il y a un retentissement de la voix de Dieu qui leur dit qu’un abîme conduit à un autre abîme, que le péché ne peut conduire qu’à la disgrâce et au malheur, et que c’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant (Héb., X, 31. Marc, IX, 4-6.).

Pour les justes, je veux dire pour ceux qui, de pécheurs qu’ils étaient comme le reste des hommes, sont devenus justes par la foi, la mort revêt un tout autre aspect. Elle peut être encore environnée de terreurs, car elle peut être accompagnée d’un cortège de douleurs physiques et de cruelles séparations ; mais, au point de vue de la vie de l’âme, elle est dépouillée de tout ce qui en fait pour l’incrédule un objet d’effroi.

Job peut s’écrier au milieu des étreintes d’une affreuse maladie : « Je sais que mon Rédempteur est vivant ! »

Saint Pierre, en présence des cruelles persécutions qui affligent l’Église, peut dire : « Nous attendons, Seigneur, selon ta promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habite. »

Saint Paul, dépassant, par un élan de sa foi, l’horizon si borné de notre vue humaine, contemple les triomphes du Rédempteur et peut dire : « O mort ! Où est ton aiguillon ? O sépulcre ! Où est ta victoire ? Gloire à Jésus-Christ par qui nous avons la victoire ! »

Mais que dis-je ? Pour le croyant, à proprement parler, la mort n’est plus. Dès le moment qu’il croit, il entre dans la vie. Celui qui croit au Fils, dit l’Écriture, a la vie. Remarquez cette expression : IL a la vie (1 Jean, V, 10-12.). Il entre, par la foi, dans un nouvel élément impérissable de vie, d’activité, de félicité ; état encore imparfait ici-bas, mais qui prendra son glorieux développement lorsque le Seigneur reviendra ressusciter notre chair, enlever ses élus loin de la vue du mal, régner glorieusement au milieu d’eux et les introduire dans une éternité de bonheur indicible…

« Après la mort, le jugement (Héb., IX, 21.). »

Cet état d’éternel bonheur ou d’éternel malheur sera déterminé par le jugement. Ce n’est point une affaire de hasard, de caprice, d’autorité arbitraire, mais de justice, justice infaillible et irrécusable de Celui qui connaît les secrets des cœurs, qui apprécie nos intentions autant que nos actions, qui ne dépassera pas la mesure ni en deçà ni au delà, mais qui rendra à chacun ce qui lui est dû.

Il y a un ciel et il y a un enfer, non comme les hommes nous les dépeignent, selon les couleurs que leur prodigue leur imagination féconde et désordonnée, mais tels que l’Écriture nous les dépeint, en nous disant et la beauté ravissante de la foi, de l’espérance et de la charité, et la hideuse laideur de la désobéissance, de l’ingratitude, du péché.

Il y a un ciel et un enfer. Il n’est donné ni à la sagesse ni à l’autorité humaine, en dehors de la sagesse et de l’autorité du Seigneur, de nous les ouvrir ou de nous les fermer. Celui qui se tient à la porte est Jésus-Christ. « Il ouvre, et personne ne ferme ; il ferme, et personne n’ouvre (Apoc., III, 7.) ; » et, annonçant à chacun les conséquences naturelles, inévitables et fatales de ce qu’il est et de ce qu’il peut attendre, il dit : « Que celui qui est souillé se souille davantage, et que celui qui est juste le devienne encore plus (Apoc., XXII, 11.). »

Oui, il y a un ciel et un enfer. Il n’y a point d’état intermédiaire qui ne soit ni le bien, ni le mal, ni la vérité, ni l’erreur, ni le bonheur, ni le malheur, ni le ciel, ni l’enfer. Il y a une route large et facile qui conduit à la désobéissance et à l’abîme ; il y a une route difficile et étroite qui conduit au bien et à la félicité.

Il n’y a pas une troisième route que nous nous choisirions pour y trouver à la fois les gloires de la piété et les délices du péché. « J’ai placé devant vous, disait Moïse, la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisissez donc la vie, afin que vous viviez à toujours (Deut., XXX, 19.). »

Après la mort… le jugement ; non le purgatoire. Le purgatoire que l’on place après la mort est une pure invention dont on sait bien aujourd’hui quel étrange profit on peut tirer ; doctrine qui n’a pas pour elle un seul mot de la Parole de Dieu et que nous repoussons, nous protestants, comme antichrétienne, puisque toute la révélation confirme la pensée que le jugement suit la mort et précède l’éternité.

Le vrai purgatoire, en prenant ce mot dans son sens le plus élevé, s’accomplit sur la terre.

C’est sur la terre qu’a lieu la régénération, la conversion, et son fruit béni, la sanctification. « Le sang de Christ nous purifie de tout péché (1 Jean, I, 7.). Bienheureux, dès à présent, ceux qui meurent au Seigneur (Apoc., XIV, 13.). La mort est engloutie par la vie (2 Cor., V, 4.). Étant justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par Jésus-Christ (Rom., V, 1.). »

Donc, pas de purgatoire après la mort. Travaillons donc pendant qu’il fait jour, et n’attendons pas la nuit pendant laquelle nul ne pourra travailler. Et que chacun de nous dise du fond de son cœur : « Que je meure de la mort du juste et que ma fin soit semblable à la sienne (Nomb., XXIII, 10.) ! »

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