Le manuel des chrétiens protestants - Émilien Frossard

X – Les saints.

Soyez saints, car je suis saint. 1 Pierre, I, 16.

Avant que les croyants fussent appelés chrétiens, nom qui leur fut donné à Antioche plusieurs années après la résurrection de Jésus-Christ, on les appelait les disciples, les parfaits, les saints.

Quand donc nous disons saint Pierre, saint Paul, saint Jean, nous voulons simplement rappeler que ces illustres personnages étaient du nombre des premiers disciples : de sorte qu’il n’y aurait aucune irrévérence à retrancher cette épithète, qui ne fut jamais unie au nom des apôtres dans les récits évangéliques ni dans les titres grecs des livres sacrés.

Le mot saint signifie séparé, séparé de l’erreur et du mal ; nous croyons que tous les vrais chrétiens, et non quelques-uns seulement, sont, par le fait de leur régénération, sanctifiés, c’est-à-dire placés sur la route de la sainteté vers laquelle ils progressent sans cesse par les secours du Saint-Esprit.

Quand saint Paul dit que « sans la sanctification nul ne verra le Seigneur (Héb., XII, 14.), » quand Dieu dit : « Soyez saint, car je suis saint (1 Pierre, I, 16.), » la sainteté nous est représentée comme le partage de tous ceux qui ont cru, et non de quelques-uns, distingués des autres, élus parmi les élus, aristocratie céleste proposée aux hommages, que dis-je ? Au culte du reste de l’Église.

Ce sont les légendes fabuleuses du moyen âge qui ont défiguré l’histoire des plus illustres serviteurs de Dieu, entretenant parmi le peuple de dangereuses superstitions, encourageant un culte qui trop souvent touche à une idolâtrie délirante, et ajoutant à la légende des vrais saints des noms qui n’ont jamais eu aucun droit à y figurer.

À ce mal, nous ne voyons de remède que la doctrine simple et sanctifiante de la Parole de Dieu, qui sans cesse nous détourne de la créature pour nous ramener au Créateur, qui nous rappelle sans cesse la nécessité de la sainteté personnelle, la souveraineté de la grâce divine qui la produit en nous, et le salut complet et gratuit que Jésus-Christ nous accorde sans l’intervention des hommes.

En s’appuyant sur ces principes généraux, ainsi que sur les données de la Parole de Dieu, de l’histoire et du bon sens, les protestants repoussent ;

1° La pratique de la canonisation des saints ou les décisions ecclésiastiques qui décident, un siècle après leur mort, que tels chrétiens ont été saints. Il n’est pas donné à l’homme de juger les secrets des cœurs et les décrets du souverain. Dieu seul connaît les siens.

2° La pratique du culte des saints, qui autorise les chrétiens à fabriquer et à honorer des images de leurs personnes, à consacrer à leur mémoire certains jours, à élever sous leur invocation des églises et des chapelles, à se prosterner devant leurs reliques, à espérer des guérisons miraculeuses de l’attouchement de leurs os…, pratiques qui nous paraissent complètement opposées aux déclarations de l’Écriture, résumées dans cette parole de saint Pierre adressée à Corneille, qui, par un mouvement de reconnaissance, se jetait à ses pieds : Lève-toi ; je ne puis qu’un homme non plus que toi (Actes, X, 26.) !

3° La confiance dans l’intercession des saints, doctrine qui attribuerait aux saints reçus dans le repos de Dieu la perfection divine de la toute-présence, ou du moins la connaissance de ce qui se passe sur la terre, confiance attentatoire à la gloire de Jésus-Christ, qui veut que nous allions à lui directement et sans intermédiaire (Matth., XI, 28.), et qui nous est représenté comme le Seul médiateur entre Dieu et nous (1 Tim., II, 5.).

Au lieu de nous laisser distraire par un culte que Dieu n’a point commandé, par des intercesseurs qu’il n’a point institués, par des superstitions qui assoupissent les âmes et voilent aux yeux des simples la face céleste du Père, étudions avec intérêt la vie de ceux qui nous ont devancés, l’histoire authentique des enfants de Dieu qui ont marché dans sa crainte ; non pour exalter les hommes, mais pour glorifier Dieu ; non pour nous appuyer sur les créatures, mais pour chercher les grâces qui leur ont été départies auprès de Celui qui les offre à tous ; non pour admirer les chrétiens, mais pour les imiter en tant qu’eux-mêmes ont été les imitateurs de Jésus-Christ, auquel seul revient tout honneur et toute louange.

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