Le manuel des chrétiens protestants - Émilien Frossard

XIII – L’Église invisible.

Je me suis réservé sept mille hommes de reste en Israël, qui n’ont point fléchi leurs genoux devant Baal. I Rois, XIX, 18.

Le symbole apostolique nous fournit une exposition suffisante et complète de la véritable Église, par cette profession de foi :

JE CROIS À LA SAINTE ÉGLISE UNIVERSELLE, LA COMMUNION DES SAINTS.

Ici, l’Église est distinguée par deux caractères principaux : elle est universelle ; elle est sainte.

Universelle ou catholique[1], c’est-à-dire qu’elle n’est point circonscrite par les limites d’un pays, par la prépondérance d’une cité, par l’influence d’un gouvernement. Elle échappe à toute distinction de secte, à toute institution d’homme, à toute discipline temporaire, à toute restriction politique. « En toute nation, dit la Bible, celui qui craint Dieu et s’adonne à la justice, lui est agréable. »

[1] Entendons-nous bien : catholique, et non catholique romaine.

Tous ceux qui se réclament du nom de notre glorieux Maître, tous ceux qui, en toute sincérité de cœur, l’adorent et le servent, tous ceux qui le prient avec foi et s’attendent à lui pour leur salut, tous ceux qui, le prenant pour modèle, animés de son esprit, marchent sur ses traces et imitent son exemple de charité et de dévouement, quels que soient, d’ailleurs, les jugements que les chefs des Églises visibles peuvent porter sur eux, sont membres de l’Église invisible, marqués du sceau de Dieu, désignés pour le glorifier ici-bas et pour partager sa gloire dans le ciel.

La terre elle-même ne limite point l’étendue de l’Église ; elle mérite doublement encore le titre d’universelle, en ce que non seulement elle peut s’étendre sur toutes les familles des hommes, par la répartition du don de la grâce, pendant leur vie de combats et d’épreuves ici-bas, mais encore parce qu’elle compte des membres nombreux dans les demeures célestes où les enfants de Dieu se reposent de leurs travaux dans la gloire ineffable du Chef glorieux de l’Église. Il en résulte que celui-ci, seul capable de dominer l’univers par son regard immense, peut seul voir et compter les membres de son Église, toujours présente à la vue du Seigneur, qui l’a fondée et la soutient pour sa gloire.

L’Église invisible doit aussi être sainte. L’Église est la famille de Dieu parmi ses créatures morales, et Dieu ne se plaît que dans la sainteté ; toute souillure se dissipe en sa présence comme devant un feu dévorant. « Christ, est-il écrit, a aimé l’Église ; il s’est donné lui-même pour elle, afin qu’il la sanctifiât, après l’avoir nettoyée dans le baptême d’eau et par sa parole, afin qu’il se la rendît une Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni aucune autre chose semblable, mais afin qu’elle fût saine et irrépréhensible (Ephés., V, 25.). »

Cette sainteté peut être incomplète et gênée pendant les combats de la vie ; mais l’Église au moins la possède virtuellement, et, dans son sein, elle possède tous les éléments féconds de la vraie sainteté.

Elle suppose d’abord la possession et la profession de la vérité, et la vérité en religion ne se trouve que dans l’Évangile, parole inspirée de Dieu, révélation seule destinée à nous montrer la route du ciel. Il s’ensuit que toute Église où la Parole de Dieu est mise en évidence, présentée aux fidèles comme seule règle de leur conduite, seule source de leurs espérances et seule base de leur foi, possède en cela un des caractères distinctifs de l’Église dont Jésus-Christ est le chef adorable.

La sainteté dans l’Église suppose aussi l’amour fraternel. Ce qui ne signifie pas seulement les actes de la bienfaisance et de l’aumône, mais l’affection mutuelle et l’union intime des âmes.

Hors de cette disposition, on ne saurait se flatter d’avoir les moindres rapports avec Jésus-Christ ; il l’a dit lui-même : « C’est à ceci que l’on connaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »

Ce n’est pas sans raison que les auteurs du symbole apostolique proposent à notre foi la communion des saints, c’est-à-dire l’union qui doit exister parmi les chrétiens, immédiatement après avoir parlé de l’Église sainte et universelle.

L’Église est un corps dont les membres sont si dépendants les uns des autres, qu’il est impossible qu’un seul des membres souffre sans que le corps entier en soit affecté. Là où se rencontrent les divisions, les querelles, les discussions, les zizanies, l’intolérance, les persécutions, les haines et l’envie, dites : là n’est pas l’Église de Jésus-Christ, là n’est pas sa famille de choix.

La sainteté dans l’Église se manifeste encore par la séparation complète du monde. Visiblement elle est au milieu du monde, et se mêle avec ses enfants ; mais aux yeux de l’esprit elle s’en sépare et tend chaque jour à s’en séparer davantage. C’est ce que saint Pierre demandait, lorsque, dès sa première prédication, suivie des premiers triomphes de l’Évangile, il disait à ses nouveaux frères : « Séparez-vous de cette génération incrédule et perverse ! »

L’Église est un principe vivant : que deviendrait ce principe, si ceux qui le professent le prostituaient à un monde qui marche chaque jour à sa ruine ? Chaque pas que le chrétien fait dans la vie est un progrès, chaque battement de son cœur correspond à une bonne pensée, chaque idée dans son intelligence est une vérité que le monde ne soupçonnait pas même, et dont il ne voudrait sûrement pas, s’il la comprenait clairement. Il n’y a donc point de rapport ni de sympathie réelle entre le chrétien et celui qui ne l’est pas, entre l’Église et le monde. Nul ne peut servir deux maîtres, et celui qui l’oublie s’expose à servir fort mal l’un et l’autre. Et c’est aussi pour l’avoir méconnu que l’on a vu plusieurs Églises donner au monde le scandale de l’ambition terrestre, de la cupidité, des envahissements, des désordres de tous genres ; et là certainement n’était ni l’Église de Jésus-Christ, ni son influence bénie.

Enfin, la sainteté dans l’Église se manifeste dans sa soumission entière et exclusive à son chef, Jésus-Christ.

Jésus-Christ ! Voilà l’objet de notre foi, de notre confiance et de nos adorations ! Notre nom de chrétien nous rappelle celui du Crucifié, nos enfants sont baptisés en son nom ; nos communions nous appellent à entourer sa table ; nos fêtes nous retracent les circonstances solennelles de sa vie de douleurs et de triomphes ; nos chaires retentissent de son nom : Christ est le chemin, Christ est la vérité, Christ est la vie. Toutes les fois que ce nom saint est méconnu, oublié, partout où il n’est pas mis en évidence, et son salut proclamé dans toute sa simplicité comme dans toute sa gloire, dites encore : là n’est point son Église, là son regard ne distingue point les véritables membres de sa famille chrétienne.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant