Histoire de la restauration du protestantisme en France

3. Prière (1715)

… 1715

Des abymes profonds d’une noire tristesse
A toy seul, Dieu puissant, nous adressons nos vœux.
Que nos gémissements excitent ta tendresse,
Et l’excès de nos maux un regard de tes yeux !

Accablés sous les coups de ta juste colère,
Veux-tu donc avec nous compter à la rigueur ?
N’es-tu plus notre Dieu, n’es-lu plus notre père ?
Nous feras-tu toujours sentir ton bras vengeur ?

Que le sang de ton Fils, notre unique ressource,
Toujours frais et vivant intercède pour nous :
Qu’il fléchisse ton cœur, et nous ouvre la source
D’où découle ta grace et tes biens les plus doux !

A ton égard, Seigneur, nous l’avouons sans feinte,
Nous méritons des maux infiniment plus grands ;
Mais c’est pour n’adorer que ta Majesté Sainte
Que nous sommes en proye à nos cruels tirans.

Leur rage contre nous, à son comble montée.
Ravage sans pitié tes fidèles troupeaux.
Tout paraît seconder leur fureur indomptée,
Tout flatte leur orgueil par des succès nouveaux.

Nous te le redisons, o Dieu, pour ta querelle,
Pour soutenir tes Droits nous sommes accablez :
Peux-tu voir d’un œil sec notre peine mortelle,
Et, sans en être ému, tes troupeaux désolez ?

Regarde nous plutot d’un œuil plein de tendresse.
Que ta compassion se réveille en ce jour !
Pour nos cruels malheurs ta gloire t’intéresse ;
Fais-nous donc ressentir ton paternel amour !

Que nos tendres enfants, dont l’extrême faiblesse
Les expose sans cesse aux pièges de l’erreur,
Puissent, par tes bontés, de tous ceux qu’on leur dresse
Eviter les détours et fuir l’appas trompeur.

O souverain pasteur, et le seul qui nous reste,
Du vice et de l’erreur démasque tous les traits,
Et détourne nos pas de leur route funeste
De peur que ton flambeau ne s’éteigne à jamais !

Tiens-toi près des mourants, Dieu tout bon et tout sage.
Que ton divin esprit soit leur consolateur ;
Dans ces derniers moments redouble leur courage
Contre la chair, le monde, et l’esprit tentateur !

Que la perte des biens, l’horreur et l’infamie,
Dont la zèle en fureur s’arme contre leur foy.
Réveillent leur ardeur par le calme endormie
Et les fassent toujours plus espérer en toy !

Toy, qui des plus grands Roys es le souverain maître,
Qui diriges leurs cœurs comme le cours des eaux,
Fléchi le cœur du nôtre, et lui fay reconnaître
L’innocence et le droit de tes pauvres troupeaux !

Que les princes, chez qui l’on prêche ta parole
Et qui n’ignorent pas quelle est ta volonté,
La fassent retentir de l’un à l’autre pôle,
Et qu’ainsi ton grand nom soit partout exalté !

Eclaire les esprits de ceux qui nous haïssent,
Ou leur inspire au moins quelque ombre d’équité.
Et ne permets jamais que nos langues trahissent,
Même dans les tourments, ta sainte vérité !

(N° 17, vol. G, p. 431)

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