La Palestine au temps de Jésus-Christ

LIVRE SECOND — LA VIE RELIGIEUSE

CHAPITRE I — LES PHARISIENS ET LES SADUCÉENS SOUS LES MACHABÉES ET SOUS HÉRODE LE GRAND


Les Hassidim. — Origine du Pharisaïsme et du Saducéisme. — Luttes pour la prépondérance sous les rois Asmonéens. — Parallèle des deux tendances. — Leurs défauts et leurs qualités. — Les saducéens sous Hérode le Grand. — L'influence des Pharisiens. — Ils se divisent. — Les deux partis pendant la vie de Jésus. Christ. — Leur attitude en présence du Christianisme naissant. — Les sept espèces de Pharisiens.

Nous étudierons, dans ce second livre, la vie religieuse des Juifs de Palestine au premier siècle. Elle se présente avant tout à nous comme incarnée dans deux grands partis : celui des Pharisiens et celui des Saducéens.

Nous les avons déjà et souvent nommés dans le livre précédent, et le Nouveau Testament met sans cesse Jésus en leur présence. Josèphe nous décrit ces hommes comme ayant formé des « sectes » au sein du judaïsme de son temps. Il importe, pour comprendre leur attitude en face du Christ, de remonter jusqu'à leur origine et d'étudier leur passé. Au premier siècle, en effet, ils avaient déjà, les uns et les autres, une longue histoire derrière eux ; nous la raconterons succinctement.

Lorsque Esdras et Néhémie avaient restauré la nationalité juive, ils avaient rencontré une approbation à peu près unanime. Toutes leurs réformes avaient été accueillies et pratiquées, et les premiers temps du rétablissement des Juifs avaient été marqués par un admirable réveil de la foi et de la vie religieuse. Tous les enfants d'Israël, presque sans exception, s'étaient soumis au joug de la Loi et l'avaient porté avec la force que donne toujours une conviction sincère. Ceux qui, après la mort des grands réformateurs, continuèrent leur œuvre et la fortifièrent, étaient appelés Hassidim (les Pieux, les Dévots). Ils étaient universellement aimés et respectés, et devinrent très puissants.

Cependant, la conquête de la Palestine par Alexandre le Grand introduisit dans le Judaïsme un élément nouveau. Plusieurs Palestiniens apprirent à connaître l'Hellénisme et à l'apprécier. La civilisation grecque pénétra à Jérusalem et entra en contact avec la religion et les pratiques judaïques. Ceux qui favorisèrent ce contact, les Juifs « hellénistes », furent mal vus des Hassidim, car ceux-ci considéraient toute relation avec les étrangers comme une infidélité à la Loi, et lorsque Antiochus Épiphane voulut imposer par la violence les coutumes et les mœurs grecques, ils se révoltèrent. Ce fut un prêtre, Matatthias, le père de Judas Macchabée, qui provoqua cet admirable soulèvement auquel son fils a donné son nom.

L'insurrection, d'abord simple guerre de partisans et qui semblait devoir être étouffée, fut, au contraire, victorieuse, grâce à la fermeté de ses chefs, les Hassidim, grâce surtout à l'adhésion du peuple presque tout entier, joyeux de combattre pour sa patrie, pour son indépendance et pour son Dieu. Cependant, le petit nombre des Juifs hellénistes désapprouvait en secret l'insurrection. Leur foi patriotique et religieuse s'était affaiblie sous la domination grecque, et, sans renier aucune de leurs croyances, ils ne voyaient pas pourquoi les étrangers étaient si abominables ; ils n'avaient aucune répugnance à apprendre leur langue, à la parler et à connaître un peu leurs idées. Ces Juifs hellénistes, plus tolérants que les Hassidim, mais aussi plus indifférents, larges par scepticisme et par mollesse, furent appelés Tsadoukim (Saducéens), c'est-à-dire : Justes. Pourquoi ? Il est assez difficile de le dire. Il paraît naturel de supposer que leurs adversaires s'appelant les Pieux, ils ont voulu se donner un nom équivalant au leur aux yeux du peuple, et ont choisi, par opposition, celui de Justes[1]. Mais comme ils ne se le donnent jamais eux-mêmes, et semblent, par là, le rejeter, il est possible qu'il ait été choisi par les Hassidim eux-mêmes, et ne soit qu'un sobriquet ironique, les Justes dans le sens de : les prétendus Justes[2]. Les Saducéens voulaient, en effet, par opposition à l'ardeur des Hassidim, qui leur semblait intempérante, représenter le parti de la modération, du sang-froid, de l'équité, être de ceux qui se placent à un point de vue juste et sensé[3]. Ce nom de Tsadoukim s'appliquait d'autant mieux à eux qu'un certain Tsadok avait été grand prêtre du Temple de Salomon, soit le premier[4], soit seulement le quatrième[5], et que, sous Ézéchias, on avait déjà parlé de Tsadoukim[6]. Les Saducéens voulaient sans doute continuer les traditions de cette famille.

On parlait aussi d'un autre Tsadok, disciple d'Antigone de Soccho, et qu'ils auraient appelé leur chef[7]. Ces diverses étymologies, toutes également probables, et que l'on citait sans doute déjà autrefois, sans choisir entre elles plus qu'aujourd'hui, donnèrent une certaine autorité à ce parti naissant. Cependant on découvrit bientôt que les Saducéens n'étaient pas là quand Esdras rétablit la nationalité juive et qu'ils n'étaient arrivés de Babylone qu'après que le nouvel ordre de choses était solidement établi ; mais ils étaient riches et se donnaient pour les vrais conservateurs du passé. De plus, ils ne prétendaient nullement repousser la réforme d'Esdras : au contraire. Pour tout ce qui concernait le Temple et ses cérémonies, les sacrifices mosaïques et l'accomplissement de la Loi, ils étaient strictement religieux. Seulement, ils trouvaient les Hassidim trop ardents. L'institution des synagogues leur semblait inutile et même fâcheuse ; elle n'était pas dans la Thorah — Gardons la Loi, disaient-ils, gardons-la toute entière, mais n'y ajoutons rien sous prétexte de la développer. — Plus tard, ils auront aussi leurs traditions, mais, au début, ils n'en avaient point, et ils ne prêchaient que le retour exclusif au passé et la haine des nouveautés avec toute l'autorité que leur donnaient leur position sociale, leurs grands noms et leurs richesses.

Les Hassidim virent de fort mauvais œil ce parti grandissant. Ils se sentirent obligés à la lutte, et, quand le triomphe des Macchabées fut complet, quand l'étranger fut définitivement chassé, ils songèrent à diminuer l'influence croissante des Saducéens. Un certain nombre d'entre eux cependant reculèrent devant cette tâche. Ne se sentant appelés ni à la controverse ni aux luttes politiques, voulant rester mystiques et contemplatifs, ils se séparèrent de leurs frères et formèrent une secte : les Esséniens. Nous en reparlerons dans un chapitre spécial. Les autres, décidés à combattre, engagèrent résolument la bataille. Ils perdirent alors leur nom de Hassidim et, à dater du jour où les Esséniens les quittèrent, et où ils n'eurent plus à lutter contre l'étranger, mais seulement contre les Juifs Tsadoukim, ils s'appelèrent les Perouschim[8] (Pharisiens). Ce mot signifie les Séparés. Il s'appliquait admirablement à eux, car ils étaient séparés de l'étranger, séparés des Saducéens, séparés des Esséniens, bref, de tout ce qui n'était pas eux-mêmes, c'est-à-dire le Judaïsme vivant, ami du progrès et conquérant de l'avenir. Si ce nom, les Séparés avait ainsi plusieurs applications, la première de toutes était la haine de l'hellénisme. Nous avons déjà cité, dans notre premier livre, la fameuse parole : « Celui qui enseigne le grec a ses fils est maudit à l'égal de celui qui élève des porcs. » Cette haine de tout ce qui était grec alla si loin que la traduction des Septante fût considérée comme néfaste. La date en fut marquée « comme un jour aussi fâcheux que celui où les Hébreux adorèrent le veau d'or[9]. »

Plus tard, ce ne sera pas seulement la haine des Grecs que le Pharisien entretiendra autour de lui, ce sera aussi la haine des Romains, en un mot, de tout ce qui n'est pas juif[10].

Les Pharisiens ne prétendaient à rien de moins qu'à être le peuple tout entier, et ils y réussirent dans une grande mesure. Nous verrons tout à l'heure leur tendance partout victorieuse, les Saducéens affaiblis, relégués dans le Temple dont ils ne sortent plus, et la Palestine entière façonnée aux idées et aux mœurs pharisiennes.

Ce sera précisément l'époque de la vie du Christ ; et alors paraîtra, avec la prédication de Jésus, la réaction contre le pharisaïsme, réaction provoquée par les excès mêmes du parti. Mais, avant d'en venir là, Pharisiens et Saducéens soutinrent une longue lutte politique avec des alternatives de succès et de revers ; tantôt les uns, tantôt les autres, furent maîtres du pouvoir.

C'est sous le règne de Hyrcan que commença cette guerre acharnée de l'esprit nouveau contre l'esprit ancien : des libéraux contre les conservateurs. Mais, fait étrange, les libéraux étaient ici ceux qui ne voulaient pas s'allier à l'étranger ; les conservateurs étaient, au contraire, les hommes larges et tolérants. Il importe d'expliquer cette anomalie et de caractériser les deux tendances en les mettant en parallèle.

Le Saducéen était homme d'Etat, diplomate et savait calculer. Il agissait toujours par intérêt et ne manquait pas d'habileté. Le Pharisien était tout d'une pièce ; son patriotisme était farouche, sa franchise, au moins à cette époque-là, à l'abri de tout reproche. Ses idées absolues et son absence de tout esprit de calcul le rendaient entièrement désintéressé. Pour le Saducéen, la Loi et le Temple étaient de vénérables débris du passé qu'il fallait conserver pour le peuple. Lui-même pratiquait pour donner le bon exemple, mais se bornait toujours au strict nécessaire. La pureté lévitique lui paraissait un idéal difficile à atteindre, car il était homme du monde, habitué au luxe et au plaisir, conservateur par tempérament et aussi par position. Le Pharisien n'avait de complaisance pour personne ; il était libéral car il aimait les idées nouvelles, travaillait, regardait en avant avec une indomptable espérance, était ami du progrès pourvu que le Judaïsme triomphât, et considérait l'union avec l'étranger comme un recul et une abomination. Plus tard, quand les Pharisiens seront les maîtres, il se formera dans leur sein, une droite et une gauche.

La droite poussera à l'extrême les idées du parti. Elle deviendra intolérante, bigote, hypocrite, et elle aura tous les défauts qu'entraîne souvent la dévotion exaltée, savoir : l'esprit de jugement, l'orgueil, le mépris de ceux qui ne pensent pas comme vous.

La gauche deviendra le parti politique des fous furieux qui succomberont en l'an 70 sous les ruines fumantes du Temple. Le Saducéen restera jusqu'à la fin, et sera toujours davantage l'épicurien pratique, l'homme qui a de la religion sans avoir de piété, qui fait à l'étranger toutes les concessions qu'il exige pourvu qu'il le laisse tranquille ; séduit par l'élégance des Grecs et par leurs bonnes manières, il donnera jusqu'au bout le spectacle scandaleux de ses complaisances pour eux, acceptant leurs gymnases, leurs jeux, leurs théâtres, et même trouvant de bon ton de pratiquer leur corruption.

Il est évident que le parallèle que nous essayons de tracer ici des deux grands partis religieux des Juifs à cette époque est tout à l'avantage des Pharisiens. Cependant il ne faut pas que nous négligions de reconnaître ce qu'il pouvait y avoir de bon chez les Saducéens. Il est certain qu'ils ont souvent fait preuve, du moins dans cette première période de leur histoire, d'une grande intelligence pratique. Rompus aux intrigues, adroits et retors, ils ne partaient pas toujours et partout d'un a priori inflexible comme les Pharisiens. Ils avaient de l'esprit de gouvernement et pouvaient fournir d'excellents généraux et surtout des diplomates consommés. Ils savaient faire les concessions nécessitées par les différences des temps et des positions, et chaque fois que, dans ces concessions, ils ne transigeaient pas avec la conscience, ils avaient raison contre les Pharisiens. Nous en avons un exemple frappant au début même de leur histoire.

Lorsque Judas Macchabée fut vainqueur il voulut conclure une alliance avec les Romains. Le projet était habile et les Saducéens eurent l'intelligence de l'encourager. Le premier livre des Macchabées[11] nous expose les considérations les plus judicieuses à l'appui de ce projet et leur rédaction est certainement due à des Saducéens. Les Pharisiens jaloux se séparèrent alors de Judas, l'accusant d'infidélité, et leur maxime : tout ou rien, leur fit commettre, ici comme en plusieurs autres circonstances, une déplorable maladresse. Jamais, sous les Macchabées, ils n'auraient dit : « Aide-toi, le ciel t'aidera. » Avec leur foi passive et semi-fataliste, leur confiance aveugle en l'intervention de la Providence, leur conviction que le secours de l'Eternel est assuré, ils pouvaient commettre et ils ont commis de lourdes fautes. Sans cesse ils avaient à la bouche les passages les plus absolus de la Loi. Leur devise favorite était : « L'Eternel combattra pour vous et vous gardez le silence[12]. » Ou bien: « Mieux vaut chercher un refuge en l'Eternel que de se confier en l'homme[13]. » Ou encore : Voici, l'œil de l'Eternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa bonté[14]. » Paroles sublimes, mais qui, prises dans un sens exclusif, menaient au fatalisme. Sans doute les Pharisiens savaient se soulever. Certes, ils l'ont assez prouvé ; mais leur foi aveugle, qui faisait leur force dans la bataille, leur nuisait parfois au jour de la réflexion. Indomptables dans l'action, ils étaient souvent indécis devant un parti à prendre et inintelligents quand il fallait délibérer.

Nous avons appelé le Saducéen, conservateur. En réalité, il l'était beaucoup moins que le Pharisien. Il ne voulait pas sans doute qu'on changeât rien à la Loi et le Pharisien, lui, la développait et la complétait ; mais le Saducéen pactisait avec l'étranger, tandis que le Pharisien, raide, étroit, personnel, toujours hostile aux idées grecques, restait au fond, dans les vraies traditions nationales. Éteindre l'idolâtrie, empêcher la nation de subir l'influence des religions et des cultes étrangers, avait été la première préoccupation de Moïse et des prophètes. Esdras et Néhémie avaient poursuivi ce but toute leur vie, et les Pharisiens, reprenant ces idées antiques, étaient devenus rapidement très populaires. Ils instruisaient les foules, fondaient des écoles, tandis que les Saducéens, leurs adversaires, se recrutaient dans les hautes classes, méprisaient les petits et n'attachaient d'importance qu'à leur influence sur l'esprit du souverain et sur la caste sacerdotale.

L'histoire de la dynastie asmonéenne est avant tout l'histoire de la lutte des partis pharisien et saducéen. Elle a été souvent faite[15]. Nous n'avons pas l'intention de la raconter ici. Bornons-nous à un rapide résumé.

Les Pharisiens, qui avaient dirigé l'insurrection macchabéenne, triomphèrent d'abord avec elle ; mais, après la mort de Judas Macchabée, les partisans des idées étrangères, les Saducéens, reprirent le pouvoir. Jean Hyrcan, d'abord indifférent aux uns et aux autres, finit par favoriser ceux-ci dans la lutte politique, religieuse et sociale qu'ils avaient engagée contre les Pharisiens. Aristobule, son successeur, continua ces traditions et rétablit la royauté, ce qui froissa profondément les Pharisiens, dont les préférences étaient plus ou moins républicaines. Les idées saducéennes semblaient devoir l'emporter définitivement, mais Aristobule, en mourant, laissa le pouvoir à sa femme Alexandra (appelée aussi Salomé). Elle était très attachée au parti des Pharisiens et elle lui rendit toutes ses prérogatives et toute son influence. Le frère de la reine, Siméon-Ben-Schetach prit la direction de la secte. Les Saducéens furent chassés du Sanhédrin. Cependant Alexandra avait épousé son beau-frère, Alexandre Jannée, qui était resté partisan secret des Saducéens. Un jour, dans une cérémonie publique, il eut l'imprudence de violer ouvertement les coutumes pharisiennes. Le peuple indigné souleva une formidable émeute, suivie d'une répression terrible, dans laquelle huit cents Pharisiens furent crucifiés et leurs femmes et leurs enfants égorgés. Pendant six années Alexandre Jannée travailla à briser le parti pharisien. Il ne put y parvenir et Alexandra, restée veuve pour la seconde fois, rétablit cette secte au pouvoir. Siméon-Ben-Schetach reprit son influence, et les Pharisiens se livrèrent à de sanglantes représailles contre les Saducéens. A la mort d'Alexandra, la guerre civile éclata. Aristobule, fils de la reine, se mit à la tête des Saducéens et fut vainqueur. La lutte n'en continua pas moins jusqu'à la fin de la dynastie asmonéenne.

Avec l'avènement d'Hérode le Grand, les luttes à main armée prirent fin et une phase nouvelle de l'histoire des Pharisiens et des Saducéens commença. En effet, sa main de fer avait pacifié la Palestine, et les deux partis ennemis ne pouvaient plus songer à la guerre civile. Le pouvoir politique n'appartenait plus ni à ceux-ci ni à ceux-là. Quelques Saducéens, plus avilis que les autres, essayèrent bien de se concilier les bonnes grâces du roi et, sous le nom d'Hérodiens[16], donnèrent le triste spectacle de Juifs assez abaissés pour flatter le lieutenant des Césars, celui que tout le peuple appelait « l'esclave Iduméen ». Ils furent seuls et il faut dire à l'honneur des Saducéens, qu'ayant perdu la bataille, ils se résignèrent bravement à leur défaite et se confinèrent dans le Temple où ils restèrent. Ils gardèrent leur influence sur la caste sacerdotale mais la direction de la vie religieuse de la nation fut définitivement laissée aux Pharisiens.

Ceux-ci seront toujours fiers et hautains devant la dynastie des Hérodes. Ils garderont leur foi indomptable en la liberté à venir et représenteront l'inébranlable attachement à celle qui est perdue. Ils refuseront au nombre de six mille le serment de fidélité à l'empereur[17]. Ils conserveront donc toutes leurs idées politiques et, renonçant à les faire triompher immédiatement, comme ils l'ont toujours espéré sous les Macchabées, ils apprendront à attendre.

Parmi eux diverses nuances s'accuseront bientôt et ils se sépareront en groupes distincts. Jusque-là le Pharisien a été le Juif croyant, convaincu qu'il possède la révélation divine, que son peuple est le premier de tous les peuples et faisant de la politique par foi religieuse. Maintenant quelques-uns abandonneront la politique militante et, restant dans leurs écoles, ne s'occuperont que de leurs controverses avec les Saducéens.

Plus tard, quand ceux-ci, toujours plus indifférents, renonceront même à ces controverses, alors ces Pharisiens, docteurs de la Loi, qui n'auront plus à lutter contre eux se diviseront, discuteront les uns avec les autres, et formeront deux tendances une droite et une gauche, en perpétuelles discordes. D'autres Pharisiens, au contraire, laissent déjà la politique prendre la première place dans leurs préoccupations. Ils ne s'intéressent plus guère à la religion et quelques-uns d'entre eux poussent directement le peuple à la révolte. On leur donne le nom de zélotes. Judas le Galiléen[18] est l'un d'eux et ne se distingue du reste du parti que par l'ardeur de son fanatisme[19]. Il se soulève avec un nommé Sadok, mais cette émeute est prématurée et elle est étouffée. On voit paraître aussi quelques prédicateurs publics parmi les Pharisiens : Judas, fils de Sariphée, et Matatthias, fils de Margaloth, furent deux tribuns très populaires. Ils poussèrent le peuple à arracher l'aigle romaine, tout en or et d'une grande valeur, placée par Hérode le Grand sur le portail du Temple. Elle fut en effet jetée sur la place et brisée à coups de hache[20], et quarante Pharisiens furent, pour ce fait, condamnés à être brûlés vifs. Les gouvernements moitié libéraux moitié arbitraires ont pour effet d'endormir les nations. Mais le régime d'Hérode n'était pas de ceux-là, et le tyran entretenait sans cesse l'exaltation des Juifs. Il persécutait, et Josèphe donne à tort aux révoltés le nom de brigands ; il veut flatter par cette insulte les païens pour lesquels il écrit. Ces prétendus brigands n'étaient que des patriotes exaltés. Il y en eut bien quelques-uns qui se firent voleurs de grand chemin et tinrent la campagne en excitant le peuple à la révolte mais ce fut le petit nombre. Josèphe confond trop ceux-là avec les Pharisiens et il est certain que les docteurs de Jérusalem les auraient hautement désavoués.

A la mort d'Hérode et à la naissance de Jésus, les Pharisiens et les Saducéens n'ont donc plus que des discussions religieuses. Nous exposerons plus loin ces disputes, dont le portique de Salomon devait être le constant théâtre[21].

Là, dans la première cour du Temple, les deux partis seront en continuelle présence et les frottements seront fréquents. Mais leurs controverses perdront chaque jour de leur intérêt. Elles sont trop purement théoriques. Celui des deux qui l'emporte triomphe dans le domaine des idées et demain il pourra y être battu. Sa victoire ne peut avoir aucune conséquence, puisque les Romains les surveillent du haut de la tour Antonia et prennent bien soin qu'ils ne passent jamais des paroles aux actes. Du côté des Saducéens, surtout, la discussion ne conserve rien de son ancienne ardeur. Les grands prêtres sont tous Saducéens ; ils sont certains que les Pharisiens ne peuvent plus leur ôter cette charge. Jamais ni les Hérodes ni les Romains ne confieront le sacerdoce à un Pharisien ; du reste n'en voudrait pas. Le Temple l'intéresse de moins en moins et il sent que l'avenir de la nation est ailleurs que dans ses cérémonies.

Les Saducéens, possesseurs paisibles du pouvoir religieux officiel, n'ont donc qu'un désir : jouir de leur position, de leurs richesses, de leur reste de prestige et vivre en paix avec le maître. Sous le portique, ils discuteront encore à cause du peuple qui est là et qui écoute ; mais ils n'ont point de zèle pour la Loi ; ils sont froids pour elle. Ils possèdent les biens de ce monde et ne voient pas pourquoi ils s'embarrasseraient du fardeau des préceptes pharisiens. Entre les uns et les autres, il ne s'agit plus de savoir qui gouvernera. Chaque parti a maintenant son terrain d'action nettement délimité : les Saducéens ont le Temple, les sacrifices, le sacerdoce, le pouvoir officiel ; les Pharisiens ont la synagogue, l'étude de la Loi, les doctrines et la direction religieuse du peuple ; mais chaque parti attaquera l'autre précisément en critiquant le champ d'action qu'il a choisi.

Le Pharisien, dans ses prédications, déclarera la guerre au pontificat et le fera mépriser, il opposera le spiritualisme de la synagogue au matérialisme du Temple. Quand il assistera aux cérémonies du sanctuaire, il les trouvera, non pas regrettables en elles-mêmes, puisque la Loi les commande, mais mal faites et mal ordonnées. Il dira que l'encens de la fête des Expiations n'est pas bien préparé, que le sacrifice de la vache rousse est mal exécuté, que les purifications sont insuffisantes. Les Saducéens répondront en se raillant des prescriptions minutieuses des Pharisiens et de leurs méticuleuses ordonnances. Le plus fort des deux sera le Pharisien. Son adversaire ne connaît pas comme lui les questions religieuses ; il se contredit facilement, et quand le Pharisien sera parvenu à percer à jour son ignorance, il en tirera vanité et le confondra en public, et puis il saura fort bien, dans ses prédications en plein air, jeter le discrédit sur le Temple. — Est-ce qu'un sanctuaire est nécessaire ? Est-ce que Dieu est localisé ? N'est-il pas partout présent ?

Jamais il ne s'opposera au sacerdoce en soi, puisqu'il est dans la Loi. Il arrivera même quelquefois qu'un Pharisien sera prêtre[22] ; mais le Pharisien croit chaque année davantage que le Temple peut disparaître sans dommage pour le vrai mosaïsme. A l'aide de la synagogue, il donne à sa religion une vie indépendante du sanctuaire et c'est ainsi qu'il prépare le salut du judaïsme. Le Juif persécuté, chassé de son pays, emportera avec lui les rouleaux de la Thorah et, avec ses compagnons d'exil, il fondera des synagogues. Peu à peu le Pharisien abandonnera entièrement la chimère d'une nationalité terrestre indestructible et, après la ruine du Temple, il arrivera, instruit par l'expérience, à une conception de sa religion purement spiritualiste. Il créera alors le judaïsme qui existe encore aujourd'hui, ce judaïsme sans patrie, qui n'est plus qu'une croyance religieuse et n'a pas besoin du Temple et de ses sacrifices pour subsister. La synagogue lui suffit. Les Pharisiens qui ont accompli cette grande œuvre ont été une des gloires les plus pures du peuple d'Israël. Patriotes inflexibles, vrais continuateurs des prophètes, ils mettaient l'honneur de Dieu au-dessus de toutes choses ; refusant de plier devant l'étranger, certains d'avance de succomber dans la lutte, ils soutenaient jusqu'au bout la gloire de leur religion, consentant à périr eux-mêmes pourvu que Jéhovah et la Loi ne périssent jamais. Les Saducéens feront le calcul inverse : — périsse la Loi plutôt que nous-mêmes ; — et c'est eux qui disparaîtront avec le Temple qui les fait vivre ; les Pharisiens ne périront pas. Ils subsistent encore ; car les Juifs croyants du dix-neuvième siècle descendent en ligne directe des Pharisiens du premier ; ils ont leur foi, leurs pratiques et leurs espérances.

Nous disons les Juifs croyants du dix-neuvième siècle mais, il faut bien le reconnaître, il y a aussi des Juifs incroyants, Israélites de naissance et qui n'ont plus de foi religieuse. Ceux-là sont de vrais Saducéens, et, dans ce sens, on peut dire que le saducéisme vit encore ou plutôt qu'il est ressuscité. Le Sémite moderne, qui ne croit plus qu'à la richesse et qui répète avec l'Ecclésiaste : « Tout est vanité » ; le banquier israélite qui ne pense qu'à gagner et à jouir, le Juif millionnaire qui est le roi de la Bourse et de la finance, est un parfait Saducéen. Il reprend la tradition antique ; aristocratique et bourgeois tout ensemble, sans foi, sans convictions, sans espérances, il a renié le vieux pharisaïsme de ses pères et il est l'incarnation moderne du saducéisme triomphant.

Les Saducéens, pendant la vie de Jésus, n'étaient donc point des dévots défendant, en face du pharisaïsme, une certaine manière différente de la leur de pratiquer le mosaïsme ; ils étaient simplement des conservateurs n'admettant aucun changement à l'ordre établi. Ils étaient indifférents ; or, les indifférents ne sont jamais embarrassés par les doctrines officielles et consacrées par le temps et l'usage. Ils en prennent leur parti, ils s'y soumettent pour la forme et sans aucune difficulté. Les Saducéens n'étaient ni irréligieux, comme on l'a cru souvent, ni cléricaux, comme l'ont pensé d'autres critiques ; car ces deux erreurs ont été tour à tour soutenues. Ils n'avaient pas assez de piété pour ressembler aux cléricaux modernes, et étaient trop affirmatifs en religion pour s'appeler irréligieux. Ils étaient à la fois orthodoxes et indifférents, de ces indifférents qui ne sont nullement gênés par les croyances anciennes et généralement reçues, et qui trouvent toujours moyen de s'en accommoder. Toute nouveauté leur était suspecte ; ils y découvraient aisément quelque hérésie, étant de ceux pour lesquels l'antiquité d'une croyance est une preuve de sa vérité.

Leur caractère était, avec le temps, devenu détestable. Ils se vengeaient de la perte de leur influence politique sous certains rois macchabéens en détestant quiconque n'était pas des leurs. Ils haïssaient les Pharisiens, cela va sans dire ; le christianisme naissant n'eut pas non plus de plus acharnés adversaires. Enfin, étant presque tous fort riches et de l'aristocratie, ils n'avaient qu'un profond mépris pour les pauvres et les petits.

Le peuple les redoutait beaucoup en jugement ; or, dans le Sanhédrin, les deux partis étaient représentés[23] ; on pouvait donc, en justice, comparaître soit devant des Saducéens, soit devant des Pharisiens. Ceux-ci passaient pour très indulgents, toujours prêts à défendre l'accusé et à parler en sa faveur ; les Saducéens, au contraire , s'étaient fait une réputation méritée de hauteur, d'impertinence, de morgue insupportable[24], et on disait d'eux : ils ne sont pas dayané-guezeroth (des juges suprêmes) mais (des juges de brigandage).

L'histoire évangélique nous montre souvent les Pharisiens et les Saducéens en présence de Jésus et des apôtres. La physionomie générale des deux partis y est bien telle que nous l'avons décrite. Les Saducéens, tous prêtres ou aristocrates, forment presque une secte ; aucun d'eux ne se rapproche de Jésus ; tous le haïssent et c'est par eux que sa mort est décidée. Hanan, Kaiaphas étaient d'incorrigibles Saducéens et, dans notre chapitre sur le Sanctuaire, nous décrirons la vie de ces prêtres, qui n'avaient plus de l'homme religieux que le nom. Les premières pages du livre des Actes nous montrent aussi l'incroyable acharnement de l'aristocratie saducéenne contre les apôtres. Tout autre a été l'attitude des Pharisiens ; si un certain nombre d'entre eux ont été hostiles au Christ, tous ne l'ont pas été. Jésus. allait volontiers prendre ses repas dans des maisons habitées par des Pharisiens et c'est eux-mêmes qui l'y invitaient[25]. Le fait paraît s'être renouvelé plus d'une fois[26]. Quand Hérode Antipas veut arrêter Jésus, des Pharisiens s'empressent de le prévenir pour qu'il puisse s'échapper[27]. Un Pharisien éminent, membre du Sanhédrin, était, en secret, partisan du Christ[28] et, d'après les Actes, les Pharisiens acceptèrent facilement les idées nouvelles et se firent Judaeo-chrétiens. Jésus a prononcé, il est vrai, de sévères paroles contre les Pharisiens[29]. Il a condamné ceux qui étaient étroits, fanatiques, intolérants, et surtout les hypocrites, les Pharisiens « teints », mais les Talmuds eux-mêmes les ont condamnés[30] en nous disant : « Il y a sept espèces de Pharisiens :

  1. le Pharisien accablé, qui s'avance le dos courbé sous le fardeau de la Loi, qu'il feint de porter sur les épaules ;
  2. le Pharisien intéressé, qui semble demander de l'argent avant d'accomplir un précepte ;
  3. le Pharisien au front sanglant, il marche les yeux fermés et se heurte la tête contre les murailles pour ne pas voir les femmes ;
  4. le Pharisien prétentieux, qui porte une robe large et flottante pour se faire remarquer ;
  5. le Pharisien qui fait son salut, toujours en quête d'une bonne œuvre à accomplir pour effacer ses péchés et semblant dire à tout le monde : qu'y a-t-il à faire ? je le fais ;
  6. le Pharisien dont le mobile est la crainte, comme Job ; et ...
  7. le Pharisien dont le mobile est l'amour. Ce dernier est le meilleur de tous ; il ressemble à notre père Abraham, dont la foi a vaincu les mauvais penchants. »

Tous ces Pharisiens sauf le septième et peut-être le sixième, étaient des Pharisiens « teints ». Or, ces Pharisiens « teints » avaient toujours été blâmés par les Juifs pieux.

Le roi Jannée, en mourant, dit à sa femme « de se garder des hommes teints qui font semblant d'être Pharisiens[31]. » Nous lisons encore ailleurs : « Le disciple des sages, qui n'est pas le même au dedans et au dehors, n'est pas disciple des sages[32] ».

Quand Jésus s'écriait : « Vous êtes pleins d'iniquités », — il disait ce que les Talmudistes écriront plus tard[33].

Il serait donc, injuste de conclure des immortelles invectives du Christ sept fois répétées : « Malheur à vous Scribes et Pharisiens hypocrites ! etc. » que les Pharisiens étaient tous des sectaires intéressés, faux et orgueilleux, des Tartufes jouant la comédie de la dévotion. Quelques-uns, sans doute, étaient tels ; mais il ressort clairement des Évangiles que les Pharisiens ont été divisés d'opinion sur le Christ ; les uns lui étaient favorables ; les autres hostiles[34]. Cette double attitude nous est expliquée par les Talmuds. Il nous y est dit que, vers la fin du règne d'Hérode le Grand, les Pharisiens se divisèrent en deux partis ennemis, les uns se rattachant au célèbre Hillel (les Hillélistes), les autres à son adversaire Schammaï (les Schammaïstes). Qui étaient Hillel et Schammaï, et quelles tendances religieuses représentèrent-elles en face du christianisme naissant ? C'est ce qu'il nous faut maintenant examiner.


[1] Cependant cette étymologie se heurte à une grosse difficulté grammaticale, voir Montet, Essai sur l'origine des partis Pharisien et Saducéen, p. 56.

[2] C'est là ce qui nous parait le plus plausible. Les deux partis se lançaient mutuellement et par mépris ces noms de Pharisiens et de Saducéens. Dans les Talmuds, le nom de Saducéen est toujours plus ou moins tourné en ridicule. Il en est souvent de même du mot Pharisien, par exemple, lorsque les Talmudistes nous décrivent les sept espèces de Pharisiens. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que, dans les Évangiles, les Pharisiens et les Saducéens sont aussi toujours blâmés.

[3] Épiphane, Haeres, I, § 14.

[4] Jos., Ant. Jud., X, 2.

[5] I Chron., VI, 10-12.

[6] II Chron., XXXI, 10 ; Ezéchiel, XLIV, 15.

[7] Quelle que soit l'origine du mot Saducéen, il faut l'écrire avec un seul d. Ni Tsadekia ni Tsadok ne prennent de daguesch et c'est à tort que Josèphe orthographie ce mot ***.

[8] Sota, III, 4 ; Jadajim, IV, 6-8. En araméen, Perischin.

[9] Mischna, Sopherim, I, 7.

[10] Ce qui ne les empêchera pas de « parcourir la terre et les mers pour faire des prosélytes », et pour cela, ils se serviront, bien entendu, de la langue grecque et de la traduction des Septante ; les apôtres s'en serviront aussi et citeront souvent l'Ancien Testament d'après cette version.

[11] I Macchabées, chap. VIII. Voir aussi le texte du traité dans Josèphe, Ant. Jud. XII 17.

[12] Exode, XIV, 14.

[13] Psaume, CXVIII, 8.

[14] Psaume XXXIII, 18.

[15] Voir eu particulier : les Pharisiens, par Cohen, 2 vol. in-8 (le premier volume).

[16] Les Hérodiens sont nommés trois fois dans les Évangiles (Ev. de Matth., XXII, 16 ; Marc, III, 6, et XII, 13). Josèphe n'en parle pas. il faut probablement les confondre avec les Boethusim, descendants de Boethus, grand-père de Mariamne Macchabée, troisième femme d'Hérode parmi les membres de sa famille. Ils étaient Saducéens par leur origine, Boethus l'ayant été ; mais il est probable que le gros du parti répudiait leur servilisme anti-patriotique. Les Hérodiens semblent s'être entendus avec certains Pharisiens, ennemis de Jésus, pour le perdre.

[17] Ant. Jud., XVII, 2, 4.

[18] Actes des apôtres ch. V, 37.

[19] Voici comment Josèphe s'exprime sur le compte des partisans de Judas le Galiléen : « Ses partisans sont pour toutes les opinions d'accord avec les Pharisiens, mais ils ont une passion inébranlable pour la liberté et n'admettent que Dieu comme chef et maître. Peu leur importe les supplices raffinés qu'ils endurent, les châtiments que supportent pour eux leurs parents et leurs amis, pourvu qu'ils n'aient pas à donner le nom de maître à un homme (Ant. Jud., XVIII, 1, 6). » Voir sur Judas le Galiléen ou le Gaulonite, livre I, chapitre III.

[20] Josèphe, Ant. Jud., XVII, 8.

[21] Voir notre chapitre IV. Les idées philosophiques des Pharisiens et des Saducéens.

[22] Jos., Vita, § 1 et 2.

[23] Actes des apôtres, ch. XXIII, 6.

[24] Jos., D. B. J., II, 12.

[25] Ev. de Luc, VII, 36.

[26] Ev. de Luc, XI, 37.

[27] Ev. de Luc, XIII, 31.

[28] Ev. de Jean, III, 1 et VII, 50.

[29] Ev. de Matth., XXIII, 1 et suiv. ; de Luc, XI, 39 et suiv., etc.

[30] Babyl., Sotah, 22 b ; Jérus., Berakhoth, 13 b.

[31] Babyl., Sotah, fol. 22, 2.

[32] Babyl., Joma, fol. 72, 2.

[33] Id. fol. 9, 2.

[34] Le passage Ev. de Jean, IX, 16, nous montre bien deux tendances. Parmi les Pharisiens, les uns disent : « Jésus viole le sabbat ». Les autres l'admirent et n'osent pas le blâmer.

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