La Palestine au temps de Jésus-Christ

LIVRE SECOND — LA VIE RELIGIEUSE

CHAPITRE XII — LE TEMPLE — LE SANCTUAIRE — LES PRÊTRES — LES CÉRÉMONIES


LE SANCTUAIRE : Les dimensions du sanctuaire. — Le vestibule.
LE LIEU SAINT : Le Lieu Saint. — Le Lieu Très Saint.— Le capitaine du Temple.
LES PRÊTRES : Les Prêtres. — Les Grands Prêtres. — Leurs costumes.
LES CÉRÉMONIES QUOTIDIENNES : Les cérémonies quotidiennes. — Le sacrifice de l'agneau. — L'offrande du parfum.

LE SANCTUAIRE

Dans le parvis des prêtres s'élevait le hiéron (***) le Sanctuaire.

On l'avait bâti au sommet de la montagne et dans l'angle nord-ouest du quadrilatère formé par le haut de la colline dont l'ensemble des constructions du Temple occupait la surface. Le Sanctuaire était en marbre blanc couvert de dorures à l'extérieur et à l'intérieur. Jamais le peuple n'y entrait, puisque l'accès même de la cour qui l'entourait n'était réservé qu'aux prêtres. Ce hiéron n'était donc qu'un symbole, un signe visible de la présence de Jéhovah. Il était la maison de Dieu, au sens littéral de ce mot. Lui seul y habitait, les sacrificateurs et les lévites formaient sa garde d'honneur et le peuple se tenait dans les parvis.

On donnait le nom général de cour du Temple à toutes les parties de l'enceinte sacrée renfermées dans les parvis d'Israël et des prêtres. L'ensemble avait cent quatre-vingt-sept coudées (84 m. 15) de longueur, ainsi distribuées :

Cour d'Israël11 coudées=4 m 95
Cour des prêtres jusqu'à l'autel11 coudées=4 m 95
Autel32 coudées=14 m 40
Espace compris entre l'autel et le sanctuaire22 coudées=9 m 90
Longueur du sanctuaire100 coudées=45 m
Espace compris entre le sanctuaire et le mur extérieur11 coudées=4 m 95
TOTAL187 coudées=84 m 15

Le Sanctuaire avait, nous venons de le dire, quarante-cinq mètres de longueur. Il avait aussi quarante-cinq mètres (ou cent coudées) de hauteur. C'est à un mètre près la hauteur de l'arc de triomphe de l'Etoile à Paris. Nous en donnons ci-joint le plan exact. Il se composait de trois parties bien distinctes : le vestibule, le Lieu Saint et le Lieu Très Saint.

Sa largeur (AB sur notre plan) était de cent coudées (43 m.). Le vestibule C D avait, d'après les Rabbins, soixante coudées (27 m. ).

Il reste trente coudées, quinze pour chacune des cellules où étaient déposés les couteaux, c'est-à-dire 6 m. 75, et 5 coudées (2 m. 25) de chaque côté, pour l'épaisseur des murs.

Les chiffres de Josèphe sont un peu différents.

Voici le tableau comparatif des mesures de Josèphe et de celles des Rabbins : <+

S 12 marches et portes conduisant au vestibule
uu Cellules des couteaux
v Le lieu saint
x Le lieu très saint
y,y,y,y Dépendances, 38 chambres
A - C 20 coudées ; 9 m
C - D 20 coudées ; 9 m
D - E 40 coudées ; 18 m
E - B 20 coudées ; 9 m
Total A - B 100 coudées : 43 m
MESURES DES RABBINSMESURES DE JOSÈPHE
AB — 100 coudées (45 m) se décomposant ainsi :AB — 100 coudées (45 m) se décomposant ainsi :
u - 15 coudées (6 m 15)u — 20 coudées (9 m)
CD - 60 — (27 m )CD — 50 (22 m 50)
u - 15 — (6 m 75)u — 20 (9 m)
deux murs 10 — (4 m 50)deux murs 10 — (4 m 50)
Total 100 coudées 45 mTotal 100 coudées 45 m

osèphe, on le voit, donne au vestibule 50 coudées (22 m. 50) au lieu de 60. Les cellules des couteaux auraient alors été un peu plus grandes et auraient eu 20 coudées au lieu de 15, il y a lieu de croire que l'historien juif est plus exact que la Mischna dont les mesures, conservées par la tradition, ont pu s'altérer.

Pour entrer dans le vestibule, on montait un escalier de douze marches ; chacune avait une demi-coudée de hauteur (27 centimètres). Le sol du sanctuaire se trouvait donc plus élevé que celui de la cour des prêtres de 2 m. 70 et que celui de la porte de Suze de 9 m. 90 (22 coudées).

LE LIEU SAINT

Le vestibule n'avait point de porte, on le traversait et on arrivait à la porte du Héchal ou Lieu Saint. L'entrée avait 55 coudées de hauteur (24 m. 75) et 16 de largeur (7 m. 120). La porte elle-même, dont la dimension nous est inconnue, était à deux battants incrustés d'or, et surmontée d'une vigne colossale en or. Un magnifique rideau babylonien couvert de tapisseries de différentes couleurs se trouvait aussi à l'entrée du Lieu Saint. Celui-ci se composait d'une vaste salle rectangulaire ayant une profondeur double de sa largeur, vingt coudées de largeur (9 m.) et quarante de profondeur (18 m.). Là se trouvait, au Nord, la table des pains de proposition, à deux coudées et demie du mur (1 m. 10) ; au Sud, le candélabre à sept branches, également à deux coudées et demie du mur (1 m. 10) ; entre les deux, un peu vers l'Est, l'autel des parfums[1] sur lequel on déposait deux fois par jour, le matin et le soir[2], l'encens qui devait être brûlé en l'honneur de Jéhovah[3]. L'autel des parfums, tout recouvert d'or, était devant le rideau qui fermait l'entrée du Lieu Très Saint.

Le rideau, ou voile du Temple, était une immense tapisserie orientale suspendue entre le Lieu Saint et le Lieu Très Saint. Ses dimensions nous sont inconnues. Le Lieu Très Saint était une salle de vingt coudées (neuf mètres) de côté, (quatre-vingt-un mètres carrés). Sa hauteur était de soixante coudées (vingt-sept mètres), La hauteur totale de l'édifice étant de cent coudées, il restait au-dessus du Lieu Saint et du Lieu Très Saint, un étage supérieur (Aliyya) de quarante coudées (dix-huit mètres)[4], ou plutôt trente-quatre coudées (15 m. 30), car il faut en déduire la hauteur des marches de la porte d'entrée, six coudées (2 m. 70).

Extérieurement, dit Josèphe, on voyait trois étages au Nord, au Sud et à l'Ouest. L'édifice principal, au centre, dépassait ces trois étages de quarante coudées (dix-huit mètres). Ils avaient donc soixante coudées (vingt-sept mètres), et étaient certainement percés de fenêtres, quoiqu'il n'en soit point parlé. Le toit était plat et entouré d'une balustrade de trois coudées (1 m. 35) ; des aiguilles dorées d'une coudée (quarante-cinq centimètres), empêchaient les oiseaux d'y séjourner. Un escalier, décrit par les Talmuds, permettait de monter jusque sur ce toit[5].

Le Lieu Très Saint était vide. Il ne renfermait, à la place de l'Arche sainte du Temple de Salomon, qu'une pierre haute de trois doigts, et sur laquelle le grand prêtre déposait l'encensoir le jour des Expiations. Cette pierre était appelée schethiyya (fondement)[5].

La surveillance générale de tout l'ensemble des constructions appelées « le Temple » était confiée à un personnage nommé « capitaine ou préfet du Temple[7] ». Il était chargé de la police des parvis, et avait sous ses ordres un certain nombre d'agents subalternes[8]. Il faisait fermer et ouvrir les portes ; il veillait à l'observation des règlements, dont nous avons parlé, pour que l'on conservât le respect d'un lieu consacré, même dans la cour des Gentils. Ce capitaine et les gardes qu'il commandait étaient tous des Juifs. C'est à eux que Pilate dit un jour : « Vous avez la garde[9] ». Et voici ce que nous lisons dans la Mischna : « Le préfet du Temple se promène parmi les diverses choses dont il a la garde, avec des torches allumées : s'il trouve un de ceux qu'il surveille endormi, il le frappe de son bâton et il lui est permis de mettre le feu à ses vêtements. Comme on disait un jour : Quel est ce bruit dans le parvis ? on répondit : « Ce sont les cris d'un lévite qui est frappé de coups, et dont on brûle les vêtements[10]. »

LES PRÊTRES

Les prêtres ou sacrificateurs étaient partagés en vingt-quatre classes ou familles créées par David[11], et, chaque semaine, l'une d'elles desservait le Temple à son tour[12]. La classe d'Abia, par exemple, à laquelle appartenait Zaccharie, père de Jean-Baptiste[13], occupait le huitième rang[14]. Cet Abia descendait d'Eléazar, fils d'Aaron. Mais tous ceux qui portaient le nom de prêtres ne servaient pas au Temple, car toute la race d'Aaron faisait partie du sacerdoce et quiconque descendait du premier souverain sacrificateur ou était censé en descendre était prêtre. Ceux-ci étaient donc en quantité innombrable, et la plupart étaient pauvres, ignorants, grossiers. Leur instruction religieuse était le plus souvent nulle ou à peu près. Ils formaient un immense bas clergé fort peu intéressant, n'ayant aucun prestige et n'exerçant plus même l'ombre d'une autorité quelconque. Ils étaient sortis des classes inférieures, ils n'avaient point fréquenté les écoles des Scribes, ils étaient de race sacerdotale par leur naissance et c'était tout ! N'ayant rien à faire, la plupart du temps ils mouraient de faim. Jamais les hauts fonctionnaires ne leur donnaient l'argent des dîmes[15], et ils s'unissaient au peuple pour haïr les souverains pontifes.

Il n'arrivait point qu'un de ces membres du bas clergé fût appelé au service du Temple ; le Sanhédrin qui était chargé de choisir les sacrificateurs dans la foule des prêtres de toutes conditions, qui était « juge du sacerdoce », se serait bien gardé de nommer un de ces « prêtres du peuple ». Pour trouver grâce devant lui il fallait être riche ; alors il vous reconnaissait « sans tache ». Une fois reconnu tel, le nouvel officiant était vêtu de blanc, il pouvait sacrifier avec les prêtres ses frères, et on célébrait un jour de joie « parce que on n'avait pas trouvé de tache chez un des descendants d'Aaron, le souverain sacrificateur. »

Ce n'était pas seulement les prêtres pauvres et d'un ordre inférieur qui étaient ignorants. Toute la caste sacerdotale passait pour ne plus connaître que les formes du culte. Les sacrificateurs récitaient quand il fallait réciter, chantaient quand il fallait chanter, et offraient des sacrifices quand il fallait en offrir ; mais les discussions religieuses, l'étude des textes, les commentaires de la Loi, étaient au-dessus de leur portée[16]. L'antique autorité du sacerdoce n'existait plus et le prêtre ne pouvait plus en imposer qu'au pèlerin venu de loin et qui ne le connaissait pas. Il n'avait de place qu'à l'autel ; le premier venu qui savait un peu parler le supplantait à la Synagogue. Ceux qui officiaient au Temple devenaient vite riches, car ils vivaient de l'autel et se posaient d'ordinaire en Saducéens convaincus. Ennemis des nouveautés, conservateurs par intérêt, il se tenaient loin des Docteurs de la Loi qui, du haut des chaires de Moïse, partout dressées, devenaient chaque jour de plus nombreux et plus redoutables concurrents[17].

A la tête du collège sacerdotal était le grand Prêtre dont l'avilissement dépasse toute idée. Il était toujours Saducéen car depuis des siècles les Tsadokites trafiquaient de la charge suprême. Elle était devenue une marchandise mise à l'encan qu'eux seuls étaient assez riches pour payer. Du temps d'Antiochus Épiphane, Jeschoua dit Jason, frère d'Onias, avait offert au roi, pour être nommé, trois cent soixante talents d'argent et quatre-vingts de revenus divers, outre cent cinquante talents pour l'autorisation d'ouvrir un gymnase à Jérusalem[18] ; mais Ménélaos en offrit trois cents de plus et eut la place[19]. Une fois nommé, il vola les vases d'or du Temple et les vendit.

Ces vils personnages accablaient le peuple d'impôts. Un certain Abba Saül avait composé une chanson satirique sur l'abaissement du pontificat. Elle devint populaire et les Talmuds nous l'ont conservée[20]. La voici : « Quel malheur que la famille de Boèthos, malheur à cause de leurs bâtons ! Quel malheur que la famille de Hanan[21], malheur à cause de leurs sifflements de vipères ! Quel malheur que la famille de Kataros (Kanthéra), malheur à cause de leurs plumes diffamatoires ! Quel malheur que la famille d'Ismaël ben Phabi, malheur à cause de la lourdeur de leurs poings ! Ils sont grands prêtres eux-mêmes ; leurs fils sont trésoriers, leurs gendres gardiens du Temple et leurs valets frappent le peuple de leurs bâtons. »

Josèphe ne ménage pas non plus les souverains pontifes[22]. Ils nous apparaissent dans ses écrits comme de grands seigneurs, gorgés de richesses, menant une vie fastueuse. Dans les campagnes leurs agents faisaient payer de force la dîme au pauvre peuple et rouaient de coups ceux qui la refusaient. Leur table était servie avec un luxe insolent[23] et au Temple ces bouchers sacrés mettaient des gants de soie pour ne pas toucher les victimes de leurs mains aristocratiques[24].

Les grands prêtres étaient désignés par le gouvernement et étaient censés nommés à vie ; mais en réalité, ils étaient constamment déposés et remplacés. Josèphe en compte vingt-huit depuis l'avènement d'Hérode le Grand jusqu'à la destruction de Jérusalem. Nous en retrouvons facilement vingt-sept dont voici les noms[25] :

Nommés par Hérode le Grand (37-4 avant Jésus-Christ) :

  1. Ananel (37-36)[26].
  2. Aristobule (35). Il était l'héritier légitime du Pontificat, comme membre de la famille asmonéenne, mais il n'avait que seize ans ; Hérode avait alors choisi Ananel. Aristobule était le jeune frère de Mariamne Macchabée, l'épouse d'Hérode, et par conséquent le beau-frère du roi. Hérode le nomma sur les instances d'Alexandra, sa belle-mère, puis le fit mettre à mort[27]. Ananel fut ensuite grand prêtre pour la seconde fois (34 et suiv.)[28].
  3. Jésus, fils de Phabi[29]. Hérode lui ôta le pontificat pour le donner à son beau-père Simon, lors de son mariage avec Mariamne II.
  4. Simon, fils de Béothos, père de la reine Mariamne II (vers 24 à 5 avant J. - C.)[30]. D'après d'autres données le grand prêtre, beau-père du roi, aurait été Boéthos lui-même.
  5. Matthias, fils de Théophile (5-4 av. J.-C.)[31].
  6. Joasar, fils de Boéthos (4 av. J.-C.)[32].

Nommés par Archélaüs (4 av. J.-C. - 6 ap. J.-C.) :

  1. Eléazar, fils de Boéthos (4 et Suiv.)[33].
  2. Jésus, fils de Sié[34].
    Joasar pour la seconde fois[35].

Ces derniers grands prêtres étaient insignifiants et n'avaient aucune influence. Nous croyons (et c'est une opinion que nous avons défendue au chapitre quatrième du premier livre de cet ouvrage) que le célèbre Hillel était à ce moment président du Sanhédrin. Venu à Jérusalem trente-six ans avant Jésus-Christ, il aurait commencé sa présidence vers l'an trente. Il mourut, d'après les uns, en l'an cinq avant Jésus-Christ, et d'après les autres en l'an dix après lui[36].

Nommé par Quirinius (6 ap. J.-C.) :

  1. Ananos (Josèphe), Hannas (Nouv. Test.)[37], en hébreu Hanan, fils de Seth (6-15 apr. J.-C)[38].

Hanan fut, à notre avis, le premier grand prêtre président du Sanhédrin. Hillel était mort ; le gouvernement venait de passer aux Romains désireux de diriger eux-mêmes le Sanhédrin, en ayant son président dans la main ; Hanan était puissant, les Pharisiens mis en minorité comme pouvoir officiel ; tout explique et justifie cette transmission de la présidence.

Nommés par Valerius Gratus (15-26 ap. J.-C.) :

  1. Ismaël, fils de Phabi (vers 15-16 apr. J.-C.)[39].
  2. Eléazar, fils de Hanan (vers 16-17 apr. J.-G.)[40].
  3. Simon, fils de Kamithos (vers 17-18 apr. J.-C.)[41].
  4. Joseph, surnommé Kaiaphas[42] (vers 18-36 apr.[43]. Il était gendre de Hanan[44].

Nommés par Vitellius (35-39 ap. J. - C.) :

  1. Jonathan, fils de Hanan (36-37 apr.[45].
  2. Théophile, fils de Hanan (37 et suiv.)[46].

Nommés par Agrippa I (41-44) :

  1. Simon Kanthéros, fils de Boéthos (41 et suiv.)[47].
  2. Mathias, fils de Hanan[48].
  3. Elionaios, fils de Kanthéros[49].

Nommés par Hérode de Chalcis (44-48) :

  1. Joseph, fils de Kamithos[50].
  2. Ananias, fils de Nebedaios (vers 47-59)[51].

Nommés par Agrippa II (50-100) :

  1. Ismaël, fils de Phabi (vers 59-61 apr. J.-C.)[52].

Cet Ismaël se rendit célèbre par sa gloutonnerie. Les Talmuds racontent qu'il fallait pour son entretien, trois cents veaux, trois cents tonneaux de vin, quarante saa de jeunes pigeons, etc., etc., mais ils ne disent pas pour combien de temps.

On racontait aussi que sa mère lui avait fait une tunique qui avait coûté cent mines et qu'il ne porta qu'une seule fois.

  1. Joseph Kabi, fils du grand prêtre Simon (61-62)[53].
  2. Ananos ou Hanan, fils de Hanan (62 apr. J.-C.) pendant trois mois seulement)[54].
  3. Jésus, fils de Damnaios (vers 62-63 apr. J.-C.)[55].
  4. Jésus, fils de Gamala ou Gamaliel (vers 63-65 apr. J.-C.)[56]. D'après la tradition rabbinique, sa femme Martha était de la famille de Boéthos.
  5. Matthias, fils de Théophile (65 et suiv.)[57].

Nommé par le peuple pendant la guerre (67-68) :

  1. Phannias où Phinésos, fils de Samuel[58].

Le lecteur aura remarqué que les grands prêtres, dont nous venons de donner les noms, appartiennent à deux ou trois familles, toujours les mêmes, celle de Phabi (les IIIe, Xe et XXIe), celle de Boéthos (les IVe, VIe, VIIe, XVIe, XVIIIe, XXVe), celle de Hanan (les IXe, XIe, XIIIe, XIVe, XVe, XVIIe, XXIe, XXVIe) et celle de Kamith (les XIIe, XIXe, XXIIe). Ananel, le premier, qui était de Babylone, Aristobule, le second, qui était le dernier des Macchabées et Phannias, le vingt-septième, grand prêtre du temps de la Révolution, restent seuls en dehors, ainsi que les Ve, VIIIe, XXIIe et XXIVe. Il y avait donc des familles connues pour fournir les souverains pontifes ; Josèphe parle des *** et d'après les Actes des apôtres[59], tous les membres de ces familles avaient le droit de siéger au Sanhédrin.

La Mischna donne aussi aux Bené Koanim Gedolim (fils des grands prêtres) une autorité juridique.

Le costume des prêtres dans l'exercice de leurs fonctions se composait de quatre pièces :

  1. Des pantalons (Michnasaïm)[60]. Josèphe dit qu'après y avoir fait entrer les pieds on les tirait jusqu'aux reins et qu'on les serrait autour de la taille. Il ne parle pas de leur longueur ;
  2. La tunique (Chetoneth)[61]. Elle avait des manches, dit Josèphe, était étroite et d'une seule pièce ; d'après les Rabbins, les manches étaient à part et cousues à la tunique. Elle était largement ouverte en haut, et on la fermait sur les épaules avec des cordons.
  3. La ceinture (Abnet), en broderie de diverses couleurs[62]. Elle faisait deux ou trois fois le tour du corps, et avait, dit Josèphe, quatre doigts de largeur. Les bouts formaient un nœud sur le devant, puis retombaient jusqu'aux pieds. Quand le prêtre offrait un sacrifice, il rejetait ces bouts sur l'épaule gauche ;
  4. Le turban (Migbaah ou Nisnepheth). Moïse en distingue deux[63], mais Josèphe ne parle que d'un seul.

Le grand prêtre avait le même costume, mais son turban était entouré d'un second bandeau de couleur violette. De plus, il avait :

  1. une tunique de dessus plus large que le Cheteneth et sans manches. Elle était appelée Meîl, était de couleur violette et garnie en bas de clochettes d'or, qui résonnaient et annonçaient l'entrée du pontife dans le Sanctuaire et sa sortie ;
  2. L'Ephod, vêtement plus court, fait de lin retors, entremêlé de fils d'or et de fils teints en pourpre, en violet et en cramoisi. D'après Josèphe, l'Ephod avait des manches[64] et se composait de deux pièces, l'une sur le dos, l'autre sur la poitrine, et réunies sur les épaules par deux agrafes ; sur ces agrafes étaient deux pierres précieuses, et sur ces deux pierres précieuses on avait gravé les noms des douze tribus, six d'un côté, six de l'autre. Enfin, le grand prêtre portait le Pectoral, grande pièce carrée de la même étoffe que l'Ephod et suspendue sur la poitrine. Elle était double et formait une sorte de sac attaché à l'Ephod par des anneaux d'or et des cordons violets. Sur ce Pectoral étaient fixées douze pierres précieuses, enchâssées dans l'or, rangées trois par trois. Les noms des douze tribus y étaient gravés. Dans le creux du Pectoral se trouvait « l'oracle des Ourim et des Thummim,[65] », On ignore le véritable sens de cette expression[66].

Le grand jour des Expiations, le souverain sacrificateur avait un simple costume de lin blanc.

Il faut remarquer que les prêtres, dans le Temple, marchaient toujours pieds nus. La terre était sainte et elle aurait été profanée si le sacrificateur avait gardé ses sandales ; cet usage, qui datait de Moïse lui-même, a été conservé par les musulmans. L'obligation de marcher pieds nus n'était pas sans inconvénients pour la santé. On s'en était préoccupé et il y avait un poste médical instillé dans le Temple. « Les prêtres se promènent sans chaussures, lisons-nous dans les Talmuds[67], et marchent sur les carreaux ; ils se servent d'eau et ils n'ont qu'une tunique, alors leurs forces languissent et leurs entrailles sont faibles », aussi le médecin, qui était établi exprès pour leur donner des soins, était-il appelé assez irrévérencieusement « le médecin des entrailles ».

LES CÉRÉMONIES QUOTIDIENNES

Il est facile de se représenter ce qui se passait au Temple quand on n'était pas au moment des grandes fêtes. Dans la cour des païens, nous l'avons dit, c'était un va et vient continuel. Ce parvis était une place publique ; le rendez-vous de tous les discuteurs, et, au premier siècle, il n'en manquait pas. On y entendait le bruit des pièces de monnaie romaine échangées contre les pièces d'argent sacré, les cris des bestiaux vendus pour les sacrifices.

Dans la cour des femmes il y avait plus de recueillement ; on y voyait les Israélites ayant à faire dans la salle du Naziréat ou dans celle des lépreux. Chaque matin on rendait un culte solennel pour la célébration duquel la foule se réunissait dans les cours d'Israël et des femmes. Le but principal de ce culte était le sacrifice quotidien de l'agneau. Les prêtres de service s'y préparaient dès le lever du jour.

Ils commençaient par se baigner, puis revêtaient leur costume sacerdotal. Quelques-uns, désignés pour cet office, montaient sur le toit du Temple, et épiaient le moment où les rayons du soleil levant éclaireraient la ville d'Hébron au Sud-Est. Aussitôt qu'elle apparaissait, ils s'écriaient : « le jour est à Hébron » et ils sonnaient de la trompette pour réveiller la cité sainte[68]. Le service religieux commençait immédiatement après, et l'agneau était immolé[69]. Après le sacrifice on célébrait dans la salle des séances dit Sanhédrin un culte assez semblable à l'office du matin dans les synagogues.

Un prêtre venait prier devant le peuple et lui lire la Loi ; il récitait le Schema et l'Alénou. Puis venait dans le Sanctuaire le sacrifice dit parfum sur l'autel d'or. Le parfum dont on se servait au Temple se composait de quatre substances aromatiques : la gomme storax, le coquillage odorant appelé onyx marin, le galbanum et l'encens pur auquel on ajoutait toujours du sel[70].

Le prêtre que le sort avait désigné pour brûler les parfums prenait une cassolette au milieu de laquelle était posé un encensoir à couvercle, plein d'encens[71]. Un autre sacrificateur recevait une petite cruche d'or dans laquelle il devait porter le feu sacré et, dans ce but, il montait à l'autel, sur lequel le bois était allumé pour l'holocauste, remuait les charbons, prenait des braises incandescentes et les emportait dans le vase qu'il tenait à la main. Il avait à ses vêtements des clochettes comme le grand prêtre et les faisait résonner en traversant l'espace qui séparait l'autel du vestibule du Sanctuaire. Les prêtres et les lévites l'entouraient alors et tous entraient dans l'hiéron ; celui qui portait la cassolette et celui qui portait les braises passaient les premiers. Le peuple réuni dans les cours comprenait au bruit des sonnettes que les prêtres entraient dans le Sanctuaire et que le sacrifice allait commencer. Celui des sacrificateurs qui avait réuni les braises les plaçait sur l'autel des parfums, les étendait, adorait Dieu et sortait. Celui qui devait offrir le parfum enlevait l'encensoir du milieu de la cassolette, le remettait à un jeune lévite qui l'assistait, puis il répandait l'encens sur les braises et sortait.

Tout ce service se faisait sous les ordres d'un prêtre supérieur qui présidait à chacun des actes accomplis, et rien ne se passait qu'à son commandement. Ainsi le prêtre qui répandait le parfum ne le faisait pas avant d'avoir entendu le président lui dire : « Fais l'offrande. » Quand chacun était sorti, le président restait seul un moment dans le Lieu saint, les prêtres placés sous ses ordres l'attendaient dehors entre le vestibule du Sanctuaire et le grand autel des holocaustes. Il est évident que Zaccharie, d'après le récit évangélique[72], fut un jour ce président. Le moment pendant lequel celui-ci restait seul devait être fort court, et, s'il se prolongeait trop, le peuple et les autres prêtres s'en étonnaient[73]. « Un jour la prière de ce sacrificateur président fut longue, raconte un des Talmuds[74], et ses collègues étaient prêts à entrer pour savoir ce qui lui arrivait. Enfin il sortit, c'était Siméon-le-Juste, et on lui dit : Pourquoi as-tu tardé ? Il répondit : « Je suppliais pour que le Temple de notre Dieu ne fut pas détruit. » et on lui répliqua : « Il ne convient pas cependant que tu tardes si longtemps. »

Pendant tout le temps que brûlaient les parfums, les prêtres musiciens jouaient de l'instrument appelé Magrefah, et le peuple restait en prière. L'offrande et les requêtes terminées, on déposait sur l'autel les parties de l'agneau qui devaient être consumées, les lévites chantaient des Psaumes avec accompagnement de harpes, de cithares et de cymbales, puis un prêtre bénissait le vin et en répandait sur l'autel[75]. Le son de la trompette annonçait que le service du matin était fini.

L'après-midi, à trois heures[76], il y avait encore une prière prononcée sur le peuple. Elle était courte et on n'offrait point de sacrifice. C'était un service de vêpres, moins important que celui du matin. Le prêtre y récitait, du haut de l'estrade dont nous avons parlé, la bénédiction suivante : « Que l'Eternel te bénisse et qu'Il te garde ; que l'Eternel fasse luire sa face sur toi et qu'Il t'accorde sa grâce Que l'Eternel. tourne sa face vers toi, et qu'Il le donne la paix[77]. »

M. Renan dit dans sa Vie de Jésus que Lue prend à tort le Temple pour un oratoire en y faisant prier le Pharisien et le Publicain[78] ; le savant écrivain commet une erreur. Les Israélites, allaient prier au Temple, soit à la porte de Nicanor, soit dans la cour d'Israël[79]. R. Josua ben Lévi dit : «  Celui qui se tient debout en priant doit d'abord s'asseoir, car il est écrit « Heureux ceux qui s'asseyent dans la maison. »

Le reste de la journée on sacrifiait pour les particuliers[80] ; un des actes les plus importants était l'offrande faite par les femmes après leur délivrance. Elle consistait pour les pauvres en une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons. Ces oiseaux venaient des cèdres de Hanan sur le Mont des Oliviers, on les achetait dans la cour des Gentils, et on venait les livrer au prêtre à la porte de l'oblation ou porte des femmes. L'une des colombes était offerte en holocauste et l'autre en sacrifice pour le péché[81]. Outre cet acte de purification on amenait son enfant au Temple s'il était le premier-né ; les parents se tenaient à la porte orientale dite porte de Nicanor et y étaient aspergés du sang des victimes[82]. C'est là que se tint Marie ; c'est là que Jésus nouveau-né fut présenté au sacrificateur.

Tel était le Temple de Jérusalem, tels étaient ses parvis, ses prêtres, ses cérémonies. Le peuple croyait que tout l'ensemble de ces constructions et de ces rites était indestructible ; il croyait que le corps des prêtres était éternel, et que le sacrifice quotidien serait célébré aux siècles des siècles[83]. Il est curieux de rapprocher cette croyance populaire de cette parole de Jésus : « Il n'en sera pas laissé pierre sur pierre », Le jour où le Christ parla ainsi, il y avait quatre-vingt-dix ans que Pompée était entré dans le Lieu Très Saint et que cet infidèle l'avait profané. Quarante ans plus tard ce Lieu Très Saint lui-même sera détruit et la parole de Jésus sera réalisée !


[1] Ev. de Luc, I, 9.

[2] Exode, ch. XXX, 7, 8. Voir plus loin la description de cette cérémonie.

[3] Babyl., Joma, fol, , 2.

[4] Middoth, ch. IV, hal. 6.

[5] Id. IV, bal. 5 ; Babyl., Taanith, fol. 29, 1.

[6] Mischna, Joma, ch. V, hal. 2 et Babyl., Joma, fol. 54, b.

[7] Actes des apôtres, IV, 1 ; Schekalim, ch. V.

[8] Ev. de Luc, XXII, 4.

[9] Ev. de Matth., XXVII, 65.

[10] Middoth, ch. 1, hal. 2.

[11] I Chron., XXIV, 7-19.

[12] II Chron., VIII, 14.

[13] Ev. de Luc, I, 5.

[14] I Chron. XXIV, 10.

[15] Jos., Ant. Jud., XX, 6.

[16] Joma., ch. I.

[17] Les Lévites, nommés dans l'Evangile (Ev. de Luc, X, 32) étaient originairement de la tribu de Lévi qui était, d'après la Loi, exclusivement sacerdotale. Au premier siècle ce nom était réservé à ceux des membres de la tribu de Lévi qui n'étaient pas prêtres proprement dits, car tous les Lévites n'étaient pas prêtres, mais tous s'occupaient du culte et se chargeaient de ce qui ne regardait pas directement les sacrificateurs.

[18] II Macch. IV, 7 et suiv.

[19] Jos., Ant. Jud., XII, Voir sur le pontificat acheté à prix d'argent Mischna, Yebamoth, VI, 4.

[20] Pesachim, 57 a.

[21] Celui qui est appelé « Anne » dans les Évangiles.

[22] Jos., Ant. Jud., XX, 6 et 8.

[23] Pesachim, 57 a.

[24] Midrasch Echa, I, 16.

[25] Nous avons déjà donné un résumé de cette liste dans notre tableau des autorités civiles et religieuses ; voir Livre I, chap. III.

[26] Jos., Ant. Jud., XV, 2, 4, - 3, 1,

[27] Jos., Ant. Jud., XV, 3,1-3.

[28] Jos., Id. XV, 3, 3.

[29] Id. Id. XV, 9, 3.

[30] Id. Id. XV, 9, 3 ; XVII, 4, 2 ; Cf., XVIII, 5, 1 ; XIX, 6, 2.

[31] Id. Id. XVII, 4, 2.

[32] Id. Id. XVII, 6,4.

[33] Id. Id. XVII, 13, I.

[34] Id. Id. XVII, 13, 1.

[35] Id. Id. XVIII, 1, 1; 2, 1.

[36] Voir sur la date de la mort de Hillel, le chap. II.

[37] Anne dans nos versions usuelles.

[38] Jos., Ant. Jud., XVIII, 2, 1 et 2 ; Cf., XX, 9, 1; D. B. J., V, 12, 2 ; Ev. de Luc, III, 2 ; Ev. de Jean, XVIII, 13-24 ; Actes des apôtres, IV, 6.

[39] Jos., Ant. Jud., XVIII, 2, 2.

[40] Id. Id. Id.

[41] Id. Id. Id.

[42] Caïphe dans les versions usuelles du Nouveau Testament. Ev. de Matth., XXVI, 3, 57 ; Ev. de Luc, III, 2 ; Ev. de Jean, XI, 49 ; XVIII, 13, 14, et Actes des apôtres, IV, 6.

[43] Jos., Ant. Jud., XVIII, 2, 2 et 4, 3.

[44] Ev. de Jean, XVIII, 13.

[45] Jos., Ant. Jud. XVIII, 4, 3 et 5, 3 ; Cf., XIX, 6, 4 ; D. B. J., 11, 12, 5-6 ; XIII, 3 ; Ant. Jud., XX, 8, 5.

[46] Jos., Ant. Jud., XVIII, 5, 3.

[47] Jos., Ant. Jud., XIX, 6, 2.

[48] Id. Id. XIX, 6, 4.

[49] Id. Id. XIX, 8, 1.

[50] Id. Id. XX, 1, 3 et 5, 2.

[51] Id. Id. XX, 5, 2 ; Cf., XX. 6, 2 ; D. B. J., 11, 12, 6 ; Actes des apôtres, XXIII, 2 ; XXIV, 1 ; Ant. Jud., XX, 9,2-4 ; D. B. J., II. 17, 6 et 9.

[52] Jos., Ant. Jud., XX, 8, 8 et 1.1.

[53] Id. Id XX, 8, 11.

[54] Id. Id. XX, 9, 1.

[55] Id. Id. XX, 9, 1.

[56] Id. Id. XX, 9, 4-7.

[57] Jos., Ant. Jud., XX, 9, 7.

[58] Id. Id. XX, 10 ; L, B. J., IV, 3,8.

[59] Ch. IV, verset 6.

[60] Exode XXVIII, 42.

[61] Id. XXVIII, 39.

[62] Exode, XXVIII, 8, et XXXIX, 29.

[63] Id. XXXIX, 28.

[64] D'après l'Exode (ch. XXVIII) il n'en avait pas.

[65] Exode, XXVIII, 30.

[66] Les mots Ourim et Thummim signifient lumière et intégrité.

[67] Schekalim, ch. V.

[68] Joma, 3, 1.

[69] Nous ne racontons pas ce sacrifice très exactement décrit dans l'Exode.

[70] Exode, XXX, 23, 24, 34, 35<:r>. Il était défendu de se servir de ces parfums ainsi que de l'huile sainte pour l'usage ordinaire (Exode, XXX, 37).

[71] Tamid, ch. V, hal. 4, 5, 6.

[72] Ev. de Luc, I, 9.

[73] Id. I, 21.

[74] Jérus., Joma, fol. 43, 2.

[75] Mischna, Tamid, IV, V, VII ; Babyl., Berakhoth, 11 b.

[76] Actes des apôtres, III, 1.

[77] Nombres, VI, 24-26.

[78] Ev. de Luc, XVIII, 10.

[79] Jérus., Berakhoth, fol. 8, 4.

[80] Sauf, bien entendu, le sacrifice public du second agneau qui se faisait « entre les deux soirs. » (Exode, XXIX, 39), c'est-à-dire après le coucher du soleil et avant la nuit.

[81] Lévitique, ch. IV et V, Remarquons que Marie, la mère de Jésus, a offert, d'après l'Evangile (Ev. de Luc, II, 24) un sacrifice pour ses péchés.

[82] Tamid, ch. V. hal. 6.

[83] Livre d'Hénoch, ch. CXIII, 7.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant