La Palestine au temps de Jésus-Christ

LIVRE SECOND — LA VIE RELIGIEUSE

CHAPITRE XIII — LES FÊTES


La Pâque. — Son époque. — Sa durée. L'après-midi du 14 Nisan. — La soirée du 14 Nisan — Le repas pascal. — L'institution de la Sainte-Cène. — La Pentecôte. — Les Tabernacles. — Le grand jour des Expiations. — La Dédicace. — Les Purim.

Les grandes fêtes se célébraient au Temple et nulle part ailleurs. Les Israélites montaient alors à Jérusalem de toutes les parties de la Palestine. On voyait aussi dans la ville des « disséminés » en grand nombre et, en parlant de la Cité sainte[1], nous avons décrit cette affluence extraordinaire de pèlerins à telles ou telles époques de l'année. La confusion dans les rues était extrême[3]. Les étrangers logeaient où ils pouvaient, sous des tentes[3], sous des abris élevés à la hâte, ou dans les villages des environs s'ils y avaient quelque connaissance. La Pâque surtout attirait beaucoup de monde. Les païens eux-mêmes y venaient en curieux ; c'était le moment, en effet, de visiter Jérusalem. Quant aux Juifs, ceux de Galilée par exemple, ils montaient à la Ville sainte en caravanes et chantaient en route les Psaumes dits des pèlerinages[5]. Ces voyages solennels étaient faits régulièrement par les jeunes garçons, à partir de l'âge de douze ans.

La Pâque était un mémorial et son but unique était la célébration du souvenir de la délivrance d'Egypte. Elle se fêtait à date fixe et durait sept jours ; commençant le quinze Nisan, elle se terminait le vingt et un[5].

Ces sept jours étaient appelés jours des Azymes (***) c'est-à-dire des (pains) sans levain. Le premier et le dernier étaient les plus solennels. Comme la journée chez les Juifs commençait non le matin mais la veille au soir, la fête se trouvait débuter, en réalité, le 14 Nisan au coucher du soleil, et c'était dans l'après-midi du 14 que l'agneau ou le chevreau pascal était immolé au Temple.

Reportons-nous par la pensée à la mémorable journée du 14 Nisan de l'an 30. C'est à deux de ses apôtres que Jésus confie le soin de préparer la fête[6]. En effet, les disciples des Rabbins sacrifiaient la Pâque et apprêtaient pour leurs maîtres le repas sacré[7]. Pierre et Jean vont donc choisir et acheter, sur la bourse commune, l'agneau sans défaut et sans tache. Ils le portent au Temple sur leurs épaules, suivant la coutume[8], et le présentent aux sacrificateurs sous le nom d'agneau pascal à l'entrée de la cour des prêtres[9]. Ceux-ci s'en emparent et l'égorgent sur l'autel des holocaustes. Une foule immense de Juifs les entourent, apportant chacun l'animal consacré dont ils réclament l'immolation[10]. Le peuple s'amasse aux abords du Temple et dans le parvis des Gentils. Un coup de trompette donne le signal de chaque sacrifice. Le sang, recueilli par un prêtre est répandu par lui au pied de l'autel et s'écoule par des canaux souterrains dans le torrent de Cédron. L'animal est dépouillé et vidé ; ses entrailles et sa graisse sont jetées dans le feu. Une prière est prononcée, puis, les apôtres, prenant le corps, l'emportent et préparent le repas sacré dans la chambre haute d'un disciple inconnu, qui déjà attendait le maître et savait qu'il viendrait chez lui ce soir-là.

L'animal devait être rôti et non bouilli[12]. Aucun de ses os ne devait être brisé, et on brûlera ce qui ne sera pas mangé.

Le soir venu, Jésus arrive avec les dix autres apôtres. La salle est garnie de tapis[12], sur lesquels ils s'asseyent ou plutôt se couchent à demi, suivant la mode orientale, le bras gauche supportant le poids du corps ; Jean, qui est à côté de son maître est « penché sur son sein[13] » et, par conséquent à sa droite.

Autrefois, l'usage était de prendre le repas pascal debout, en costume de voyage, le bâton à la main, pour reproduire, dans tous ses détails, la scène du départ d'Égypte, la nuit de la délivrance[14], mais cette coutume était depuis longtemps tombée en désuétude.

Le festin sacré se célébrait dans un ordre rituel. Les Talmuds nous l'ont décrit dans ses plus grands détails. tel qu'il se passait au premier siècle. Quatre fois la coupe devait circuler parmi les convives. Celui qui présidait, annonçait, avant tout, le commencement de la fête, prononçait une formule de bénédiction sur la coupe[15], en buvait et la faisait passer aux assistants[16], puis tous se lavaient les mains. C'est pendant que cette première coupe circulait que Jésus dit : « J'ai fort désiré de manger cette Pâque avec vous, avant que je ne souffre ; car, je vous le déclare, je ne la mangerai plus, jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu. » Et ayant pris une coupe et rendu grâces, il dit : « Prenez cette coupe et distribuez-la entre vous ; car, je vous le déclare, je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne, jusqu'à ce que le Royaume de Dieu soit venu[17] ». Il ne s'agit nullement ici de l'institution de la sainte Cène, mais seulement de la première coupe du repas pascal. Après le passage de cette coupe, on apportait les herbes amères, et on les mangeait avec les pains azymes ; le pain d'abord, « car, disent les Talmuds, ce n'est pas la coutume des hommes de manger des herbes avant le repas[18] ».

Ces herbes amères trempées de vinaigre ou d'eau salée rappelaient les souffrances endurées autrefois en Égypte.

A ce moment, l'un des assistants interrogeait celui qui présidait au repas et lui demandait la signification de ce qui se passait sous ses yeux. Cette interrogation était faite deux fois, et, entre les deux, le vin de la seconde coupe était versé. Celui qui présidait répondait en disant : « Ceci est la Pâque que nous mangeons, parce que Dieu est passé sur les maisons de nos pères en Egypte », et, prenant les herbes amères, il disait : « Nous mangeons ces herbes amères parce que les Égyptiens ont rendu amères les vies de nos pères en Égypte. »

Puis il tenait dans ses mains les pains azymes et disait : « Nous mangeons ces pains sans levain, parce qu'on n'eut pas le temps de faire fermenter la pâte avant que Dieu se révélât à nos pères et les rachetât ; nous devons louer, célébrer, honorer, magnifier Celui qui a fait ces grandes et admirables choses à nos pères et qui nous a amenés de la servitude à la liberté, de la douleur à la joie, des ténèbres à une grande lumière. Disons donc : Halleluiah ! Louez le Seigneur. » Toute l'assemblée chantait alors les Psaumes CXIIIe et CXIVe ; Les Pharisiens de l'école de Schammaï s'arrêtaient à la fin du Psaume CXIIIe ; ceux de l'école de Hillel allaient jusqu'à la fin du CXIVe.

Ce chant appelé Hallel sera repris à la fin du repas.[19] Après le chant, celui qui avait parlé disait encore : « Béni sois-tu Seigneur, ô notre Dieu, Roi Eternel, qui nous as rachetés, qui as racheté nos pères de l'Egypte et qui nous as amenés à cette soirée où nous sommes, pour que nous mangions ces pains sans levain et ces herbes amères ». On buvait alors la seconde coupe, on se lavait encore une fois les mains puis le président prenait deux pains, en rompait un, en plaçait les morceaux sur le pain resté entier et disait : « Béni soit celui qui a produit le pain pur de la terre. » Puis il trempait les morceaux dans le plat d'herbes amères et disait : « Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, Roi éternel, qui nous as sanctifiés de tes préceptes et qui nous as appris à manger ce repas ».

Il mangeait ensuite du pain, puis des herbes après avoir rendu grâces séparément pour chacun de ces aliments. Les mêmes faits se passaient lorsque l'agneau était partagé et distribué entre les convives.

Il ressort clairement des textes évangéliques que Jésus institua la sainte Cène en deux fois. Il établit la communion du pain pendant le repas pascal et celle du vin après[20]. C'est donc au moment précis où il venait de tremper le morceau de pain rompu dans les herbes amères que Jésus institua la communion du pain. Ce fut « pendant qu'ils mangeaient, » dit Marc[21]. L'agneau mangé, le repas pascal était considéré comme terminé ; la troisième coupe circulait alors et elle portait le nom de « coupe de bénédiction ». C'est avec elle que Jésus institua la communion du vin[22].

Enfin venait la quatrième et dernière coupe et le chant de la seconde partie du Hallel (Psaume CXIVe à CXVIIIe)[23]. Tout était terminé.

Le lendemain 15 Nisan était le premier et le grand jour de la fête. Il n'était permis de travailler ni ce jour-là ni le dernier.

Le 16, on offrait dans le sanctuaire une gerbe de la moisson nouvelle, car la Pâque était aussi la fête de l'ouverture des récoltes. Le Sanhédrin déclarait solennellement la moisson commencée. L'obligation de manger des pains sans levain pendant les sept jours était absolue, et pendant tout ce temps il n'était pas permis de sortir de Jérusalem. On s'est demandé comment les disciples d'Emmaüs[24] avaient pu quitter la ville ; mais il faut remarquer que l'on était déjà au soir du troisième jour, c'est-à-dire au commencement du quatrième, et que les Rabbins ne faisaient pas du séjour obligatoire une question d'une très grande importance. « Il est plus louable, disaient-ils, de rester les sept jours à Jérusalem. On peut s'éloigner le troisième s'il y a nécessité. » Le traité Moed Katon, qui parle de ce qui est permis et de ce qui est défendu pendant les fêtes, condamne l'absence et l'éloignement de Jérusalem, surtout parce qu'on ne sera pas là le dernier jour qui est très solennel, or il faut se rappeler que les disciples d'Emmaüs revinrent à la Ville sainte le soir même de leur départ.

Nous ne savons rien ni par les Talmuds, ni par Josèphe, l'usage de relâcher un prisonnier à la fête de Pâque[25]. Il est probable que cette coutume avait été récemment établie par les Romains et au moment où ils avaient ôté au Sanhédrin le droit d'exécuter une sentence capitale.

Nous ne ferons que mentionner la fête de la Pentecôte, car notre intention n'est pas de décrire en détail les fêtes juives, mais seulement d'éclairer tels ou tels chapitres du Nouveau Testament en recueillant, soit dans les écrits de Josèphe, soit dans les Talmuds, les passages qui peuvent aider à leur interprétation ; or il ne nous est parlé qu'incidemment de la Pentecôte et dans un seul verset du livre des Actes[26]. Cette fête se célébrait le cinquantième jour après le 16 Nisan, c'est-à-dire le 5, le 6 ou le 7 de Sivan, suivant les combinaisons des mois caves ou pleins en Ijar[27]. Elle était beaucoup plus civile que religieuse, car on y fêtait avant tout la clôture de la moisson[28]. L'usage semble avoir été établi de célébrer aussi à ce moment-là le souvenir de la promulgation de la Loi sur le Mont Sinaï[29]. Moïse n'avait rien ordonné de semblable, mais la Loi ayant été donnée cinquante jours après la sortie d'Egypte, la date de la promulgation tombait précisément sur le jour de la Pentecôte[30].

Les Juifs l'appelaient la fête des Semaines[31] ou des Prémices[32] ; Josèphe l'appelle fête Hasartha ou Hatsarttta, c'est-à-dire du Rassemblement, et ce mot se retrouve dans les Talmuds[33]. Il l'appelle aussi[34], et ce nom lui est resté quand elle est devenue une fête chrétienne. Il nous raconte qu'on la célébrait « avec joie et empressement[35] ». Elle consistait surtout en offrandes faites au Temple, un gâteau nouveau, deux pains levés et un bouc pour le péché[36].

Nous nous étendrons davantage sur la fête des Tabernacles, qui est nommée dans les Évangiles[37], et avait aussi une importance beaucoup plus grande que celle de la Pentecôte.

Elle se célébrait en automne et rappelait le voyage des Israélites dans le désert pendant quarante ans ; elle servait en même temps à fêter la clôture de toutes les récoltes et en particulier de la vendange. Enfin elle était au commencement de l'année civile dont le premier jour était, nous l'avons dit[38], le premier du mois de Thischri[39], qui correspond à la fin de septembre et au commencement d'octobre.

Les trompettes du Temple annonçaient, solennellement le commencement de l'année[40]. Le 2 Thischri était férié. Le 10 était le grand jour des Expiations ou du Pardon[41]. Déjà depuis six jours, c'est-à-dire depuis le 4, le grand prêtre avait été éloigné de sa maison et s'était rendu dans une salle spéciale du Temple[42], car il lui fallait se sanctifier et se mettre à l'abri de tout contact impur. Un prêtre ordinaire le remplaçait au Sanhédrin et ailleurs pendant ce temps de retraite. Le 5, le 6 et le 7 Thischri, il offrait lui-même le matin le sacrifice perpétuel ordinaire, brûlait les parfums, préparait les lampes et apportait à l'autel la tète et les cuisses de la victime[43] ; quelques vieillards de la section Beth Din[44] du Sanhédrin se rassemblaient et lisaient devant lui l'office ordinaire. Le huitième jour, les vieillards le remettaient aux anciens parmi les prêtres qui l'adjuraient de remplir ses devoirs quand le dix serait arrivé. Pendant les neuf jours qui précédaient le jeûne solennel, il lui était permis de se nourrir comme d'habitude, mais le soir du neuvième, il devait peu manger, pour pouvoir résister au sommeil ; car il devait veiller toute la nuit. Les prêtres l'entouraient, et, s'ils le voyaient s'assoupir, ils le réveillaient en lui parlant ou en faisant du bruit. Enfin voici le 10, le jour du Jeûne solennel, de l'Expiation, du Pardon. Le grand prêtre entrait pour la première et la dernière fois de toute l'année dans le Lieu Très Saint. Le peuple passait toute la journée dans le jeûne le plus rigoureux, il lui était interdit de manger, de boire, de se laver et de s'oindre d'huile[45]. L'onction sacrée, autorisée le jour du Sabbat, était défendue le jour des Expiations[46]. Les 11, 12 et 13 Thischri, le peuple se réunissait encore pour se sanctifier et aussi pour préparer ce qui lui serait bientôt nécessaire, des tentes, des branches de palmier et de saule. Ceux qui s'étaient souillés du contact d'un cadavre étaient depuis sept jours à Jérusalem, occupés à se purifier.

Le 15, premier jour des tabernacles, on immolait treize taureaux, et on passait la nuit à Jérusalem.

Le 16, deuxième jour de la fête, on immolait douze taureaux. Le 17, troisième jour de la fête, on en immolait onze.

Le 18, le quatrième jour, dix ; le 19, le cinquième jour, neuf ; le 20, le sixième jour, huit ; le 21, le septième jour, sept ; et enfin le 22, le huitième et dernier jour, on n'en immolait qu'un seul. Le premier et le dernier de ces jours était comme pour la Pâque, les plus solennels[47], on les appelait jours de repos.

Chacune des huit journées de la fête était marquée par de grandes manifestations de joie. Chaque famille demeurait sous des cabanes de feuillage. On chantait l'Hosannah, en agitant des palmes[48], et, chaque jour, une libation de vin, renfermé dans deux vases d'argent, était faite à l'autel, ainsi que des libations d'eau puisée dans une cruche d'or, par un prêtre, à la fontaine de Siloé, et apportée au Temple en grande pompe. Le prêtre montait à l'autel, le peuple lui disait : « Élève ta main », et il versait du côté de l'Occident l'eau de la fontaine de Siloé, et le vin du côté de l'Orient.

Le soir[49], on allumait deux candélabres dans le parvis des femmes et une danse sacrée, dont l'origine était récente[50], était exécutée devant ces candélabres et au son de la musique. Elle était appelée : de l'eau de la libation ; nous en avons le programme détaillé dans les Talmuds[51]. Le voici : « Le soir du premier jour de la fête ou descend dans la cour des femmes, et là on prépare une grande scène. Des candélabres d'or y sont fixés aux murailles, et sur eux deux petites coupes d'or, on y parvient par quatre marches, quatre jeunes prêtres, ayant dans leurs mains des flacons contenant cent vingt logs d'huile, en versent le contenu dans chacune de ces petites lampes. Ils les allument et il n'y a pas une place dans Jérusalem qui ne brille éclairée par elles. Des hommes pieux et graves dansent devant elles ayant dans leurs mains des torches allumées et chantent des cantiques et des doxologies. Les lévites, avec leurs cithares, leurs cymbales et d'autres instruments, se tiennent en grand nombre sur les quinze marches qui séparent la cour des femmes de la cour d'Israël et chantent un cantique. Deux prêtres se tiennent à la porte qui est au sommet de ces quinze marches ayant chacun une trompette dans la main. À un signal donné par le capitaine du Temple ils sonnent de la trompette. Ils descendent et sonnent encore sur la dernière marche, ils font de même dans la cour des femmes, dans le parvis des Gentils et continuent à jouer de la trompette jusqu'à la porte orientale. Là, ils tournent leurs torches de l'Orient vers l'Occident et disent : « Nos pères en cet endroit, le dos tourné au Temple et la face vers l'Orient, ont adoré le Soleil ; mais nous, nous tournons nos faces vers Dieu. »

Le septième jour, on effeuillait les branches de saules qui avaient recouvert les tentes. Les Pharisiens attachaient à cet acte une telle importance qu'ils le permettaient même si le septième jour se trouvait être un Sabbat. Plus tard ils s'arrangèrent pour qu'il ne tombât jamais sur le samedi.

Le dernier et grand jour de la fête nous intéresse particulièrement parce qu'il est spécialement mentionné dans l'Evangile[52]. C'était, avons-nous dit, le huitième[53], « la conclusion sainte de l'année » dit Josèphe. Le peuple abandonnait ses tabernacles de feuillages et se rendait en foule au Temple. Malheureusement les Talmuds ne nous ont laissé aucune indication spéciale sur les actes sacrés accomplis ce huitième jour. Il semble même qu'il était moins solennel que les autres puisqu'on n'y sacrifiait qu'un seul taureau. Cependant le traité Succah l'appelle, mais sans préciser, « le dernier et bonjour de la fête. » Il est remarquable que c'est pendant ces journées où l'eau répandue sur l'autel et les lumières allumées dans le Temple jouaient un si grand rôle que Jésus prononça ces paroles : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive[54] » et « je suis, moi, la lumière du monde[55]. ».

Au mois de Kisleu venait la fête de la Dédicace[56]. Elle durait huit jours, à partir du 25, et avait été instituée en mémoire du triomphe de Judas Macchabée, qui avait restauré le Temple après sa victoire sur Antiochus Épiphane[57]. Voici ce que nous en dit un des Talmuds : « Les Rabbis enseignent que le 25e jour du mois de Kisleu[58] on commence les huit jours en souvenir de la Dédicace pendant lesquels on ne doit ni s'attrister, ni jeûner, car lorsque les Grecs entrèrent dans le Temple ils souillèrent toute l'huile qui était dans le Temple, mais le grand roi des Asmonéens les vainquit ; on chercha et on ne trouva qu'une fiole d'huile qui avait été placée sous le sceau du grand prêtre et où il n'y avait d'huile que pour un jour. Il se fit un miracle, car on s'en servit pendant huit jours. L'année suivante on fit de ce souvenir des jours de fête. » Maimonide tient le même langage et ajoute ceci[59] : « Ces huit jours sont des jours de joie ; on allume des lumières aux portes des maisons, pendant huit nuits, pour rappeler ce miracle. Y a-t-il plusieurs habitants dans une maison ? on n'allume pourtant qu'une seule lumière. Toutefois celui qui veut honorer le commandement, en allume autant qu'il y a de personnes et même davantage, car on double le nombre des lumières la seconde nuit, on le triple la troisième, etc., par exemple, s'il y a dix habitants dans la maison, on allume dix lumières la première nuit, vingt la deuxième, trente la troisième et la huitième quatre-vingts. » Il faut noter aussi que la fête de la Dédicace ne se célébrait pas seulement à Jérusalem et au Temple, mais dans tout le pays.

Les Purim, pendant lesquelles on lisait solennellement le livre d'Esther, parce qu'on commémorait en ces jours la délivrance des Juifs sous Assuérus, se célébraient les 14e et 15e jours du mois d'Adar. La veille, le 13, était un jour de jeûne. Nous croyons que cette fête est mentionnée dans un passage de l'Evangile de saint Jean[60].


[1] Livre I, ch. II.

[2] Jos., D. B. J., II 14, 3 ; VI, 9, 3. Nous pouvons nous faire une idée de l'affluence des pèlerins par le récit suivant : « Le roi Agrippa, désirant savoir combien il y avait de personnes et Jérusalem pour la Pâque, dit aux prêtres : Séparez-moi un rein de chaque agneau immolé, et ils séparèrent six cent mille reins. Si nous comptons dix personnes par agneau (et les rabbins disent 40 ou même 50) nous avons un total de six millions. Une fois, dit encore la tradition, le Temple ne put contenir la foule ; un vieillard fut foulé aux pieds. Il faut faire, dans ce récit, emprunté par Lightfoot au Echah Rabbath (fol. 59, 1, 2), la part de l'exagération ordinaire aux Juifs. Toutefois, il reste certain que la foule était énorme à Jérusalem pendant les jours des pains sans levain.

[3] Il est possible que Jésus eut une tente sur le mont des Oliviers (Ev. de Jean, VIII, 1.)

[4] Du CXXe au CXXXVe exclusivement. Cantiques de Maaloth.

[5] Ev. de Luc, II, 43.

[6] Ev. de Marc, XIV, 12 et 13 ; Ev. de Matth., XXVI, 19.

[7] Pesachim, ch. VIII, hal. 2. « Si quelqu'un dit à son disciple : Va et sacrifie-moi la Pâque et que celui-ci sacrifie un chevreau, qu'il en mange ... etc. »

[8] Pesachim, ch. VI, hal. 1.

[9] Maimon., in Korban Pesachim, ch. 1.

[10] D'après le quatrième Evangile, Jésus aurait mangé la Pâque, avec ses disciples, le 13 Nisan et non le 14. Nous demandons à ceux qui admettent cette date, comment ils se représentent que les apôtres aient pu faire sacrifier l'agneau pascal avant le jour consacré. Un tel acte aurait été un sacrilège. Il fallait ne tuer l'agneau que le 14 et le manger le jour même.

[11] Exode, XII, 9.

[12] Ev. de Marc, XIV, 15.

[13] Ev. de Jean XIII, 23, 25.

[14] Exode XII, 11.

[15] Voici cette formule : « Béni sois-tu Jéhovah notre Dieu, qui as créé le fruit de la vigne. »

[16] Pesachim, ch. X. hal. 2.

[17] Ev. de Luc XXII, 15. 16.

[18] Pesachim, ch. X, hal. 2.

[19] Babyl., Pesachim, ch. IX, hal. 3 et fol. 118 a.

[20] « Après le repas il prit la coupe » (Luc, XXII, 20), ce qui n'est pas dit du pain qu'il prit pendant le repas (Luc, XXII, 19) ; voir aussi 1 Cor., XI, 24 et 25 « après avoir soupé il prit la coupe. »

[21] Ev. de Marc, XIV, 22.

[22] « La coupe de bénédiction que nous bénissons », dit saint Paul, 1re Épître aux Corinth., ch. X, 16 et XI. 23-26. Voir sur la coupe de bénédiction, Scholten, Revue de théol. de Strasbourg, année 1866, P. 66.

[23] Ev. de Marc XIV, 26.

[24] Ev. de Luc XXIV, 13.

[25] Ev. de Jean, XVIII, 39.

[26] Actes II, 1.

[27] Voir sur les mois caves et les mois pleins, livre I, chap. X.

[28] Exode, XXIII, 16.

[29] Voir Racine, Athalie, acte 1, vers 1, 2, 4.

[30] Exode, XIV, 1-16.

[31] Deut., XVI. 9 ; Exode. XXXIV, 22.

[32] Nombres, XXVIII, 26.

[33] Mischna, Rosch haschana, 1, 2. Chagiga, 2, 4.

[34] Jos., Ant. Jud., III, 10, 6.

[35] Id. id. XIV, 13, 4.

[36] Lévit., XXIII ; Nombres, XXVIII ; Deut., XVI, 10.

[37] Ev. de Jean, ch.. VII, 2 et suiv.

[38] Voir livre 1, chapitre XI.

[39] Rosch haschanah, fol. 2, 1.

[40] Lévit., XXIII, 24.

[41] On l'appelait aussi le Jeûne ; Actes des ap., XXVII. 9.

[42] Joma, ch. I, hal. 1.

[43] Joma, fol. 14, 1.

[44] Voir livre I, ch. IV, le Sanhédrin.

[45] Joma, ch. I, hal. 1. Il y a exception « pour le roi et pour la nouvelle mariée. Il lui est permis de se laver la face, car elle doit être agréable à voir et plaire à son mari. » Nous avons dit que les Juifs modernes, même s'ils sont devenus libres-penseurs, tiennent encore aux rites. Nulle part, cet attachement aux traditions antiques et au culte des souvenirs n'apparaît plus curieux, plus intéressant que dans la célébration du Yom-Kippour. C'est-à-dire du jour des Expiations ou Jour du Pardon. Cette fête est célébrée chaque année le 10 du mois de Thischri. C'est, on le voit, la date ancienne qui a été rigoureusement conservée. D'après notre calendrier ce jour tombe vers le 20 septembre. La fête commence la veille au coucher du soleil et se termine le lendemain à l'apparition de la première étoile. Pendant ces 25 ou 26 heures les fervents ne prennent aucune nourriture. Quelques-uns même ne quittent pas la synagogue. Les plus pieux restent tout le temps revêtus d'un habit de lin. Non seulement le jeûne est ordonné, mais il est interdit de fumer, de toucher au feu, d'aller en voiture. Le Ramadan arabe dont nous avons parlé (p. 386) correspond exactement au Kippour israélite.

[46] Talm., Jérus. Schabbath, fol, 12, 1.

[47] Ev. de Jean, VII, 37.

[48] Mischna, Succah, ch. III, hal. 9.

[49] Chaque soir, disent les Talmuds ; le premier jour seulement, d'après Maimonide.

[50] Elle datait d'Alexandre Jannée et avait été instituée en souvenir d'une protestation unanime du peuple contre une profanation de la fête dont ce roi s'était rendu coupable.

[51] Succah, ch. V. hal. 2.

[52] Ev. de Jean. VII, 37.

[53] Nombres XXIX, 12-35 et non pas le septième. La fête, proprement dite, était terminée le soir du septième jour et le huitième était un jour complémentaire « une conclusion », comme dit Josèphe.

[54] Ev. de Jean, VII, 37 et 38.

[55] Ev. de Jean, VIII, 12. M. Godet a fait ressortir ces faits avec beaucoup de justesse et de vérité dans son très remarquable commentaire sur l'Evangile selon saint Jean.

[56] Ev. de Jean, X, 22.

[57] I Macch., IV, 52 et suiv. ; Jos., Ant. Jud., XII, 11.

[58] Schabbath, fol. 21, 2.

[59] Chamicah, ch. 3.

[60] Ev. de Jean, V, 1. Les Purim sont nommés II Macch., XV, 36 ; Jos., Ant. Jud., XI, 6, 13 et Mischna, Megillah, II, 10. Mais nous n'avons aucun détail sur la manière dont on célébrait cette fête au temps de Jésus-Christ.

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