Les épîtres de Paul

Deuxième épître aux Thessaloniciens

1.
Contenu de l’épître

Cette épître est adressée aux Thessaloniciens au nom des trois mêmes auteurs que la précédente. Le type, qui de plus en plus prévaudra dans les lettres subséquentes, y apparaît déjà plus marqué que dans la première. L’action de grâces, qui est renfermée dans le ch. 1, se détache plus nettement, non seulement de l’adresse qui précède, mais aussi du sujet traité. Celui-ci suit au ch. 2. A l’enseignement donné sur ce sujet, se rattachent, dans le ch. 3, les communications personnelles et les commissions. Ce cadre ne diffère plus de celui des épîtres subséquentes qu’en ce que l’action de grâces et les communications spéciales ont encore ici à peu près la même extension que l’enseignement proprement dit.

1. Chapitre 1

Dans l’action de grâces, Paul fait ressortir d’abord les progrès constants en foi et en charité qui distinguent cette jeune église. Les expressions de l’apôtre, 1.8, renferment une gradation manifeste sur la louange correspondante dans la première lettre. Paul peut parler avec bonheur dans les églises de leur persévérance et de leurs progrès. Il est d’autant plus reconnaissant de cet état spirituel qui se maintient chez eux, que leur position extérieure ne s’est point améliorée, que leurs tribulations se sont plutôt accrues (v. 4). Toutefois il ressort de cette situation pénible elle-même un encouragement ; elle est le gage du juste jugement que Dieu ne manquera pas d’exécuter, d’un côté, en donnant aux opprimés l’accès dans son royaume, auquel leurs épreuves les auront préparés, et, de l’autre, en rendant aux oppresseurs le châtiment qu’ils ont mérité (v. 5-10). Aussi Paul ne cesse-t-il de prier pour leur avancement qui est la condition de la glorification de Christ en eux et de la leur en lui (v. 11 et 12).

2. Chapitre 2

L’apôtre passe ici au sujet qui lui a évidemment mis la plume à la main : l’enseignement sur l’apparition de l’homme de péché, qui doit précéder l’avènement du Christ.

L’expression : « Or nous vous prions, frères » (v. 1), montre qu’il arrive à l’objet essentiel de sa lettre. Il leur avait annoncé, pour les consoler de la mort des leurs, qu’à l’apparition du Christ personne ne serait oublié, et que tous, morts et vivants, seraient réunis et glorifiés avec le Seigneur (1 Thessaloniciens 4.13 et suiv.). Puis il avait parlé de la soudaineté de cet événement (5.1 et suiv.), non de sa proximité ; il avait au contraire rappelé qu’il s’écoulerait jusque-là une série indéterminée de temps et de moments. Malgré ces précautions, l’attente d’un si grand événement était si vive qu’il en résultait une sorte de perturbation chez plusieurs et que l’église ne se distinguait plus par cette saine activité pratique qui devait être son glorieux caractère en face du monde païen. Il se produisait des discours prophétiques et des enseignements annonçant la proximité immédiate de la Parousie ; il avait même circulé une lettre attribuée à Paul où était annoncé le retour imminent du Seigneur (v. 2). Il est impossible d’appliquer ces mots à notre première épître ; car celle-ci ne renfermait rien de semblable. D’ailleurs l’apôtre ne pourrait dire : « Comme étant de nous, » puisqu’elle était en effet de lui. Ou bien donc c’était, une lettre que l’on avait fabriquée sous son nom, ou bien l’on avait pris par erreur un billet quelconque pour un écrit de Paul lui-même.

Non, l’avènement du Christ ne peut pas être aussi imminent qu’on veut le leur faire accroire ; car il doit être précédé d’un fait qui ne saurait passer inaperçu, ce que Paul appelle l’apostasie ou la défection. Cette manière de s’exprimer : l’apostasie (non une apostasie), montre qu’il parle d’un fait connu, attendu, prédit, soit par Paul lui-même, soit par l’Ancien Testament. Il fait allusion dans ce dernier cas à la prophétie concernant la révolte finale provoquée par la petite corne qui doit surgir du sein de la quatrième monarchie (Daniel 7.8, 24, 25). Cet emblème figure l’homme en qui se concentrera l’apostasie et sortira tout le venin d’impiété qui fermente sourdement dans les profondeurs du cœur humain et du corps social. Cet ennemi de Dieu est appelé au v. 3 l’homme qui ne reconnaît aucune loi (d’après la leçon ἄνθρωπος τῆς ἀνομίας) ou qui est comme l’incarnation du péché (d’après la leçon ἄνθρωπος τῆς ἁμαρτίας), et le fils de perdition ; au v. 4, « l’opposant qui s’élève au-dessus de tout ce qui se nomme Dieu, se donnant lui-même pour Dieu et prétendant s’asseoir comme tel dans le temple de Dieu. » Il dépasse en cela ce qui, Daniel 11.37-39, était dit d’Antiochus Epiphane, la petite corne sortant de la troisième monarchie ; car celui-ci, d’après ce passage, tout en se moquant de tous les autres dieux, avait pourtant encore son Dieu qu’il honorait et adorait. Il s’agit donc plutôt ici, comme nous venons de le dire, de l’autre petite corne sortant de la quatrième monarchie et du milieu de ses dix cornes (ch. 7). Ce suprême impie dans Daniel n’adore aucune divinité ; « il prononce des paroles contre le souverain et détruit ses saints » (v. 25).

Qu’est-ce que ce temple de Dieu, dans lequel ce personnage s’installera comme étant lui-même le seul être divin ? On a pensé à Caligula (37-41) qui, environ une douzaine d’années avant le séjour de Paul à Thessalonique, avait tenté de faire dresser sa statue dans le temple de Jérusalem, mais en avait été empêché. Ce serait là l’exemple qui aurait flotté devant les yeux de l’apôtre. Mais Caligula ne songeait pas à s’élever au-dessus des autres dieux, ni à établir son culte aux dépens du leur. Il me paraît plus vraisemblable que l’apôtre prend ici le terme de temple de Dieu au sens spirituel et qu’il entend par là le culte universellement rendu à la divinité sous toutes les formes du paganisme, du judaïsme et du christianisme lui-même. Cet homme prétendra concentrer sur sa personne toutes les adorations de l’humanité. Il se donnera pour le porteur personnel de la vie infinie qui pénètre toutes choses, l’incarnation du génie de l’univers (v. 3 et 4). Il paraît bien ressortir de là que l’apostasie dont parle l’apôtre ne doit pas être spécialement juive ou chrétienne, mais qu’il s’agit de l’humanité tout entière, livrée à un esprit de vertige et rompant avec le Dieu des cieux pour ne plus reconnaître que cet homme-dieu visible qui la fascine par ses prestiges ; comparez Matthieu 24.24, 36-39 ; Luc 18.8.m

m – « Il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes… » « Il en sera comme aux jours de Noé… » « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? »

Les Thessaloniciens ont oublié ce qu’il leur a dit, de cette défection générale et de l’apparition de l’homme en qui elle se concentrera, et qui sera la personnification dernière du mal, précédant l’apparition du Christ, incarnation parfaite du bien. S’ils s’en fussent souvenus, ils n’eussent pu croire que le Christ fût déjà prêt à paraître (v. 5).

Il y a plus : ils devraient, d’après les instructions que Paul leur a données, connaître ce qui arrête encore la manifestation de cet adversaire de Dieu ; car la puissance mystérieuse qui pousse à cette explosion finale la méchanceté humaine, est déjà agissante ; seulement il existe encore un pouvoir qui empêche la manifestation de celui qui doit la réaliser (v. 6. 7). Il est à remarquer que c’est ici un trait étranger à la prophétie de Daniel. Ce pouvoir, qui entrave la manifestation de l’homme de péché, paraît, être, d’un côté, un principe abstrait (de là la forme neutre τὸ κατέχον qui retient), de l’autre, un être concret, personnel (ὁ κατέχων, celui qui retient). Une fois que ce pouvoir sera ôté, la puissance de l’adversaire éclatera dans toute sa violence ; des miracles diaboliques appuieront ses prétentions et les rendront pour ainsi dire irrésistibles. Tout ce qui dans l’humanité ne se sera pas fermement attaché à l’Évangile, sera séduit et sur les pas du séducteur courra à sa perte (v. 8-12).

L’apôtre conclut ce tableau en bénissant Dieu de ce que ses lecteurs ont été mis, par la foi à l’Évangile et par le Saint-Esprit qui les a scellés pour la gloire (v. 13 et 14), à l’abri de cet entraînement sinistre. Il les engage à tenir ferme aux enseignements qu’ils ont reçus de lui, soit en paroles, soit par sa lettre (v. 15). La lettre dont il parle ici ne peut être que celle que nous possédons comme 1re aux Thessaloniciens. Enfin il termine par un vœu pour leur affermissement par le Seigneur Jésus-Christ et par Dieu qui nous a aimés.

3. Chapitre 3

Les communications occasionnelles renfermées au ch. 3 commencent par le mot : au reste, qui indique que le sujet essentiel est traité. L’apôtre invite, d’abord l’église à prier pour l’heureux succès de son ministère et pour que Dieu le mette à l’abri de la haine des adversaires (v. 12). Peut-être, comme le pense Weiss, fait-il ici allusion à ceux qui l’avaient traîné devant le tribunal de Gallion ; comparez Actes 18.12 et suiv. Puis il exprime sa confiance en eux, quant à leur docilité à suivre la voie qu’il leur a tracée (v. 3-5). Il prélude ainsi à la recommandation qu’il a à leur faire à l’égard de ceux d’entre eux qui, sous prétexte de l’imminence de la Parousie, abandonnaient leur travail ordinaire et se livraient à une oisiveté soi-disant pieuse, ne craignant pas de tomber à la charge de leurs frères. Il leur rappelle l’exemple qu’il leur a donné lui-même, en travaillant de ses propres mains pour gagner sa vie, afin de n’être à chargea personne. Les membres fidèles de l’église doivent s’efforcer de faire rentrer ces égarés dans la bonne voie en rompant avec eux le lien de la fraternité chrétienne, aussi longtemps qu’ils persévèrent dans cette vie déréglée, et en les marquant ainsi d’une flétrissure qui les fasse rougir ; en même temps ils doivent constamment travailler à les ramener (v. 6-15). L’apôtre termine par un vœu (v. 10) et par une salutation qui dans ce cas revêt une forme exceptionnelle, v. 27 : « La salutation de ma main, à moi Paul, ce qui est mon signe dans chacune de mes épîtres ; j’écris ainsi. »

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