Les épîtres de Paul

5.
Conclusion

Qu’est-il résulté de l’envoi de cet écrit ? A-t-il ramené sous la houlette de l’apôtre ces troupeaux qui étaient en voie de se détourner de lui et de l’évangile de la grâce ? Steck pense qu’un tel résultat n’aurait en aucun cas pu être obtenu au moyen d’une lettre, après que la présence de Paul lui-même dans son second séjour était restée impuissante à le produire. Mais la lutte n’était pas engagée alors, comme elle le fut plus tard, après l’arrivée des nouveaux émissaires judaïsants ; et Paul n’avait par conséquent pas eu encore l’occasion de traiter la question à fond, comme il l’a fait dans son épître. La parole 1 Corinthiens 16.1 : « A l’égard de la collecte pour les saints, faites comme je l’ai ordonné dans les églises de Galatie, parole écrite deux ans après notre épître, montre que l’autorité de l’apôtre était pleinement rétablie dans ces églises. Le passage 2 Timothée 4.11 : « Crescens s’est rendu en Galatie, » montre également que de sa prison à Rome Paul continuait à entretenir des relations avec les églises de Galatie.

Cette épître marque une époque dans l’histoire de l’humanité : c’est le document à jamais précieux de son émancipation spirituelle. Dans le sermon sur la montagne, Jésus avait présenté l’idéal de la sainteté chrétienne au point, de vue de sa parfaite spiritualité. Saint Paul montre ici le vrai chemin pour parvenir à le réaliser. Il ne saurait consentir à attribuer la δικαιοσύνη τοῦ θεοῦ la sentence de justification accordée par Dieu au croyant, d’une part à la grâce, de l’autre à l’activité humaine. Par un tel système, le moi n’est que blessé ; il ne reçoit pas le coup de mort. Sur cette voie on n’arrive jamais à une paix complète et à un cœur radicalement dépouillé de lui-même. Il faut dans le domaine de la justification tout donner à Dieu et par la foi tout recevoir. Alors la réconciliation est absolue, et l’Esprit du Fils peut descendre dans le cœur justifié et y réaliser la sainteté dans sa plus parfaite spiritualité.

Voilà la conception du salut entièrement nouvelle qu’expose l’apôtre. Elle était préfigurée dans l’Ancien Testament ; elle a formé le fond de l’enseignement de Jésus lui-même. Elle apparaît ici pour la première fois au grand jour comme la pure reproduction de la pensée divine dans la pensée humaine ; c’est là l’évangile de Paul, l’évangile de Dieu (Galates 1.42).

On se demande comment, en face d’une pareille démonstration de la liberté acquise en Christ aux croyants, l’Église a pu retomber peu à peu sous le joug que la main puissante de Paul avait brisé, et substituer de nouveau au salut par la foi toute simple le mérite pharisaïque de l’œuvre humaine. La cause de ce fait étrange est, d’abord, l’inclination naturelle du cœur humain qui répugne à l’acceptation d’une grâce pure engageant complètement tout l’homme, et puis, en second lieu, un malentendu très grave qui a paralysé l’application de l’épître aux Galates. Par les œuvres de la loi qui ne peuvent justifier l’homme, on a entendu fréquemment les œuvres cérémoniales seulement, les observances extérieures, et on a cru devoir réserver une place dans l’obtention du salut aux œuvres morales. Sans doute, certaines paroles, comme ce qui est dit 4.3,10 des éléments du monde, ou, dans plusieurs passages, de la circoncision, pouvaient conduire à cette interprétation. Mais elle est évidemment contraire à la pensée de l’apôtre pour lequel la loi forme une unité indivisible, la manifestation concrète de la volonté divine. A ses yeux, l’observance morale sans l’amour n’est pas la vraie obéissance qui peut plaire à Dieu ; or, l’amour ne procède que de la justification par la foi (5.6). Par celle-ci seule, le cœur s’ouvre à l’amour pour Dieu et lui rend l’obéissance filiale à laquelle il veut amener l’homme.

Luther a remis en lumière ce vrai ordre évangélique du salut. Il l’avait puisé surtout dans l’épître aux Galates qu’il appelait sa fiancée, sa Catherine de Bora. Mais il n’avait connu si vivement la joie et la puissance de l’émancipation spirituelle que parce qu’il avait ressenti si douloureusement les chaînes de l’esclavage, le poids du péché et de la loi qui le condamne. Pour comprendre comme lui une telle lettre, il faut avoir expérimenté comme lui les angoisses qui résultent de cette parole prise au sérieux : « Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses écrites au livre de la loi pour les faire » (3.10)

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