Les épîtres de Paul

1.
Contenu de l’épître

Dans cette lettre, comme dans la 1re aux Thessaloniciens, le préambule ne se détache pas du corps de l’écrit aussi nettement que dans la plupart des autres. Il me paraît s’étendre jusqu’à 2.10. Ici commence la tractation du sujet qui comprend deux parties, l’une didactique, l’autre parénétique ou pratique et qui va jusqu’à 6.20. La conclusion est fort courte ; elle comprend les quatre derniers versets, 6.21-24.

Le préambule (1.1 à 2.10)

Il comprend, après l’adresse (1.1-2), un hymne d’action de grâces (v. 3-14) et le vœu que l’apôtre forme incessamment devant Dieu pour ses lecteurs (1.15 à 2.10).

L’adresse ne mentionne personne comme auteur à côté de l’apôtre lui-même. Cependant Timothée était auprès de lui (Colossiens 1.1 ; Philémon 1.1). Il en est de même dans l’épître aux Romains, et sans doute par le même motif. Ces deux lettres ont été écrites par lui en sa qualité personnelle d’apôtre des Gentils, dignité qu’il ne partageait avec aucun de ses aides apostoliques.

L’indication des lecteurs soulève un singulier et difficile problème. D’après le texte reçu ce sont : « Les saints qui sont à Éphèse et fidèles en Christ Jésus. » Les mots à Ephèse se lisent dans la plupart des documents, mais non dans le Vaticanus et le Sinaiticus. Origène ne les a certainement pas lus, et Basile déclare qu’il les a trouvés omis chez ses prédécesseurs et dans les plus anciens d’entre les manuscrits. Marcion, qui possédait notre épître dans son Canon, l’intitulait πρὸς Λαοδικέας aux Laodicéens, ce qui prouve qu’il ne lisait pas les mots ἐν Ἐφέσῳ, à Éphèse, dans son manuscrit ou qu’il croyait avoir des raisons de les rejeter.

Essayons de nous rendre compte du texte, si l’on omet ce régime. Origène et, d’après lui, Basile entendaient les mots τοῖς οὖσιν, sans régime, de ceux qui sont réellement, qui ont part à l’existence absolue par la communion avec celui qui est par essence. Personne aujourd’hui n’admettra ce sens qui ferait de Paul ce qu’étaient ceux qui l’ont proposé, des disciples de Platon. — Bengel et Stier entendent : « Aux saints qui sont aussi croyants ; » le terme de saints s’appliquant à la vocation divine, et celui de croyants à l’acceptation de cette vocation. Mais Paul eût dit dans ce sens κλητοῖς, appelés, et non pas ἁγίοις, saints; car le terme de saints implique toujours l’acceptation de l’appel. Dans Colossiens 1.2 l’expression analogue signifie : « Consacrés à Dieu et cela par leur foi en Christ, » sens qui dans notre passage est rendu impossible pas les mots τοῖς οὖσι καὶ, qui sont aussi, Weiss explique : « Saints et participant par là aux promesses faites à la foi en Jésus-Christ. » Mais ni le contexte, ni l’expression τοῖς πιστοῖς ἐν Χριστῷ ne font penser aux promesses divines. Précédemment Encycl. de Herzog, t. XIX) Weiss entendait : « Aux saints (de l’ancienne alliance) qui sont aussi croyants en J.-C. » Mais ce sens impliquerait que la grande majorité des lecteurs étaient d’origine juive, ce que ne confirme pas l’épître. — Credner interprète : « Aux saints qui sont en même temps de vrais croyants, » c’est-à-dire des croyants pauliniens. Mais comment, dans une épître qui doit resserrer l’union entre les croyants ; Paul commencerait-il par les opposer ainsi les uns aux autres ?

Schneckenburger comprend le πιστοῖς. comme s’il y avait ὄντως πιστοῖς : « Aux saints qui sont en même temps de réels croyants, » des croyants fidèles et persévérants. Ce sens eût exigé une détermination plus précise ; et peut-on aux yeux de Paul être des saints sans être de vrais croyants ? — Matthies a proposé d’expliquer ainsi : « Aux saints qui sont (en Asie), dans le lieu où Tychique ira les visiter. » Ce sens est tout à la fois forcé et oiseux. Ces essais infructueux semblent démontrer la nécessité de maintenir dans le texte les mots : à Éphèse, en dépit des Pères susnommés et des deux plus anciens manuscrits. Mais il faut dans ce cas expliquer leur retranchement chez ces autorités très anciennes. On pourrait supposer que des copistes intelligents les ont retranchés parce qu’ils les jugeaient incompatibles avec les passages d’où il ressort que Paul ne connaissait pas personnellement les lecteurs (1.15 ; 3.2, 4) et que ce n’était pas lui qui leur avait annoncé l’Évangile (4.21). Mais comment dans ce cas échapper à cette contradiction elle-même qui doit avoir choqué les copistes ? Au point de vue de l’inauthenticité, on peut dire qu’il y a eu là une inadvertance du faussaire. Mais ce serait supposer qu’il ne connaissait pas le premier mot de l’histoire de Paul. Est-ce admissible ? — Michaëlis, Harless et d’autres ont pensé que, quoique l’adresse ne parle expressément que des chrétiens d’Éphèse, la lettre était destinée aussi à un certain nombre de communautés circonvoisines. Bèze « soupçonnait » déjà que « la lettre était envoyée non pas tant aux Éphésiens qu’à Ephèse, » d’où elle devait être communiquée à d’autres églises d’Asie. Mais si Paul n’avait ni fondé, ni visité ces églises, comment pouvait-il les réunir en une seule et même catégorie avec les chrétiens d’Éphèse, au milieu desquels il avait vécu pendant plusieurs années, et s’adresser à ces derniers comme s’ils étaient vis-à-vis de lui dans, la même position que les premiers ?

D’ailleurs il reste toujours à expliquer comment Marcion aurait pu intituler cette épître aux Laodicéens, si son exemplaire eut porté dans l’adresse les mots ἐν Ἐφέσῳ. Tertullien a supposé qu’il avait voulu par là se donner l’air d’un diligentissimus explorator. Mais c’est prêter un véritable enfantillage à un homme qui était pourtant un croyant sérieux. Et il reste à savoir si cette imputation ne suppose pas que Tertullien lui-même ne lisait pas les mots en question dans son propre exemplaire. Autrement il eût taxé Marcion, à ce sujet, non de prétention à une pédantesque exactitude, mais de frauduleuse altération. Credner et Laurent ont supposé que Tychique était porteur de deux exemplaires, l’un adressé à Éphèse, l’autre à Laodicée. Mais d’abord les passages qui impliquent l’absence de toute relation antérieure entre Paul et les lecteurs, ne s’expliquent pas mieux par cette hypothèse, et les salutations que Paul fait parvenir à l’église de Laodicée dans l’épître aux Colossiens, ne permettent pas de penser que dans le même temps il adressait une lettre spéciale à cette église. Cette même raison s’oppose aussi à l’hypothèse de Bleek, d’après laquelle Paul aurait adressé sa lettre à Laodicée, mais en chargeant le porteur de la faire lire auparavant à Éphèse, où on devait en garder copie.

Je pense avec le plus grand nombre des critiques actuels que ces difficultés doivent se résoudre d’une autre manière. Non seulement cette lettre ne peut pas avoir été adressée aux Éphésiens seuls, mais elle ne peut pas leur avoir été adressée du tout. Elle ne peut pas davantage l’avoir été aux Laodicéens seuls par les raisons que nous avons dites. Il ne reste qu’une supposition : c’est qu’elle était destinée à tout un cercle d’églises situées dans l’intérieur de l’Asie-Mineure et que Paul n’avait ni fondées, ni visitées. Quelles étaient ces églises ? Nous le comprenons par Colossiens 2.1, où Paul parle de plusieurs églises phrygiennes qui étaient à cet égard dans le même cas que Colosses. Parmi elles se trouvaient Laodicée et, d’après Colossiens 4.13, Hiérapolis, puis sans doute d’autres encore. Rappelons-nous le groupe des sept dans l’Apocalypse, puis toutes celles auxquelles Ignace écrivit en voyage : Magnésie, Trallès, etc. Ainsi s’explique l’absence de toute salutation et en général de toute indication spéciale et personnelle dans le contenu de cette lettre. Ainsi s’explique aussi ce singulier καὶ ὑμεῖς « afin que vous sachiez vous aussi » (Ephésiens 6.21), qui a été si étrangement mal compris par Reuss, Holtzmann et d’autres, et par lequel Paul fait allusion à d’autres lecteurs qui doivent aussi recevoir cette lettre par Tychique avec les mêmes informations qu’il y ajoutera.

Ainsi s’explique également le titre πρὸς Λαοδικέας, aux Laodicéens, dans le Canon de Marcion, L’exemplaire porté par Tychique devait être communiqué par lui à chaque église successivement, d’après un tour de rôle fixé par l’apôtre, ou bien copié à Éphèse en autant d’exemplaires qu’il était nécessaire. La dernière dans le tour était Laodicée. Marcion, trouvant cet exemplaire à Laodicée, put donc en toute bonne foi l’intituler comme il le fit. Le fait étrange d’une salutation adressée aux Laodicéens dans l’épître aux Colossiens s’explique naturellement de cette manière, puisque l’épître circulaire avait un caractère tout à fait général. Il faut insister ici sur les termes de la commission donnée par l’apôtre aux Colossiens : ils doivent se faire envoyer la lettre venant de Laodicée (ἐκ Λαοδικείας, Colossiens 4.15), et non une lettre aux Laodicéens.

Reste à expliquer comment les mots : à Ephèse, se sont introduits dans l’adresse et ont pu devenir avec le temps la leçon régnante. Tychique devait sans doute débarquer dans ce port de mer. Si l’on fit confectionner des exemplaires à remettre aux églises destinataires, ce fut certainement à Éphèse que fut fait ce travail et il est vraisemblable de penser qu’on y conserva aussi une copie de cet écrit important et que, comme cette ville était la métropole de l’Asie-Mineure et le port le plus à la portée de toutes les autres contrées, lorsque les diverses églises de la chrétienté voulurent en posséder aussi une copie, ce fut à Éphèse qu’elles s’adressèrent, plutôt qu’à l’une des églises de l’intérieur ou de quelque autre port. Ainsi il arriva que dans ces copies nombreuses provenant des archives de l’église d’Éphèse, le blanc primitif fut rempli en toute bonne foi par les mots que nous lisons dans les exemplaires ordinaires, tandis que quelques documents seulement conservèrent la forme de l’exemplaire primitif.

On pourrait appeler l’action de grâces qui suit, v. 3-14, une γλῶσσα, un discours en langue, interprété par l’apôtre lui-même. Il y célèbre le salut décrété et accompli par Dieu pour l’humanité. Il remonte, d’abord, jusqu’à la source première de cette œuvre de miséricorde, l’élection que Dieu a faite en Christ des futurs croyants et son dessein éternel de les adopter en son Fils bien-aimé (v. 3-6) ; puis il loue Dieu pour le sacrifice au moyen duquel le pardon nous a été acquis (v. 7), et il rend grâces pour la connaissance qui nous a été donnée de la pensée d’amour de Dieu à notre égard et de son vaste plan qui consiste à réunir non seulement les êtres terrestres, mais même les célestes en un seul corps ayant le Christ pour Chef (v. 8-10). Enfin, après avoir célébré ainsi l’œuvre divine depuis son origine céleste jusqu’à son terme futur, il se réjouit de ce que l’exécution en a déjà commencé en la personne de ces nombreux croyants juifs et païens qui, comme les lecteurs, ont été scellés de l’Esprit d’adoption et marqués pour le divin héritage (v. 11-14).

A cette action de grâces se joint une prière (1.15 à 2.10) pour les lecteurs, dont Paul a appris la conversion, afin qu’il leur soit donné de mesurer toute la portée de l’œuvre accomplie en eux par la foi, la grandeur de la force divine qui s’est déployée à leur égard et la beauté de l’espérance à laquelle leur donne droit ce changement. La puissance qui les a saisis, n’est rien moins que celle qui s’est déployée en Christ quand Dieu l’a tiré du tombeau et élevé, à travers tous les degrés de la hiérarchie céleste, jusque sur le trône divin, pour faire de lui à la fois le souverain universel et le Chef de l’Église destinée à posséder sa plénitude (v. 15-23). De même, lorsque, avec le reste du monde et comme les Juifs eux-mêmes, ils étaient plongés par le péché dans la mort spirituelle, Dieu les a tirés de ce tombeau en les associant par l’action de sa grâce à la résurrection, bien plus à l’ascension et au règne de Jésus, de sorte qu’ils sont désormais sauvés, réellement sauvés par la grâce d’une part, par la foi de l’autre, et que, par ce don gratuit du salut, créés de nouveau, ils peuvent marcher dans la voie des bonnes œuvres tracée devant eux par Dieu même. Les miracles accomplis en Christ, voilà donc la mesure de ceux que renferme et promet le changement opéré dans les croyants (2.1-10).

Ce préambule, plus étendu que d’ordinaire, rappelle celui de la 1re aux Thessaloniciens.

Le corps de l’écrit (2.11 à 6.20)

L’apôtre est préoccupé de deux pensées qu’il désire faire pénétrer dans le cœur de ses lecteurs : la grandeur de la grâce dont ils ont été les objets, et que fait surtout ressortir leur ancien état de païens ; et la hauteur de sainteté à laquelle ils doivent s’élever pour répondre dignement à la vocation divine qui les a arrachés à cet état.

La première de ces deux pensées est traitée dans la partie didactique (2.11 à 3.21) ; la seconde est l’objet de la partie pratique (4.1 à 6.20).

Partie didactique (2.11 à 3.21)

1. L’apôtre, pour faire sentir à ses lecteurs la grandeur de la grâce qui leur a été faite, leur remet devant les yeux le contraste entre leur état ancien et leur position nouvelle. Autrefois païens, ils étaient étrangers à l’alliance divine, sans Christ, sans promesses, sans Dieu, sans espérance (v. 11 et 12) ; aujourd’hui, ils se trouvent réunis à Israël par le renversement du mur de séparation, l’abolition, dans le Christ crucifié, de la loi qui s’interposait entre ce peuple et eux ; car ils ont été, et les Juifs et eux, réconciliés tous ensemble avec Dieu par le même sang qui a coulé pour eux tous, et ils ne forment plus désormais et les uns et les autres qu’un même corps spirituel, une humanité nouvelle ayant tout entière accès au même Père, par le même Christ, en un même Esprit (v. 16-18).

Voici donc le nouvel état de choses ; il n’y a plus désormais dans l’Église d’étrangers, d’habitants en simple séjour ; les croyants, quelle que soit leur origine juive ou païenne, sont dans la nouvelle Jérusalem des concitoyens, servant Dieu à un seul et même titre, des pierres vives dans le temple nouveau qui s’élève sur le fondement que posent les apôtres et prophètes (actuels) et dont Christ est la pierre angulaire (v. 19-22).

2. Comment, à la vue de cet édifice qui s’élève au sein de l’humanité et dans lequel Juifs et païens entrent indistinctement, Paul ne ferait-il pas un retour plein de gratitude sur celui qui a été choisi tout spécialement pour accomplir cette magnifique réunion ? Lui, ce pauvre prisonnier, qui écrit ces lignes, il a été jugé digne de recevoir la révélation de ce plan admirable qu’il vient d’esquisser à leurs yeux ; ce mystère, si longtemps caché, de l’adoption des païens, c’est lui-même qui a reçu maintenant la tâche de le réaliser, lui, le moindre d’entre les fidèles, et d’accomplir ainsi une œuvre dont le spectacle révèle aux intelligences célestes des merveilles toujours nouvelles et diverses de la sagesse divine (3.1-12). Aussi les croyants païens ne doivent-ils point rougir des souffrances auxquelles leur apôtre est exposé pour cette grande cause ; ils doivent plutôt s’en glorifier. Pour lui, dans sa prison, il fléchit en ce moment même le genou devant le Père céleste dont la paternité s’étend à toute famille dans l’univers, pour qu’il accorde à ses lecteurs, les croyants d’entre les païens, cette double grâce : l’accroissement constant de leur force spirituelle par l’habitation de Christ en eux et leur affermissement dans la charité, par lequel se dévoilera toujours mieux à leurs regards l’immensité de l’édifice divin, de l’œuvre du salut, dans toutes ses dimensions du temps et de l’espace, ainsi que l’amour insondable du Christ qui n’arrivera à son but que lorsqu’ils seront tous remplis de la plénitude de Dieu. Voilà ce que Paul prisonnier demande pour eux à genoux, sachant bien que Dieu opérera dans l’Église plus que tout ce qu’il peut demander et dire (v. 13-21).

Si c’est là ce que Dieu a fait pour eux, que feront-ils à leur tour ? C’est ce que dira la seconde partie de la lettre.

Partie pratique (4.1 à 6.20)

Noblesse oblige. Honorés de l’appel divin, ils doivent y répondre dignement, d’abord comme église, puis comme individus, enfin comme familles chrétiennes.

I. Comme église. (4.1-16)

1. Ils doivent avant tout travailler à maintenir l’unité du corps, en réprimant pour cela tous les mouvements d’amour-propre, de ressentiment, d’égoïsme qui troubleraient l’union, afin d’être fidèles à l’unité d’Esprit, d’espérance, de Seigneur, de foi, de baptême, de Père, sur laquelle repose l’Église (v. 1-6).

2. Ils doivent ensuite consacrer les dons divers qu’ils reçoivent chacun, selon la mesure de la grâce qui lui est donnée, à la croissance normale de l’ensemble du corps de Christ, dont ils sont les membres. Quand l’Éternel descendait de Sion à la tête des armées d’Israël, il faisait parmi les peuples vaincus des captifs qu’il ramenait, et qui étaient employés au service du temple ; ainsi Jésus est descendu jusqu’à ce qu’il y a de plus bas, pour remonter à la plus haute place, d’où il distribue ses captifs en dons vivants à l’Église, les uns comme apôtres, les autres comme prophètes — ce sont les fondateurs de l’Église, — les autres comme évangélistes — ce sont ceux qui en étendent les limites, les missionnaires, — les autres comme pasteurs et docteurs — ce sont ceux qui travaillent à son perfectionnement intérieur, — de sorte que tous les saints soient formés à l’accomplissement d’une tâche pour l’édification du corps entier, qu’il n’y ait pas de divisions et que le corps de Christ, croissant par tous ces canaux de la communication divine, atteigne la pleine stature conforme à la perfection de son Chef (v. 7-16).

II. Comme individus. (4.17 à 5.20)

En contraste avec le sombre tableau de leur conduite païenne précédente, l’apôtre trace celui de la vie nouvelle que doit produire chez eux la connaissance du Christ qui leur a été fidèlement transmise. Il résume, comme dans l’épître aux Colossiens, et déjà dans Romains ch. 6, cette vie nouvelle en deux traits : le vieil homme à dépouiller, v. 17-24, et le nouvel homme à revêtir, 4.25 à 5.20. Seulement il n’oppose pas en masse, comme dans l’épître aux Colossiens, l’homme ancien à l’homme nouveau ; il établit huit antithèses dans lesquelles il oppose séparément chaque membre de l’un au membre correspondant de l’autre :

III. Comme familles. (5.21 à 6.9)

Le trait général est énoncé v. 21 : c’est la subordination mutuelle, en considération de ce Christ qui est l’âme de la vie de la famille, comme de celle de l’Église et de celle de l’individu.

Et d’abord, la relation centrale, celle du mari et de la femme : de la part de l’une, soumission respectueuse ; de la part de l’autre, amour tendre, ayant en vue le salut de celle qui est pour lui comme un second lui-même ; car dans cette relation sacrée se reflète le grand mystère de la foi ; celui de l’abaissement du Christ qui a quitté son Père pour s’unir à l’Église (v. 22-33).

Puis le premier cercle formé autour de ce centre : la relation des parents et des enfants ; de la part de ceux-ci, obéissance filiale dictée par celle qui est due au Seigneur ; de la part de ceux-là, éducation pleine de fermeté, mais exempte de dureté (6.1-4).

Enfin le second cercle plus extérieur encore : la relation des maîtres et des esclaves ; de la part de ceux-ci, fidélité partant du cœur qui a toujours en vue le Maître divin ; de la part de ceux-là, modération dans l’exercice d’un pouvoir dont ils rendront compte à leur propre Maître (v. 5-9).

IV. L’Église militante. (6.10-20)

La tâche de l’Église ici-bas ne s’accomplit pas sous la forme d’un simple progrès Elle nécessite une lutte, lutte non seulement avec les penchants mauvais du cœur et avec l’inimitié du monde, mais avec l’adversaire invisible qui attise la violence de ces ennemis naturels. Pour ce combat surhumain, les fidèles doivent se revêtir de l’armure surnaturelle dont Dieu a pourvu l’Église. L’apôtre décrit le croyant comme un de ces soldats romains connus et redoutés, tels qu’il en a un à son côté au moment où il écrit : ceint de la vérité en Christ, cuirassé de la justice qu’il tire de lui, chaussé, comme d’un brodequin, du zèle à répandre l’Évangile de paix, opposant le bouclier de la foi en la Providence aux projectiles enflammés du malin, s’avançant intrépidement dans la vie couvert du casque de l’assurance du salut, attaquant l’adversaire par la Parole dont l’Esprit fait une épée acérée, appelant par la prière la bénédiction sur la lutte soutenue par l’armée entière et particulièrement sur la personne de celui que Dieu a placé à sa tête et qui, captif, préside encore dans les chaînes au glorieux combat de la foi.

Conclusion (6.21-24)

Elle se réduit ici à peu de chose, par la raison surtout que Tychique était chargé des communications personnelles de Paul aux lecteurs. — Le καὶ ὑμεῖς, vous aussi, a été expliqué plus haut ; il provient de la destination de la lettre à une pluralité d’églises. — Le vœu final est adressé aux lecteurs avec tous ceux qui aiment sincèrement le Seigneur et forment avec eux la véritable Eglise. Ainsi se termine, comme dit Schaff, « l’épître à l’Église sur l’Église. » Elle sait maintenant pour toujours ce qu’elle est dans la pensée de Dieu et ce qu’elle doit devenir et faire, dans la communion de son Chef, pour répondre à sa sublime destination.

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