Les épîtres de Paul

2.
Contenu des trois épîtres

A. Première épître à Timothée

Cette lettre comprend, comme les autres, une adresse, 1.1-2 ; la tractation du sujet, 1.3 à 6.19, et une courte sommation finale avec un vœu (6.20-22).

L’adresse.

On a trouvé étrange le titre d’apôtre dans une lettre d’un caractère privé. Mais c’est de l’administration de l’Église qu’il s’agit ici, et c’est comme apôtre que Paul va donner à son disciple des règles sur un tel sujet. — Le titre de Sauveur donné à Dieu, quoique ne se trouvant pas ailleurs chez Paul, n’a rien d’étrange de la part de celui qui a écrit ces mots, 2 Corinthiens 5.18 : « Tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ. » Il en est de même du mot ἔλεος, compassion, intercalé ici entre grâce et paix. Le ciel s’est assombri, l’orage menace ; la tâche des conducteurs de l’Église devient de plus en plus grave ; ils ont besoin non seulement de la paix divine, mais de toutes les tendresses de la compassion céleste. Nous avons vu que chaque adresse de lettre chez Paul est différemment formulée de manière à s’adapter à la situation des lecteurs.

Le corps de l’épître.

L’Église et le serviteur de l’Église (Timothée) : tels sont les deux sujets traités ; le premier dans les trois premiers chapitres, le second dans les trois derniers.

I. L’Église (1.3 à 3.16).

La bonne marche de l’Église repose sur l’intelligence de la vraie relation entre la loi et l’Évangile — c’est le sujet du ch. 1, — sur le culte pieusement célébré — c’est le sujet du ch. 2, — enfin, sur les deux charges du presbytérat et du diaconat saintement administrées, 3.1-13. Cette partie se termine par un coup d’œil (v. 14-16) sur la beauté et la grandeur du rôle de l’Église au milieu du monde.

1.) Ch. 1. La loi et l’Évangile. — L’apôtre a remis à Timothée la tâche de lutter à Éphèse contre la propagation d’un enseignement futile et malfaisant qui fausse le rapport entre la loi et l’Évangile.

La première phrase est étrange, soit que l’on prenne l’expression ἵνα παραγγείλης comme verbe principal, l’équivalent d’un impératif, ou, ce qui est le plus naturel, que l’on fasse dépendre le ἵνα, afin que, de παρεκάλεσα, je t’ai exhorté, en admettant l’ellipse du verbe sous-entendu : Je t’exhorte maintenant de nouveau de la même manière.

L’enseignement auquel doit s’opposer Timothée est caractérisé d’abord comme différent de celui de l’apôtre (ἑτεροδιδασκαλεῖν), expression moins forte que s’il s’agissait d’une doctrine entièrement opposée à l’Évangile ; puis il est désigné sous le nom de mythes et de généalogies interminables. Le premier de ces termes pourrait désigner des légendes païennes associées à l’Évangile ; mais, d’après ce qui suit, ces mythes font partie d’un enseignement judaïque, de caractère légal, ce qui s’accorde avec l’expression de mythes judaïques (Tite 1.14). Il s’agit donc de ces subtiles légendes rabbiniques par lesquelles l’imagination cherchait à éclaircir certains faits obscurs de l’histoire sacrée, ainsi la lutte de l’archange Michel avec Satan au sujet du corps de Moïse, ou la dispute entre les pierres dont Jacob avait fait le soir son chevet et qu’il met d’accord la nuit en les fondant en une seule (ce qui doit expliquer la substitution du pluriel au singulier, Genèse 28.11, 18), etc., etc. Le second terme est en relation trop étroite avec le premier pour désigner, comme on l’a cru, les séries d’émanations divines dans les systèmes gnostiques. Nous sommes dans le domaine juif ; il s’agit donc de filiations angéliques. Nous savons que les livres secrets des Esséniens renfermaient des révélations sur les mystères du monde céleste et particulièrement sur les noms des anges. L’épithète d’interminables ne permet pas de penser avec plusieurs aux généalogies de la Genèse, que les faux-docteurs auraient allégorisées à la façon de Philon ; elle s’applique naturellement à un domaine supérieur, où l’imagination pouvait s’ébattre sans limites. Nous rencontrons ici un judéo-christianisme semblable à celui des faux docteurs de Colosses, mais le dépassant évidemment. Bien loin de contribuer à développer la vraie foi dans l’Église, ces enseignements ne font que soulever des discussions stériles (v. 3-5).

Dans le passage suivant, les faux-docteurs sont appelés soi-disant docteurs de la loi (θέλοντες εἶναι νομοδιδάσκαλοι), qui ne comprennent pas eux-mêmes le sujet sur lequel ils prétendent enseigner les autres ; ils veulent faire de la loi le soutien de la vie chrétienne, et ne comprennent pas qu’elle est à l’usage des vicieux, pour leur faire mettre le doigt sur leur péché que l’Évangile seul peut guérir (v. 6-10).

Ce salut, dont Paul a reçu d’en-haut la connaissance, il en est lui-même l’exemple en quelque sorte prototypique ; ayant été, lui, le plus grand des pécheurs, il est appelé à fournir, pour les croyants de tous les temps, l’exemple le plus éclatant de la miséricorde divine, à la gloire du Dieu éternel (v. 11-17).

C’est là l’enseignement que Timothée a reçu de Paul et qu’il doit transmettre à l’Église, conformément aux prophéties par lesquelles il a été introduit dans sa mission, se gardant d’imiter deux hommes connus de lui, Hyménée et Alexandre, que l’apôtre a dû livrer au pouvoir de Satan pour faire cesser leurs blasphèmes (v. 18-19). Il ne faut pas confondre ces deux hommes avec les faux-docteurs que Timothée doit combattre à Éphèse et à qui l’apôtre a reproché simplement l’inanité de leurs discours.

2.) Ch. 2. De la doctrine l’apôtre passe au culte.

Il parle d’abord de l’acte de la prière, qui en est le centre. Il recommande d’y joindre l’intercession en faveur de tous les hommes, spécialement des autorités établies dans l’État, afin qu’elles accordent à l’Église la liberté dont elle a besoin pour réaliser ici-bas son œuvre de paix (v. 1-2). Cette intercession pour les autorités répond à la pensée de Dieu, qui veut le salut de tous. Car Dieu est un, le même pour tous, et Christ, homme et médiateur, a donné sa vie en rançon pour tous les hommes ; c’est là le message dont Paul a été spécialement chargé. — Peut-être cette recommandation de veiller à ce que les chrétiens intercèdent en faveur des magistrats, est-elle en rapport avec une époque prévue de persécution ; c’est le moment pour les chrétiens de demander à Dieu d’inspirer aux autorités de l’État des sentiments de justice et de bienveillance. Mais, en même temps, c’est pour tous les hommes que les fidèles doivent élever leurs mains continuellement et en tous lieux avec un cœur pur de tout ressentiment pour les injustices dont ils peuvent être les objets (v. 1-8).

L’apôtre ajoute une recommandation spéciale relativement à la tenue des femmes dans le culte : simplicité dans le vêtement et silence plein de modestie. L’exemple d’Eve doit leur montrer combien elles se laissent facilement séduire par leur imagination. La plus sûre condition de salut pour elles, c’est la simple vie de famille, où elles peuvent se livrer modestement à la pratique de toutes les vertus chrétiennes (v. 9-15). Ce chapitre prouve qu’à l’époque où cette lettre fut écrite, tous les fidèles avaient encore le droit de parler et de prier dans le culte. Autrement, il n’eût pas été nécessaire d’interdire la parole aux femmes.

3.) 3.1-13. Le ministère.

De l’Évangile au culte et, du culte au ministère, la transition est naturelle. Deux charges constituaient alors le ministère régulier (Philippiens 1.1), l’épiscopat et le diaconat. Déjà dans l’église de Jérusalem, nous avons rencontré un conseil d’Anciens (Actes 11.30 ; 15.4 ; 21.18), que nous trouvons également établi par Paul et Barnabas en Asie-Mineure (Actes 14.23 ; 20.17, 28). Ces Anciens portent aussi le nom d’évêques, c’est-à-dire surveillants, et implicitement celui de pasteurs (paissez…). A côté de ce ministère est institué déjà à Jérusalem un office destiné à l’assistance des pauvres (Actes ch. 6), qui ne porte pas encore le nom de diaconat, mais que nous retrouvons à Philippes sous ce titre (Philippiens 1.1), comme déjà à Corinthe sous celui d’αντίληψις (1 Corinthiens 12.28), et, pour les femmes, sous celui de διάκονος (Romains 16.1). Lors même que l’épiscopat et le diaconat étaient déjà établis dans les églises d’Asie, de nouveaux élus devaient continuellement remplacer ceux qui venaient à manquer ; d’ailleurs de nouvelles communautés se formaient. Il était donc utile de donner des directions pour le choix de ces fonctionnaires.

a) L’épiscopat (v. 1-7). Le mot ἐπίσκοπος, au singulier, est collectif et ne prouve aucunement qu’il s’agisse ici de l’évêque unique au sens du second siècle ; comparez Tite 1.7, où la qualification morale de l’évêque est présentée comme la condition à observer dans l’élection des anciens (πρεσβύτεροι), v. 5, ce qui prouve leur identité. Où retrouver d’ailleurs les πρεσβύτεροι dont parle 5.17, s’ils n’étaient pas compris ici dans le terme collectif d’évêque.

Les qualités requises sont plutôt des conditions négatives que des postulats positifs. Paul énumère les défauts qui doivent rendre les membres de l’Église inéligibles. On a cru souvent que par l’expression : mari d’une seule femme, il voulait exclure ceux qui avaient contracté un second mariage, et l’on a trouvé là l’indice d’un sentiment qui s’exprime plus énergiquement au second siècle. Mais, dans notre épître même, l’auteur recommande aux jeunes veuves de se remarier (5.14). Le second mariage n’a donc à ses yeux rien de contraire à la pureté morale ; comparez 1 Corinthiens 8.39 ; Romains 7.1.2. L’expression « mari d’une seule femme » ne serait pas même correcte dans le sens qu’on prétend lui donner, puisqu’une femme morte n’est plus une épouse. Il faut donc appliquer ces mots aux cas où il y aurait eu relation illicite prolongée ou à ceux où la première femme vivrait encore après une séparation conjugale. Jésus aussi appelle un second mariage dans ces conditions un adultère (Matthieu 19.9). Comme cette règle est par là même applicable à tous les fidèles, il n’y a aucune raison de voir ici l’idée postérieure d’une sainteté cléricale particulière.

La qualité exprimée par le mot διδακτίκος, capable d’enseigner, a dans ce passage une grande importance. Nous savons par les épîtres du troisième voyage que, dans les premiers temps, c’était aux dons libres qu’appartenait la tâche de l’alimentation spirituelle de l’Église. Mais dans ces épîtres mêmes (Corinthiens, Romains) nous voyons déjà l’importance de ces dons diminuer ; dans celles de la captivité plus encore. Dans celle aux Philippiens, il n’en est plus parlé ; ce sont les charges (évêques et diacres), qui paraissent jouer le rôle principal. — L’office d’édifier l’Église n’est point encore attribué ici à l’évêque, sans doute ; mais il doit, dès maintenant, être choisi de manière à pouvoir le remplir.

b) Les diacres (v. 8-13). La nature de cette charge fait qu’elle exige moins des dons spéciaux que des qualités morales. Il n’est plus parlé de la capacité d’enseigner, mais uniquement de conditions exigibles en réalité de tout vrai membre de l’Église : une foi pure et sincère, et le désintéressement, qualité particulièrement nécessaire chez celui qui est chargé de l’administration des deniers du pauvre. Comme le diacre doit posséder la confiance générale, un bon témoignage doit être rendu au candidat par tous les frères (v. 10). A ces qualités personnelles des diacres, doivent s’ajouter celles de leurs femmes. Les fonctions de leurs maris, mettant ceux-ci en relation avec la vie intime de bien des familles, leurs femmes doivent être tout particulièrement exemptes de médisance (v. 11). Le contexte ne permet pas de rapporter le terme γυναῖκες, les femmes, v. 11, aux diaconesses.

L’expression maris d’une seule femme (v. 12) signifie, comme au v. 2, d’une seule femme actuellement vivante. Le v. 13 fait espérer aux diacres fidèles et consciencieux un avancement, dans la confiance de l’Église et par là sans doute l’accès au presbytérat.

4.) 3.14-16. Après avoir terminé ces instructions sur l’Évangile, sur le culte et sur le ministère chrétien, l’apôtre en fait ressortir l’importance, en remettant devant les yeux de son disciple la grandeur incomparable de l’Église qu’il est appelé à servir.

Il espère venir le rejoindre bientôt, mais il n’a pas voulu tarder à lui donner ces instructions ; car l’Église est tout ensemble ici-bas la demeure du Dieu vivant et la colonne qui tient haut élevé le sublime mystère de l’incarnation avec tous les miracles qu’il renferme (v. 14-16).

On a conclu du parallélisme, qu’il est aisé de remarquer dans les six propositions du v. 16, que Paul citait dans ce passage un fragment d’un ancien hymne chrétien. La symétrie de ces propositions, deux par deux, est en effet le trait distinctif de la poésie hébraïque.

Nous venons de voir Timothée appelé à fonctionner comme substitut apostolique, pour mettre l’Église en état de subsister indépendamment de l’apostolat ; nous allons le voir travaillant en qualité de pasteur au sein de la grande église qui lui est temporairement confiée.

II. Timothée, le serviteur de l’Église (4.1 à 6.19).

Dans cette seconde partie, l’apôtre rappelle à Timothée ses obligations personnelles, dans la tâche pleine de responsabilité qui lui est confiée auprès des différents membres de l’église d’Éphèse. Et d’abord : ses devoirs en face des dangers dont la menacent les faux-docteurs (ch. 4) ; puis la conduite qu’il a à tenir envers les différentes classes de personnes qui composent son troupeau (5.1 à 6.2) ; enfin, le contraste qu’il doit y avoir entre son ministère et celui des faux-docteurs, spécialement au point de vue du désintéressement (6.3-19).

1.) Ch. 4. La lutte contre la fausse doctrine qui menace l’Église.

Ce danger est signalé par les prophètes, qui annoncent pour les temps qui vont suivre le déchaînement d’un souffle diabolique. Sous l’apparence d’une sainteté supérieure se répandront dans l’Église des enseignements pernicieux, interdisant, le mariage et recommandant l’abstinence de certains aliments, comme si ce n’était pas Dieu lui-même qui avait créé toutes choses afin qu’on en jouisse avec actions de grâces, en en sanctifiant l’usage par la lecture de sa Parole et par la prière. — Assurément les prophètes de la primitive Église ne parlaient ainsi que parce qu’ils remarquaient déjà les premiers symptômes du mal. Nous les avons constatés à Rome (Romains ch. 14) et à Colosses (Colossiens 2.20-23). Au fond de ce faux ascétisme, on discerne aisément le principe dualiste qui s’est accentué plus tard (v. 1-5).

Un tel état de choses impose à Timothée deux devoirs : le premier, c’est de combattre cette tendance malsaine dans son principe, en rappelant aux frères les vrais enseignements de la foi, qui excluent ces vaines pratiques ascétiques aussi bien que les absurdes légendes sur lesquelles on cherche à les appuyer (v. 6-8). Il doit affronter les souffrances et les affronts que lui attirera une telle conduite, mettant son espérance dans le Dieu vivant qui veut le salut de tous et qui a un soin particulier des siens (v. 9-11). Le second siècle de l’Église a justifié ces appréhensions des prophètes apostoliques, par le déploiement des tendances ascétiques souvent unies à un grand débordement d’immoralité.

Le second conseil se rapporte à ce que Timothée doit faire pour exercer cette influence salutaire attendue de lui ; avant tout, rendre sa jeunesse respectable par les vertus dont elle est ornée (v. 12). Timothée pouvait avoir alors trente et quelques années. Rien dans les usages grecs n’empêche qu’il ne soit désigné comme jeune homme. Chez les anciens, un homme entre trente et quarante ans est encore appelé ainsi. — Il doit en même temps vaquer avec assiduité aux fonctions de son ministère, en particulier à la lecture, évidemment de l’Ancien Testament, dans les assemblées, lecture suivie de l’exhortation et de l’enseignement ; et pour cela il doit travailler au rafraîchissement constant de sa propre vie spirituelle et de son don d’évangélisation. Ce don précieux lui a été communiqué dans un acte solennel dans lequel les Anciens de Lystres lui imposèrent les mains et des bouches prophétiques le désignèrent pour sa mission. C’est à cette même cérémonie que Paul fait allusion 2 Timothée 1.6, où nous voyons qu’il lui imposa aussi lui-même les mains. — Les v. 15 et 16 insistent fortement sur l’importance de ces exhortations (v. 9-16).

2.) 5.1 à 6.2. Recommandations quant aux relations de Timothée avec les diverses classes de personnes dont se compose son église actuelle.

a) Avec les hommes, vieux et jeunes ; égards respectueux ; relations fraternelles (v. 1).

b) Avec les femmes, âgées et jeunes ; respect ; pureté (v. 2).

c) Avec les veuves. Deux devoirs, selon les cas : honorer, τιμᾷν (v. 3-8), et mettre sur le rôle, καταλέγεσθαι (v. 9-16). Le premier devoir s’applique aux veuves restées solitaires, par manque d’enfants, de petits-enfants ou de parents qui puissent prendre soin d’elles. Le terme d’honorer renferme naturellement le devoir de l’assistance (comparez τιμᾷν Matthieu 15.5) ; Timothée doit veiller à ce que ce devoir soit rempli par l’église (v. 3-5). A cette veuve, vraiment veuve, qui met tout son espoir en Dieu, est opposée (v. 6-7) la veuve frivole et légère, qui peut subvenir à ses besoins par son travail et sur la conduite de laquelle il importe de veiller. Le v. 8 se rapporte au devoir des parents qui ont dans leur famille des veuves indigentes et ne doivent pas les laisser tomber à la charge de l’église.

Dès le v. 9, l’apôtre passe au second devoir. Il ne s’agit plus seulement d’honorer et d’assister ; il est ici question uniquement des veuves âgées (sexagénaires), ayant mené comme femmes une vie honorable et exercé au sein de l’église l’hospitalité et la bienfaisance. Celles-ci doivent être inscrites sur un rôle, comme revêtues d’une dignité particulière et d’une sorte de ministère. Au ch. 2 de l’épître à Tite, v. 3-5, est décrite l’influence bienfaisante que de telles matrones étaient appelées à exercer sur leurs jeunes sœurs. En Crète, où l’église était encore en formation, cette action éducatrice n’a absolument rien d’officiel ; à Éphèse, où l’église existait dès longtemps, on voit poindre une charge possédant une sanction ecclésiastique. Mais Timothée doit bien se garder de donner une telle position à de jeunes veuves, légères, curieuses et bavardes ; celles-ci, comme l’ont déjà montré de tristes exemples, doivent bien plutôt rentrer par un second mariage dans la vie de famille (v. 11-15). Naturellement les veuves âgées, à qui est confiée une tâche honorable dans l’église, doivent être entretenues par elle, à moins qu’elles n’aient des proches moralement tenus à pourvoir à leurs besoins (v. 16).

Baur a cru pouvoir donner au mot veuve, dans ce passage, un sens ecclésiastique, technique. Il s’agit, selon lui, d’un emploi féminin dont on trouve des traces au second siècle, par exemple dans la lettre d’Ignace aux Smyrniens, ch. 13 : « Je salue les maisons de mes frères avec leurs femmes et leurs enfants et les vierges (παρθένοι) appelées veuves (χῆραι). » Zahn (dans l’édition des Pères apostoliques, Fascic. 2) a fait voir les difficultés de cette expression et proposé une correction du texte. Il me paraît que ces mots s’expliquent si l’on admet que le terme de veuve était parfois, à ce moment-là, employé honorifiquement pour désigner des jeunes filles qui s’étaient vouées au célibat d’après le conseil de Paul (1 Corinthiens ch. 7). En tout cas, ce sont des παρθένοι, des vierges, ayant pour une raison ou pour une autre le titre de veuves, et non, comme dans notre épître, des veuves réelles ayant eu mari (ἑνός ἀνδρὸς γυνή) et pouvant avoir fils et petit-fils.

d) Avec les presbytres (v. 17-22). A la conduite de Timothée envers les veuves, dont un certain nombre ont une position semi-officielle, se rattache la manière dont il doit agir et diriger l’action de l’église à l’égard des presbytres. Trois directions : la première (v. 17-18) porte sur la manière dont l’église doit témoigner sa reconnaissance aux presbytres qui se sont bien acquittés de leur office, surtout si à l’action administrative ils ont joint le travail de la prédication et de l’enseignement. L’église doit leur montrer un redoublement de respect, et, le v. 18 le prouve, pourvoir à leur entretien ; car ils ont nécessairement dû négliger leurs propres affaires pour celles de l’église. De ce que l’auteur joint une parole de Jésus à celle qu’il tire, en la désignant comme scripturaire, du Deutéronome, il ne suit nullement qu’il donne le titre de γραφή à l’évangile de Luc dans lequel cette parole de Jésus est rapportée.

Il est évident que les fonctionnaires désignés ici comme presbytres ne peuvent être autres que ceux qui étaient désignés 3.1 comme évêques. Le terme de présider se retrouve dans les deux passages, comme celui qui désigne leur fonction (v. 17 et 3.4-5).

La seconde direction (v. 19-21) porte sur la manière de procéder envers les presbytres soupçonnés ou convaincus de quelque tort. Les pasteurs sont souvent exposés à la calomnie. Timothée ne doit donc pas permettre à l’église d’agir contre eux sur la dénonciation d’un seul témoin. Deux témoignages au moins doivent motiver une démarche aussi grave. Le coupable doit être repris devant tous ses collègues, pour qu’ils apprennent à veiller sur eux-mêmes. Dans l’accomplissement de cette tâche, le cœur doit être pur de toute partialité pour ou contre, et être dominé par le sentiment de la présence de Dieu, de Christ et des anges.

Le troisième devoir (v. 22) est relatif à la consécration du presbytre. L’élection est supposée faite conformément aux conditions posées 3.1-7. Il s’agit ici de l’acte final, décisif, par lequel l’élu est installé dans sa charge. En l’accomplissant à la légère, on se rend solidaire des péchés qui résulteraient d’un pastorat mal exercé.

e) Cette recommandation disciplinaire à l’égard des presbytres amène l’apôtre à parler à Timothée de la discipline qu’il exerce sur lui-même. Il n’ignore pas les privations que s’impose son jeune ami, celle du vin, par exemple, et il craint qu’il ne les exagère. Comme il y a des péchés connus et des péchés cachés qui ne viendront au jour que dans le jugement, il y a aussi des bonnes œuvres que chacun vante et d’autres qui seront seulement dévoilées alors (v. 23-25). Après cette petite digression, l’apôtre reprend son énumération.

f) Avec les esclaves (6.1-2). Partout l’Église s’était recrutée dans cette classe de la société ; souvent même les esclaves remplissaient des offices ecclésiastiques. Les serviteurs chrétiens ne doivent pas abuser de l’égalité qu’établit entre eux et leurs maîtres la fraternité spirituelle ; leur zèle dans l’accomplissement de leurs devoirs doit au contraire s’accroître par l’amour dont ils sont les objets.

3.) 6.3-19. Le désintéressement, qui doit distinguer la conduite de Timothée de celle des faux-docteurs et, à cette occasion, un mot relativement aux riches. Enflammés de l’amour du gain, les faux-docteurs ne se servent de la religion que pour se livrer à des discussions stériles, qui conduisent même jusqu’au blasphème. Au lieu de se contenter du nécessaire, ils veulent s’enrichir et tombent ainsi dans la perdition, car la cupidité est une source de tous maux (v. 3-10).

La conduite de Timothée doit contraster avec la leur. Pour le lui faire sentir, Paul l’appelle homme de Dieu ! Il doit tourner le dos à ces choses viles, livrer le saint combat de la foi contre le péché, s’efforcer de saisir la couronne de la vie éternelle. Le ton de l’apôtre s’élève par degrés. Cette vie, il a fait profession de la posséder, lorsqu’il a reçu sa mission devant une nombreuse assemblée. En lui rappelant ce moment solennel, l’apôtre l’adjure par le Dieu qui renouvelle les forces de ses serviteurs fatigués et par le Christ qui n’a pas renié la vérité devant Pilate, de se maintenir toujours irréprochable jusqu’à l’avènement du Christ, du Seigneur des seigneurs, que réalisera en son temps, du sein de l’inaccessible lumière où il habite, le Dieu objet de tout hommage, source de toute force (v. 11-16).

Après cette sommation magnifique, l’apôtre ajoute un dernier mot, que l’on a appelé avec quelque raison un post-scriptum (Reuss). Ce qu’il vient de dire à Timothée à l’égard du noble désintéressement qui doit caractériser sa conduite, lui inspire cette parole sur sa conduite envers les riches, dont il y avait un grand nombre sans doute dans l’église d’Éphèse. Il doit leur recommander l’humilité, la confiance en Dieu seul, la bienfaisance et la générosité ; car l’amour sera la richesse du ciel (v. 17-19).

Conclusion. (6.20-21).

Elle est courte et paraît comme l’effet d’une inspiration subite : « O Timothée ! s’écrie ému le vieil apôtre. La vérité du salut t’a été confiée ; garde-la comme un dépôt sacré, écartant tous les enseignements qui se présentent avec un renom de sagesse, mais qui ne sont que des fables frivoles par lesquelles plusieurs se laissent séduire ! »

Les antithèses dont parle ici l’apôtre étaient sans doute des antinomies, dans le domaine de la science religieuse, que les faux-docteurs se plaisaient à énoncer, pour faire briller les solutions ingénieuses qu’ils savaient en donner, solutions qui renversaient souvent les vérités de la foi (v. 20-21).

La salutation finale est adressée, d’après le Sinaïticus, l’Alexandrinus et le Porfirianus, à toute l’église : « La grâce soit avec vous » ; d’après la leçon gréco-latine, la Peschito et presque tous les minuscules, à Timothée seul : « soit avec toi ! » Si, d’un côté, il est assez naturel qu’on ait changé le vous en toi, il ne l’est pas moins, de l’autre, qu’on ait fait l’inverse. Car dans les deux autres Pastorales, la salutation finale s’adresse indubitablement à l’église entière.

A la première lecture de la critique que Schleiermacher a faite de cette lettre, on est surtout frappé du reproche d’incohérence. Mais à une étude plus approfondie, cette apparence se dissipe plus ou moins complètement, comme nos lecteurs peuvent en juger. Cet écrit comprend deux parties : la première se rapporte à la marche générale que Timothée, comme délégué apostolique, doit imprimer à l’église ; elle traite de quatre sujets : l’Évangile, le culte, le ministère, l’église elle-même (ch. 1 à 3) ; la seconde se rapporte à la manière dont il doit, comme pasteur temporaire, travailler à écarter de l’église la fausse doctrine, se conduire envers les différentes classes de membres dont elle se compose et se distinguer tout particulièrement des faux docteurs par sa conduite désintéressée (ch. 4 à 6). Cette disposition naturelle est à peine troublée par quelques digressions qui sont dans la nature du style épistolaire.

B. Épître à Tite

Trois parties :

L’adresse est remarquablement développée et a quelque analogie avec celles de l’épître aux Romains et de la 1re épître de Jean. Paul n’écrit pas à Tite une lettre d’ami. En sa qualité d’apôtre, il lui donne, comme à son substitut, les instructions nécessaires pour l’organisation de l’Église et l’impulsion à lui imprimer. De là le développement remarquable de l’adresse (v. 1-4).

C’est au service de Dieu, et comme mandataire de Jésus-Christ, pour amener à la foi ceux que Dieu a préconnus et les former par la connaissance du salut à la piété qui doit les conduire à la vie éternelle, que Paul écrit ces lignes. Dieu, en effet, après avoir révélé sa Parole, lui en a confié la prédication. Il écrit à Tite, son fils spirituel, en raison de cette foi commune qui les unit.

Le corps de la lettre se rapporte d’abord au soin de l’Église en général (ch. 1), puis à la conduite de Tite envers les diverses classes de personnes dont elle se compose (ch. 2) ; enfin à la relation de l’Église avec le monde (ch. 3).

I.) 1.5-16. Le presbytérat ou épiscopat ; sa tâche.

Le v. 7 montre avec évidence que le presbytre et l’évêque sont aux yeux de l’auteur une seule et même personne, désignée tantôt d’après le titre hébraïque, tantôt selon le mode grec. C’est ce ministère fondamental auquel l’apostolat lègue le soin de l’Église et que Tite doit établir dans les communautés chrétiennes nouvellement fondées en Crète. Paul l’a laissé pour cela dans cette île. Au v. 9 se retrouve l’idée qui était exprimée d’un mot dans 1 Timothée par le terme διδακτικός, propre à enseigner La nécessité de cette qualité chez l’évêque est démontrée par la double tâche qui lui incombe d’enseigner la vérité qui sauve et de fermer la bouche à de nombreux docteurs, sortant surtout des convertis du judaïsme, vains parleurs, qui, en vue d’un gain déshonnête, pénètrent dans les familles et les bouleversent, réalisant exactement le portrait qu’Épiménide, le poète national des Crétois, a tracé de ses compatriotes. Ces gens doivent être ramenés de cet état d’égarement où les ont jetés de vaines fables d’origine judaïque et dans lequel ils trouvent moyen de faire marcher ensemble des pratiques d’abstinence tout humaines avec la corruption du cœur et de la vie, affichant la connaissance de Dieu et le reniant par leurs œuvres.

Il est à remarquer qu’il n’est pas parlé des diacres ; cela tient sans doute à ce que les églises de Crète étaient beaucoup plus récentes que celle d’Éphèse.

II.) — Ch. 2. La conduite à exiger des différentes classes de membres :

a) Des hommes âgés : sobriété, prudence, charité, patience (v, 1-2).

b) Des femmes âgées : gravité dans toute la tenue ; sobriété ; bonne influence sur les jeunes femmes (v. 3-5).

c) Des jeunes gens : modération (v. 6) ; quant à Tite lui-même, qui appartient encore à cette classe : vie exemplaire ; enseignement pur ; parole irréprochable (v. 7-8).

d) Des esclaves : soumission ; fidélité propre à honorer l’Évangile (v. 9-10).

Cette belle tenue des membres de l’Église est seule conforme à la grande manifestation de la grâce divine par laquelle Dieu vient de faire briller son salut destiné à tous, et de laquelle doit résulter la disparition du péché envers Dieu, envers les hommes, envers nous-mêmes ; c’est là le moyen de se préparer à l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christd, qui s’est donné lui-même pour nous affranchir de tout mal et faire de nous le peuple de Dieu. C’est là le vrai enseignement que Tite doit maintenir fermement, se rendant en toute chose digne de respect (v. 11-15).

d – Si nous traduisons : « la gloire de notre grand Dieu et Sauveur J.-C, » et non : « du grand Dieu et de notre Sauveur, » nous le faisons par trois raisons : 1o Dans le second sens, il eût été plus correct de répéter l’article devant le substantif σωτῆρος ; 2o Jamais dans le N.T. l’épithète de grand n’est donnée à Dieu ; elle serait oiseuse. Il en est autrement dès que le terme de grand Dieu est appliqué à J.-C. 3o Jamais la Parousie n’est présentée comme l’apparition de Dieu lui-même. L’intuition contraire ressort même positivement de 1 Timothée 6.14-16.

Cette seconde partie répond à 1 Timothée 5.1-16. S’il n’est point parlé des veuves, cela tient sans doute à la même cause que la non mention des diacres (voir plus haut).

III.) 3.1-11. La relation de l’Église avec le monde.

Le mot ὑπομίμνησκε, rappelle-leur (aux chrétiens), montre que ce n’est pas là pour eux quelque chose de nouveau. Le premier devoir à leur inculquer est la soumission aux autorités de l’État ; le second, l’empressement à concourir au bien général ; le troisième, une conduite pleine de douceur envers leurs concitoyens non chrétiens. Une telle conduite est imposée au chrétien, d’un côté, par le souvenir de ce qu’il était autrefois lui-même, de l’autre, par l’amour miséricordieux que Dieu a fait éclater envers nous. S’il nous a sauvés et régénérés par le baptême et par l’effusion de son Esprit, ce n’est pas en raison de nos œuvres de justice, c’est en vertu de sa pure miséricorde, afin qu’après avoir reçu la grâce de la justification, nous devenions héritiers de la vie (v. 1-7).

L’Évangile ainsi résumé est « la parole certaine » (πιστὸς ὁ λόγος), que Tite doit proclamer avec autorité afin que les croyants s’appliquent aux bonnes œuvres, la seule chose vraiment, utile (v. 8). Quant aux investigations sur les généalogies et aux vaines disputes sur la loi, dans lesquelles se complaisent les faux docteurs, il est inutile de discuter avec eux sur de tels sujets ; le mal n’est pas dans l’entendement, mais dans le cœur. Il faut reprendre vertement une ou deux fois ces fauteurs de divisions, puis leur tourner le dos (v. 9-11).

La conclusion se trouve dans les v. 12-15. Deux recommandations : Paul se rend au nord de la Grèce et compte passer l’hiver à Nicopolis, soit la ville de ce nom qui se trouvait en Épire, soit celle qui se trouvait en Thrace. Tite doit venir l’y rejoindre, dès que sera arrivé pour le remplacer soit Artémas, soit Tychique. De plus, il doit prendre soin du légiste Zénas et d’Apollos, qui arriveront en Crète, et les pourvoir du nécessaire pour continuer leur voyage. Il est bon, remarque Paul, qu’à cette occasion les nôtres, nos chrétiens, apprennent à ne pas rester stériles en bonnes œuvres. Suivent les salutations, de la part de ceux qui entourent Paul, pour Tite et pour tous ceux qui leur sont liés par l’affection chrétienne. Les derniers mots : La grâce soit avec vous tous, montrent que, dans la pensée de l’apôtre, cette lettre, quoique adressée à Tite seul, est cependant destinée à être lue dans les églises de Crète.

La marche de cet écrit est très simple : Organisation du presbytérat dans toutes les églises, afin de les instruire et d’y combattre la fausse-doctrine ; conseils relatifs à la conduite que Tite doit exiger des différentes classes de membres de l’Église ; directions pour la conduite de l’Église envers le monde non chrétien : voilà l’ordonnance de l’épître ; elle est claire et ferme.

C. Seconde épître à Timothée

Quoique ayant un caractère un peu plus privé que la première à Timothée, cette lettre traite encore de ses fonctions comme aide apostolique.

Elle commence par un préambule (1.1-5) contenant adresse et action de grâces ; dans le corps de l’écrit (1.6 à 4.18) sont traités trois sujets : Timothée, l’Église et Paul lui-même ; la conclusion (4.19-22) renferme quelques salutations et nouvelles.

Dans l’adresse (v. 1 et 2), Paul se déclare apôtre par la volonté de Dieu en vue de la réalisation du salut promis par Dieu. Cette forme est en relation avec le côté officiel de cette lettre que suppose la salutation finale qui est adressée à tous les chrétiens qui entourent Timothée (4.22). Entre les termes grâce et paix est ajouté ici, comme dans la 1re lettre, celui de compassion, ἔλεος, qui est en rapport particulier avec le temps de souffrance venu maintenant pour l’Église et ses serviteurs. Timothée, en particulier, d’un caractère faible et craintif, comme nous le savons et le verrons encore, a besoin de sentir qu’avec la grâce qui pardonne, il peut trouver en Dieu la miséricorde qui compatit. Ce terme ne se trouve dans aucune autre épître, pas même dans celle à Tite, où il n’est pas question des souffrances de l’Église et du courage nécessaire à l’évangéliste.

A l’adresse se joint une action de grâces pour ce que Dieu a fait en faveur de Timothée. Juif lui-même et fidèle aussi dès l’enfance, l’apôtre a retrouvé ses propres sentiments dans Timothée et dans les membres de sa famille ; aussi se souvient-il du moment douloureux de leur séparation et soupire-t-il après la joie du revoir (v. 3-5).

Le corps de l’écrit commence avec le v. 6.

I). — 1.6 à 2.13. Exhortation à Timothée à ne pas faiblir devant les souffrances qui attendent le prédicateur de l’Évangile (v. 9 : συγκακοπάθησον τῷ εὐαγγελίῳ).

1.) 1.6-18. Il doit raviver son don d’évangéliste que Paul lui a transmis par l’imposition des mains, afin de ne se livrer à aucune lâcheté dans le service de l’Évangile (v. 6-8). Pour fortifier son zèle Paul allègue trois raisons :

a) La grandeur du salut décrété avant les siècles et renfermant la victoire de la vie sur la mort (v. 9-10).

b) Son propre exemple, qui impose à son disciple le devoir de conserver par le secours du Saint-Esprit le trésor de la vérité sainte dont il a été rendu dépositaire (v. 11-14).

c) Deux exemples opposés, celui de quelques chrétiens d’Asie qui ont eu honte de lui à Rome, et celui d’Onésiphore, d’Éphèse, dont la visite l’a restauré (v. 15-18).

2.) 2.1-13. L’apôtre indique à Timothée la manière dont il doit agir pour être capable de rendre à l’Évangile ce qui lui est dû.

a) Il doit se replacer constamment sous l’action de la grâce (v. 1).

b) Il doit former des aides sûrs et bien instruits de la vérité (v. 2).

c) Il doit, comme un soldat, être prêt à tout souffrir et à se passer de tout ; comme un athlète, combattre loyalement ; comme un laboureur, attendre patiemment (v. 3-6).

d) Comme Jésus-Christ, préférer aux avantages de la vie terrestre la vie d’un ressuscité (v. 7-8).

e) Comme Paul, accepter pour le salut des élus les chaînes du malfaiteur (v. 9-10).

f) Se rappeler que la fidélité du Seigneur consiste aussi à renier ceux qui le renient (v 11-13).

II.) — 2.14 à 4.5. La position critique de l’Église et ce qu’elle réclame de Timothée.

1.) Il doit se garder d’entrer en discussion avec les faux-docteurs, mais attester fermement la vérité en face de ces hommes dont les enseignements frivoles et profanes se répandent dans les églises. L’apôtre lui en désigne nommément deux exemples (v. 14-18).

2.) L’apôtre introduit ici un encouragement : le groupe des fidèles adorateurs que Dieu discerne et qui joignent la sainteté de la vie à l’adoration du nom de Christ ; c’est là un fondement que l’erreur n’ébranlera pas. Chaque grande maison ne renferme-t-elle pas des vases de deux espèces, de la vaisselle d’or et d’argent et des vases de terre pour les usages vils ? Chaque membre de l’Église décide lui-même à laquelle de ces deux classes il appartiendra (v. 19-21).

3.) A Timothée de se mettre à la tête de ceux qui composent le premier groupe et de lutter avec douceur, mais avec décision, pour chercher à arracher quelques-uns des égarés des pièges du diable (v. 22-26).

4.) Le mal actuel n’est qu’un prélude de la crise d’impiété plus grave encore qui signalera les derniers temps. Ce sera un débordement d’immoralité, mais sous des apparences de piété. La description qui en est faite rappelle celle de la société païenne, Romains ch. 1, mais avec cette différence que cette fois c’est la chrétienté elle-même qui sera le théâtre de cet état de choses (3.1-5).

5.) L’avertissement qui termine le v. 5 : « Détourne-toi de ces gens-là, » de gens qui ne doivent venir qu’à la fin des temps (v. 1), est justifié au v. 6 par la remarque qu’à cette espèce d’impies appartiennent déjà des individus actuellement vivants que l’apôtre caractérise dans ce qui suit, et qui sont à ses yeux les précurseurs de la génération corrompue des derniers temps. Il les décrit en quelques traits et les compare aux deux magiciens qui luttèrent au service de Pharaon contre Moïse et que la tradition juive, constatée par les Targums, désignait des noms de Jannès et Jambrès, noms probablement symboliques, dont l’un signifie menteur, l’autre rebelle (v. 6-9).

6.) Encouragement à Timothée à se montrer fort en face d’une pareille apparition. Il a été à trop bonne école pour fléchir devant ces séducteurs qui se séduisent avant tout eux-mêmes. Pour demeurer ferme, qu’il reste attaché à ce qui lui a été enseigné et confié, et qu’il continue à se nourrir des saintes Écritures qui, méditées à la lumière du Christ, sont puissantes pour rendre le serviteur de Dieu apte à toute bonne œuvre (v. 10-17)e.

e – Qu’on traduise : « Toute écriture divinement inspirée est en même temps utile pour…, » ou : « Toute l’Écriture est divinement inspirée et utile pour…, » la différence au fond n’est pas grande puisque, même dans le premier sens, ce serait toujours l’Ancien Testament que l’apôtre aurait en vue.

7.) Sommation finale. L’apôtre adjure Timothée, au nom de Dieu et du jugement divin, d’accomplir fidèlement son office d’évangéliste en vue des temps qui s’avancent où les hommes préféreront des docteurs selon leur cœur à ceux qui leur prêchent les vérités sanctifiantes de l’Évangile (4.1-5).

III.) — 4.6-18. La position de l’apôtre et le rappel de Timothée.

Nous trouvons ici le vrai motif de ces exhortations et de cette lettre elle-même. Paul sent que le moment suprême approche pour lui. Quant à lui-même, il est plein d’espérance ; mais il voudrait revoir son ami, d’autant plus qu’il est presque seul, l’un de ses collaborateurs l’ayant quitté, les autres étant partis en mission ; Luc seul est avec lui. Il voudrait même que Timothée amenât Marc. Il désire aussi ravoir le manteau et les manuscrits qu’il a laissés à Troas. Il avertit Timothée de se garder d’un certain Éphésien, qui à Rome a fait du tort à sa cause, sans doute comme témoin à charge. Sa première comparution a eu lieu. Les amis romains puissants, dont l’assistance aurait pu lui être utile, l’ont délaissé ; mais le Seigneur l’a puissamment fortifié dans le témoignage qu’il a rendu devant l’autorité suprême du monde des Gentils ; aucune condamnation n’a été prononcée. Le Seigneur le préservera de toute infidélité et le sauvera dans son royaume céleste.

Dans la conclusion de la lettre, v. 19-22, Paul salue ses amis Aquilas et Priscille, qui, venus jadis du Pont à Rome, puis de Rome à Corinthe, de Corinthe à Éphèse et d’Éphèse à Rome (Romains 16. 3-5), étaient maintenant de retour à Ephèse, peut-être à la suite de la dispersion de l’église de Rome par la persécution de Néron. Il salue encore la famille de cet Onésiphore (1.16-18), qui sans doute était mort dès lors. Et pour rendre plus pressante la nouvelle injonction qu’il adresse à Timothée de se hâter de venir avant l’hiver, il lui apprend ou lui rappelle que ses deux compagnons, sur lesquels Timothée comptait peut-être, Éraste et Trophime, lui font défaut. De là, il passe aux salutations de quelques amis de Rome : Linus, qui est certainement le même que l’évêque de ce nom, souvent désigné comme premier successeur de Pierre. On a essayé d’identifier Pudens et Claudia avec le couple des deux personnes de ce nom dans les épigrammes de Martial (IV, 13 ; XI, 53). Mais, dans ce cas, leurs noms ne seraient pas séparés par celui de Linus (Farrar, t. II, p. 569, note). — Le vœu final concerne toute l’église et prouve que la lettre devait aussi être lue par celle-ci.

La disposition de cet écrit peut se résumer ainsi : Timothée et l’Évangile ; Timothée et l’Église ; Timothée et Paul ; ou : Tiens bon dans la prédication en face de la souffrance ! Défends l’Église contre l’hérésie ! Viens promptement rejoindre ton vieil ami ! — Cette marche ne coïncide en aucune façon avec le plan des deux autres épîtres. Malgré les concordances de détail, il serait difficile de comprendre comment l’une d’elles aurait été composée sur le modèle de l’autre ou des autres.

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