Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE I

CHAPITRE XVI
Mariage d'Isaac avec Rébecca.

Abraham envoie demander la main de Rébecca pour Isaac.

1.[1] Quand Isac eut environ quarante ans, Abram, ayant décidé de lui donner pour femme Rébecca, fille du fils de Nachôr[2], son frère, envoie pour la demander en mariage le plus ancien de ses serviteurs après l'avoir lié par de solennels serments. Ces serments se font de la façon suivante : les contractants se mettent réciproquement la main sous la cuisse ; ensuite ils invoquent Dieu comme témoin de leurs actes à venir. Il envoya également aux gens de là-bas des présents que leur rareté ou l'impossibilité absolus de les avoir rendait inestimables. Ce serviteur resta longtemps en route, vu la difficulté qu'on avait à traverser la Mésopotamie, en hiver, à cause des boues profondes, en été, à cause de la sécheresse ; en outre, elle était infestée de voleurs, qu'il était difficile aux voyageurs d'éviter, quand ils n'avaient pas pris leurs précautions. Il arrive enfin à la ville de Charran et, comme il en atteignait le faubourg, il rencontre plusieurs jeunes filles qui allaient puiser de l'eau. Alors il demande à Dieu que Rébecca, celle qu'Abram l'avait envoyé demander en mariage pour son fils, s'il lui plaisait que ce mariage s'accomplit, se trouvât parmi ces jeunes filles et qu'elle se fit connaître à lui en lui donnant à boire, tandis que les autres refuseraient.

[1] Genèse, XXIV, 1.

[2] On a déjà vu que ce fils s'appelait Bathouël (VI, 5).

La scène du puits.

2. Au milieu de ces pensées, il arrive près du puits et il prie les jeunes filles de lui donner à boire ; celles-ci refusent, prétextant qu'elles devaient apporter l'eau à la maison et non pas la lui donner, car elle n'était pas facile à puiser ; une seule les réprimande de leur malveillance à l'égard de l'étranger : comment jamais partager la vie des hommes, quand elles ne consentaient même pas à partager un peu d'eau ? Et elle lui en offre avec bonté. Celui-ci, plein d'espérance pour toute sa mission, mais désireux de savoir la vérité, se met à vanter la jeune fille pour sa noblesse et son bon cœur, elle qui, au prix de ses propres fatigues, ne laissait pas de secourir ceux qui l'invoquaient ; il lui demande quels étaient ses parents, fait des vœux pour qu'une telle enfant leur fasse honneur et profit : « Puissent-ils la marier, dit-il, à leur gré, en la faisant entrer dans la famille d'un homme vertueux à qui elle donnera des enfants légitimes ! » La jeune fille ne lui refusa pas non plus cette satisfaction et elle lui révéla quelle était sa famille. « Rébecca, dit-elle, est mon nom ; mon père était Bathouël : il est mort[3], mais Laban est notre frère et il dirige toute la maison avec ma mère et prend soin également de ma jeunesse ».
A ces mots, le serviteur se réjouit de cet incident et de cette conversation, preuve manifeste que Dieu l'avait secondé dans son voyage. Il présente à Rébecca un collier et de ces parures qui conviennent aux jeunes filles, les offrant en retour et en récompense de la grâce qu'elle lui avait faite de lui donner à boire : il lui dit qu'il était juste qu'elle obtînt ces présents pour s'être montrée généreuse, seule de toutes ces jeunes filles. Il lui demande aussi de le mener chez elle, la nuit lui interdisant de poursuivre sa route, et comme il avait avec lui des parures de femme d'un grand prix, il disait qu'il ne pouvait se confier à des gens plus sûrs qu'à ceux dont il jugeait d'après elle. Ce qui attestait à ses yeux les sentiments d'affabilité de sa mère et de son frère et lui faisait croire qu'ils n'éprouveraient aucune contrariété, c'étaient les qualités mêmes de la jeune fille ; d'ailleurs, il ne leur serait pas à charge, il paierait le prix de leur hospitalité et ses dépenses lui seraient personnelles. Elle lui répondit qu'à l'égard des sentiments de bienveillance de ses parents ses conjectures étaient exactes, mais elle lui reprocha de les suspecter de mesquinerie ; il aurait tout sans bourse délier ; mais elle dit qu'elle en parlerait cependant d'abord à son frère Laban et que, sur son avis favorable, elle l'emmènerait.

[3] C'est contraire au récit biblique.

Mariage d'Isaac.

3. La démarche faite, elle amène l'étranger ; ses chameaux sont reçus par les serviteurs de Laban, qui en prennent soin, et lui-même s’en va manger en compagnie de Laban. Après le repas, il s'adresse à lui et à la mère de la jeune fille : « Abram est le fils de Tharros et votre parent ; car Nachôr, ô femme, le grand-père des enfants que voici, était frère d'Abram : ils avaient même père et même mère. Eh bien ! cet Abram m'envoie vers vous dans le désir de prendre cette jeune fille comme femme pour son fils : c'est son fils légitime ; il est seul élevé pour avoir tout l'héritage. Alors qu'il pouvait choisir parmi les femmes de là-bas la plus fortunée, dédaigneux d'une telle alliance, il entend faire honneur à sa race en combinant le mariage en question. Ne faites point fi de son empressement et de son choix, car c'est grâce à la volonté divine que j'ai fait toutes ces rencontres sur ma route et que j'ai trouvé cette enfant et votre demeure : en effet, lorsque je fus près de la ville, je vis plusieurs jeunes filles arriver près du puits et je souhaitai de rencontrer celle-ci, ce qui arriva. Un mariage qui se conclut ainsi sous les auspices de Dieu, ratifiez-le, et accordez la jeune fille pour honorer Abram, qui a mis tant d'empressement à m'envoyer ici ». Eux alors, comme cette proposition était avantageuse et leur agréait, pénétrèrent l'intention divine ; ils envoient donc leur fille aux conditions requises. Isac l'épouse, déjà maître de l'héritage ; car les enfants nés de Chetoura étaient partis fonder des colonies ailleurs.

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