Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE III

CHAPITRE XIII
Nouvelles plaintes des Hébreux ; pluie de cailles ; les Tombeaux de la concupiscence.

1.[1] Après avoir attendu quelque temps, il lève le camp pour s'éloigner du mont Sinaï, et, après quelques étapes dont nous parlerons, il parvient en un endroit nommé Esermôth[2]. Là, le peuple recommence à se révolter et à reprocher à Moïse les épreuves subies pendant leurs pérégrinations : après qu'il les avait persuadés de quitter un pays fertile, non seulement ce pays était perdu pour eux, mais, au lieu de la félicité qu'il s’était engagé à leur procurer, voilà au milieu de quelles misères ils vagabondaient, manquant d'eau, et, si la manne venait à faire défaut, destinés à périr tout net. Au milieu de ce flux de paroles violentes contre cet homme, quelqu'un les suppliait de ne pas méconnaître Moïse et ce qu'il avait souffert pour le salut de tous et de ne pas désespérer du secours de Dieu. Mais cela ne faisait qu'exciter le peuple davantage et il ne s'emportait qu'avec plus de tapage encore contre Moïse. Celui-ci, pour leur rendre courage dans ce grand désespoir, leur promet, bien qu'indignement outragé par eux, de leur procurer de la viande en quantité, non pour un jour seulement, mais pour plusieurs. Mais, comme ils n'y croyaient pas et que quelqu'un demandait d'où il assurerait à toutes ces myriades cette abondance annoncée[3] : « Dieu, dit-il, et moi-même, encore que mal jugés par vous, nous ne laisserons pas de faire effort pour voire bien, et le moment n'en est pas éloigné ». En même temps qu'il parlait, le camp tout entier se remplit de cailles[4] ; on les entoure et on les ramasse. Cependant Dieu, peu après, châtie les Hébreux de l'arrogance injurieuse qu'ils lui avaient témoignée : il en périt, en effet, en assez bon nombre. Et, encore aujourd'hui, cette localité porte le surnom de Kabrôthaba[5], c'est-à-dire Tombeaux de la concupiscence.

[1] Nombres, XI, 4.

[2] Ce nom, qui doit être la transcription de l'hébreu rappelle plutôt par les consonnes un autre nom propre hébreu, qui désigne dans la Bible un homme (Genèse, X, 26), mais a été appliqué ensuite à une localité en Arabie.

[3] Dans la Bible, c'est Moïse qui tient ce langage sceptique et à Dieu lui-même (Nombres, XI, 21, 22), et la littérature midraschique ne se fait pas faute de l'en blâmer ; on voit encore ici un exemple de la manière dont Josèphe altère ce qui peut paraître défavorable à son personnage.

[4] Nombres, XI, 31.

[5] En hébreu : kibrot hattaawa. Les LXX ont la même traduction que Josèphe.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant