Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE V

CHAPITRE XI
Les fils du prêtre Éli périssent dans le combat contre les Philistins. Leur père ayant appris le désastre, se jette à bas de son siège et meurt. Les Philistins, ayant vaincu les Hébreux dans cette guerre, font main basse sur l’arche. Tous ceux qui ont gouverné depuis Kenez ont reçu le nom de Juges.

Victoire des Philistins sur les Hébreux.

1.[1] Juste à cette époque, les Philistins, s'étant mis en campagne contre les Israélites, établissent leur camp près de la ville d'Aphék(a). Les Israélites, ayant été au devant d'eux peu après, on en vient aux mains le jour suivant et les Philistins remportent la victoire ; ils tuent environ 4.000 Hébreux et poursuivent la foule des autres jusqu'au campement.

[1] I Samuel, IV, 1.

Arrivée de l'arche au camp des Hébreux ; défaite de ceux-ci et capture de l'arche.

2. Craignant un désastre complet, les Hébreux envoient aux Anciens et au grand-prêtre l'ordre d'apporter l'arche de Dieu, afin que, grâce à sa présence dans leurs rangs, ils triomphent de leurs ennemis, ignorant que Celui qui avait décrété leur malheur était plus puissant que l'arche, que l'on ne révérait même qu'à cause de Lui. L'arche arrive donc, ainsi que les fils du grand-prêtre, à qui leur père avait enjoint, s'ils voulaient survivre à la prise de l'arche, de ne pas reparaître devant ses yeux. Phinéès exerçait déjà alors le sacerdoce, son père le lui ayant abandonné à cause de sa vieillesse. La confiance renaît donc pleinement chez les Hébreux, qui croient que, grâce à l'arrivée de l'arche, ils l'emporteront sur leurs ennemis ; et les ennemis étaient frappés de terreur, redoutant la présence de l'arche parmi les Israélites. Mais l'événement ne fut conforme aux prévisions ni des uns ni des autres : quand le choc se produisit, la victoire, espérée par les Hébreux, fut aux Philistins ; et la défaite que ceux-ci craignaient, les Hébreux la subirent, s'apercevant qu'ils avaient vainement mis leur confiance dans l'arche ; car sitôt qu'ils en vinrent aux mains avec l'ennemi, ils furent mis en fuite et perdirent environ 30.000 hommes, au nombre desquels tombèrent aussi les fils du grand-prêtre ; et l'arche fut emportée par les ennemis.

Mort d'Éli ; la nouvelle du désastre.

3.[2] Quand on annonça la défaite à Silo ainsi que la prise de l'arche — ce fut un jeune Benjamite qui avait assisté à l'affaire qui apporta la nouvelle —, toute la ville fut plongée dans le deuil. Éli le grand-prêtre — qui était assis à l'une des deux portes sur un siège élevé —, entendant les gémissements, pensa qu'il était arrivé aux siens quelque désastre soudain, et ayant mandé le jeune homme, lorsqu'il connut l'issue du combat, il montra assez de résignation pour le sort de ses fils et ce qui s'était passé de l'armée parce qu'il savait d'avance par Dieu ce qui devait arriver et qu'il l'avait annoncé : on est surtout affecté des malheurs qui surviennent à l'improviste ; mais quand il apprit que l’arche elle-même avait été prise par les ennemis, douloureusement touché de l'imprévu d'une telle catastrophe, il tombe à bas de son siège et meurt, après avoir vécu[3] en tout quatre-vingt-dix-huit ans, et occupé quarante ans le pouvoir[4].

[2] Ibid., 12.

[3] Ibid., 15.

[4] Conforme à l'hébreu ; les LXX ne lui attribuent que vingt ans de gouvernement.

Naissance de Yochabès.

4.[5] Le même jour mourut aussi la femme de son fils Phinéès, car elle n'eut pas assez de force pour survivre au malheur de son mari. Elle était enceinte, en effet, quand on lui annonça la mort de ce dernier, et elle mit au monde un enfant de sept mois[6]. Comme il était viable, on l'appela Jochabès[7] — ce nom signifie ignominie — cause du désastre subi en ce temps par l'armée.

[5] I Samuel, IV, 19.

[6] Détail étranger à la Bible.

[7] Hébreu : I-Khabôd.

Transmission du sacerdoce.

5.[8] Éli fut le premier qui gouverna de la maison d'Ithamar[9], le deuxième fils d'Aaron ; car c'était la maison d'Éléazar qui avait eu précédemment le sacerdoce, de père en fils on se transmettait cette charge. Éléazar la transmit[10] à Phinéès son fils. Après lui, Abiézér(ès)[11], son fils, la reçut et la laissa à son fils Bouki, de qui Ozis[12], son fils, la recueillit ; après lui ce fut Éli qui eut le sacerdoce, celui dont il a été parlé, ainsi que toute sa postérité jusqu'aux temps de la royauté de Salomon (Solomôn)[13]. Ce furent alors les descendants d'Éléazar qui le reprirent[14].

[8] Cf. I Chroniques, XXIV, 3.

[9] La Bible n'en dit rien ; mais la tradition établit qu'en effet c’est la maison d'Ithamar qui a fourni les grands-prêtres depuis la disgrâce de Pinehas, fils d'Eléazar, jusqu'à l'époque de Salomon. Le seul indice de cette disgrâce qu'on trouve dans l'Écriture, c'est le verset I Chroniques, IX, 20, où il est dit que l'« Éternel était autrefois avec Pinehas », donc il ne l'était plus actuellement. On lit dans Gen. Rabba, LX et dans le Tanna debè Elihaou diverses légendes sur les faits qui amenèrent cette disgrâce : la tradition croit que la maison de Pinehas a été frappée de déchéance à raison du rôle insuffisamment pacifique joué par ce grand-prêtre dans l'épisode de la concubine de Ghibea (Juges, XX, 28 et suiv.) ou encore à cause de sa non-intervention dans l'affaire du vœu téméraire de Jephté qu'il aurait pu et dû annuler.

[10] I Chroniques, V, 30 (I Paralip., VI, 4).

[11] Hébreu : Abischoua.

[12] Hébreu : Ouzzi.

[13] Hébreu : Schelômô.

[14] I Rois, II, 27.

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