Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE VII

CHAPITRE I
David roi de Juda à Hébron ; Abner, le général en chef de Saül, choisit Isboseth, le fils restant de Saül, et engage une guerre civile ; ralliement d'Abner à David ; assassinat d'Abner par Joab, le général en chef de David.

David apprend la mort de Saül et fait exécuter le meurtrier.

1.[1] Il advint que ce combat eut lieu le jour même où David, vainqueur des Amalécites, était retourné à Sékéla[2]. Il y avait deux jours que David se trouvait dans cette ville quand survient, au troisième, échappé au combat contre les Philistins, l’homme qui avait tué Saül ; il avait les vêtements en lambeaux et la tête couverte de cendre. Après s’être prosterné devant David, comme celui-ci s’informait d’où il venait dans cet état, il répondit : « Du combat livré par les Israélites. » Il en raconta l’issue malheureuse, comment des dizaines de milliers d’Hébreux avaient péri, comment leur roi Saül lui-même était tombé avec ses enfants. S’il était ainsi renseigné, c’est, disait-il, qu’il avait assisté en personne à la déroute des Hébreux et s’était trouvé aux côtés du roi fugitif ; il avouait avoir lui-même tué Saül, sur les instances de celui-ci, au moment où il allait être pris par les ennemis, car Saül s’était jeté d’abord sur son glaive[3], mais l’excès de ses blessures lui avait enlevé la force de s’achever. Pour preuve de son dire, l’homme montrait les bracelets d’or et la couronne du roi, dont il avait dépouillé le cadavre de Saül pour les apporter à David. Celui-ci, ne pouvant plus douter, à la vue de ces témoignages manifestes de la mort de Saül, déchire ses vêtements et passe toute la journée à gémir et à se lamenter avec ses compagnons. Son chagrin s’avivait encore à la pensée du fils de Saül, de Jonathan, son plus fidèle ami de naguère et à qui il était redevable de la vie. Et telle fut la grandeur d’âme et la générosité de David à l’égard de Saül que non seulement sa mort l’affecta péniblement, bien qu’il eût maintes fois risqué de périr sous ses embûches, mais encore qu’il alla jusqu’à châtier son meurtrier. Il déclara, en effet, à cet homme qu’il s’était accusé lui-même d’avoir tué le roi, et quand il sut qu’il était issu d’un père de race Amalécite, il le fit envoyer au supplice. Puis il écrivit des lamentations et des éloges funèbres sur Saül et Jonathan qui se lisent encore aujourd’hui[4].

[1] II Samuel, I, 1.

[2] Le synchronisme n’est pas aussi nettement marqué dans la Bible.

[3] Cf. Ant., VI, 370 et suiv. : Josèphe fait, comme on l’a vu, concorder les deux récits, celui de I Samuel, XXXI, 4, et le rapport fictif dans l’esprit du narrateur biblique, du jeune Amalécite, II Samuel, I, 6 et suiv.

[4] II Samuel, I, 1, et suiv. C’est la complainte connue sous le nom de « chant de l’arc ».

David est élu roi par la tribu de Juda.

2.[5] Après avoir rendu cet hommage au roi, David, son deuil fini, demande à Dieu par l’entremise du prophète quelle ville de la tribu dite de Juda il lui assignait comme résidence. Dieu lui ayant répondu qu’il lui donnait Hébron. David quitta Sékéla pour se rendre dans cette ville, emmenant ses deux femmes et les hommes d’armes qui l’accompagnaient. Toute la population de ladite tribu accourt à sa rencontre et le proclame roi. Puis, informé que les habitants de Jabès en Galaditide avaient donne la sépulture à Saül et à ses fils, David leur envoya des messagers pour les féliciter et approuver leur démarche, promit de les récompenser de leur piété envers les morts et en même temps leur annonça que la tribu de Juda l’avait choisi pour roi.

[5] II Samuel, II, 1.

Abner élit Isboseth ; guerre entre les deux armées ; combat singulier ; défaite d’Abner ; il tue Asaël ; continuation de la guerre civile.

3.[6] Cependant le général en chef de Saül, Abner(Abennèros), fils de Ner (Néros), homme entreprenant et de noble caractère, à la nouvelle que le roi avait succombé ainsi que Jonathan et ses deux autres fils, se rend en hâte dans le camp[7], se saisit du fils survivant, nommé Isboseth (Iébosthos)[8], passe avec lui de l’autre côté du Jourdain et le proclame roi de toute la nation à l’exception de la tribu de Juda. Il lui fit une résidence royale de la ville qui s’appelle Manalis dans la langue du pays, c’est-à-dire en grec Parembolai, « les Retranchements[9]. » Abner partit de là avec un corps d’élite dans l’intention de livrer bataille à ceux de la tribu de Juda, car il leur en voulait fort d’avoir choisi David pour roi. David envoya contre lui Joab(os), fils de Souri et de Sarouva, sœur de David[10], qui était son général en chef, accompagné de ses frères Abisaï et Asaèl(os) et de tous les hommes d’armes de David. Ayant rejoint Abner auprès d’une fontaine sur le territoire de la ville de Gabaon, Joab range son armée en bataille. Abner lui manifeste le désir de savoir lequel d’entre eux possédait les plus vaillants soldats ; ils conviennent que, de part et d’autre, douze hommes choisis en viendront aux mains. Les champions désignés par chacun des deux généraux s’avancent entre les deux armées et, après s’être lancé leurs javelots, tirent leurs épées et s’engagent corps à corps ; se tenant les uns les autres par la tête, ils se transpercent mutuellement les côtes et les flancs avec leurs épées, jusqu’à ce que tous succombent comme sur un mot d’ordre. Ceux-ci morts, le reste des deux armées en vint aux prises à son tour, et dans le combat acharné qui s’ensuivit, ceux d’Abner eurent le dessous. Joab ne laissa pas de les poursuivre dans leur déroute ; lui-même se lança derrière eux, recommandant à ses soldats de les serrer de près et de ne pas interrompre le carnage. Ses frères ne combattirent pas avec moins d’ardeur ; entre tous se distingua le plus jeune, Asaël, si réputé pour son agilité qu’il ne l’emportait pas seulement sur les hommes, nais que, dit-on, il dépassa à la course un cheval qui luttait avec lui[11]. Il s’était attaché à la piste d’Abner et le poursuivait de tout son élan, en droite ligne, sans dévier ni d’un côté, ni de l’autre. Abner, se retournant parfois, tentait de l’amadouer pour briser sou élan ; d’abord il l’invitait à cesser sa poursuite pour aller plutôt dépouiller de son armure[12] un de ses soldats tombés ; puis, n’ayant pas réussi à l’en persuader, il lui conseillait de s’arrêter et d’en rester là, car, s’il était obligé de le tuer, lui, Abner, n’oserait plus se présenter devant son frère. Comme Asaël restait sourd à ces exhortations et s’obstinait dans sa chasse, Abner, tout en fuyant, lui porta en arrière un coup bien dirigé de sa lance et l’étendit raide mort. Ceux qui couraient avec lui après Abner, arrivés à l’endroit où Asaël gisait étendu, firent cercle autour du cadavre et cessèrent de poursuivre les ennemis. Cependant Joab, ainsi que son frère Abisaï, ne s’arrêtèrent pas devant le corps ; plus acharnés encore contre Abner par le chagrin de cette perte, ils le poursuivirent avec une vitesse et une ardeur incroyables jusqu’en un lieu qu’on appelle Ammata[13], qu’ils atteignirent au montent où le soleil se couchait. Là se trouve, sur le territoire de la tribu de Benjamin, une colline élevée ; Joab y monte et découvre les ennemis et parmi eux Abner[14]. Celui-ci élève alors la voix et s’écrie qu’il ne faut pas ainsi exciter des compatriotes à s’entre-déchirer sans merci. Asaël, frère de Joab, s’est mis, dit-il, dans son tort ; malgré les exhortations d’Abner à cesser sa poursuite, il ne s’est pas laissé fléchir, et voilà pourquoi il a été frappé à mort. Joab se rend à ce sentiment et, prenant ces paroles pour une excuse, fait sonner le ralliement et ordonne de cesser la poursuite. Lui-même campe le soir en cet endroit ; quant à Abner, avant cheminé toute la nuit et repassé le Jourdain, il arrive aux Retranchements auprès du fils de Saül, Isboseth. Le lendemain, Joab fit le compte des morts et leur donna à tous la sépulture. Il était tombé du côté d’Abner environ trois cent soixante guerriers, du côté de David dix-neuf, plus Asaël. Joab et Abisaï emportèrent le corps de ce dernier à Bethléem et ils ensevelirent dans le tombeau de ses pères ; puis ils se rendirent chez David à Hébron. De ce moment-là[15] commença parmi les Hébreux une guerre intestine qui dura longtemps, mais les partisans de David devenaient toujours plus forts et prenaient l’avantage dans les combats, tandis que le fils de Saül et ses sujets allaient s’affaiblissant de jour en jour.

[6] II Samuel, II, 8.

[7] Έπειχθείς είς τήν παρεμβολήν. Josèphe s’inspire ici étourdiment des LXX, qui ont traduit l’hébreu « il le fit passer à Mahanaïm » par «&nsp;et il le fit monter du camp à Manaem », version bizarre née d’un doublet, car παρεμβολή n’est que la traduction de Μανxέμ. La méprise de Josèphe est d’autant plus grave qu’il traduit lui-même l’instant d’après Μανxλίν par παρεμβολαί, cf. infra, §§ 18, 388 .

[8] Hébreu : Isch-Boschet ; LXX : Ίεβοσθέ. Le même est appelé Eschbaal, I Chron., VIII, 33, ce qui paraît avoir été son véritable nom.

[9] Cf. la note 7.

[10] Le texte est corrompu. La Bible ne nomme que la mère de Joab, Cerouïa.

[11] Détail imaginé. La Bible le compare simplement à un chevreuil.

[12] Πανοπλίαν, comme LXX = ses dépouilles.

[13] Hébreu : Amma ; LXX : Αμμάν.

[14] Le texte paraît altéré. D’après la Bible, ce sont les Benjaminites, rangés autour d’Abner, qui se tiennent sur le sommet d’une colline. C’est alors qu’Abner prend la parole.

[15] II Samuel, III, 1.

Les fils de David ; Abner et ses troupes passent à David.

4.[16] Dans le même temps il naquit à David six fils d’autant de femmes différentes ; l’aîné, qui avait pour mère Achina[17], reçut le nom d’Amnôn ; le second, né d’Abigaïa, celui de Daniel(os)[18]. Le troisième, né de Machamé, fille de Tholomaï(os) roi de Géser, s’appela Absalon Abésalômos[19]. Le quatrième, fils d’une femme appelée Aggithé, il le nomma Adonias. Le cinquième fut Saphatias, fils d’Abitaalé, et le sixième Gethraamès, fils d’Aigla[20]. Cependant, la guerre civile ayant relaté, les partisans de chacun des deux rois en venaient souvent aux mains et se livraient bataille ; Abner, général en chef du fils de Saül, étant avisé et fort aimé du peuple, sut maintenir tous ses gens attachés à Isboseth, et ils lui demeurèrent assez longtemps fidèles. Mais plus tard, Abner se vit accusé d’avoir eu commerce avec la concubine de Saül, nommée Raispha, fille de Sibath(os)[21], et subit à cette occasion les reproches d’Isboseth. Profondément blessé et outré de ne pas trouver chez le prince la reconnaissance qu’il méritait pour tout le dévouement dont il l’avait entouré, Abner le menaça de transmettre la royauté à David et de faire voir à tous que ce n’était pas l’énergie et l’intelligence d’Isboseth qui l’avaient fait régner au-delà du Jourdain, mais les talents et la fidélité de son général. En effet, il adresse un message à David à Hébron[22], pour l’inviter à lui promettre par serment de l’avoir pour compagnon et ami dès qu’Abner aurait déterminé le peuple à se détourner du fils de Saül et à désigner David comme roi du pays tout entier. David, tout heureux de ces offres, n’hésita pas à conclure l’accord demandé ; comme premier gage de leurs conventions il invite Abner à lui rendre sa femme Michal, dont il avait conquis la main au prix de si grands dangers, contre six cents[23] têtes de Philistins apportées à son père. Abner lui envoie, en effet, Michal, après l’avoir enlevée à Pheltias, qui vivait alors avec elle, et cela du consentement même d’Isboseth, à qui David avait écrit pour faire valoir ses droits à reprendre cette femme. Puis, ayant convoqué les anciens du peuple, les commandants de corps et les chiliarques, Abner leur tient ce langage : « Naguère, lorsqu’ils étaient prêts à s’écarter d’Isboseth pour se joindre à David, il les avait détournés de ce dessein ; mais maintenant il leur permettait d’aller où ils voudraient. Car il avait appris que Dieu, par la voix du prophète Samuel, avait élu David pour roi de tous les Hébreux et prédit que c’était à lui qu’était réservée la gloire de châtier les Philistins et de les assujettir par ses victoires. » À ces paroles, les anciens et les chefs, voyant Abner dans les sentiments qu’ils avaient eux-mêmes éprouvés naguère, se déclarèrent pour David. Une fois sûr de ceux-ci, Abner convoqua la tribu de Benjamin, qui fournissait tous les gardes du corps d’Isboseth[24], et leur tint le même langage ; lorsqu’il vit que, loin de résister, ils se rangeaient à ses vues. Il prit avec lui une vingtaine de ses compagnons et se rendit chez David pour recevoir en personne ses serments, — car on est plus sûr de ce qu’on fait soi-même que de ce qu’on laisse faire à autrui — et pour l’informer, en outre, du langage qu’il avait tenu aux chefs et à toute la nation.

[16] II Samuel, III, 2 ; I Chroniques, III, 1-4. Josèphe paraît suivre surtout ce dernier texte.

[17] LXX (Samuel) : Άχινόομ ; Chroniques : Άχινάαμ ; Hébreu : Ahinoam.

[18] LXX (Chron.) : Δαμνιήλ (hébreu : Daniel). Dans Samuel le second fils de David s’appelle Kileab en hébreu, Δαλουίx dans le grec. Dans le Talmud (Berakhot, 4 a) R. Yohanan opte aussi pour Daniel.

[19] Hébreu : Maakha, Thalmaï, Abschalom. LXX : Μωλά, Θολμαϊ (Chron. : Μααχα, Θολμί) Άβεσσαλώμ.

[20] Hébreu : Yithream, Egla ; LXX : Ίεθεραxμ τής Αίγαλ (Chron. Άγλά).

[21] Hébreu : Riopa fille d’Aga. LXX (Samuel) ‘Ρεσφά θυγατήρ Ίώλ (Άϊά au chap. XXI, 8, 10, 11). Le Sibathos de Josèphe rappelle la leçon Σ(ε)ιβα qui se trouve dans la recension lucienne. Peut-être lisait-on un mot hébreu à la place d’un autre dans le texte suivi par Josèphe ? (Cf. cependant sur cette leçon, Schlatter, Hebr. Namen des Josephus, p. 13.)

[22] II Samuel, III, 12, Josèphe semble avoir lu Hébron dans son texte, au lieu de l’obscur mot hébreu (LXX : Θαιλάμ ?).

[23] Hébreu : Mea orloth, cent prépuces. Dans I Samuel, XVIII, 27, il était question de 200 prépuces (LXX : έxατόν). Josèphe conserve la même modification décente et aussi la même exagération dans le chiffre que plus haut (Ant., VI, § 203).

[24] Détail ajouté par Josèphe.

Joab, jaloux d’Abner, le tue dans un guet-apens.

5.[25] David l’accueillit avec affabilité et le traita avec magnificence et somptuosité à sa table pendant plusieurs jours de suite. Abner lui demanda de le laisser partir pour lui amener le peuple, afin que les Hébreux lui remissent le pouvoir en sa présence et devant ses yeux. David avait à peine congédié Abner, qu’arriva à Hébron Joab, son général en chef. Il apprit qu’Abner avait été chez le roi et qu’il venait de partir après avoir conclu un accord et un traité avec lui au sujet du pouvoir suprême ; il craignit qu’Abner ne parvint aux honneurs et au premier rang grâce au concours qu’il prêterait à David pour conquérir le trône, grâce aussi à son entente des affaires et à son habileté à saisir les occasions, tandis que lui-même se verrait abaissé et privé de son commandement[26]. Là-dessus il s’engage dans une voie perfide et scélérate. D’abord, il essaie de calomnier Abner auprès du roi, engageant celui-ci à se méfier et à ne pas faire attention à ses propositions ; toutes ses démarches, prétendait-il, ne tendaient qu’à affermir l’autorité du fils de Saül ; il n’était venu à David que pour le tromper et le jouer, et il était reparti avec l’espoir d’arriver à ses fins et avec son plan bien échafaudé. Comme il ne réussissait pas à convaincre David ni à soulever sa colère, il essaie d’un moyen plus audacieux et décide de faire périr Abner. Il envoie des hommes à sa poursuite, avec ordre, quand ils l’auront rejoint, de le rappeler au nom de David, comme si le roi avait à lui dire, au sujet de leurs affaires, certaines choses qu’il ne s’était pas rappelées en sa présence. Quand Abner entendit ce discours des envoyés, qui l’avaient rejoint en un lieu appelé Bésira[27], à vingt stades d’Hébron[28], ne soupçonnant rien du sort qui l’attendait, il revint sur ses pas. Joab s’avance à sa rencontre devant la porte, le reçoit avec le masque de la plus grande bienveillance et de l’amitié, — car ceux qui entreprennent une action scélérate savent se donner l’air de parfaits hommes de bien pour écarter le soupçon, — le sépare de ses compagnons, comme pour lui parler en secret, et l’entraîne dans un endroit du portail bien retiré ; là, se trouvant seul avec son frère Abisaï, il tire son épée et frappe Abner sous les côtes. Ainsi périt Abner, victime du guet-apens que lui tendit Joab, soi-disant pour venger son frère Asaël, qui, en poursuivant Abner, avait été tué par lui dans la bataille d’Hébron[29], mais en réalité parce qu’il tremblait que son commandement et la confiance du roi ne lui fussent enlevés et qu’Abner n’obtint de David le premier rang. On peut juger par cet exemple à quel degré d’audace en arrivent les hommes par amour des richesses et du pouvoir et pour ne les céder à personne. Pour élever leur fortune, leur passion leur fait commettre tous les crimes ; craignent-ils de la perdre, ils font bien pis encore pour s’en assurer la conservation, estimant moins dur de ne pas parvenir à une si faute puissance que de la perdre, une fois accoutumés aux avantages qu’elle procure. Et comme c’est là à leurs yeux le pire malheur, voilà pourquoi tous ceux qui ont à redouter une disgrâce ne reculent pas devant les machinations et les tentatives les plus criminelles. Mais en voilà assez de ces brèves réflexions.

[25] II Samuel, III, 22.

[26] Commentaire propre à Josèphe. L’Écriture ne s’explique pas sur les motifs qui ont poussé Joab.

[27] Hébreu : Bor hassira (fosse de Sira) ; LXX : φρέατος τοΰ Σεειράμ. La leçon de Josèphe suppose peut-être une autre expression de l’hébreu.

[28] Renseignement personnel de Josèphe.

[29] Inadvertance de Josèphe : la Bible dit Gabaon (II Samuel, III, 30).

Indignation de David ; hommages funèbres qu’il rend à Abner.

6[30]. David, instruit du meurtre d’Abner, s’affligea dans son âme et, prenant tout le monde à témoin, la main droite étendue vers Dieu, protesta qu’il n’était pas complice de cet assassinat, qu’il n’avait ni ordonné ni souhaité la mort d’Abner ; en même temps il prononça de terribles imprécations contre le meurtrier, souhaitant que ce sang retombât sur toute sa maison et ses complices. Il avait à cœur, en effet, de ne point paraître avoir violé le pacte et les serments qui le liaient à Abner. Cependant il enjoignit à tout le peuple de pleurer la victime et de prendre le deuil, de rendre les honneurs coutumiers à sa dépouille, en déchirant leurs vêtements et en revêtant des cilices. C’est dans cette tenue qu’ils marchaient devant le lit funéraire. Lui-même suivait avec les anciens et les principaux officiers, se frappant la poitrine, témoignant par ses larmes l’amitié qu’il avait eue pour le vivant et la douleur que lui causait sa mort, et attestant ainsi qu’il n’était pour rien dans cet attentat. Après avoir enseveli Abner magnifiquement à Hébron et composé son éloge funèbre, David vint lui-même prendre place sur sa tombe et donna le signal des lamentations, auxquelles les autres assistants firent écho. Tel fut le trouble où le jeta la mort d’Abner que, malgré les instances de ses compagnons, il ne voulut prendre aucune nourriture et jura de ne goûter à rien jusqu’au coucher du soleil. Cette attitude lui conquit les bonnes grâces du peuple ; ceux, en effet, qui chérissaient Abner louèrent fort la façon dont David avait honoré le défunt et gardé la foi jurée, en lui décernant tous les hommages qu’on rend à un parent et à un ami, loin de lui faire comme à un ennemi l’injure d’une sépulture misérable et négligée ; le reste des Israélites se félicitaient d’avoir affaire à un prince d’un caractère doux et honnête, chacun comptant trouver chez lui la même sollicitude qu’on lui avait vu accorder à la dépouille d’Abner. Par-dessus tout David était jaloux de son bon renom et prenait en conséquence toutes les précautions pour que nul ne pût le suspecter d’être l’auteur du meurtre d'Abner ; à cet effet il déclara au peuple qu’il était sensiblement affligé de la mort d’un homme si vaillant, mort très funeste aux intérêts des Hébreux, qu’elle privait d’un chef capable de les préserver et de les sauvegarder par ses excellents conseils et par son bras vigoureux dans les combats. « Mais Dieu, dit-il, qui gouverne toutes choses, ne laissera pas sa mort impunie. Vous savez que je ne puis rien faire contre Joab et Abisaï, les fils de Sarouïa, qui sont plus puissants que moi. Mais la Divinité leur infligera le juste châtiment de leur crime. » Telle fut la fin d’Abner.

[30] II Samuel, III, 28.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant