Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE V

CHAPITRE V
Joram de Juda règne durant huit ans ; Élie avait prédit sa maladie et sa mort ; Ochozias, son fils, lui succède.

Règne de Joram de Juda ; son impiété ; il envahit l’Idumée.

1.[1] Joram, le roi de Jérusalem, — il portait le même nom que celui d’Israël, ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut, — dès qu’il eut pris le pouvoir, se hâta de mettre à mort ses frères et les amis de son père, qui étaient aussi ses généraux[2]. Tels furent ses débuts et la première manifestation de sa perversité ; il ne différa en rien des rois d’Israël qui, les premiers, violèrent les coutumes ancestrales des Hébreux et le culte de Dieu. Ce fut Athalie (Gotholia), fille d’Achab, sa femme, qui lui apprit à commettre toute sorte de péchés et notamment à adorer les dieux étrangers. A cause des assurances données à David, Dieu ne voulait pas anéantir sa race ; cependant, Joram ne laissa pas un jour sans imaginer de nouvelles impiétés et de nouvelles atteintes aux mœurs nationales. Comme les Iduméens s’étaient détachés de lui en ce temps-là et avaient mis à mort leur roi[3], un sujet fidèle de son père, pour mettre à sa place un roi de leur choix, Joram avec ses cavaliers et ses chars envahit de nuit l’Idumée ; il anéantit tous ceux qui étaient dans le voisinage de son royaume, sans toutefois aller plus loin. Mais cette action ne lui servit à rien ; tous, en effet, lui firent défection, ainsi que les habitants de la région appelés Labaina[4]. Il fut assez insensé pour contraindre son peuple à monter sur les cimes des montagnes pour adorer les dieux étrangers[5].

[1] II Rois, VIII, 16 (= II Chroniques, XXI, 4).

[2] II Chroniques, XXI, 4.

[3] La Bible dit qu’Édom fit défection, se rendit indépendant et se donna un roi. Josèphe, qui a parlé précédemment d’un roi des Iduméens, arrange le texte de façon à en faire concorder la donnée avec le récit antérieur.

[4] Hébreu : Libna ; LXX : Αοβνά. Ce territoire paraît avoir été situé sur la frontière philistine.

[5] Renseignement de la Chronique.

Lettre du prophète Élie prédisant la maladie et la mort de Joram.

2.[6] Pendant qu’il se conduisait ainsi et rejetait entièrement de son cœur les lois de ses pères, on lui apporte une lettre du prophète Élie, qui était encore sur terre ; il y déclarait que Dieu ferait subir à Joram un grand châtiment, parce qu’au lieu de marcher sur la trace de ses pères, il avait suivi les impiétés des rois israélites et forcé la tribu de Juda et les habitants de Jérusalem à répudier le culte saint du Dieu de leur patrie, pour révérer des idoles, de même qu’Achab y avait contraint les Israélites ; aussi, parce qu’il avait fait périr ses frères et tué des hommes vertueux et justes. Le châtiment qu’il allait subir pour ses crimes, le prophète le signifiait dans sa lettre : c’était la ruine de son peuple et la perte de ses femmes et de ses enfants. Lui-même mourrait d’une maladie intestinale après de longues souffrances ; ses entrailles s’échapperaient de son corps, tant son intérieur serait décomposé, de sorte qu’il verrait sa détresse et mourrait sans avoir pu y porter remède. Voilà ce qu’Élie révélait dans sa lettre.

[6] II Chroniques, XXI, 12.

Invasion d’arabes ; massacre de la famille de Joram ; sa fin.

3.[7] Peu après, une armée de ces Arabes qui habitent tout près de l’Éthiopie ainsi que de Philistins[8] envahirent le royaume de Joram, ravagèrent le pays et le domaine du roi et massacrèrent[9], en outre, ses fils et ses femmes. Un seul de ses enfants, nommé Ochozias[10], échappa aux ennemis et lui demeura. A la suite de cette catastrophe, le roi lui-même, après avoir souffert longtemps de la maladie prédite par le prophète, — car la colère de la divinité s’était appesantie sur ses entrailles, — mourut misérablement, ayant vu ses intestins lui sortir du corps. Et le peuple outragea jusqu’à son cadavre. C’est, je crois dans la pensée qu’un homme, frappé ainsi par le courroux divin, ne méritait pas les funérailles dues à un roi, qu’ils lui refusèrent la sépulture dans les tombes de ses pères et ne lui décernèrent aucun autre honneur, mais l’enterrèrent comme un simple particulier ; il avait atteint l’âge de quarante ans et en régna huit. La population de Jérusalem transmit le pouvoir à son fils Ochozias.

[7] II Chroniques, XXI, 16.

[8] Ici Josèphe emploie le vocable usuel chez les LXX pour désigner les Philistins. Les LXX semblent ici séparer les Arabes et les limitrophes de l’Éthiopie en deux peuples distincts. Josèphe paraît plus conforme à l’hébreu en faisant de « habitant près de l’Éthiopie » une apposition à Arabes.

[9] Hébreu : « emmenèrent captifs ses fils et ses femmes ». LXX : άπέστρεψαν... τής άποσxευήν... xαί τούς υίούς αύτοϋ xαί τάς θυγατέρας αύτοϋ. Josèphe a peut-être cru qu’il manquait un verbe à la fin de la phrase.

[10] Comme LXX ; hébreu : Joachaz.

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