Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XII

CHAPITRE XI
Démétrius envoie Bacchidès en Judée avec de nouvelles troupes ; bataille de Berzetho ; Judas Macchabée, enveloppé par les ennemis, y succombe ; Simon et Jonathas, ses frères, récupèrent son corps et l'ensevelissent.

Nouvelle campagne de Bacchidès.

1.[1] Démétrius, à la nouvelle de la mort de Nicanor et de la perte de son armée, renvoya Bacchidès en Judée avec de nouvelles troupes. Bacchidès partit d'Antioche, et, arrivé en Judée, campa à Arbèles[2], ville de Galilée : dans les cavernes se trouvaient de nombreux réfugiés, qu'il assiégea et fit prisonniers ; puis il quitta ces lieux et se dirigea en toute hâte sur Jérusalem. Ayant appris que Judas était campé dans un bourg appelé Berzetho[3], il marcha contre lui avec vingt mille fantassins et deux mille cavaliers. Judas avait en tout (trois) mille[4] hommes. Ceux-ci, à la vue des forces considérables de Bacchidès, prirent peur, et, quittant leurs rangs, s'enfuirent tous à l'exception de huit cents. Judas, abandonné par ses propres soldats, pressé par l'ennemi, qui ne lui laissait pas le temps de rassembler de nouvelles troupes, n'en était pas moins prêt à combattre Bacchidès avec ses huit cents hommes ; il exhorta donc ceux-ci à braver courageusement le danger, et leur donna l'ordre de marcher au combat. Mais ils lui répondirent qu'ils ne pouvaient tenir tête à une telle multitude, et lui conseillèrent pour l'instant de faire retraite et de les sauver, puis de revenir attaquer l'ennemi quand il aurait rallié les siens. « Puisse le soleil, dit-il, ne jamais me voir montrer le dos à l'ennemi. Et quand bien même les circonstances actuelles m'annoncent la fin et qu'il faille absolument périr si je combats, le resterai à mon poste, résolu à supporter courageusement tout ce qui peut m'arriver, plutôt que de ternir aujourd'hui, par la honte de la fuite, mes succès et ma gloire. » Après avoir encouragé en ces termes les soldats qui lui restaient, il leur dit de marcher à l'ennemi, pleins de mépris pour le danger.

[1] I Maccabées, 9, 1-10.

[2] Aujourd'hui Irbid ? (Wellhausen a retiré sa conjecture Ἀρβήδοις. Au lieu de la Galilée, I Maccabées nomme Γαλγάλα.

[3] Lieu inconnu (la plupart des mss. de I Maccabées ont Βερέαν. Peut-être Bir ez-Zeit au N. O. de Gophna. Dans Guerre, le combat où périt Judas a lieu à Ἀκέδασα (= Adasa du X, 5 ?).

[4] Les mss. ont χίλιοι qui est inadmissible d'après la suite ; Maccabées donne 3.000.

Combat de Berzetho ; défaite et mort de Judas Macchabée.

2.[5] Bacchidès conduisit ses troupes hors du camp et se disposa au combat ; il plaça la cavalerie sur les deux ailes, les troupes légères et les archers sur tout le front de la phalange ; lui-même resta à l'aile droite. Avant ainsi rangé son armée, quand il fut près du camp ennemi, il ordonna au trompette de donner le signal et à l'armée de s'avancer en poussant des cris. Judas fit de même et attaqua l'ennemi. Des deux côtés on combattit avec acharnement et la bataille se prolongea jusqu'au coucher du soleil. A ce moment Judas, voyant que Bacchidès et le plus fort de ses troupes étaient à l'aile droite, prit les plus résolus de ses soldats, s'élança de ce côté, attaqua ceux qui s'y trouvaient et dispersa leur phalange. Puis il enfonça leur centre, les obligea à la fuite, et les poursuivit jusqu'à la montagne appelée Aza[6]. Mais l'aile gauche, voyant la déroute de l'aile droite, se mit à la poursuite de Judas, le cerna et l'enferma en le prenant à revers. Judas, ne pouvant fuir et enveloppé par les ennemis, combattit sur place avec les siens. Après avoir tué nombre de ses adversaires, enfin, épuisé, il succomba lui-même, et mourut ; sa fin ne fut pas moins glorieuse que tous ses précédents exploits. Judas mort, ses soldats, n'ayant plus personne sur qui se guider, et privés d'un pareil chef, s'enfuirent. Simon et Jonathas, ses frères, obtinrent de l'ennemi, par traité, son corps, l'emportèrent au bourg de Modéï, où leur père avait été aussi enterré, et l'ensevelirent après que le peuple eut mené pendant plusieurs jours de suite son deuil et l'eut honoré par les rites usuels. Telle fut la fin de Judas ; c'était un homme courageux, audacieux dans ses entreprises, et qui, fidèle aux instructions de son père Mattathias, avait tout fait et tout souffert pour la liberté de ses compatriotes. Doué de la plus haute valeur, il laissa la plus grande renommée et le plus grand souvenir, pour avoir rendu la liberté à son peuple en l'arrachant au joug des Macédoniens. Il était grand-prêtre depuis trois ans quand il mourut[7].

[5] I Maccabées, 9, 11-22.

[6] Ἄζωτος dans Maccabées.

[7] 161 av. J.-C. (le 1er mois de l'an 152 Sél. d'après I Maccabées, 9, 3).

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