Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XIII

CHAPITRE IX
Hyrcan marche sur la Syrie, il prend plusieurs villes et ruine le temple du mont Garizim des Samaritains ; il prend également des villes d'Idumée et contraint les Iduméens à adopter la circoncision et les pratiques juives ; renouvellement de l'alliance et de l'amitié avec les Romains ; Ptolémée envoie Alexandre Zébina à la tête d'une armée, livre bataille à Démétrius et le tue ; Alexandre fait amitié avec Hyrcan, mais attaqué par Antiochus, le fils de Démétrius, il est battu et meurt à son tour.

Conquêtes d'Hyrcan. Ruine du temple du Garizim. Conversion forcée des Iduméens.

1. Hyrcan, à la nouvelle de la mort d'Antiochus, marcha aussitôt sur les villes de Syrie, pensant les trouver, ce qui était exact, dépourvues de combattants et de défenseurs. Après six mois de siège il s'empara de Médaba au prix de dures fatigues supportées par son armée ; ensuite il occupa Samega[1] et les localités voisines, puis Sikima[2], Garizim et le pays des Chouthéens ; ceux-ci habitaient autour du temple bâti à l'image de celui de Jérusalem, et qu'Alexandre avait permis au gouverneur Sanaballétès de construire pour son gendre Manassès, frère du grand-prêtre Jaddous, comme nous l'avons raconté plus haut[3]. Ce Temple fut dévasté après deux cents ans d'existence. Hyrcan prit aussi les villes d'Idumée, Adora et Marissa[4], soumit tous les Iduméens et leur permit de rester dans le pays à la condition d'adopter la circoncision et les lois des Juifs. Par attachement au sol natal, ils acceptèrent de se circoncire et de conformer leur genre de vie à celui des Juifs. C'est à partir de cette époque qu'ils ont été des Juifs véritables.

[1] Ou Samoga, Samaia ; ville inconnue de la Pérée (?).

[2] Sichem.

[3] Cf. livre XI, VIII, 4.

[4] Sur Adora cf. supra, VI, 5. Marissa était à mi-chemin entre Hébron et Asdod.

Senatusconsulte romain en faveur des Juifs.

2.[5] Le grand-prêtre Hyrcan, désirant renouveler l'amitié qui liait son peuple aux Romains, leur envoya une ambassade. Le Sénat reçut sa lettre et fit amitié avec lui dans les termes suivants : « … Fannius, fils de Marcus, préteur a réuni le Sénat au Comitium le huit avant les ides de février[6], étant présents Lucius Manlius, fils de Lucius, de la tribu Mentina, Caïus Sempronius, fils de Cnæus, de la tribu Falerna,.... pour délibérer sur l'objet de l'ambassade de Simon, fils de Dosithéos, d’Apollonios, fils d'Alexandre, et de Diodore, fils de Jason, hommes de bien envoyés par le peuple des Juifs. Ceux-ci nous ont entretenus de l'amitié et de l'alliance qui existe entre eux et les Romains, et de leurs affaires publiques ; ils ont demandé que Jopé, les ports[7], Gazara, Pegæ[8], et toutes les autres villes et places leur appartenant et qu'Antiochus a prises de force contrairement au décret du Sénat, leur fussent restitués ; qu'il fût interdit aux soldats du roi de traverser leur territoire et celui de leurs sujets ; que toutes les mesures prises par Antiochus pendant cette guerre, à l'encontre du décret du Sénat, fussent infirmées ; que les Romains envoyassent des commissaires chargés de faire rendre aux Juifs tout ce que leur a enlevé Antiochus et d'estimer les ravages faits pendant la guerre ; qu'enfin on donnât aux envoyés juifs des lettres pour les rois et les peuples libres, assurant la sécurité de leur retour dans leur patrie. Sur ces points voici ce qui a été décidé : renouveler l'amitié et l'alliance avec des hommes de bien, envoyés par un peuple honnête et ami.[9] » Quant aux lettres(?)[10], les Romains répondirent qu'ils en délibéreraient lorsque leurs affaires particulières laisseraient du loisir au Sénat[11] ; qu’ils prendraient soin à l'avenir que les Juifs ne fussent plus en butte à des injustices de ce genre ; et que le préteur Fannius donnerait aux envoyés, sur le trésor public, l'argent nécessaire pour leur retour. Fannius renvoya ainsi les ambassadeurs des Juifs après leur avoir donné de l'argent, sur le trésor public, et remis le décret du Sénat, à l'adresse de ceux qui devaient les escorter et assurer leur retour en Judée.

[5] Sur cette section on peut lire une dissertation de Mendelssohn, De senati consultis Romonorum ab Jobepho Antiq., XIII, 9, 2 ; XIV, 10, 22 relatis commentatio, Leipzig, 1879 (réimprimée dans Ritschl, Acta Societatis philologae Lipsiensis, V, 123 suiv.), qui a donné lieu à toute une littérature consignée dans Schürer, I3, 262. Je ne puis que maintenir les conclusions (adoptées par Willrich et Bevan) de mon article de la Revue des Études juives, XXXVIII, 1899, p. 161-171. Josèphe s'est trompé en rapportant notre SC. à l'époque d'Antiochus Sidétès ; il concerne, en réalité, son fils Antiochus Cyzicène, et le décret antérieur auquel il fait plusieurs fois allusion est celui dont le texte se lit plus loin XIV, x, 22 : le roi y est appelé Ἀντίοχος ὁ βασιλεὺς Ἀντιόχου υἱός, désignation qui ne convient qu'à Antiochus Cyzicène ; le Sénat lui enjoint de restituer aux Juifs les ports et forteresses qu'il leur a enlevés et de retirer sa garnison de Jopé.

[6] Le 6 février (probablement 105 av. J.-C.).

[7] Sans doute les « marines » de la côte philistine entre Iamnée et Gaza (Is. Lévy, Revue des Études juives, XLI, 177), qui encore aujourd'hui s'appellent en arabe El-Mina (λιμήν).

[8] Peut-être le canton du Ras el ’Ain, où prend sa source l'Aoudjeh et où s'éleva la forteresse d'Antipatris au N. E. de Jopé (Is. Lévy).

[9] Il est singulier que ni ici ni au début de la lettre il ne soit question du grand-prêtre.

[10] Les mss. ont les uns γραμμάτων, les autres πραγμάτων. Il s'agit probablement des lettres demandées pour arrêter Antiochus. En somme, le Sénat répond par une fin de non-recevoir polie.

[11] On était en pleine guerre des Cimbres.

Mort de Démétrius II. Usurpation et mort d'Alexandre Zébina.

3. Telle était la situation du grand-prêtre Hyrcan. Le roi Démétrius désirait faire une expédition contre lui, mais il n'en eut ni l'occasion ni le moyen, car les Syriens et ses soldats, qui le détestaient à cause de sa méchanceté, envoyèrent des ambassadeurs à Ptolémée surnommé Physcon[12], pour lui demander de leur donner quelqu'un de la race de Séleucus qui pût prendre la couronne. Ptolémée envoya Alexandre, surnommé Zébinas, à la tête d'une armée ; celui-ci livra bataille à Démétrius, qui, vaincu, s'enfuit à Ptolémaïs au près de sa femme Cléopâtre ; mais sa femme ayant refusé de le recevoir, il partit pour Tyr, fut pris et mourut après de longues souffrances que lui firent subir ses ennemis[13]. Alexandre, devenu maître du pouvoir, fit amitié avec le grand-prêtre Hyrcan. Puis, attaqué par Antiochus, fils de Démétrius, surnommé Grypos, il fut battu et périt dans le combat[14].

[12] Ptolémée Evergète (Physcon), frère de Philométor, régna en Égypte de 146 à 117 av. J.-C.

[13] 126/5 av. J.-C. (187 Sél.)

[14] 123/2 av. J.-C.

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