Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XIV

CHAPITRE VI
Aristobule s'échappe de Rome ; sa révolte et sa défaite face aux Romains ; il est fait prisonnier avec son fils Antigone par Gabinius, et renvoyé en prison à Rome ; rébellion d'Alexandre, le fils d'Aristobule ; Alexandre marche contre Gabinius et essuie une défaite près du mont Thabor ; après avoir tout réglé à Jérusalem, Gabinius rentre à Rome couvert de gloire.[1]

Révolte et défaite d'Aristobule.

1. Aristobule s'échappa de Rome en Judée et tenta de relever Alexandreion de ses ruines récentes. Gabinius envoya contre lui des troupes commandées par Sisenna, Antoine et Servilius[2] pour l’empêcher d'occuper la place et s'emparer de lui. Nombre de Juifs se déclarèrent pour Aristobule, tant en souvenir de son ancienne renommée que par leur goût constant pour les révolutions. Un certain Peitholaos, sous-gouverneur à Jérusalem, fit défection en sa faveur avec mille hommes. Cependant beaucoup de ses partisans étaient sans armes. Aristobule, qui avait résolu de se retirer à Machairous, renvoya ces désarmés qui ne pouvaient lui être d'aucune utilité pour agir, et partit à la tête de ceux qui étaient armés, au nombre d'environ huit mille. Mais les Romains les ayant attaqués vigoureusement, les Juifs, après s'être vaillamment et hardiment battus, furent défaits, et les ennemis les obligèrent à prendre la fuite. Ils eurent environ cinq mille hommes de tués ; les autres, dispersés de tous côtés, essayèrent de se sauver comme ils purent[3]. Aristobule, avec plus de mille hommes, s’enfuit a Machairous et fortifia la place ; bien que fort éprouvé, il n'en gardait pas moins bon espoir. Après une résistance de deux jours, pendant lesquels il reçut plusieurs blessures, il fut fait prisonnier avec son fils Antigone, qui s'était enfui de Rome avec lui, et conduit devant Gabinius. Tel fut le sort d'Aristobule. On le renvoya à Rome, où il fut mis aux fers et gardé en prison. Il avait été roi et grand-prêtre trois ans et six mois. C'était un homme de nature brillante et généreuse. Le Sénat délivra ses enfants, Gabinius avant écrit qu'il l'avait promis à leur mère, en échange des places fortes qu'elle livra ; ils revinrent alors en Judée[4].

[1] Guerre, I, 171-178.

[2] Servianus d'après Guerre. Sisenna était fils de Gabinius.

[3] Deux mille hommes se réfugièrent sur une colline (Guerre).

[4] La révolte d'Aristobule se place en 56 av. J.-C.

Gabinius en Égypte. Nouvelle tentative d'Alexandre fils d'Aristobule.

2. Gabinius marchait contre les Parthes et avait déjà traversé l'Euphrate, quand il changea de dessein, et se tourna vers l'Égypte, voulant y rétablir Ptolémée[5]. Ces événements ont été racontés ailleurs[6]. Antipater, pendant toute l'expédition que Gabinius dirigea contre [Archélaüs][7], lui fournit du blé, des armes et de l'argent ; il lui gagna l'amitié et l'alliance des Juifs qui, au-dessus de Péluse, gardent les 400 passages qui commandent l'entrée de l'Égypte. A son retour d'Égypte, Gabinius trouva la Syrie en proie aux soulèvements et aux troubles : car Alexandre, fils d'Aristobule, s'était emparé de nouveau du pouvoir par la force, avait soulevé un grand nombre de Juifs, et parcourant le pays à la tête d'une forte armée, tuait tous les Romains qu'il rencontrait ; beaucoup se réfugièrent sur le mont appelé Garizim, où il les assiégea.

[5] Ptolémée Aulète, chassé par les Alexandrins révoltés.

[6] Josèphe emprunte étourdiment cette phrase à l'auteur grec qu'il copie.

[7] Les mss. ont ἐφ Ὑοκανόν qui n'a point de sens. La correction Ἀρχέλαον est due à Hudson. Archélaüs, fils d'un général de Mithridate Eupator, avait épousé Bérénice, fille d'Aulète, proclamée reine par les Alexandrins.

3. Gabinius, trouvant la Syrie dans cet état, envoya aux rebelles Antipater, comptant sur son intelligence pour essayer de les guérir de leur folie et les ramener à la raison. Antipater partit, en raisonna un bon nombre et les fit rentrer dans le devoir, mais ne put arrêter Alexandre. Celui-ci, à la tête de trente mille Juifs, marcha à la rencontre de Gabinius, l'attaqua, et essuya près du mont Itabyrion[8] une défaite qui lui coûta dix mille des siens.

[8] Le Thabor.

Derniers règlements de Gabinius.

4. Gabinius, après avoir tout réglé à Jérusalem, conformément aux désirs d'Antipater[9], marcha contre les Nabatéens, les battit et renvoya les exilés Parthes, Mithridate et Orsanès, qui s'étaient réfugiés auprès de lui : on raconta qu'ils s'étaient évadés[10]. Gabinius, s'étant ainsi couvert de gloire pendant son gouvernement, rentra à Rome, après avoir remis ses pouvoirs à Crassus. Le récit des expéditions de Pompée et de Gabinius contre les Juifs a été écrit par Nicolas de Damas et Strabon le Cappadocien ; on ne trouve aucune divergence dans leurs exposés[11].

[9] Dion Cassius (XXXIX, 56) attribue à Gabinius l'imposition du tribut aux Juifs, alors que nous avons vu que Josèphe fait remonter cette mesure à Pompée (XIV, IV, 4).

[10] Mithridate est le roi des Parthes (fils et successeur de Phraale) qui, chassé par les grands en 55, se réfugia dans le camp de Gabinius. Orsanès est inconnu. Ce petit détail, isolé du contexte, est peu intelligible et sans intérêt pour l'histoire juive : on voit que Josèphe extrait hâtivement une histoire générale.

[11] La concordance générale entre les récits de Strabon et de Josèphe peut encore être contrôlée par la comparaison des renseignements historiques épars dans la Géographie de Strabon avec les Antiquités (cf. Bloch, Quellen des Josephus, p. 105). Toutefois nous sommes d'accord avec Destinon pour croire que dans cette partie des Antiquités Josèphe a eu pour guide principal Nicolas, et l'a seulement complété ou rectifié sur certains points à l'aide de l'ouvrage historique (Ὑπομνήματα) de Strabon.

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