Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XVII

CHAPITRE III
Hérode accuse la femme de Phéroras et demande sa répudiation, Phéroras refuse ; à sa demande, Antipater est envoyé à Rome auprès de l'empereur ; révélation du complot de Syllaios l'Arabe contre Hérode ; Phéroras se retire dans sa tétrarchie, tombe malade et meurt.

Phéroras refuse de répudier sa femme.

1.[1] Après avoir châtié ceux des Pharisiens qui avaient été reconnus coupables de ces crimes, Hérode réunit ses amis en conseil et accusa la femme de Phéroras, en imputant à son audace l’outrage fait aux vierges et en tirant de cette injure personnelle un motif de plainte : n’organisait-elle pas de toutes ses forces contre lui et son frère une guerre contre nature par ses paroles et ses actes ? L’amende qu’il avait infligée avait été évitée grâce à ses moyens ; enfin il n’y avait pas un des agissements actuels dont elle ne fût la complice. « Par suite, Phéroras, tu feras bien, dit-il — sans avoir besoin que je développe mon avis — de répudier de ton propre mouvement cette femme qui deviendrait une cause de guerre, entre toi et moi. Et c’est maintenant, si tu tiens à ta parenté avec moi, que tu dois la renvoyer ; ainsi, en effet, tu resteras mon frère et tu seras plus détourné de me chérir ». Mais Phéroras, bien qu’ébranlé par la force de ces paroles, répondit qu’il n’était pas plus juste de troubler son affection conjugale que ses sentiments fraternels et qu’il mourrait plutôt que d’avoir le courage de vivre privé d’une femme qu’il aimait. Alors Hérode reporta sur Phéroras la colère provoquée par les évènements, bien qu’il en eût déjà tiré elle vengeance rigoureuse ; il défendit à Antipater et à sa mère de fréquenter Phéroras et leur ordonna de surveiller les femmes pour les empêcher de se rencontrer. Ils le promirent bien, mais, dès qu’ils en avaient l’occasion, Phéroras et Antipater se réunissaient et faisaient bombance ensemble. Le bruit courait même que la femme de Phéroras avait des relations avec Antipater et que la mère de ce dernier facilitait leurs rendez-vous.

[1] Section 1 = Guerre, I, 572.

Antipater se fait envoyer à Rome. Syllaios est accusé de complot.

2.[2] Se méfiant de son père et, craignant de voir croître la haine contre lui, Antipater écrivit à ses amis de Rome, les priant de mander à Hérode qu’il eût à l’envoyer au plus tôt chez l’empereur. Ils le firent et, Hérode envoya Antipater chargé de présents considérables et d’un testament où il désignait comme son successeur au trône Antipater ; pour le cas où celui-ci mourrait avant lui, Hérode, le fils qu’il avait eu de la fille du grand prêtre. En même temps qu’Antipater s’embarqua Syllaios l’Arabe, qui n’avait obéi à aucun des ordres de l’empereur. Antipater l’accusa devant l’empereur pour les mêmes faits que précédemment Nicolas, Syllaios fut aussi accusé par Arétas d’avoir tué contre son avis beaucoup de notables de Pétra, en particulier Soémos, personnage très digne d’estime pour toutes ses vertus, et de s’être débarrassé aussi de Fabatus, esclave[3] de l’empereur. Syllaios fut aussi poursuivi pour le grief suivant. Il y avait un garde du corps d’Hérode nommé Corinthus, en qui le roi avait la plus entière confiance ; Syllaios avait cherché à le persuader en lui promettant une forte somme, de tuer le roi, et l’autre y consentit. Fabatus, ayant appris cela de la bouche même de Syllaios, le révéla au roi. Celui-ci appréhenda Corinthus et, le fit mettre à la torture, si bien qu’il avoua tout. Il fit aussi saisir deux autres Arabes sur les dénonciations de Corinthus : l’un chef de tribu, l’autre ami de Syllaios. Eux aussi, mis à la torture, reconnurent qu’ils avaient été apostés pour exhorter Corinthus à ne pas faiblir et pour lui prêter main-forte, si besoin était, dans l’accomplissement du meurtre. Saturninus, à qui Hérode avait dénoncé tout le complot, les envoya à Rome.

[2] Section 2 = Guerre, I, 573-577.

[3] Dans doute un affranchi.

Retraite, maladie et mort de Phéroras.

3. Quant à Phéroras, qui persistait avec ténacité à soutenir sa femme, Hérode lui ordonna de se retirer dans son apanage. Il regagna volontiers sa tétrarchie, non sans avoir maintes fois juré qu’il n’en reviendrait pas avant d’avoir appris la mort d’Hérode. Aussi, quand on lui demanda, lors de la maladie du roi, de venir pour se voir confier certaines missions en cas de vacance du trône, il s’y refusa par respect pour son serment. Cependant, Hérode, dans des constances analogues, n’imita point l’attitude de son frère ; il alla chez Phéroras quand celui-ci plus tard tomba malade, sans même être appelé ; Phéroras mort, il prit soin de faire mener sa dépouille à Jérusalem pour lui donner la sépulture et il édicta un grand deuil en son honneur. Ce fut là pour Antipater, bien qu’il fût parti pour Rome, le début de ses malheurs, car Dieu devait le punir de son fratricide. Je vais poursuivre tout ce récit, car c’est un avertissement pour l’espèce humaine de pratiquer la vertu[4] en toute circonstance.

[4] πολιτεύεσθαι A. M. W. : πολιτεύσαντος Niese.

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