Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XVII

CHAPITRE VIII
Hérode refait son testament, cette fois en faveur d'Archélaüs ; il meurt cinq jours après la mort d'Antipater ; Salomé et Alexas libèrent les Juifs enfermés dans l'hippodrome ; mort d'Hérode, les soldats et leurs chefs promettent dévouement à Archélaüs ; funérailles somptueuses du roi, il est enseveli à Hérodion ; Archélaüs s'abstient de porter le nom de roi avant confirmation par l'empereur.

Nouveau testament d’Hérode. Sa mort.

1.[1] Puis, ayant changé de sentiments, il refit son testament : à Antipas, auquel il avait d’abord laissé la couronne, il donna les tétrarchies de Galilée et de Pérée ; Archélaüs obtint la royauté : son fils Philippe, frère légitime[2] d’Archélaüs, eut la Gaulonitide, la Trachonitide, la Batanée et Panias à titre de tétrarchie ; Iamné, Axotos et Phasaelis furent attribués à sa sœur Salomé avec cinq cent mille drachmes d’argent monnayé. Il pourvut aussi au reste de ses parents et les enrichit chacun par des legs de capitaux et de revenus. A l’empereur il donna dix millions de drachmes d’argent monnayé et, en plus, de la vaisselle d’or et d’argent et des étoffes d’un très grand prix ; à Julia, femme de l’empereur et à quelques autres, il distribua cinq millions de drachmes. Cela réglé, le cinquième jour après avoir fait tuer son fils Antipater, il mourut[3] ; il avait régné trente quatre ans depuis l’exécution d’Antigone et trente-sept, depuis sa désignation par les Romains, homme d’une cruauté égale envers tous, cédant à la colère, rebelle à la justice, il jouit d’une fortune sans égale. En effet, de simple particulier, il devint roi et, bien qu’entouré d’innombrables dangers, échappa à tous et atteignit un âge très avancé. Mais quant à ses affaires de famille et ses rapports avec ses fils, si, à son point de vue, il fut favorisé par le sort, puisqu’il les regardait comme ses ennemis et parvint à en triompher, à mon avis il fut profondément malheureux.

[1] Section 1 = Guerre, I, 665.

[2] γνήσιος. Expression singulière, car Philippe était fils, non de Malthaké (mère d’Archélaüs et d’Antipas), mais de la juive Cléopâtre.

[3] Dans la première quinzaine du mois de Nisan de l’an 4 av. J.-C. (Schürer, I, 415).

Avènement d’Archélaüs.

2.[4] Avant que la mort du roi ne fût divulguée, Salomé et Alexas renvoyèrent ceux qu’on avait enfermés dans l’hippodrome, disant que le roi leur ordonnait de partir dans leurs champs pour s’occuper de leurs affaires. Ce fut là un grand bienfait qu’ils accordèrent au peuple. Ensuite la mort du roi fut rendue publique et Salomé et Alexas, ayant réuni l’armée dans l’amphithéâtre de Jéricho, lurent d’abord une lettre écrite par Hérode aux soldats pour les remercier de leur fidélité et de leur dévouement envers lui et pour les inviter à témoigner les mêmes vertus à Archélaüs son fils qu’il désignait comme roi. Puis le garde du sceau royal Ptolémée lut le testament, qui ne devait être exécutoire qu’après approbation de l’empereur. Aussitôt s’élevèrent des acclamations en l’honneur du roi Archélaüs, et les soldats par bandes, aussi bien que leurs chefs, lui promirent leur dévouement et, leur zèle et invoquèrent l’aide de Dieu pour lui.

[4] Section 2 = Guerre, I, 666-670.

Obsèques d’Hérode.

3.[5] Ensuite on prépara les funérailles du roi. Archélaüs prit soin que le convoi de son père fût aussi somptueux que possible et fournit tous les ornements nécessaires pour la pompe funèbre qui devait escorter le corps. On le portait sur une litière d’or parsemée de pierreries précieuses et variées ; il y avait une couverture pourprée ; le mort était revêtu de pourpre, paré d’un diadème surmonté d’une couronne d’or, et un sceptre était étendu à côté de sa main droite. Autour de la litière marchaient ses fils et la foule de ses parents ; derrière, l’armée répartie selon la nationalité et la désignation des corps de troupes : d’abord les gardes, puis le corps thrace, ensuite tous les Germains et après eux les Gaulois, tous en tenue de campagne. Derrière eux s’avançait le reste de l’armée marchant en ordre de bataille, conduit par les centurions et les chefs de cohortes. Suivaient cinq cents esclaves portant des aromates. On alla ainsi jusqu’à Hérodion, distant de huit stades[6], car c’est là que le roi fut enseveli conformément à ses volontés. Telle fut la fin d’Hérode.

[5] Section 2 = Guerre, I, 671-673.

[6] Dans Guerre, I, 33, la distance indiquée est 200 stades (de Jéricho) et correspond à peu près à l’emplacement présumé d’Hérodion ; Schürer, I, 417, cherche à concilier les deux textes en soutenant que le notre indique seulement la distance jusqu’où le cortège accompagna le corps.

Discours d’Archélaüs à l’armée. Demandes du peuple.

4.[7] Archélaüs observa un deuil de sept jours en l’honneur de son père — c’est ce qu’ordonne la coutume des ancêtres ; puis, après avoir offert un festin à la foule et levé le deuil, il monta au Temple. Tous ceux qu’il rencontrait lui adressaient des souhaits et des éloges, rivalisant entre eux à qui ferait les vœux les plus ardents. Lui, monté sur une estrade élevée qu’on avait construite et assis sur un trône d’or, tendait les mains vers la foule, satisfait de ses acclamations, joyeux de son affection, et il remerciait ses sujets de ne pas lui témoigner de ressentiment pour les injustices que son père avait commises envers eux, ajoutant qu’il s’efforcerait de payer de retour leur bonne volonté. Pour l’instant, cependant, il s’abstiendrait de porter le nom de roi, car il ne revêtirait cette dignité que lorsque l’empereur aurait ratifié le testament de son père : aussi, bien qu’à Jéricho l’armée eût vivement désirer le couronner du diadème royal, il avait refusé de recevoir cet honneur si convoité parce que celui qui devait le lui conférer définitivement ne s’était pas encore prononcé. Mais, si le pouvoir lui échéait, sa bienveillance ne négligerait rien pour répondre à leur dévouement ; il s’efforcerait de se montrer en toute circonstance meilleur pour eux que son père. Les Juifs, suivant l’habitude de la foule, étaient persuadés que les premiers jours révèlent les dispositions de ceux qui accèdent à de telles charges, et plus Archélaüs leur parlait avec douceur et flatterie, plus ils se répandaient en éloges. Ils se mirent à lui demander des largesses : les uns lui criaient d’alléger les tributs annuels, les autres de délivrer les captifs enchaînés sur l’ordre d’Hérode, qui étaient nombreux et enfermés depuis de longues années ; d’autres demandaient à être déchargés des droits sur les ventes publiques qu’on percevait avec rigueur. Archélaüs ne les contredisait nullement, car il brûlait de faire plaisir en tout à la multitude, dans l’idée qu’il était important de s’assurer son dévouement, s’il voulait garder le pouvoir. Ensuite, après avoir sacrifié à Dieu, il alla festoyer avec ses amis.

[7] Section 4 = Guerre, II, 1-5.

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