Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE I

CHAPITRE XXVII

Sottises du récit de Manéthôs.

(251) Voilà ce que les Égyptiens racontent sur les Juifs, sans compter bien d'autres histoires que je passe pour abréger. Manéthôs dit encore que dans la suite Aménophis revint d'Éthiopie, suivi d'une grande armée, ainsi que son fils Rampsès, à la tête d'une armée lui aussi, que tous deux ensemble attaquèrent les Pasteurs et les impurs, les vainquirent, et qu'après en avoir tué un grand nombre, ils les chassèrent jusqu'aux frontières de Syrie. Voilà, avec des faits du même genre, ce qu'a raconté Manéthôs[1]. (252) Or il dit manifestement des sottises et des mensonges, comme je vais le montrer en retenant d'abord ce fait, pour réfuter plus tard d'autres auteurs ; il nous a accordé et il a reconnu que notre race ne tire pas son origine des Égyptiens, mais que nos ancêtres vinrent du dehors s'emparer de l'Égypte et qu'ils la quittèrent. (253) Mais nous n'avons pas été mêlés dans la suite aux Égyptiens infirmes, et Moïse, qui conduisit le peuple, loin d'être des leurs, avait vécu bien des générations plus tôt, comme je vais essayer de le prouver par les propres discours de Manéthôs.

[1] Tout ce récit de Manéthôs est, comme le dit Maspero, « un roman où très peu d'histoire se mêle à beaucoup de fables ». Il semble même que ce peu d'histoire se borne aux noms du roi et de son ministre sorcier. L’invention première ne paraît pas appartenir à Manéthôs, car Hécatée d'Abdère, dont l'ouvrage est, semble-t-il, un peu plus ancien, raconte déjà (ap. Diodore, XL, 3) que les Hébreux sont des étrangers expulsés d'Égypte à la suite d'une peste : c'était la tradition juive elle-même, accommodée au goût du public égyptien. La version d'Hécatée se corsa de nouveaux détails dont le motif est transparent : par exemple, les Juifs ont prétendu que Dieu frappa les Egyptiens de la lèpre ; on riposte qu'eux-mêmes sont des lépreux, etc. Les auteurs de ces contes polémiques n'avaient qu'une connaissance très superficielle de la Bible et, en fait de noms propres, n'avaient guère retenu que ceux de Joseph et de Moïse. On faisait de Moïse le petit-fils de Joseph (Apollonios Molon) ou son fils (Justin) ; parfois même leurs rôles ont dû être confondus. C'est ce qui explique que Manéthôs donne à Moïse un nom égyptien qui visiblement avait été d'abord inventé pour Joseph. S'il fait de lui un prêtre d'Héliopolis, c'est peut-être parce que lui-même était prêtre de Sébennytos et qu'il y avait rivalité entre les deux corporations.

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