Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE II

CHAPITRE XXXIII

Critique de la religion grecque.

(236) Après cela, les Lysimaque, les Molon et autres écrivains du même genre, méprisables sophistes qui trompent la jeunesse, nous représentent injurieusement comme les plus vils de tous les hommes. (237) Je ne voudrais pas examiner les lois des autres peuples ; il est de tradition chez nous d'observer nos propres lois et non de critiquer celles des étrangers ; même la raillerie et le blasphème à l'égard des dieux reçus chez les autres nous ont été formellement interdits par le législateur, à cause du nom même de Dieu[1]. (238) Mais comme nos accusateurs croient nous confondre par la comparaison, il n'est pas possible de garder le silence, d'autant plus que le raisonnement par lequel je vais répondre n'a pas été imaginé par moi pour la circonstance, mais a été exposé par des auteurs nombreux et très estimés. (239) Quel est en effet parmi les auteurs admirés en Grèce pour leur sagesse celui qui n'a point blâmé les plus illustres des poètes et les législateurs les plus autorisés d'avoir semé dès l'origine parmi la foule de telles idées sur les dieux ? (240) Ils en grossissent le nombre à leur volonté, les font naître les uns des autres et s'engendrer de diverses façons. Ils les distinguent par leur résidence et leur manière de vivre, comme les espèces animales, ceux-ci sous terre, ceux-là dans la mer, les plus âgés prisonniers dans le Tartare[2]. (241) Tous ceux à qui ils ont donné le ciel en partage sont soumis par eux à un prétendu père, qui est en réalité un tyran et un maître ; aussi voit-on, d'après leurs imaginations, conspirer contre lui son épouse, son frère et sa fille, qu'il engendra par la tête, pour le saisir et l'emprisonner[3], comme lui-même fit son propre père.

[1] Allusion à Exode, XXII, 28, verset que les Septante interprètent, et qui est entendu dans le sens indiqué par Philon, Vit. Mos., III, 26 § 205  De Monarch., p. 818, § 7 ainsi que par Josèphe lui-même, Ant., IV, 207 (voir la note sur ce passage). On peut aussi rapprocher Exode, XXIII, 13 : « Vous ne prononcerez point le nom d'autres dieux&nbs;».

[2] Les Titans.

[3] Allusion à la scène de l'Iliade, A, 399.

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