Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 4
Depuis la soumission de presque toute la Galilée jusqu'au séjour de Vespasien à Alexandrie

CHAPITRE 1
Soumission de presque toute la Galilée. Siège de Gamala ; revers des Romains. Vespasien relève le moral de ses troupes. Découragement des gens de Gamala ; siège du mont Itabyrios. Les Romains prennent Gamala.[1]

[1] La nouvelle édition grec et anglais des livres IV-VII de la Guerre par feu Thackeray Loeb Library. Londres. 1928, où il est tenu compte des corrections de Niese, Herwerden, Destinon, etc., permet de réduire ici le commentaire critique. La traduction a été conférée avec le dernier texte. — S. R.

Soumission de presque toute la Galilée.

1. Tous les Galiléens qui, après la prise d'Iotapata, avaient fait défection des Romains, se soumirent quand Tariéhées succomba : les Romains occupèrent alors toutes les citadelles et les villes excepté Gischala et le mont Itabyrios, tenu par des révoltés. De concert avec ces derniers se souleva la ville de Gamala, située de l'autre côté du lac, en face de Tarichéès[2]. Elle appartenait d'ailleurs au domaine d'Agrippa, comme Sogané et Séleucie[3], qui dépendaient également toutes deux de la Gaulanitide : mais Sogané faisait partie de la Gaulanitide supérieure ou Gaulanà, Gamala de la Gaulanitide inférieure. Quant à Séleucie, elle est située sur le lac Séméchonitis[4], large de trente stades, long de soixante : ses marais s'étendent jusqu'au pays de Daphné[5] que d'autres avantages rendent délicieux, et dont les sources alimentent le petit Jourdain, avant de l'envoyer dans le grand fleuve, au pied du temple de la vache d'or[6]. Agrippa s'était concilié par un traité, dès le début de la révolte, les citoyens de Sogané et de Séleucie ; mais Gamala ne se soumit pas, plus confiante encore qu'Iotapata dans les difficultés du terrain. Car une crête escarpée, prolongement d'une montagne élevée, dresse une hauteur centrale qui s'allonge et s'incline en avant et en arrière, offrant ainsi une figure semblable à celle d'un chameau : c'est de là que la ville a pris son nom, les habitants du pays ayant altéré l'initiale de ce mot[7]. Sur les côtés et de face, le sol est sillonné de vallons infranchissables : mais, en arrière, il se dégage un peu de ces obstacles, vers l'endroit où il se rattache à la montagne : les habitants l'avaient d'ailleurs coupé par un fossé transversal et rendu cette région difficile d'accès. Sur le flanc de l'escarpement où elles étaient construites, les maisons se pressaient étroitement les unes contre les autres ; la ville semblait ainsi suspendue en l'air et s'effondrer sur elle-même du point culminant des rochers. Tournée vers le midi, elle avait de ce côté pour acropole une montagne très élevée ; au-dessous[8] un précipice, qu'on n'avait point enclos d'une muraille, plongeait en une vallée d'une extrême profondeur : il y avait une source à l'intérieur du rempart et c'était là que se terminait la ville.

[2] Tarichées, au sud de Tibériade, près de Kerak (Schürer. II, p. 614) ; Gischala. dans le nord de la Galilée, est El Djish (ibid., p. 617). Le Mont Itabyrios est le Mont Thabor (ibid., p. 616). Gamala est probablement Djamle (ibid., p. 615).

[3] Sogané (Gaulanitide) est distincte d'une bourgade homonyme en Galilée ; on n'en connaît pas l'emplacement. Séleucie : (Selukiyeh) est au nord-est de Bethsaida. Ces places avaient été fortifiées par Josèphe.

[4] petit lac dit Bahiret le Huel, au nord du lac de Gennesaret.

[5] Reland dit Danès (Antiq. T. VIII, p.226) : probablement Khurbet Dufna, au sud de Laish.

[6] Il s'agit d'un des veaux d'or de Jéroboam (Rois, XII, 29).

[7] Observation singulière, car Kamala serait une forme grecque ; le nom sémitique du chameau commence par un G (Thackeray).

[8] [ὁ] δὲ ὐπ αὐτῆς κρημνός, leçon de Niese (mss. ὑπέρ).

Siège de Gamala ; revers des Romains.

2. Cette ville, que sa nature même rendait ainsi d'un accès très malaisé, Josèphe l'entoura de murailles et la fortifia encore par des mines et des fossés. Sa situation donnait à ses habitants plus d'assurance que n'en avaient ceux d'Iotapata ; les hommes en état de porter les armes y étaient moins nombreux, mais ils mettaient leur confiance dans les avantages du terrain, au point de n'en pas accueillir d'autres pour grossir leur nombre ; car la ville était remplie de fugitifs, grâce à sa forte position ; c'est pour cela qu'elle avait résisté durant sept mois aux troupes qu'Agrippa envoya pour l'assiéger.

3. Cependant Vespasien partit d'Ammathus[9], où il avait dressé son camp en face de Tibériade. Le sens de ce nom, si l'on voulait l'interpréter, serait les Eaux Chaudes, car la ville possède une source chaude ayant des propriétés curatives. Arrivé à Gamala, comme il ne pouvait cerner de troupes toute la ville, à cause de sa situation, il plaça des postes aux endroits où cela était possible et occupa la montagne qui la dominait. Les légions, suivant leur habitude, établirent sur ce sommet un camp fortifié ; Vespasien fit commencer les terrassements à l'arrière. La partie tournée vers l'Orient, où se trouvait une tour, dressée dans le lieu le plus élevé de la ville, fut comblée par la quinzième légion : la cinquième dirigea ses travaux vers le centre de la ville : la dixième remplit de terre les fossés et les ravins. Sur ces entrefaites, comme le roi Agrippa s'était approché des remparts et s'efforçait de conseiller la capitulation à leurs défenseurs, un des frondeurs le blessa d'une pierre au coude droit ; les gens de sa suite l'entourèrent aussitôt. Quant aux Romains, ils furent d'autant plus animés à poursuivre le siège, irrités qu'ils étaient de ce qui était arrivé au Roi et craignant pour eux-mêmes, car il fallait s'attendre à un excès de férocité à l'égard d'étrangers et d'ennemis de la part de gens qui exerçaient ainsi leur fureur contre un compatriote, un conseiller dévoué à leurs intérêts.

[9] Ammaus ou Amathus, Auj. Hammam, entre Tibériade et Tarichées.

4. Les terrassements s'achevèrent avec rapidité, grâce au grand nombre de bras et à l'habitude qu'avaient les Romains de ces travaux. On mit en place les machines. Alors Charès et Joseph, qui étaient les citoyens les plus considérables de la ville, rangèrent leurs soldats ; ceux-ci étaient effrayés, car ils doutaient de pouvoir résister longtemps au siège, médiocrement approvisionnés qu'ils étaient d'eau et des autres subsistances. Cependant leurs chefs, en les exhortant, les conduisirent sur le rempart, où ils repoussèrent quelque temps ceux qui amenaient les machines ; mais, frappés par les projectiles des catapultes et des onagres, ils retournèrent à la ville. Les Romains mirent en position en trois endroits les béliers et ébranlèrent le mur : puis, se précipitant par la brèche avec un grand bruit de trompettes, un grand cliquetis d'armes et des cris de guerre, ils se jetèrent contre les défenseurs de la ville. Ceux-ci, postés à l'entrée des passages, les empêchèrent quelque temps de pousser plus loin et résistèrent avec courage aux Romains : mais forcés de tous côtés par le nombre, ils battent en retraite vers les quartiers élevés de la ville, et, comme les ennemis les suivent de près, ils se retournent, les repoussent sur la pente et les égorgent, entassés dans des passages étroits et difficiles. Ceux-ci, ne pouvant refouler les Juifs qui occupaient la crête, ni se frayer un chemin à travers leurs propres compagnons qui s'efforçaient de monter, cherchèrent un refuge sur les maisons des ennemis, peu élevées au-dessus du sol. Mais bientôt, couvertes de soldats et ne pouvant supporter leur poids, elles s'écroulèrent. En tombant, il suffisait que l'une d'elles renversât celles qui étaient placées au-dessous pour qu'à leur tour celles-ci entraînassent les autres placées plus bas. Cet accident causa la mort d'un grand nombre de Romains, car, dans leur détresse, ils sautaient sur les toits, bien qu'ils les vissent s'affaisser. Beaucoup furent ainsi ensevelis sous les débris ; beaucoup fuyaient, estropiés, atteints sur quelque partie du corps ; un très grand nombre périssaient, étouffés par la poussière. Les habitants de Gamala virent dans cette catastrophe une intervention divine : oubliant les pertes qu'ils subissaient eux-mêmes, ils redoublaient leurs attaques, repoussaient les ennemis vers les toits des maisons. Les Romains glissaient dans les passages escarpés : chaque fois qu'ils tombaient, les Juifs placés au-dessus d'eux les massacraient. Les débris de leurs demeures leur fournissaient des pierres en abondance, et les corps des ennemis tués leur procuraient du fer ; ils arrachaient, en effet, leurs glaives à ceux qui étaient tombés et s'en servaient contre les mourants. Enfin, beaucoup de Romains, voyant les maisons sur le point de s'écrouler, s'en précipitaient eux-mêmes et se donnaient la mort. Pour ceux mêmes qui lâchaient pied, la fuite n'était pas facile : car, dans leur ignorance des chemins, au milieu des nuages de poussière, ils ne se reconnaissaient pas entre eux, s'embarrassaient et se renversaient les uns les autres.

5. Ainsi, trouvant à grand peine des issues, une partie des Romains sortirent de la ville. Vespasien ne cessa de rester auprès des troupes qui soutenaient cette lutte pénible : pénétré de douleur à la vue de cette ville qui s'écroulait sur son armée, il oubliait sa propre sécurité, s'avançant peu à peu à son insu même, jusqu'aux points les plus élevés où il se trouva abandonné, au cœur du danger, avec un très petit nombre d'hommes. Il n'avait pas alors auprès de lui son fils Titus, qu'il venait de dépêcher en Syrie, auprès de Mucianus[10]. Cependant il ne jugea ni sûr ni honorable de fuir : il se souvint des périlleux travaux qu'il avait accomplis depuis sa jeunesse et de sa propre vertu. Cédant à une sorte d'inspiration divine, il fit serrer ses compagnons les uns contre les autres, protégés par leurs armures et soutint sur la hauteur ce flot de la guerre qui le submergeait. Il résista ainsi sans reculer devant la multitude des hommes et des traits, jusqu'au moment où les ennemis, frappés par cette intrépidité divine, attaquèrent avec moins de vigueur. Comme ils le poursuivaient plus mollement, Vespasien recula pied à pied, sans tourner le dos jusqu'à ce qu'il fût hors du rempart. Cette bataille coûta la vie à un grand nombre de Romains : parmi eux fut le décurion Ebutius, homme qui non seulement dans le combat où il périt, mais auparavant, dans toutes les rencontres, montra la plus noble bravoure et fit beaucoup de mal aux Juifs. Un centurion, du nom de Gallus, enveloppé avec dix soldats au milieu du tumulte, se glissa dans la maison d'un citoyen et, comme il entendit les habitants de cette demeure s'entretenir pendant le souper des plans que le peuple avait arrêtés contre les Romains et de leurs moyens de défense (Gallus était Syrien, comme aussi ses compagnons), il s'élança contre eux pendant la nuit, les égorgea tous et, sain et sauf, rejoignit avec ses soldats les lignes romaines.

[10] Légat de Syrie, un des plus fermes soutiens de Vespasien.

Vespasien relève le moral de ses troupes.

6. Cependant Vespasien voyait l'armée découragée. Ignorant la défaite, n'ayant nulle part jusqu'à ce jour subi un tel désastre[11] elle avait aussi honte d'avoir laissé seul son général au milieu des dangers. Il rassurait les soldats, évitant toute allusion à lui-même. Pour ôter à son discours la moindre apparence de blâme, il leur dit qu'ils devaient supporter courageusement des maux communs à tous, en considérant ce qu'était la guerre : la victoire n'est jamais acquise sans effusion de sang : la fortune est, de sa nature, inconstante[12] ; après avoir tué tant de milliers de Juifs, ils ont eux-mêmes payé à la divinité une légère redevance.
Comme il y a sottise à trop s'enorgueillir du succès, il y a lâcheté à se laisser abattre dans la défaite ; car dans l'une et dans l'autre occurrence, le changement est prompt, et celui-là est le plus courageux qui garde la modération dans le succès pour rester ferme et de bonne humeur dans les revers. « Certes, ces fâcheux événements qui nous arrivent maintenant ne viennent ni d'un affaiblissement de notre valeur[13], ni du courage des Juifs ; leur avantage et notre insuccès ont pour cause la seule difficulté des lieux. Ce qu'on pourrait blâmer, c'est l'excès de votre ardeur ; car lorsque les ennemis avaient fui vers les hauteurs, il fallait vous contenir, ne pas rechercher les périls du terrain élevé, mais vous emparer de la ville basse et attirer peu à peu les fuyards à un combat sûr et bien assis. C'est en vous élançant tumultueusement à la victoire que vous avez négligé votre propre sécurité. Le manque de circonspection dans la guerre, la folle ardeur de l'attaque ne nous conviennent pas à nous, Romains, qui dirigeons toutes choses avec méthode et avec ordre, mais aux Barbares, et c'est là ce qui fait la valeur des Juifs. Il nous faut donc retourner à notre propre forme de courage et éprouver de la colère plutôt que du découragement devant cet échec immérité. Demandez donc, chacun de votre coté, à votre bras la meilleure consolation : ainsi vous vengerez les morts et punirez les meurtriers. Pour moi, je tâcherai, dans tous les combats, comme je l'ai fait naguère, d'être à votre tête en marchant à l'ennemi et de revenir le dernier. »

[11] ἀγνοίᾳ πταισμάτων (Destinon). On a proposé ἀνοίᾳ et ἐννοίᾳ.

[12] παλίμπους, mot poétique peut-être emprunté ici à une épigramme de Méléagre, Anth. Pal., V., 163 (Thackeray).

[13] ἡμῶν ἐστ' préférable à ὑμῶν.

Découragement des gens de Gamala ; siège du mont Itabyrios.

7. Par ces paroles, Vespasien releva le courage de l'armée. Quant aux habitants de Gamala, ils furent quelque temps pleins de confiance par suite du succès inattendu et considérable qu'ils avaient obtenu ; mais ils réfléchirent ensuite que l'espérance même d'un accommodement leur était ravie et, d'autre part, qu'ils ne pouvaient se sauver, car ils manquaient déjà de vivres, ils tombèrent alors dans un terrible découragement et restèrent comme abattus. Cependant, ils ne négligeaient pas de travailler à leur salut dans la mesure de leurs moyens : ainsi les plus braves gardaient la brèche, les autres ce qui restait intact des défenses. Mais comme les Romains renforçaient les terrassements et tentaient un nouvel assaut, la plupart des Juifs s'enfuirent de la ville par les ravins escarpés, où ne se trouvaient pas de postes ennemis, et par les galeries de mines. Tous ceux qui restèrent, craignant d'être pris, mouraient de faim, car les vivres avaient été requis de toutes parts pour nourrir les hommes capables de combattre.

8. Tandis que ceux-ci continuaient à résister dans ces épreuves, Vespasien joignit aux travaux du siège l'investissement des Juifs qui avaient occupé le mont Itabyrios, situé entre la grande plaine[14] et Soythopolis ; sa hauteur s'élève à trente stades et il est à peine accessible sur le versant septentrional. Le sommet forme un plateau de vingt-six stades, tout entier enclos de murailles[15]. C'est cette enceinte considérable que Josèphe éleva en quarante jours[16] : il tirait de la plaine tout le bois et l'eau nécessaires, car les habitants de la montagne ne disposaient que des eaux pluviales. Comme une nombreuse multitude s'y était rassemblée, Vespasien y envoya Placidus avec six cents cavaliers[17]. L'escalade était impossible : Placidus exhorta donc à la paix la foule de ces Juifs en leur donnant l'espérance d'un traité et d'un pardon. Ceux-ci descendirent, en effet, mais avec des desseins perfides : Placidus, de son coté, leur parlait avec douceur, cherchant à les surprendre dans la plaine ; mais eux feignant d'être depuis longtemps gagnés, descendaient pour l'attaquer et mettre à profit son manque de précaution. Cependant la ruse de Placidus réussit ; car lorsque les Juifs commencent le combat, il simule la fuite, les attire après lui sur une grande étendue de la plaine, fait tourner contre eux ses cavaliers, les met en déroute, et en tue un très grand nombre : le reste de la multitude fut coupé et se vit intercepter le chemin du retour. Ceux qui avaient ainsi quitté le mont Itabyrios s'enfuirent à Jérusalem : les habitants du pays, qui manquaient d'eau, acceptèrent les promesses de Placidus et lui livrèrent, avec la montagne, leurs propres personnes.

[14] Plutôt la plaine d'Asochis (Vita, 207) que celle d'Esdraelon (Thackeray).

[15] Les chiffres du texte sont inexacts : Josèphe les a donnés de mémoire.

[16] Josèphe, Vita, 188.

[17] Sur le tribun. voir Vita, 213 : Bell., III. 59, 110 et IV, 419.

Les Romains prennent Gamala.

9. A Gamala, les plus aventureux fuyaient en secret tandis que les faibles mouraient de faim[18]. Mais les combattants soutinrent le siège jusqu'au vingt-deux du mois d'Hyperberetaios[19] : alors trois soldats de la quinzième légion atteignirent en rampant, vers l'heure de la première veille, à l'aurore, la tour qui faisait saillie de leur côté et la sapèrent en silence. Les gardes qui étaient placés au sommet ne s'aperçurent ni de l'arrivée (car il faisait nuit), ni de la présence des ennemis. Quant aux soldats romains, ils dégagèrent, tout en évitant le bruit, cinq des plus grosses pierres ; puis ils s'élancèrent au dehors. Soudain la tour s'écroula avec un fracas effroyable, entraînant les gardes. Frappés de terreur, les hommes des autres postes s'enfuirent ; les Romains en firent périr beaucoup, qui essayaient audacieusement de se faire jour, et parmi eux Joseph[20], qu'un soldat atteignit d'un trait et tua au moment où il franchissait en courant la partie de la muraille qui avait été détruite. Mais ceux qui étaient à l'intérieur de la ville, épouvantés par le bruit, couraient de toutes parts, en proie à une extrême agitation, comme si tous les ennemis s'étaient précipités sur eux. Alors Charès, alité et malade, rendit le dernier soupir, par l'effet de la terreur intense qui vint s'ajouter à sa maladie et causa sa mort. Mais les Romains, se souvenant de leur précédent échec, ne tirent pas irruption dans la ville avant le vingt-trois de ce même mois.

[18] Cf. plus haut. § 52.

[19] 9 novembre 67.

[20] Aussi nommé Josès.

10. Ce jour-là Titus qui venait d'arriver, indigné de l'échec que les Romains avaient essuyé en son absence, choisit deux cents cavaliers, accompagnés de fantassins, et fit tranquillement son entrée dans la ville. S'apercevant de son arrivée, les gardes coururent aux armes et appelèrent à l'aide. Bientôt après, quand ceux de l'intérieur furent assurés de cette invasion, les uns saisirent en hâte leurs enfants et leurs femmes et s'enfuirent vers la forteresse. avec des gémissements et des cris ; les autres, résistant à Titus, furent tués les uns après les autres ; tous ceux que l'on empêchait de s'échapper vers le sommet tombaient égarés au milieu des postes romains. Partout retentissaient les lamentations ininterrompues des victimes ; la ville entière était inondée du sang qui coulait sur les pentes. Cependant Vespasien amenait contre les fuyards réfugiés dans la citadelle le renfort de toute son armée. Mais le sommet était de toutes parts rocailleux et l'accès difficile, s'élevant à une immense hauteur, entouré de précipices[21]. Les Juifs maltraitèrent les assaillants en les accablant de projectiles variés, en particulier de quartiers de roches qu'ils faisaient rouler sur eux, étant eux-mêmes, grâce à la hauteur, difficiles à atteindre. Mais il survint, pour le malheur des Juifs, un orage miraculeux qui, portant de leur côté les traits ennemis, détournait et dispersait obliquement les leurs. La violence du vent les empêchait de se tenir sur les escarpements, de conserver une assiette ferme et même de voir les assaillants. Alors les Romains gravissent les pentes et se hâtent d'encercler les Juifs, dont les uns se défendent et les autres tendent des mains suppliantes. Mais ce qui redoublait la colère des Romains, c'était le souvenir des soldats tombés dans le premier assaut. La plupart des Juifs, désespérant de leur salut et entourés de toutes parts, embrassèrent leurs enfants et leurs femmes et se précipitèrent avec eux dans la vallée profonde qui avait encore été approfondie au pied de l'acropole. Ainsi la fureur des Romains parut moins meurtrière que le désespoir qui anima contre eux-mêmes les défenseurs, car les Romains n'en tuèrent que quatre mille, tandis qu'on en trouva cinq mille qui s'étaient précipités dans l'abîme. Nul n'échappa, sauf deux femmes, filles d'une sœur de Philippe et Philippe lui-même, fils d'un certain Iakimos (Joachim), personnage considérable qui avait été tétrarque du roi Agrippa. Ils survécurent parce qu'ils s'étaient cachés lors de la prise de la ville, car à ce moment les Romains étaient tellement irrités qu'ils n'épargnaient pas même les enfants ; des soldats, à maintes reprises, en saisirent un grand nombre pour les lancer, comme des balles de fronde, du haut de l'acropole. C'est ainsi que Gamala fut pris le 23 du mois d'Hyperberetaios ; la défection de cette ville remontait au 21 du mois de Gorpiaios[22].

[21] Le texte est altéré.

[22] 19 novembre et 12 octobre 67.

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