Élie le Tishbite

Préface

Frédéric-Guillaume Krummacher, pasteur évangélique réformé, publia à Barmen, en 1828, le premier volume de ses méditations sur l’histoire du prophète Élie ; en 1831, le second, et en 1833 le troisième et dernier volume. Les deux premiers ont été réimprimés en 1835 et 1836, à Elberfeld, dont il était devenu l’un des pasteurs. Barmen et Elberfeld font partie de la province prussienne du Rhin, et sont situées dans la riante vallée de la Wupper, qui se jette dans le Rhin entre Cologne et Dusseldorf.

Cette vallée de la Wupper est célèbre à la fois par sa prospérité temporelle et sa vie religieuse. Elle est depuis plusieurs siècles le siège d’une industrie très variée, qui, de nos jours, a acquis un tel développement, que cette petite contrée rivalise non seulement avec toute autre partie de l’Allemagne, mais même avec les contrées manufacturières de l’Angleterre. La rivière serpente comme un filet d’argent à travers les champs, les fabriques, les maisons isolées et les villes, et Elberfeld, Barmen, Lennep et Solingen forment, avec les villages intermédiaires, comme une seule ville de dix lieues carrées, dont les principaux produits sont des étoffes de tout genre, surtout de coton, des soieries, des armes et toutes espèces d’ouvrages de fer, d’acier et de cuivre. Cette population, si remarquable par son activité, son industrie et son commerce, se distingue en même temps, d’après les récits des voyageurs, par son air de santé et de bien-être. Mais elle le fait certainement par sa piété. Vivant au milieu de catholiques, elle avait conservé depuis la réformation la pure doctrine de l’Evangile, et tandis que le rationalisme envahissait l’Allemagne entière, et que la mort y menaçait l’église d’une ruine totale, la lumière continuait à briller dans la vallée de la Wupper, où l’orthodoxie s’unissait à une foi vivante, et dont les pasteurs étaient nommés par les paroisses mêmes. Le réveil religieux dont les premières traces remontent déjà à la guerre de l’indépendance, mais qui ne se manifesta pleinement que lors du troisième jubilé de la réformation, donna un nouvel élan au zèle des habitants de cette vallée, qui comptaient alors parmi leurs pasteurs Krummacher, vieillard respectable qui avait été le témoin et le soutien de l’ancienne orthodoxie, et qui le fut de ce renouvellement de vie. Elberfeld et Barmen ont aujourd’hui des sociétés bibliques, de traités et de missions. C’est au milieu de cette population que vit F.-G. Krummacher, proche parent de celui que nous venons de nommer. C’est là qu’ont été prêchées les méditations sur Élie, dont nous publions la traduction. On sent, en les lisant, qu’elles ont été adressées à une église bien affermie dans la vérité, et qui réclame une nourriture solide ; mais, d’autre part, on remarque aussi quelle forte opposition sa foi vivante a soulevée dans la contrée environnante et dans toute l’Allemagne, où le Wupperthal est aussi décrié parmi les ennemis de l’Evangile qu’il est respecté des vrais disciples du Seigneura.

a – F.-G. Krummacher est l’auteur d’Élie, de la Sulamithe, du Coup d’œil dans le règne de la grâce, du sermon sur Jean-Baptiste. Il ne faut pas le confondre avec G.-D. Krummacher, pasteur à Elberfeld, auteur d’excellents sermons sur La Lutte de Jacob et sur La Justification, ainsi que d’autres sur Les Campements des Israélites dans le Désert, ni avec F.-A. Krummacher, pasteur à Brême, l’auteur des Paraboles, de La Colombe et de la Vie de saint Jean. Près d’Elberfeld, à Langenberg, est un autre pasteur du même nom, E.-W. Krummacher, qui a publié un petit écrit sur La Grâce. — Ajoutons que dans la même vallée de la Wupper habitent Sander, dont nous avons publié les Aperçus sur les quatre Evangiles ; Leipold, qui a donné une Histoire de l’Eglise, dont M. Descombaz a fait usage dans son Histoire de l’Eglise chrétienne, Lausanne, 1859 ; Wichelhaus, auteur de sermons très estimés sur Les Sept Eglises de l’Apocalypse ; et Lindl, l’un des curés catholiques du sud de l’Allemagne, qui ont embrassé la réforme.

De tous les écrits qui sont sortis du Wupperthal, nul n’a fait une aussi grande sensation qu’Élie. Mais avant que de parler nous-mêmes de cet ouvrage et de son auteur, écoutons Krummacher lui-même qui s’exprimait ainsi dans la préface du premier volume :

« La fausse théologie est parvenue au sein de l’Eglise à dépouiller tellement de toute considération Moïse et les prophètes, que la réponse bien connue d’Abraham au mauvais riche dans les flammes (Luc.21.29) n’a plus aucun sens pour notre époque. La néologie qui avait commencé dans les chaires des professeurs ses violentes attaques contre la Bible, s’est propagée par les prédicateurs dans la masse entière de notre chrétienté laodicéenne. Le vase sacré a été mis en pièces par les universités, et maintenant les enfants assis dans les rues jouent avec ses débris.

On en est venu à parler de l’Ancien Testament, à peu près comme du Coran des Turcs. On le considère comme une relique historique, dont le seul mérite est de nous faire connaître le caractère moral d’un peuple, assez intéressant malgré ses superstitions, sa rudesse et son orgueil ; comme une relique qui, à l’exception de quelques beaux morceaux de poésie orientale, ne contient absolument rien que puisse approuver et goûter un homme éclairé, un élève de notre siècle philosophique. Voilà les jugements qu’ose porter sur la Parole du Dieu tout-puissant, qui a son trône dans les cieux, la petite troupe de sauterelles qui vivent sur la terre, son marche-pied (Esaïe.40.22). Et que celui qui ne veut pas s’exposer aux anathèmes de ce siècle mauvais, garde pour lui ses croyances, s’il pense de Moïse et des prophètes autrement que ne le veut l’intolérance de nos néologues. Dans de telles circonstances, il n’est point étonnant que maint administrateur des mystères de Dieu se sente intérieurement pressé de restituer à l’église la perle de l’Ancien Testament qui lui a été dérobée, de r’ouvrir et d’exploiter autant qu’il est en leur pouvoir cette mine d’or abandonnée, et de s’aider à renverser les barrières avec lesquelles l’insolente incrédulité a fermé l’entrée du temple mystérieux où vivent les patriarches et les prophètes.

Ce n’est sans doute point une entreprise facile que de vouloir réconcilier une génération orgueilleuse et suffisante comme est la nôtre, avec un livre dans lequel des ânesses parlent, des corbeaux apportent à manger, des chevaux fendent les airs, des meurtriers et des adultères sont justifiés par la foi, et des maîtres en Israël (Jean ch. 3) recueillent pour fruit de leur justice la malédiction et la condamnation. Aussi notre intention n’est-elle point de perdre notre temps à un tel travail. Il est une science, une apologétique qui se propose ce but là ; mais nous craignons bien qu’elle ne soit la cinquième roue au char d’une théologie qui a fait sa demeure dans les nuages loin des cœurs des hommes. Elle vante à des aveugles la beauté des couleurs ; mais, avec toute sa meilleure volonté, elle ne peut leur rendre la vue ; et ceux qui l’ont recouvrée à la parole miraculeuse du Sauveur, diront à cette apologétique ce qu’Elisée répondit un jour aux disciples des prophètes : « Je le sais déjà, taisez vous. » (2Rois.2.5).

Cependant il est une apologétiqueb dont les travaux ne sont rien moins qu’inutiles, et que l’on aimerait à voir s’occuper, plus qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent, des livres historiques de nos saintes Ecritures, et en particulier de ceux de l’Ancien Testament. Elle est humble d’esprit, et loin de s’imaginer qu’elle peut convertir un monde pour lequel Jésus-Christ n’a pas voulu prier, elle se tourne vers ceux dont les paupières ont déjà été ointes par le médecin céleste, et qui sont de la maison du Seigneur, ou du moins qui y volent « comme des colombes vers leur colombier » (Esaïe). Supposant qu’ils ont déjà reçu de Dieu le sens pour la vérité divine, elle leur parle comme un être vivant à des âmes vivantes. Mais elle ne se cache pas que tous les flambeaux qui brûlent dans la Cité sainte n’ont point le même éclat, et que, parmi l’Israël de Dieu, il est un grand nombre de personnes qui, malgré tout leur désir d’être éclairées par le soleil d’en haut, partagent encore à maint égard l’incrédulité du siècle au milieu duquel elles sont nées et ont grandi ; de personnes qui n’avancent que sous la lourde charge des nombreux préjugés qu’elles ont sucés avec le lait maternel, et qui ne peuvent se défendre de doutes pénibles, surtout en ce qui concerne diverses sections de l’Ancien Testament. C’est à de telles âmes que l’apologétique tend une main secourable, elle cherche à leur présenter dans son vrai jour ce qu’elles comprenaient mal ; elle leur dévoile de son mieux tout ce que des faits étranges renferment de vraiment digne de Dieu ; elle leur indique les liens qui unissent les détails à l’ensemble de l’économie divine ; elle résout les contradictions apparentes ; elle explique les énigmes et les figures ; elle tire à la lumière les trésors enfouis dans un sol qui semblait stérile, et elle écarte, autant que cela lui est donné, les pierres et les ronces qui formaient l’accès à nombre des sources de consolation et de rafraîchissement qui jaillissent dans les domaines de la révélation. Science aimable et de bon secours, qui cherche à dissiper les doutes, à affermir la foi, à rendre la joie plus pure. Notre intention a été, dans nos méditations, de marcher selon les directions que trace cette science, et combien nous aimerions à recevoir le témoignage que quelques-uns de nos frères rachetés avec nous par Jésus-Christ y ont en effet trouvé le secours que nous désirions offrir à leur foi !

b – Voyez sur le vrai rôle de l’apologétique, la première note de Tholuck, dans Guido et Julius. Tholuck assigne à cette science le même rôle que fait ici Krummacher.

Les motifs qui nous ont engagé à choisir l’histoire du prophète Élie pour la méditer dans l’église aux heures paisibles de la soirée, dans une longue série de discours, sont, d’une part, tout ce que renferme d’instructions d’une utilité générale, cette histoire qui est, sans contredit, l’une des plus merveilleuses de la Bible, des plus attrayantes, des plus abondantes en consolations, des plus riches en pensées profondes et saisissantes, et, d’autre part, les lumières qu’elle est tout particulièrement propre à répandre sur le caractère distinctif de l’ancienne alliance. Elle nous dévoile en un tableau vaste, précis et parlant, la nature du gouvernement de Dieu pendant le temps de la loi, ses rapports au peuple élu dont il était le vrai roi, la méthode d’éducation qu’il suivait avec lui, ce qu’étaient les prophètes, leur position au milieu de la nation, leur charge de prendre en main la défense de la gloire du Dieu saint en Israël, et d’exécuter et interpréter les décrets de Dieu sur la terre ; et celui qui a bien saisi le sens de cette histoire, a trouvé un flambeau qui dissipera devant lui en nombre de cas l’obscurité du temple mystérieux de l’Ancien Testament. »

Dans la préface du troisième volume, Krummacher dit que « les néologues ont porté un coup plus funeste à l’église allemande en faussant l’histoire de la Bible, qu’en en tronquant les dogmes. Ils peuvent se vanter d’avoir chassé tous les saints hors du temple dont ils avaient expulsé l’ancienne doctrine, et qu’ils ont rendu désert et silencieux comme le serait un nid d’oiseau abandonné dont on enlèverait sans peine tous les œufs, et qui resterait vide. Ils sont parvenus à rendre douteuse au peuple l’existence historique d’un Abraham, d’un Moïse, d’un Josué, d’un Élie, d’un Élisée, de tous les héros de notre royaume, de faire d’eux tous des personnages mythiques, ou même de les ravaler au rang des hommes les plus communs. C’est là, selon nous, leur plus important triomphe, et la perte la plus douloureuse qu’ils nous ont fait essuyer. Car ils ont ainsi renversé dans la poussière les défenseurs de ces dogmes qu’ils foulaient aux pieds. Ils ont lapidé les témoins qui pouvaient reconstruire en un clin d’œil, par leur seule présence, ce qu’ils démolissaient. Ils ont détruit les fortes colonnes contre lesquelles se seraient facilement brisés les flots de leurs mensonges, et ôté toute force à ces apologies vivantes de la Parole révélée. Car combien la preuve qui résulte des miracles moraux que nous présente l’Ecriture est plus puissante que celle qu’on tire même des plus grands miracles physiques !

Il faudrait à notre église un Élie qui vînt prendre en main sa défense, un Élie vivant et agissant parmi nous, et non pas seulement le récit de ce que le prophète de ce nom a fait dans les temps passés. Cependant nous pensons que ce serait un véritable gain si ces grands personnages de l’antiquité sacrée reprenaient en quelque sorte vie dans l’esprit des chrétiens. Nous attendons avec impatience l’heure où quelqu’un de nos contemporains, fait pour comprendre cette époque reculée, heurtera aux tombeaux de ces anciens héros de Sion, et reproduira aux yeux de tous, dans toute leur beauté et leur éclat, ces hommes maintenant dédaignés et maltraités. Nous saluerons avec des cris de joie cette fête d’une résurrection intellectuelle, et nous bénirons la trompette à la voix de laquelle ces coryphées du royaume des cieux sortiront de leurs ténèbres et se présenteront dans toute leur grandeur au milieu de l’église livrée au pillage. Cependant on n’envisagera sans doute pas comme entièrement inutile le travail de ceux qui, sans avoir reçu le don de résurrection, aident à tirer de l’oubli ces antiques statues et à les débarrasser de la poussière et de la rouille dont les ont chargées l’ignorance, le préjugé et l’incrédulité. Peut-être qu’à cette simple vue le peuple se sentira saisi de nouveau de respect pour ces grands hommes de la Bible, qu’il entreverra la beauté et la gloire de leurs caractères et de leurs vies, et qu’il se tiendra en garde contre cette science moderne qui le trompe. C’est à l’œuvre préparatoire de nettoyer ces vénérables images, que l’auteur de ce livre désirerait de contribuer en quelque manière. »

Krummacher fait observer dans cette même préface que ses méditations se sont divisées, comme d’elles-mêmes, en trois volumes, d’après les trois périodes de la vie d’Élie. Le premier volume nous place au milieu de son œuvre réformatrice, qui a atteint son comble dans le sacrifice sur le Carmel. Le second, où brille d’un très grand éclat la scène miraculeuse du mont Horeb, nous ouvre, pour ainsi dire, jusque dans ses appartements secrets, le cœur du voyant, et nous dévoile surtout le monde de ses expériences intimes. Le troisième nous présente le prophète dans son repos et dans sa gloire : les derniers jours de sa vie terrestre, qui se passent dans une douce paix, se terminent par le ravissant spectacle de son ascension sur un char de feu ; et nous retrouvons Élie sur le Thabor, dans une mystérieuse entrevue avec le Seigneur de gloire.

Krummacher ajoute que dans les second et troisième volumes, et surtout dans le dernier, il a cru être en droit de supposer chez ses auditeurs une mesure plus abondante de connaissances chrétiennes que dans le premier. « Dans la dernière partie de la vie du prophète, dit-il encore, l’élément de l’ancienne alliance lutte avec celui de l’Evangile, qui finit par le surmonter et par le faire disparaître entièrement. »

Les méditations contenues dans le premier volume et dans le second, ont été publiées par Krummacher sous leur forme primitive. Son premier projet avait été de les abréger. « Car, dit-il, les torrents de livres qui nous inondent, font, de plus en plus, à tout auteur qui désire être lu, un devoir pressant de resserrer sa pensée autant que possible, et de prendre le style lapidaire. Ce n’est que sur les demandes réitérées et positives d’un grand nombre de ses auditeurs, qu’il s’est décidé à publier ces méditations telles qu’il les avait prononcées du haut de la chaire. » Celles du troisième volume ont, au contraire, subi de grands changements. L’auteur exprime à cette occasion son opinion que, en thèse générale, avant que d’imprimer des sermons, on doit au moins les « arranger pour le lecteur. » Ainsi il a retranché plusieurs morceaux qui n’avaient trait qu’à sa paroisse, et abrégé considérablement ce qui était d’exhortation ; d’autres pensées, qu’il n’avait pu qu’indiquer, ont été développées et prouvées ; enfin, il a quelquefois jugé convenable de fondre deux discours en un seul.

Le premier volume d’Élie, comme nous l’avons dit, fit, à son apparition, une grande sensation en Allemagne. Les rationalistes le déchirèrent ; la Gazette Evangélique d’Hengstenberg le signala comme un livre à la lecture duquel « tous les lecteurs qui ont des yeux pour voir, et des oreilles pour entendre, doivent reconnaître que le feu du Seigneur est véritablement descendu dans le cœur de celui qui a pu écrire de telles pages à la gloire de son Dieu. » L’ouvrage complet fut traduit en hollandais, et l’on peut juger du succès qu’il eut en Angleterre, par cette parole prononcée à Londres, en 1837, dans l’assemblée générale de la société des traités religieux : « Quand la Société n’aurait rien fait de plus cette année que de publier une traduction d’Élie le Tishbite, de Krummacher, elle aurait déjà fait un bien inexprimable. »

Cependant, quels que soient et l’accueil que ce livre ait reçu jusqu’à présent, tant dans sa patrie que dans les pays étrangers où il a été transporté, et les qualités à la fois solides et brillantes qui’en font une des productions les plus importantes de la littérature chrétienne actuelle, et les bénédictions dont il a plu à Dieu de l’accompagner dans tous les lieux où il a été connu, nous ne pouvons envisager notre tâche comme accomplie par la publication de la traduction française, et nous croyons qu’il est de notre devoir d’exposer en toute franchise notre jugement sur ce livre qui porte un cachet extraordinaire, et dont il serait possible d’abuser. Maïs, nous défiant de nos lumières, et craignant l’accusation de partialité, nous prendrons pour notre guide, dans l’appréciation de cet ouvrage, la Gazette Evangélique, qui mérite et possède la confiance de tous par sa piété toute chrétienne, par sa tendance éminemment pratique, par sa science exempte de toute idée particulière, et par la sagesse de ses jugements ; et, dans le cas présent, nous la suivons d’autant plus volontiers, que, peu de mois avant d’annoncer Élie à ses lecteurs, elle avait critiqué avec une grande sévérité le premier recueil de sermons de Krummacher, intitulé : Coup d’œil dans le règne de la grâce, reprochant à cet auteur (dont elle ne niait point d’ailleurs et la piété et les talents remarquables) d’exagérer ses pensées, de surcharger son style d’images forcées, d’abuser de l’allégorie, de fausser la signification des textes, de mépriser le sens littéral de la Bible, de n’avoir point le sérieux que tout prédicateur doit porter dans la chaire de vérité, de se jouer de la parole humaine, de faire de l’esprit avec celle de Dieu, de manquer de charité pour les faibles et pour Ceux du dehors, et de ne présenter la saine doctrine que mêlée à des erreurs de formesc.

c – Elle ne fait exception que pour le sermon sur le cœur maternel de Dieu, et en particulier pour les méditations sur la tentation de Jésus-Christ, auxquelles elle accorde son entière approbation. Quant au sermon sur Issachar, elle voudrait détacher du texte la peinture que Krummacher fait des chrétiens de nom, et qu’elle trouve saisissante de vérité.

Quand le premier volume d’Élie parut, le même critique qui avait porté ce sévère jugement, reprit la plume pour accueillir avec une vive joie ce nouvel ouvrage qui ressemblait si peu au premier, et dans lequel les talents de premier ordre de Krummacher apparaissaient dans tout leur éclat, tandis que ses défauts se retiraient dans l’ombre. Le second volume fut jugé supérieur encore au premier, et voici comment la Gazette Evangélique s’exprimait à cette époque sur Élie (1831, n° 75) : « Si l’on veut apprendre quels trésors de doctrine il y a dans les histoires de l’Ancien Testament, et quel sens profond a, pour ainsi dire, chaque mot dans ces brefs récits dictés par l’Esprit saint, si l’on veut pénétrer dans les profondeurs de l’Ancien Testament, non par la voie d’une exégèse allégorique et mystique, mais par celle d’une interprétation pratique et applicatoire, qu’on lise l’Élie de Krummacher, et l’on rougira de l’aveuglement et du siècle présent, et des chrétiens eux-mêmes, qui ne prêtent aucune attention à nombre de choses contenues dans ce livre des livres. Krummacher, qui peut ici servir de modèle, sait rendre l’histoire d’Élie si vivante à ses lecteurs, qu’il leur semble assister réellement aux divers événements qui passent devant leurs yeux, et dont il leur expose le sens intime et la connexion intérieure ; si bien qu’en relisant le texte, ils s’étonnent et de tout ce qu’il y a trouvé et de ce que jusqu’à présent on n’y avait point lu toutes ces mêmes choses. On sent en particulier que cette histoire, expliquée comme il le fait, forme un tout complet et bien uni, et qu’il doit en être de même de toutes les histoires de la Bible ; d’où résulte, pour tout esprit non prévenu, une preuve convaincante de la divinité des saintes Ecritures dans lesquelles on reconnaît un sens si profond et une vie si puissante, qu’elles cessent de ressembler à aucun autre livre humain… Ces méditations sur Élie sont véritablement exégétiques, le texte sacré est étudié comme il doit l’être, mot après mot, et le sens est le plus souvent indiqué avec justesse. »

Tel est à nos yeux le principal mérite de l’Élie de Krummacher : il nous fait connaître en détail, par un travail historique, un des saints de l’ancienne alliance, et nous facilite par là l’intelligence plus approfondie de l’Ancien Testament tout entier. Krummacher a certainement rempli en grande partie la tâche qu’il s’était proposée en choisissant l’histoire d’Élie pour le sujet de ces méditations. Il nous semble avoir une vocation particulière pour l’interprétation de l’Ancien Testament : il y a dans son imagination quelque chose d’oriental, et sa manière de considérer les choses est plutôt celle d’un Hébreu des anciens temps que d’un Européen du dix-neuvième siècle. Son langage est naturellement figuré, poétique, et il se transporte en Dieu pour juger les événements. Les apparences ne le séduisent pas, et il voit à travers des enveloppes trompeuses le bien dans toute sa beauté, le mal dans toute sa laideur. Il ignore les ménagements de notre civilisation moderne ; il appelle les choses par leur nom, et ne sait pas voiler à demi sa pensée, car il regarde, en parlant, au Dieu en qui il croit, plutôt qu’aux hommes auxquels il parle. La justice de Dieu est véritablement pour lui aussi grande que son amour, et il se sent à son aise au milieu des châtiments temporels et immédiats qui frappaient sous la loi les ennemis de Jehovah. Les miracles les plus éclatants plaisent à son imagination, qui aime, dit-il quelque part, le réalisme biblique, qui veut des faits qui frappent les sens, du « massif. » Les types et les allégories de cette ancienne alliance qui était l’ombre d’un corps caché dans l’avenir, lui révèlent sans peine leur sens caché, et si dans l’interprétation du Cantique des Cantiques on doit regretter l’abus qu’il fait d’une méthode qui a sa vérité, ici la précision historique de son texte le retient d’ordinaire dans de justes bornes.

Cependant il ne faut chercher dans ces méditations ni la science d’un commentaire exégétique, qui explique les difficultés du texte original, ni la fidélité scrupuleuse d’un historien qui n’avance que ce dont il est parfaitement certain. Ce sont des discours familiers dans lesquels l’histoire d’Élie est racontée par un pasteur à son troupeau, qu’il veut avant tout instruire à salut et édifier en Jésus-Christ, et ici encore Krummacher mérite tous nos éloges. « Après avoir pénétré le sens historique de son texte (Gazette Evangélique, 1829, n° 57), il rapproche avec autant d’originalité que de vérité les événements qui y sont racontés, de ce qui se passe encore sous nos yeux ; il donne ainsi à cette antique histoire une vie nouvelle, et il rend évident de mille manières que les individus et le peuple de l’ancienne alliance étaient dans les mêmes rapports avec Dieu, étaient régis dans leur vie religieuse d’après les mêmes principes, étaient élevés de la même manière, passaient par les mêmes états de l’âme que les membres de l’église chrétienne, et c’est en effet ce que suppose l’usage que notre Seigneur et les apôtres font de l’Ancien Testament. En un mot, Krummacher nous paraît avoir résolu en grande partie le problème de faire servir, dans des sermons, à l’édification de tous, le texte de l’Ancien Testament, en l’interprétant dans son vrai sens, et d’après une méthode sûre et exempte de tout arbitraire quant aux choses essentielles : on peut donc le considérer comme ayant ouvert une carrière nouvelle, et comme annonçant un mode nouveau de prédication qui marchera de concert avec la nouvelle exégèse biblique, avec cette exégèse qui pénètre plus avant dans le sens des Ecritures qu’on ne le faisait depuis longtempsd. »

d – Ce n’est pas le lieu d’exposer les changements auxquels la Gazette fait ici allusion, tant quant à la prédication que quant à l’interprétation. Nous mettrons seulement à côté l’un de l’autre les noms de Reinhard et de Krummacher, ceux de Michaëlis et d’Olshausen, pour faire ressortir la transformation qui s’est opérée en Allemagne à ces deux égards.

Mais, nous devons le dire, à côté de si belles qualités se trouvent des défauts, qui peuvent être d’autant plus dangereux qu’ils ne frappent pas au premier abord.

Nous ne parlerons pas des étymologies hasardées que se permet Krummacher. Ce sont des espèces de jeux d’esprit que nul ne sera tenté d’imiter parmi nous, ils répugnent trop au génie des peuples français. L’interprète de la Bible ne doit scruter le sens des noms propres que lorsque le contexte même l’y oblige, comme c’est souvent le cas.

Nous ne nous arrêterons pas longtemps non plus à la manière en laquelle Krummacher complète le récit qu’il explique. On peut dans chaque cas lui contester la probabilité de sa supposition, ou lui nier qu’il fût nécessaire de rien ajouter au texte qui est assez clair par lui-même. Mais on ne doit pas oublier que tout commentateur ne peut interpréter, pour ainsi dire, deux versets qui se suivent, sans supposer une circonstance omise, ou une idée sous-entendue qui rétablisse l’enchaînement du discours. D’ailleurs, on rendra sans doute à Krummacher la justice de dire qu’il ne prête à Élie que des pensées ou des sentiments dignes d’un prophète, et il faut se le représenter comme un père racontant à ses enfants une histoire de la Bible telle qu’il l’a comprise après l’avoir étudiée avec soin, en leur laissant pleine liberté de l’entendre autrement que lui, dans les détails qu’il a cru devoir ajouter pour être mieux compris d’eux, ou pour faire sur leur esprit une impression plus profonde. Mais en voyant l’attention scrupuleuse qu’il apporte à chaque mot du texte, nul ne sera tenté de l’accuser de ne pas estimer assez haut et respecter comme il se doit la sainte Parole de Dieu.

Il est un reproche qu’on peut, avec plus de raison, adresser à Krummacher, avec son critique allemand : c’est l’usage qu’il fait en plusieurs endroits de l’idée d’une prédestination au mal. Il a embrassé par l’imagination, et sans en peser froidement toutes les conséquences, des doctrines auxquelles Calvin était arrivé par le raisonnement spéculatif, et il ne faut pas non plus prendre tout à fait à la lettre les termes dont il fait usage en parlant des « vases de colère, » et dont la dureté a été adoucie dans la traduction. Mais il n’en est pas moins vrai qu’on remarque dans tous ses écrits comme un zèle amer contre le monde, qu’il peut blesser et repousser. L’Ancien Testament contient sans doute de nombreux passages où l’écrivain sacré se sentant un avec Dieu, appelle la vengeance de Dieu sur les ennemis de la vérité ; mais il est rare que des accents de compassion ne se mêlent aux cris de vengeance, et que des prières pour la conversion des méchants ne précèdent ou ne suivent les menaces, qui d’ailleurs ne sont pas la manière habituelle en laquelle la Bible parle des ennemis de Dieu. Nous ne voulons point ôter aux Krummacher le droit d’annoncer au monde, avec les prophètes hébreux et les saint Jacques de l’Evangile, les châtiments qui l’attendent, s’il ne se convertit, et de dévoiler à tous les enfants du mensonge leur état de corruption et de mort ; nous n’interdirions pas non plus aux Pascal de nos jours de manier l’arme dangereuse de l’ironie, s’ils le font en Dieu et avec la pleine approbation de leur conscience. Mais si nous les entendions proclamer les jugements de Dieu avec ! moquerie et sans compassion, et menacer toujours sans jamais pleurer avec Jérémie sur les péchés de leur prochain, nous nous croirions autorisés à leur demander si ce qui les pousse à parler est l’Esprit de Dieu seul, si la voix de la chair ne se mêle point à celle de l’homme nouveau, et si même ils ne parlent peut-être pas sans Dieu pour la gloire de Dieu. Or, Krummacher n’est pas à l’abri de ce reproche, et plus ses tableaux du monde sont saisissants de vérité, plus nous regrettons que lui, pasteur de l’église de Christ, n’ait pas su toujours joindre en les traçant, à l’énergie des prophètes de l’ancienne alliance, l’esprit de charité de l’Evangile.

Enfin, il est dans toute la manière de penser et d’écrire de Krummacher une certaine exubérance d’imagination, de sentiments, d’idées et de force, qui donne à tous ses écrits une teinte qui n’est pas entièrement celle de la vérité chrétienne. On le croirait parfois entraîné par sa verve, tandis que l’esprit des prophètes doit être soumis aux prophètes (1Cor.14.32). La liberté qu’on doit accorder au prédicateur dans des méditations familières, ne peut aller jusqu’à autoriser des descriptions qui, par l’éclat de leurs images, semblent des fragments d’un poème ; et dans Élie, le poète Krummacher (car on a de lui des chants chrétiens) prend de loin en loin la place de Krummacher, prédicateur. Parfois même, on sent que Krummacher exprime inexactement sa pensée : il serait sans doute peu raisonnable de chercher dans des discours écrits avec entraînement, la précision de doctrines qu’on est en droit d’exiger d’un ouvrage de dogmatique ; mais il est aussi vrai de dire que des lecteurs peu éclairés pourraient prendre le change sur la véritable pensée de l’auteur, et abuser de ses paroles. Si cette exagération dans la pensée et dans l’expression provenait d’un désir de briller, d’une prétention à faire effet, d’une affectation de bizarrerie, l’auteur serait inexcusable. Mais on sent, au contraire, qu’il ne sait pas se contenir, que c’est presque à son insu et malgré lui qu’il parle comme il le fait, et que c’est la fougue de son esprit naturel qui l’emporte au delà de la vérité. Or, ce défaut est rare de nos jours, dans l’église protestante, où la peur d’outrepasser la vérité fait qu’on s’en tient plutôt à une grande distance. Mais il n’en est pas moins très réel, et nous reproduirons ici les paroles remarquables du critique allemand : « A juger de ce puissant prédicateur de la Parole par la connaissance que nous avons de notre cœur, et par notre propre expérience, nous devons croire que ébloui en quelque sorte par toute les éclatantes lumières que l’Evangile répand dans les âmes, il use de ses connaissances avec trop de hardiesse et de liberté, et non avec l’humilité qui est requise d’un serviteur de la Parole. Le prédicateur qui doit parler selon les oracles de Dieu (1Pierre.4.11) doit se purifier de plus en plus de toutes ses paroles propres ; il y réussira en se transportant par le cœur dans cette Bible, où les paroles de la pure vérité sont reproduites dans toute leur pureté par les prophètes à qui elles ont été adressées, et s’ils ne les ont point altérées, c’est qu’ils les ont reçues dans le plus profond de leur être, dans un cœur sérieux, calme et libre de toute recherche de soi-même. »

Nous reconnaissons donc dans l’Élie de Krummacher, à côté de qualités qui le placent au premier rang des ouvrages chrétiens composés ou traduits en français, des défauts aussi et plus saillants que dans tout autre de ces ouvrages. Nous y voyons en outre « des commencements d’erreurs » qui pourraient entraîner l’auteur et ses imitateurs, s’il devait en avoir, très loin de la vérité biblique. Mais ces défauts et ces erreurs, pour être si frappants, n’en sont, à notre avis, ni plus grands, ni plus nombreux que ceux d’écrits qui pèchent, non comme celui-ci, par surabondance de force et d’esprit, mais par faiblesse et médiocrité ; et le bien l’emporte tellement sur le mal, que nous nous réjouissons avec le critique allemand, et rendons grâces à Dieu de ce qu’il a appelé à la défense de sa cause un homme d’un esprit aussi original, un champion bien trop puissant et trop grand pour que nous voulions tenter de l’enchaîner ou de le brider pour le faire marcher à notre guise ; un disciple du Seigneur qui, par son saint enthousiasme, nous rappelle les premiers chrétiens de l’église de Corinthe, et dont le cœur déborde d’amour pour son Sauveur crucifié, et les lèvres de paroles édifiantes ; un interprète de la Bible qui en dévoile aux fidèles les profondeurs et les beautés ; un de ces prédicateurs qui sont comme les descendants de Luther par l’énergie de leurs discours et par la naïveté de leur style, et qui, sans songer à l’éloquence, se font mieux écouter, et atteignent plus sûrement les consciences que tel grand orateur ; un poète enfin qui a consacré à l’humble ministère de la Parole des talents par lesquels il aurait pu se faire un renom dans le monde, et qui vient opposer à la littérature dévergondée de la génération actuelle, la pure, douce et sublime poésie des livres sacrés et de l’âme chrétienne. Puisse l’Esprit de Dieu purifier de plus en plus à son creuset cet homme d’élite, se le soumettre entièrement, et le préserver des nombreux dangers qui l’entourent, afin qu’il fasse valoir avec fidélité et humilité les cinq talents qui lui ont été confiés !

Nous avons quelques mots encore à ajouter sur la forme des méditations que nous publions, et sur notre traduction.

Chaque discours est précédé d’un exorde plus ou moins long, qui traite une parole de la Bible autre que le texte. Cette forme n’est point particulière à Krummacher, elle date des temps passés, et, si nous ne nous trompons, on a imprimé séparément les exordes des sermons de Spener, qui forment comme autant de courtes méditations. Le prédicateur choisit un passage qui prépare l’auditeur à l’idée dominante du sermon, et qui rattache le fait particulier contenu dans le texte à l’ensemble des doctrines bibliques.

Quant à la traduction, celle de ce premier volume (que le second suivra bientôt, Dieu le voulant) est de cinq personnes différentes, qui ont chacune suivi sa manière propre, mais qui toutes ont atténué les bizarreries de style de l’original sans apporter au fond même aucun changement important. Elles n’ont pas cru devoir abréger et retrancher là où l’auteur n’avait pas voulu le faire. Plusieurs lecteurs sans doute ne leur en sauront pas gré ; car on veut aujourd’hui plutôt beaucoup lire et lire vite que profiter en paix et devant Dieu de ses lectures.

Il est un de ces traducteurs que nous aimerions à faire connaître à nos lecteurs. Dieu l’a retiré à lui dès l’entrée de sa carrière, il venait de recevoir sa consécration au saint ministère ; sa piété fondée sur la seule base solide, sa mâle éloquence, son intelligence pénétrante et lucide, sa grande science, tout semblait annoncer en lui un de ces pasteurs actifs et fidèles, dont l’œuvre est abondamment bénie par l’Auteur de toute grâce. Mais telle n’était pas la pensée de Dieu, qui se plaît à déjouer toutes les prévisions des mortels. Il frappa d’une maladie inguérissable ce jeune homme, dont le dernier travail fut la traduction des sermons cinquième et sixième, à laquelle il ne put pas même mettre la dernière main.

« Nous livrons au public ce petit ouvrage, dirons-nous en empruntant à Krummacher les paroles qui terminaient la préface du premier volume, nous le livrons au public avec le désir qu’il lui arrive le plus grand honneur qu’un livre, selon nous, puisse avoir dans le monde : celui de trouver un accueil amical auprès des âmes paisibles et ignorées. Et s’il était accordé à ces feuilles plus encore, si elles consolaient çà et là un cœur affligé, relevaient un esprit abattu, et laissaient après elles quelques gouttes d’huile et de baume sur la colline de Sion où elles sont envoyées, qu’au Seigneur seul en revienne toute la gloire. »

Préface du troisième volume

Les deux derniers volumes d’Élie ont été traduits librement ainsi que le titre l’indique. Ce travail a été fait en majeure partie par un des membres de notre Société, par celui qui avait prêté son secours pour achever le premier volume, et qui, par la retraite ou la mort de ses collaborateurs, s’est vu comme obligé de continuer et terminer une œuvre qu’il n’avait jamais eu la pensée d’entreprendre. Aussi n’a-t-il pu donner à un travail qui venait s’ajouter à plusieurs autres, tout le temps qu’il aurait aimé à y consacrer, et il est le premier à reconnaître tout ce que ces deux volumes laissent à désirer sous le point de vue littéraire. Il a usé d’une telle liberté dans sa traduction, que parfois il atteint les limites où commence l’imitation. Il est, sans doute, tel sermon qui a été reproduit aussi exactement qu’aucun du tome premier ; mais il en est d’autres qui ont été abrégés de plus de la moitié, tel que celui de la Prédication par le feu (vol. 2), où la première partie qui est, en allemand, un récit très détaillé de l’histoire de la pythonisse d’Endor a été réduite à quelques lignes ; tel encore celui de l’Apparition de Dieu sur l’Horeb (vol. 2), dans lequel Krummacher a déployé un luxe d’images et de poésie incompatible avec le ton d’un discours religieux en langue française. Toutefois, la traduction est fidèle : elle ne substitue ni n’ajoute rien aux pensées de l’original ; elle n’en néglige aucune de quelque importance ; elle les reproduit dans le même ordre ; les images qu’elle supprime ou tempère sont celles qui blesseraient le goût français ; elle est presque littérale dans les morceaux didactiques, et elle n’abrège et ne resserre que ceux de description ou d’exhortation.

Les journaux religieux ont fait un accueil peu favorable au premier volume, tandis que les libraires nous demandaient avec instance la suite. Nous ne pouvons que rappeler à nos lecteurs le jugement détaillé que nous avons porté de cet ouvrage dans la préface qui est en tête du premier volume, et en particulier ce que nous y disions du talent de Krummacher comme exégète de l’Ancien Testament. Le chrétien qui « juge toutes choses », doit, dans la lecture de cet écrit comme dans celle de tout autre, faire usage de son don de « discernement, » et se souvenir du précepte de saint Paul : « Examinez toutes choses, retenez ce qui est bon. » Or, le bien abonde tellement dans Élie, le sens des Ecritures y est exposé avec tant de vérité, de profondeur et de poésie, les doctrines évangéliques y sont développées avec une foi si vive et si complète, qu’il nous semblerait peu conforme au commandement de l’apôtre de se priver de toutes ces bonnes choses, parce qu’elles ne sont pas pures de tout alliage humain.

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