Histoire des Protestants de France – Tome 2

6.6.
Le Synode luthérien. – La mission intérieure. – L’union des Églises.

Nous ne voulons pas poser la plume sans dire quelques mots d’une Église sœur de la nôtre, et pour laquelle nous ne cesserons jamais d’éprouver les plus vives sympathies. — L’Église de la confession d’Augsbourg a eu cruellement à souffrir de la dernière guerre. Non seulement elle a perdu plus de la moitié de ses membres depuis que l’Alsace n’est plus française, mais elle a perdu aussi, avec la ville de Strasbourg, le centre de son administration ecclésiastique. Affaiblie et désorganisée, elle avait besoin de se reconstituer, de se donner l’unité et la cohésion qu’elle n’avait plus, depuis qu’elle était privée du corps supérieur chargé jusque-là de la direction générale de ses affaires.

C’est pour accomplir cette œuvre de réorganisation devenue nécessaire que fut réuni à Paris, le 23 juillet 1872, le Synode de l’Église de la confession d’Augsbourg.

Les deux tendances qui se partageaient l’Église réformée se retrouvaient au sein de l’Église luthérienne. Mais la lutte n’y avait pas pris ce caractère de violence qui rend la vie commune impossible. Aussi les membres du Synode purent-ils affirmer l’unité de l’Église luthérienne, et sa fidélité aux principes sur lesquels elle avait été fondée.

Le préambule du projet de loi organique voté par le Synode était ainsi conçu :

« Avant de procéder à l’œuvre de réorganisation pour laquelle il a été convoqué, le Synode fidèle aux principes de foi et de liberté sur lesquels les réformateurs ont fondé notre Église, proclame l’autorité souveraine des saintes Écritures en matière de foi et maintient à la base de sa constitution légale la confession d’Augsbourg. »

Quant à la loi organique votée par le Synode, qu’il nous suffise de dire qu’elle donnait à l’Église de la confession d’Augsbourg une constitution synodale analogue à celle de l’Église réformée.

A côté des pasteurs et des inspecteurs ecclésiastiques se trouvent des conseils presbytéraux, des consistoires, des synodes particuliers et un synode général. Les pasteurs sont nommés par les consistoires, qui s’adjoignent à cet effet tous les membres du conseil presbytéral de la paroisse intéressée. Les inspecteurs sont nommés par les synodes particuliers. Le synode général est l’autorité suprême de l’Église. Il veille au maintien de sa constitution, approuve les livres ou formulaires liturgiques qui doivent servir au culte et à l’enseignement religieux, et il juge en dernier ressort les difficultés auxquelles peut donner lieu l’application des règlements concernant le régime intérieur de l’Église.

Les Églises indépendantes de l’Etat ont aussi droit à une mention de notre part. Elles se sont, pendant ces douze dernières années, développées et affermies. Leurs synodes se sont régulièrement réunis ; ils ont maintenu au milieu d’elles la cohésion et l’unité qui sont les conditions même de l’existence des Églises comme de la vie des peuples. Le principe de la séparation de l’Église et de l’Etat a fait, d’ailleurs, en ces derniers temps, beaucoup de chemin dans les esprits. Le jour n’est pas éloigné, peut-être, où ce principe recevra une application plus complète et plus générale, au grand profit selon nous, et de l’Etat et des Églises.

En attendant, l’union de tous les éléments évangéliques du protestantisme français tend à s’affirmer tous les jours davantage. Je n’en veux pour preuve que la fondation récente d’une œuvre nouvelle, — la Mission intérieure, — réunissant sur le terrain de l’alliance évangélique et dans un but commun d’évangélisation populaire « tous ceux qui croient en Jésus-Christ comme en leur Sauveur, et qui veulent travailler à l’avancement de son règne. La Mission intérieure évangélique fut fondée à Nîmes au mois d’octobre 1871. C’était la première fois que se réunissaient les conférences nationales évangéliques depuis nos derniers malheurs. On sentait vivement la douloureuse gravité des circonstances. Ce fut sous le regard de Dieu, et comme par une inspiration irrésistible de son Esprit, que fut votée d’enthousiasme, à la suite d’un éloquent rapport de M. le pasteur Recolin, la fondation de la société nouvelle. Faire appel à toutes les énergies individuelles, réunir en un seul faisceau toutes les forces vives du protestantisme évangélique, pour accomplir, en dehors de toute préoccupation ecclésiastique, une œuvre d’évangélisation et de sainte propagande, tel était le programme de la Mission intérieure. Nous voudrions pouvoir reproduire ici le texte de ses statuts, qui fait si bien connaître l’esprit et le but de la nouvelle société. Nous voudrions aussi pouvoir raconter ce qu’elle a déjà fait et ce qu’elle se propose de faire encore. Mais nous devons nous contenter de renvoyer nos lecteurs au journal que la Société publie à Nîmes sous le nom de Bulletin de la mission intérieure.

Qu’il nous soit permis, en terminant, de rapprocher de ce fait réjouissant un autre fait plus réjouissant encore, parce qu’il nous montre un nouveau progrès accompli dans le sens de l’union entre tous les chrétiens, à quelque dénomination religieuse qu’ils appartiennent.

Les Vieux Catholiques de Genève, en la personne d’un de leurs prêtres les plus distingués, le père Hyacinthe, viennent d’adhérer à l’Alliance évangélique. Le dimanche 11 janvier 1874, dans la salle de la Réformation, où se célébrait le service de clôture de la semaine annuelle de prières, le père Hyacinthe prononçait un mémorable discours. Il y affirmait l’union présente des catholiques réformés et des protestants évangéliques. Et il demandait à Dieu qu’à cette union présente succédât bientôt l’unité future, cette unité promise à l’Église par son divin fondateur. M. le pasteur Coulin, répondant ensuite au père Hyacinthe, lui a tendu, — aux applaudissements enthousiastes de l’immense assemblée, — la main d’association fraternelle.

Recueillons avec joie et avec espérance ces signes précurseurs des temps nouveaux. Rappelons-nous que Celui dont la prière est toujours exaucée a dit, en parlant de ses disciples : « Qu’ils soient un, ô Père, comme nous sommes un ! Hâtons de nos vœux et de nos efforts l’avènement de ce jour glorieux où toutes les barrières tomberont entre les Églises comme entre les peuples, et où il n’y aura plus, selon la parole du Maître, « qu’un seul berger et un seul troupeau ! »

chapitre précédent retour à la page d'index